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LES TABACS ALGÉRIENS
Dans cette revue, nous
nous sommes toujours appliqués à faire ressortir les efforts
réalisés par les populations rurales de l'Algérie
dont l'activité, en se manifestant sous les formes les plus diverses
de la culture, est arrivée, en cent ans, à métamorphoser
ces contrées au point qu'elles permettent aujourd'hui les plus
légitimes espérances.
Un siècle, dont la moitié et plus a été
absorbée par les difficultés de pacification, d'organisation,
de pénétration, d'installation : en un mot de transformation
d'un pays en retard d'un millénaire et de son adaptation à
nos méthodes nouvelles, c'est un laps de temps en vérité
bien court, pour les résultats obtenus que l'on ne peut contempler
sans une juste fierté. Tout au long de notre immense territoire,
ce qui fut, sous la domination des Deys, plaines arides, marécages,
steppes, est devenu, grâce aux efforts combinés d'une administration
prévoyante et d'hommes hardis, tenaces, audacieux et entreprenants,
champs fertiles, vignobles opulents, vergers fructueux, créés
autour de bourgs prospères et de villes florissantes.
Et c'est ainsi que de Ghardimaou à Oudjda, le voyageur émerveillé
parcourt des domaines sans fin, débarrassés des influences
ethniques, méthodiquement assolés, où se peuvent
admirer, ainsi que nous l'avons indiqué dans de précédents
numéros, les cultures de céréales, des vignes,
d'agrumes et aussi ces essais récents, mais pleins de promesses,
d'industrie cotonnière, et encore ces vastes étendues
de tabac auxquelles nous allons, aujourd'hui, consacrer cette étude.
Cependant, avant d'entrer dans le cur du sujet et pour l'intelligence
de ce qui va suivre, il nous parait indispensable de donner sur la production
mondiale du tabac un rapide aperçu.
A part ceux dont les Gouvernements, pour des raisons fiscales, en ont
interdit la culture, ce qui est le cas de l'Angleterre et de certaines
de ses dépendances, notamment l'Égypte, tous les pays
des zones tempérée et tropicale produisent du tabac. Mais
les variétés récoltées diffèrent
d'une contrée à l'autre et tout comme le vin, le tabac
a ses crus. Les plus réputés sont : Cuba (tabac de la
Havane avec lesquels sont fabriqués les meilleurs cigares connus);
le Brésil, qui fournit aussi un très gros appoint pour
le cigare ; les Îles de la Sonde (Sumatra et Java, dans l'ordre
de leur réputation), dont le tabac a des feuilles d'une finesse
de nervures et d'élasticité de tissu qui le place au premier
plan pour l'enrobage des cigares ; les Philippines (cigare de Manille)
; les États-Unis (le plus gros producteur du globe), où
se distinguent plus particulièrement les États de Kentucky,
Virginie. Maryland. Floride, Ohio,, etc., dont les récoltes sont
exclusivement employées à la confection des cigarettes
et des scaferlatis, et qui doivent leur réputation non seulement
à leurs qualités intrinsèques, mais aussi à
la perfection de leur triage. Enfin, la Macédoine et la Turquie
fournissent des tabacs à feuilles exiguës, fauves ou blondes,
légères, très aromatiques, d'une grande valeur
marchande et qui constituent le meilleur de ce qui rentre dans la fabrication,
si appréciée des dames, des cigarettes dites anglaises
ou égyptiennes,
En France, aucun produit ne se signale d'une façon particulière.
La culture du tabac est du reste limitée à 25 départements
et, dans chaque arrondissement autorisé, la superficie y est
strictement circonscrite. Les départements les plus réputés
sont : la Dordogne, le Lot-et-Garonne, l'Isère, le Lot et la
Gironde. Dans l'ensemble, la récolte française se chiffre
par 150 ou 200.000 quintaux.
Et nous arrivons alors aux tabacs algériens. Leur qualité
? Elle est bien difficile à définir. On sait, en effet,
que la coutume est admise de désigner le tabac par le nom du
pays où il est cultivé et, par pays, il faut entendre,
suivant le cas, l'État, la province, l'île, le vilayet
ou la ville aux environs de laquelle on le récolte. C'est ainsi
que l'on dit : du Brésil, du Paraguay, du Kentucky, du Maryland,
du Sumatra, du Samsoun, du Xanthie, du Havane, du Manille, du Delhi,
etc.. Pour bien spécifier les variétés cultivées
en Algérie, il faudrait donc que nous recherchions les caractéristiques
tant physiologiques que chimiques, ce qui nous entraînerait à
des considérations techniques dépassant le cadre de notre
revue.
Il nous suffira, pour apporter sur cette partie de notre étude
un suffisant éclaircissement, de dire que dans notre Colonie,
où cette culture est relativement récente - à part
les tribus des Khachenas et des Ouled-Chebel où se cultivait,
sous la domination turque, une variété analogue à
celle de Samsoun, - il a été introduit à des époques
différentes, des espèces qui se sont hybridées
avec celles déjà existantes, ce qui a produit des types,
d'ailleurs assez mal définis et désignés comme
suit par les planteurs : Cabot, Ferhana et Arbi, dans la région
de Bône : Colon, Mille-feuilles, Guarn-el-Maza, dans celle de
Bordj-Ménaïel ; Spada et Colon, dans celle de l'Alma-Fondouck,
Pastoureau et Bou-Kbouba, dans l'Ouest de la Mitidja et notamment dans
les régions de cultures irriguées (Boufarik, Rivet, Blida).
On trouve encore, dans les régions de Kerrata et dans le Souf
(El-Oued), une sorte appelée Bersili dont les feuilles sont pétiolées.
Elle est à peu près exclusivement consommée par
les Berbères, en Algérie, au Maroc et en Tunisie. Ses
feuilles sont concassées, mélangées avec du sel
natron ou des cendres de certains végétaux (laurier-rose,
figuier, etc.). Le mélange se prise ou se chique et les autochtones
le désignent sous le nom de Chemmâ ou Makla.
Jusqu'ici aucune méthode scientifique n'a été,
en réalité, suivie en Algérie pour obtenir une
sélection qui semble cependant indispensable. C'est, en général,
un indigène, appelé bahar ou khammès qui, seul,
s'occupe de la culture, choisit les sujets reproducteurs et récolte
la graine pour l'année suivante, sans se préoccuper des
perturbations dans la fécondation, ni de la pollinisation indirecte,
dues aux abeilles ou à d'autres insectes butineurs.
On peut signaler cependant des essais de cultures de tabacs étrangers
tentés depuis 1924 sous les auspices de la Station agronomique
de Barral, par un spécialiste de très haute valeur, M.
Jehan. Mais ces essais sont encore trop récents pour qu'on en
puisse prévoir déjà les résultats.
D'autre part, certaines coopératives et notamment la Tabacoop
de Bône s'efforcent de sélectionner les variétés
recollées par leurs adhérents auxquels elles distribuent
des graines minutieusement cataloguées. Mais ce n'est que dans
un certain nombre d'années que se pourront faire ressentir les
effets des initiatives que nous signalons.
Si, dans la Métropole, la fabrication et la vente du tabac sont
monopolisées par l'État, si la culture y est contingentée
et ne peut être entreprise, dans les arrondissements désignés,
qu'après une autorisation délivrée par une "
Commission des permis ", si le planteur s'engage à livrer
la totalité de ses produits à l'Administration des Manufactures
de l'État à des prix fixés annuellement par qualités
et en suite d'une expertise effectuée par des Commissions mixtes
composées des représentants de l'Administration et des
planteurs, en Algérie, il n'en est pas de même : la culture,
la fabrication et la vente sont libres sous la seule réserve
que le tabac consommé en Algérie ait payé des droits
qui, depuis 1907, date de l'établissement de l'impôt, se
sont accrus d'une façon sensible. (En 1917. le tabac payait 1
fr. 50 de droit par kilo et actuellement il en paye 9 fr. 50 et ceci
sur un prix moyen de 20 francs le kilo.)
En 1924. le total des droits perçus a été de 38
millions 967.595 fr, 93.
Pour terminer, voici quelques chiffres qui donneront une idée
à peu près exacte : 1° du développement de
la culture du tabac en Algérie, 2° de sa répartition
dans les trois départements, 3° des fluctuations de la production,
et 4° de la position de l'Algérie par rapport aux autres
pays producteurs :
1° En 1924 on comptait, en Algérie, 19.472 planteurs cultivant
22.335 hectares ayant produit 174.988 quintaux de tabac ;
2° Cette production totale se répartissait ainsi : Alger
: 8.935 planteurs, 12.140 hectares, 112.863 quintaux ; Constantine :
9.179 planteurs, 10.112 hectares, 60.283 quintaux (ces chiffres comprennent
4.418 planteurs, 796 hectares et 3.699 quintaux de tabac à priser)
; Oran : 86 planteurs, 34 hectares. 797 quintaux (exclusivement de tabac
à priser) ; Territoires du Sud : 1.272 planteurs, 49 hectares,
1.045 quintaux (également de tabac à priser) ;
3° En 1925. les chiffres se sont sensiblement accrus : le total
de la production s'inscrit de la façon suivante : 21.762 planteurs,
32.632 hectares, 295.528 quintaux se répartissant ainsi ; Alger
: 10.501 planteurs, 16.452 hectares, 168.745 quintaux (tabac à
fumer) ; Constantine : 10.416 planteurs, 16.106 hectares, 125.300 quintaux
(dont 4.407 planteurs, 798 hectares, 6.732 quintaux de tabac à
priser) ; Oran : 81 planteurs, 43 hectares, 883 quintaux (tabac à
priser) ; Territoires du Sud : 703 planteurs, 31 hectares, 620 quintaux
(tabac à priser) ;
4° Enfin, voici un aperçu de la production mondiale et de
la place occupée par l'Algérie, place qui s'est modifiée
en notre faveur, puisque la statistique que nous donnons date de 1923,
qui est la dernière parue :
1. États-Unis
6.240.000 quintaux .
2. Brésil 740.000 -
3. U. R. S. S. (Russie) 645.000.
4. Indes Néerlandaises 635.001
5. Japon 612.000
6. Philippines 473.000
7. Grèce 312.000
8. Bulgarie 267.000
9. France 227.000
10. Allemagne 221.000
11. Italie. 192.000
12. Hongrie 181.000
13. Algérie 173.000
1 I. Corée 132.000
15. Roumanie 124.000
10. Argentine 122.000
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D'après les chiffres
que nous avons donnés plus liant, l'Algérie prendrait
actuellement la huitième place, car les totaux connus jusqu'à
présent ne modifient pas sensiblement la production des autres
pays.
Et maintenant, il nous reste, pour clore cette étude évidemment
incomplète, parce que trop rapide, à remercier le Service
de la Culture du Tabac du Gouvernement Général à
l'obligeance duquel nous devons la plus grande partie de notre documentation.