PREMIÈRE PARTIE
:
LES PRODUCTIONS VÉGÉTALES
IV.
- Les fruits, les légumes, les primeurs
------Les hivers
doux et humides des régions voisines du littoral algérien
sont éminemment favorables à la production hâtive
des fruits et des légumes qui, arrivés les premiers sur
les marchés de consommation, prennent de ce fait le nom de primeurs.
Culture rémunératrice, car les primeurs se vendent cher,
elle ne pouvait que tenter les colons algériens. Aussi devons-nous
nous attendre à la rencontrer en Algérie partout où
cela est possible.
------Deux
facteurs président à l'établissement des cultures
de primeurs : le climat, qui doit être tiède et humide
en hiver ; l'écoulement facile des produits, par le moyen
de transports rapides vers les centres de consommation.
------Le
climat, dans toute la région littoralienne et en de nombreux
points de la dépression sublittorale, est nettement favorable.
------Voyons
la seconde condition. Pour que la culture des primeurs soit rémunératrice,
il importe que les produits puissent parvenir rapidement, en quelques
jours seulement, sur les lieux de consommation, afin de n'y être
pas concurrencés par d'autres produits arrivant en même temps.
Les lieux de vente sont toute l'Europe du Nord, depuis l'Angleterre jusqu'à
la Pologne, en passant par la France, la Belgique, la Hollande, l'Allemagne.
Arriver avant les produits de Provence, d'Espagne
ou d'Italie, tout est là, sans quoi les primeurs algériennes
perdraient la moitié de leur valeur
------Il faut
donc que les cultures se trouvent à proximité d'un port
d'embarquement ; que, de ce port, partent fréquemment, à
destination de l'Europe, des paquebots rapides; que, depuis le port européen
de débarquement, l'acheminement vers les centres de consommation
soit effectué aussi rapidement que possible.
------Voilà,
en somme, qui réduit sérieusement les zones où la
culture des primeurs est économiquement possible. En Algérie,
les conditions ne sont entièrement remplies qu'aux abords immédiats
des grands ports : Alger, que des services rapides presque quotidiens
relient à la France; Oran, puis
Philippeville et Bône. C'est à proximité de ces villes
que nous trouverons les cultures les plus importantes, et en particulier
les cultures de légumes ; plus loin, mais s'en écartant
assez peu, se rencontreront les cultures fruitières, dont les produits
moins fragiles peuvent supporter des transports plus longs.
------Au nombre
des légumes produits en Algérie il faut citer, par ordre
d'importance : les pommes de terre nouvelles, les tomates, les artichauts,
les haricots verts, les carottes, les petits pois, les fèves, les
courgettes, le fenouil, etc... Parmi les fruits : les agrumes (oranges,
mandarines, citrons, cédrats, etc...), les figues, les raisins
de table, les prunes. les abricots, les amandes, etc... Bien que les dattes
soient généralement classées au nombre des fruits,
c'est à dessein que nous ne les mentionnons pas dans cette liste
: d'abord parce qu'elles ne proviennent pas du Tell, mais sont une production
saharienne ; ensuite parce qu'elles ne sont pas des fruits de primeur
et que leur valeur intrinsèque est indépendante de l'époque
de leur production; elles feront tout à l'heure, après les
fruits et légumes du Tell, l'objet
d'une rubrique spéciale.
------Les
agrumes. - On donne le nom générique
d'agrumes aux arbres appartenant au genre botanique des citrus. Cette
appellation commode, d'origine . italienne, permet de dénommer,
sans confusion possible, toute une catégorie d'arbres, et au surplus
leurs fruits. A cette catégorie appartiennent les orangers, les
mandariniers, les citronniers les cédratiers, les pamplemoussiers,
etc...
------La culture
des agrumes est délicate, car elle exige une température
moyenne élevée et des sols frais ou facilement irrigables,
mais s'accommode mal du voisinage immédiat de la mer. C'est donc
dans les vallées abritées et dans les plaines de la dépression
sublittorale, où le sol est humide, ou, qui présentent des
possibilités d'irrigation, que nous rencontrerons les principales
plantations : les plaines d'Oran, du Sig et de l'Habra, la vallée
de la Mina, dans le département d'Oran, la plaine du Chéliff
aux environs d'Orléansville, et la Mitidja dans le département
d'Alger, les plaines de Bône et de Philippeville dans le département
de Constantine.
------Culture
d'importation très ancienne, elle s'est vite implantée en
Algérie. Limitée toutefois, avant l'occupation française,
à quelques vergers, elle a pris un essor
remarquable du fait de notre colonisation. ------Cela
n'a pas été sans à-coup, d'ailleurs, car la concurrence
des agrumes espagnoles et italiennes, sur tous les marchés européens,
est sérieuse. Mais les plantations n'en couvrent pas moins de 8.000
hectares, dont plus de la moitié se trouve dans le département
d'Alger, et plus particulièrement dans toute la bordure méridionale
de la Mitidja. C'est là que se trouvent les plus anciennes orangeries
de la colonie.; les agrumes y sont à tel point répandues
que les rues de Blida sont bordées d'orangers, comme à Paris
on orne les boulevards de marronniers ou de platanes. Les cultures plus
récentes des départements d'Oran et de Constantine occupent,
chacune, 2 000 hectares, et sont en progression constante : en moins de
dix années elles se sont accrues de 5 à 600 hectares.
------La production
moyenne des agrumes algériennes peut être évaluée
à 800.000 quintaux de fruits ; assez variable d'ailleurs, elle
oscille entre 600.000 et 1 million de quintaux. La plus forte production
moyenne est celle du département d'Alger, dont les plantations,
anciennes, donnent 500.000 quintaux ; dans le reste de la colonie, les
plantations plus récentes, dont une partie n'est pas encore en
pleine production, fournissent un rendement moindre : 125.000 en Oranie,
140.000 dans le département de Constantine.
------L'oranger
est, de toutes les agrumes, le plus répandu ; plus de 4.000 hectares
lui sont cônsacrés et produisent, bon an mal an, 350.000
quintaux de fruits rigoureusement sélectionnés et fort appréciés
sur les marchés de France et de l'étranger; les oranges
algériennes, dont les variétés sont nombreuses, sont
souvent classées parmi les qualités
de luxe, et celles de Blida ou de Bougie font prime sur le marché
londonien.
------Le
mandarinier n'est pas beaucoup moins important que l'oranger.
Plus de 3.000 hectares ont une production voisine de 400.000 quintaux.
La mandarine d'Algérie est goûtée du consommateur
européen ; la première venue sur les marchés extérieurs,
où elle fut longtemps la seule, elle a su y conserver, par sa qualité,
sa saveur, son bel aspect, une place prépondérante, malgré
la concurrence des mandarines espagnoles. Une mention spéciale,
parmi les mandarines, doit être faite à la clémentine
: très précoce, elle paraît avant les autres agrumes
et, de ce fait, se vend à des prix élevés; bien qu'elle
soit d'introduction toute récente, elle a été aussitôt
adoptée par le consommateur de Paris ou de la province ; un bel
avenir lui est réservé en Algérie.
------Une
place bien moins importante est donnée aux autres agrumes : citrons,
cédrats, kumquats, chinois, pamplemousses, etc... 700 hectares
à peine produisent 40 à 50.000 quintaux de fruits, consommés
en grande partie sur place.
------Cette
consommation locale, on s'en doute, est importante ; ces fruits de choix
trouvent facilement preneurs dans le pays. Il ne reste libre, pour l'exportation,
que le quart environ de la récolte ; cela représente un
peu plus de 200.000 quintaux de fruits, chiffre qui n'est pas négligeable.
Les mandarines et les clémentines constituent la majeure partie
des exportations, 150.000 quintaux ; les expéditions d'oranges
portent sur 50.000 quintaux ; les envois de citrons 3 000 quintaux) sont
négligeables. Ces exportations valent 25 millions de francs.
------C'est
la Métropole qui en absorbe la plus grande quantité; mais
l'Algérie trouve à l'étranger d'intéressants
débouchés, notamment pour ses mandarines : Angleterre, Suisse,
Hollande, Belgique, Allemagne, Danemark, etc... sont autant de clients
de plus en plus importants.
------Les
raisins de table. - L'Algérie produisait, dès avant
a conquête, des raisins de table pour la consommation locale; ceux
de Kabylie, par exemple, étaient fort appréciés.
------Mais
la production en était assez peu importante et n'avait aucun rapport
avec celle d'aujourd'hui.
------C'est
vers la production de fruits précoces, et principalement du chasselas
de Fontainebleau, introduit en 1860, que s'est nettement tournée
la culture du raisin de table. En certains points du littoral particulièrement
bien exposés, on rencontre de ces cultures, petites parcelles entourées
de haies artificielles, de roseaux ou de lentisques qui protègent
les vignes contre le siroco et les vents marins : le chasselas de Guyotville,
près d'Alger, est renommé ; tout le littoral algérois
se prête à cette culture; celui de Mostaganem et d'Arzew,
de Bône et de Philippeville aussi.
------La date
précoce à laquelle mûrit le chasselas en Algérie
(dès les premiers jours de juillet) et son excellente qualité
permettent de l'écouler facilement, longtemps avant celui du midi
de la France, sur les marchés de consommation. Aussi fait-il l'objet
d'une importante exportation 50.000 quintaux, valant une dizaine de millions,
sont chaque année expédiés en France (d'où
ils sont souvent réexportés) et à l'étranger.
------Les
prunes. - Aux premiers jours de mai, on voit apparaître
sur les marchés de Paris et de Londres les premières prunes
algériennes. Elles arrivent de la Mitidja, des plaines du Sig et
de l'Habra, des environs de Bône et de Philippeville, de la région
de Miliana. Les arrivages se succèdent, de plus en plus importants;
et jusqu'à la fin de l'été les marchés reçoivent
des prunes d'Algérie. Plus d'un million de kilogs sont ainsi expédiés
de la colonie, qui consacre à cette culture des superficies croissantes.
------On compte
que, dans peu d'armés, lorsque les nouvelles plantations seront
en plein rapport, le chiffre des exportations sera décuplé.
------La culture
de la prune est surtout destinée au commerce d'exportation. Les
variétés cultivées sont en effet spécialement
choisies pour répondre au goût de la clientèle extérieure
il faut mentionner tout spécialement la prune japonaise, qui prend
une réelle importance parmi les primeurs d'Algérie; c'est
un beau fruit de choix fort goûté du consommateur anglais
; sa précocité - il mûrit dès le début
de juin - lui donne une grande valeur, et sa maturité qui se prolonge
jusqu'en août lui permet d'alimenter longtemps ies marchés.
On fonde beaucoup d'espoirs sur cette culture.
------Les
figues sèches. - La figue ne devrait pas être classée
parmi les primeurs d'Algérie, car ce n'est pas en tant que primeur
qu'elle occupe sa véritable place dans l'économie algérienne,
à part un très petit commerce de figues fraîches,
qui trouvent surtout des débouchés dans la consommation
locale ; c'est en effet le fruit séché qui intéresse
l'exportation. Mais le figuier est un arbre du Tell; à ce titre,
il semble nécessaire de le citer avec les cultures arbustives de
cette région.
------Ce n'est
pas un arbre d'introduction récente; de tout temps l'indigène
l'a cultivé avec soin et a tiré de la figue sèche
un des principaux éléments de son alimentation. C'est en
Kabylie surtout que le figuier est l'objet des préoccupations du
cultivateur, car on estime à 700 kilos la quantité de figues
sèches consommées annuellement par une famille kabyle de
six personnes : dans ces populations très prolifiques, qui s'accroissent
chaque année, il importe que l'une des sources de leur alimentation
s'accroisse proportionnellement ; aussi le nombre des figuiers augmente-t-il
sans cesse. On en compte actuellement, dans toute l'Algérie. 5
à 6 millions.
------La consommation
locale, avons-nous dit, n'est pas le seul débouché des figues
sèches d'Algérie. L'exportation absorbe en effet plus de
cent mille quintaux, expédiés par les ports d'Alger et de
Bougie. La majorité est destinée à la consommation
de table, et concurrence heureusement les produits smyrniotes, espagnols
et italiens. Mais une certaine quantité est destinée à
des usages industriels dont l'un des plus curieux est la fabrication du
café de figues. La consommation de ce succédané du
café est importante en Europe Centrale, et surtout en Autriche
et en Tchécoslovaquie, où existent plusieurs usines qui
se livrent à la torréfaction des figues de qualité
inférieure. C'est un débouché sérieux pour
quelques produits d'Algérie. On utilise aussi les figues pour la
fabrication de l'alcool.
------Il y
aurait beaucoup à faire, semble-t-il, pour améliorer en
Algérie les procédés de séchage des figues.
L'indigène, en effet, se contente d'étaler les fruits au
soleil pendant quelques jours. Survienne un été pluvieux,
c'est toute la récolte qui, faute de séchage, se trouve
compromise. Peut-être serait-il avantageux d'installer dans les
principaux centres de production des fours spéciaux : le supplément
de dépense serait facilement compensé, et au-delà,
par l' augmentation certaine du, prix de vente.
------Autres
fruits. - D'autres cultures fruitières existent en Algérie,
mais dans de moindres proportions : pêches, brugnons, abricots,
nèfles, amandes mûrissent quinze jours avant leurs similaires
de la Métropole; ces fruits s'écoulent facilement, tant
sur place que sur les marchés français. La fraise, qui paraît
dès le mois de février, trouverait certainement une vente
facile à l'extérieur, mais sa fragilité en interdit
presque entièrement l'exportation.
------Certains
de ces fruits, après séchage, alimentent un certain commerce
d'exportation: c'est le cas des amandes, produites principalement
dans les régions de Miliana, de Médéa, de Cherchell
et d'Aïn-Bessem, et de l'abricot, dont les vergers
de l'Aurès ournissent de grandes quantités.
------Les
pommes de terre nouvelles. - La pomme de terre nouvelle est, des
cultures de primeur d'Algérie, la plus importante peut-être.
Les hivers exceptionnellement doux du littoral sont en effet éminemment
favorables à son extension, qui est remarquable. Aussi couvre-t-elle
chaque année, dans les environs immédiats des grands ports
d'exportation, une superficie moyenne de 10.000 hectares, dont plus de
la moitié à proximité d'Alger, dans le Sahel Algérois
et la Mitidja.
------Les
premières expéditions peuvent se faire dès novembre;
elles arrivent sur les marchés européens bien avant les
envois d'Espagne, longtemps avant ceux de Bretagne.
------Mais
cette culture à contre-saison - les semis ont lieu en août
et septembre - ne donne que de très faibles rendements : il faut
un quintal de semence pour récolter 2, 3, plus rarement 4 ou 5
quintaux. On le voit, la pomme de terre nouvelle d'Algérie n'acquiert
sa réelle valeur que dans son extrême précocité.
------Bon
an- mal an, cependant, la production algérienne atteint 400.000
quintaux, exportés pour la plus grande part, et rapportant de ce
fait une cinquantaine de millions de francs.
------Les
semences, toutefois, dégénèrent en Algérie;
il faut les renouveler souvent et acheter en Bretagne, en Angleterre,
en Hollande, des pommes de terre destinées à la plantation.
------Les
tomates, -- On distingue en Algérie trois périodes
d'exportation de la tomate : la première va de novembre à
janvier, la seconde a lieu au printemps, la troisième s'étend
de mai à juillet et août.
------Plus
de 100.000 quintaux, valant une dizaine de millions, sont expédiés
chaque année dans différents pays. Mais la consommation
locale absorbe de grandes quantités. D'importantes usines, établies
dans les centres de production, et principalement à Bône,
utilisent les fruits tardifs pour la fabrication de purées et de
concentrés ; c'est là une industrie prospère en Algérie,
qui est assurée de trouver des débouchés étendus.
------Autres
légumes. - D'autres légumes sont également
cultivés en Algérie comme primeurs ; nous nous contenterons
de les citer, en indiquant, pour les principaux, le volume des exportations
auxquelles donnent lieu ces cultures les artichauts
: 70 à 80.000 quintaux valant 10 millions, les
haricots verts : 40.000 quintaux, valant 12 millions, les
petits pois : 15 à 20.000
quintaux, valant 2 à 3 millions, les carottes
: 30.000 quintaux, valant 1 à 2 millions, les courgettes,
le fenouil, les navets, les patates, l'ail, etc...
------Les
Dattes. - A un double point de vue la datte joue en Algérie
un rôle considérable : rôle intérieur, parce
qu'elle est presque l'unique ressource du Sahara et qu'elle constitue
l'aliment principal de ses habitants ; rôle extérieur, car
elle fournit à l'exportation un contingent d'une soixantaine de
millions de francs.
------Arbre d'importation très ancienne,
le palmier-dattier représente pour les oasis du Sahara une richesse
inestimable que l'on pourrait chiffrer par milliards de francs. Grâce
à sa grande résistance aux écarts de température
du désert, il est par excellence l'arbre du Sahara, qu'il a permis
de vivifier en bien des points. " La tête
dans le feu et les pieds dans l'eau ", dit le proverbe
arabe; ce dicton énumère en quelques mots ses exigences
: de la chaleur, du soleil, et beaucoup d'humidité.
------De la chaleur, on en trouve partout
dans le Sahara, qui est, pourrait-on dire, le fils du soleil. Mais de
l'eau, cela est plus rare. Il existe toutefois, à des profondeurs
variables dans le sous-sol, des nappes d'eau plus ou moins importantes.
Ce sont quelquefois, comme dans le M'Zab, de véritables rivières
souterraines coulant à quelques mètres de profondeur : il
suffit, pour arroser les palmiers, de creuser des puits et de puiser l'eau.
Ou bien, comme dans le Souf, l'eau affleure ; en établissant les
jardins à quelques mètres plus bas que le niveau du sol,
dans des sortes de cuvettes, le palmier trempe ses racines dans un terrain
gorgé d'eau. Mais, le plus souvent, la nappe d'eau se trouve à
cent mètres, plusieurs centaines de mètres de profondeur,
et le puits à creuser devient une oeuvre de géant; l'eau,
sous pression, jaillit à gros débit. Si l'eau est rare et
n'est pas assemblée en une nappe unique, il faut, une fois le puits
foncé, creuser des galeries souterraines,
longues souvent de plusieurs kilomètres, qui captent l'eau éparse
dans le sous-sol. Grâce à ces pénibles travaux, effectués
souvent encore à mains d'hommes, les populations sédentaires
des oasis peuvent arroser leurs palmiers et les cultures qu'ils abritent.
Mais de plus en plus le travail humain fait place à la sonde moderne
: dans le Sud Algérien, plusieurs ateliers militaires, munis d'instruments
perfectionnés, foncent à de grandes profondeurs, en quelques
semaines, parfois en quelques jours, des puits artésiens qui donnent
aux indigènes la possibilité de revivifier des palmeraies
dépérissantes et d'étendre leurs plantations.
------Les bienfaits
de la colonisation française n'ont pas seulement consisté
en ces travaux hydrauliques ; elle a aussi perfectionné
la culture du dattier et fait connaître à l'indigène
des méthodes de plantation, d'entretien, de cueillette plus modernes
et plus rémunératrices.
------Tant et si bien qu'à l'heure
actuelle les palmeraies du Sud Algérien non seulement procurent
une abondante nourriture aux populations sahariennes et à leurs
animaux - on alimente en partie les chameaux avec des noyaux de dattes
- mais donnent lieu à un commerce d'échanges très
important avec l'Algérie du Nord (Tell et HautsPlateaux) et fournissent
à l'exportation des quantités appréciables de dattes.
------On estime à 4 à 700,000
quintaux la quantité utilisée pour l'alimentation des Sahariens,
2 à 300 000 sont expédiés dans le Nord, le plus souvent
ar l'intermédiaire des tribus nomades qui vont estiver dans des
régions moins arides et qui, au retour, rapportent aux Sahariens
les céréales du Tell. Quant à l'exportation, elle
représente plus de cent mille quintaux.
------L'extension des palmeraies algériennes
mérite d'être signalée : depuis 1913, le nombre de
palmiers s'est en effet accru de plus de 2 millions d'unités :
c'est, en une uinzaine d'années, une augmentation supérieure
à 40 %. On compte actuellement près de 7 millions de dattiers.
Les huit dixièmes environ sont en plein rapport et produisent 1
million et demi de quintaux de dattes ; le reste est constitué
par des arbres nouvellement plantés qui ne produiront que dans
quelques années. Lorsque les 7 millions de palmiers existant seront
en plein rapport, on pourra compter sur une production annuelle de 2 millions
de quintaux de fruits.
------On distingue trois variétés
de dattes
------1°/Les
deglet-nour,les meilleures et les plus fines, très sucrées
; leur transparence leur a fait donner ce nom de "déglet-nour",
ou deglet-en-nour, qui signifie doigt de lumière.
------On ne compte qu'un million à
peine de dattiers deglet-nour; ce nombre augmentera encore - il a doublé
en quelques années - au détriment des autres variétés,,
de valeur moindre, car le produit très recherché, dans le
monde entier alimente presqu'entièrement l'exportation et, de ce
fait, est d'une grande valeur. La production des deglet-nour atteint actuellement
300.000 quintaux de fruits.
------2°/ Les
ghars, très molles, à chair très sucrée
gorgée d'un sirop très fluide. On place les fruits en tas
; on recueille le sirop ou miel de dattes ; les fruits, dégorgés,
sont entassés ensuite dans des sacs en poils de chameaux ou des
peaux de chèvres pour former le pain de dattes, aliment principal
des caravanes, qui se conserve très longtemps. 3 millions et demi
de palmiers ghars produisent 600.000 quintaux de dattes. Le mot ghars,
ajoutons-nous, signifie robuste ; il vient de la rusticité du palmier
appartenant à cette variété.
------3 ° Les
degla-beïda sont des dattes sèches, c'est-à-dire
ne contenant pas, comme les précédentes, un miel sirupeux.
Leur couleur blanchâtre leur a fait donner le nom de degla-beïda
qui signifie doigt blanc. 2 millions
et demi de palmiers degla-beïda fournissent un peu plus de 600.000
quintaux de fruits.
------Commercialement, on distingue deux
sortes de dattes : les dattes fines, qui sont les deglet-nour,
et les dattes communes, qui sont les ghars et les degla-beïda.
------Ces dernières, jusqu'à
présent, n'intéressent guère l'exportation; quelques
milliers de quintaux, tout au plus, sont expédiés au Sénégal,
pour la consommation des indigènes, et en Espagne, qui les utilise
pour la fabrication de l'alcool.
------Cent kilos de dattes fournissent en
effet 25 litres d'une très bonne eau-de-vie. La presque totalité
des dattes communes est consommée par la population indigène.
------Bien plus intéressantes sont
les dattes fines. L'Algérie est à peu près le seul
pays à en produire de grandes quantités. Cent à cent
cinquante mille quintaux sont exportés chaque année, à
destination de Marseille principalement ; là existent de puissantes
maisons, disposant d'importants débouchés, qui procèdent
au triage des fruits, à leur mise en boîtes et à leur
réexpédition dans le monde entier.
|
|
------Mais
en présence d'une production accrue dans des proportions considérables,
il importe que les expéditeurs algériens étendent encore
leurs débouchés. Ils s'y emploient d'ailleurs activement et
s'efforcent de nouer, avec les marchés extérieurs, des relations
directes; ils ont déjà obtenu de bons résultats, car
les exportations vers l'étranger. qui étaient de 3.000 quintaux
en 1913, sont passées, en, 1928, à plus de 11.000 quintaux
: la Tunisie, le Maroc, l'Angleterre achètent à l'Algérie
des quantités croissantes de dattes.
-
-----Conserves
de fruits et de légumes. Confitures.
------On ne saurait parler de la culture, des fruits
et des légumes en Algérie sans dire quelques mots d'une industrie
qui en est la conséquence et qui utilise une partie de la production
la confiturerie et la fabrication des conserves.
------Une telle extension des cultures fruitières
et maraîchères et une aussi grande variété de
produits devaient avoir en effet pour corollaire immédiat la création,
dans les grands centres de production, de cette industrie de transformation.
Tout en permettant d'accroître la récolte en lui assurant une
vente constante, elle a l'avantage d'utiliser des fruits ou des légumes
qui, sans être de mauvaise qualité, sont impropres à
la vente pour l'exportation, soit parce qu'ils sont trop mûrs ou qu'ils
n'ont pas bel aspect ou qu'ils sont d'une maturité trop tardive;
en cas de mévente, enfin, ou de récolte trop abondante, elle
procure un débouché presqu'illimité pour les produits
dont on ne trouve pas le placement.
------Son rôle économique est
indéniable : bien des produits inexportables, que l'on jetait autrefois,
sont maintenant transformés, et le cultivateur y trouve un surcroît
de bénéfices. Cet intérêt, d'ailleurs, n'a pas
échappé aux producteurs eux-mêmes, et l'on peut citer
tel groupement agricole de la Mitidja qui a installé une importante
usine de confitures où il utilise les produits de ses adhérents
qu'il ne peut exporter.
------Les usines sont nombreuses; avec l'accroissement
de la production, leur nombre s'accroîtra encore : il en existe à
Alger, à Oran, à Orléansville, à Perrégaux,
à Relizane, à Bône, à Bougie, à Constantine,
à Boufarik. Elles produisent toutes sortes de confitures de fruits,
des fruits confits, des conserves de légumes (petits pois, haricots,
artichauts, etc...), des purées et des concentrés de tomates.
Une grande partie de la consommation locale est assurée par ces fabriques
qui sont à même de répondre à tous les goûts
de la clientèle. Elles peuvent même exporter des quantités
de confitures et de conserves qui s'accroissent tous les ans : 10 à
15.000 quintaux de conserves de légumes, 2 à 3.000 de confitures,
2 à 300 de fruits confits, pour une valeur totale d'une dizaine de
millions de francs.
V.
-- Productions alimentaires secondaires
------Nous avons indiqué
quelle était l'orientation générale de l'agriculture
algérienne; qu'au premier rang venait la culture des céréales,
qui reste encore la plus importante, malgré la concurrence que
lui fait depuis trente ou quarante ans la vigne ; que l'olivier et la
production fruitière et maraîchère sont deux autres
richesses d'une grande valeur. Mais notre nomenclature ne serait pas complète
si nous passions sous silence les autres productions alimentaires.
------Elles couvrent chaque année
plus de cent mille hectares, et fournissent huit à neuf cent mille
quintaux de produits, dont une grosse partie est consommée sur
place et dont le tiers environ est livré à l'exportation.
Prises en bloc, elles représentent un capital en puissance de plus
d'un milliard de francs; aussi ne faut-il pas les négliger.
------Les légumes secs doivent être
cités en premier. Peutêtre aurait-on pu en parler avec les
céréales, car leur culture en est en quelque sorte la complémentaire.
C'est en effet sur les terres à céréales que sont
semés les légumes secs, soit qu'ils occupent le sol dans
le courant de la jachère, soit que, si le temps est favorable,
leur culture soit entreprise sur des terres qui, destinées primitivement
à une céréale, n'ont pu être ensemencées
à l'automne ou au début de l'hiver.
------Ils couvrent chaque année 90.000
hectares et produisent entre 4 et 500.000 quintaux de graines.
------C'est l'Oranie qui leur consacre les
plus grandes superficies, qui représentent la moitié au
moins de celles complantées en légumes secs dans toute l'Algérie;
les cultures, en développement constant, y sont d'ailleurs particulièrment
bien soignées, car on y récolte à peu près
les six dixièmes de la production totale. Les cultures canstantinoises
et algéroises sont beaucoup moins développées et
restent à peu près stationnaires.
------Les fèves
et les fèveroles sont, pour
l'Algérien, européen ou indigène, le légume
sec de prédilection ; c'est avec la semoule, un des principaux
éléments entrant dans la composition du couscous ; un plat
de fèves est un aliment complet qui pour les populations pauvres,
remplace la viande à bon compte. La consommation locale en absorbe
environ 150.000 quintaux. Aussi ces plantes occupent-elles chaque année
une trentaine de mille hectares, qui produisent 200.000 quintaux en moyenne.
L'exportation porte sur 70.000 quintaux. Ce qui manque, 15.000 quintaux
environ, est importe.
------A peu près autant que les fèves,
les pois chiches ou pois pointus, sont l'objet d'une grosse consommation.
On compte 26 à 27.000 hectares produisant plus de 130.000 quintaux,
dont cent mille sont exportés, 15 à 20.000 hectares sont
cultivés en pois secs et produisent 100.000 quintaux.
Les gesses couvrent 4 à 5.000 hectares et leur production
atteint en moyenne 20.000 quintaux. Quant aux haricots
et aux lentilles, ils n'occupent respectivement
que 1.000 et 1.500 hectares; la production ne dépasse guère,
pour chacune de ces cultures, 5 000 quintaux de graines.L'exportation
des pois, des gesses,des haricots et des lentilles est un peu supérieure
à 100.000 quintaux.
------Notons enfin que l'exportation des
légumes secs fait entrer chaque année en Algérie
une soixantaine de millions de francs.
------Nous avons déjà parlé,
à propos des primeurs ; de la pomme de terre. Il s'agissait là
d'une culture effectuée uniquement pour la production de tubercules
hâtifs destinés en majeure partie à l'exportation.
------Mais, pour les besoins de la consommation
locale, il faut cultiver les pommes de terre à gros rendement,
moins exigeantes, au point de vue du sol et du climat, et, partant d'un
prix de revient moindre. La culture est surtout localisée dans
la région de Perrégaux, dans la Mitidja et sur les hauts-Plateaux
Constantinois, au Sud de Constantine, depuis Ain-M'Lila jusqu'à
Batna. Elle a lieu aux mêmes époques qu'en France, c'est-à-dire
que les tubercules, plantés au printemps, sont récoltés
en été. Les superficies
complantées atteignent 10.000 hectares environ, dont près
de la moitié se trouve dans le département d'Alger, les
cultures des départements d'Oran et de Constantine étant
à peu près égales.
------La production dépasse 400.000
quintaux. Mais elle n'est pas suffisante pour satisfaire aux besoins de
la population algérienne ; aussi est-il fait appel, pour une quantité
moindre, à l'importation.
VI.
- Les cultures industrielles
------Le
Tabac. - Le tabac est, de toutes les cultures industrielles,
la plus importante en Algérie. Les autres (coton, lin, ricin, plantes
aromatiques) n'occupent guère qu'une surface égale au tiers
de celle qui lui est consacrée.
------A ce titre seulement, le tabac mériterait
une mention spéciale. Mais il joue, dans la colonie, un rôle
économique de premier plan. C'est en effet par vingtaines de mille,
par trentaines de mille que l'on peut estimer le nombre de personnes qu'il
fait vivre, tant du fait de sa culture que de son industrialisation. Et
la valeur seule des exportations de tabacs brut et fabriqué approche
deux cents millions de francs, soit environ le vingtième des exportations
totales d'Algérie.
------La liberté de culture et de
fabrication dont le tabac bénéficie en Algérie n'a
pas été pour peu de chose dans le développement qu'il
a pris depuis une trentaine d'années et particulièrement
depuis la guerre. Aucune entrave en effet n'est apportée par l'Administration;
quiconque. veut utiliser du tabac, ou se livrer à son industrialisation,
est autorisé à le faire ; il lui suffit de faire une déclaration
et de laisser contrôler par des agents de l'Etat sa culture et sa
fabrication.
------Il résulte de cette liberté
une concurrence intense dans la vente des produits fabriqués, par
voie de conséquence des prix excessivement bas qui ne peuvent qu'être
favorables au développement de la consommation. Celle-ci est en
Algérie considérable; on peut l'estimer à près
de 100.000 quintaux par an.
------Une autre cause de l'extension de la
culture du tabac réside dans les hauts cours pratiqués dès
le début de la guerre, qui ne pouvaient qu'inciter les cultivateurs
à consacrer à cette plante, dans toutes les régions
où cela était possible, des surfaces de plus en plus grandes.
Celles-ci, depuis 1913, ont en effet plus que doublé ; elles se
maintiennent actuellement entre 25 et 30.000 hectares.
------Il ne serait pas exact de dire que
le tabac est une plante d'introduction française. Longtemps avant
la conquête, plus de cent ans avant, on signalait en Afrique du
Nord clés cultures de grand tabac, ou tabac â fumer, et de
petit tabac, ou tabac â priser. Peut-être doit-on aux Turcs
l'introduction en Afrique de cette plante américaine.
------C'est à la bonne venue et à
l'excellente qualité des tabacs provenant des cultures indigènes
qu'il faut attribuer en grande partie l'établissement de plantations
par les premiers colons français. Une aide précieuse leur
fut apportée par la Régie Française, qui leur acheta
la récolte à un bon prix. Ils cultivaient 169 hectares en
1849, plus de 2.000 quatre ans plus tard.
------En même temps que l'on continuait
à cultiver les variétés indigènes, d'autres
variétés, à plus grand rendement, étaient
introduites. La culture se développait. 6.000 hectares étaient
cultivés en 1872 et produisaient 50.000 quintaux de feuilles.
------Si bien que, la progression continuant,
on comptait avant la guerre une dizaine de mille hectares cultivés
par 12.000 planteurs.
------Actuellement, avons-nous dit, c'est
sur 25 à 30.000 hectares que se fait la culture du tabac; plus
de 15.000 agriculteurs s'y livrent chaque année et récoltent
en moyenne 250.000 quintaux de feuilles.
------Les régions de production sont
principalement la Kabylie, la plaine des Issers, la Mitidja, le versant
Sud du Sahel d'Alger, la plaine et les environs de Bône, où
sont produits dés tabacs à fumer ; les tabacs à priser
proviennent des régions de Tlemcen et de Mascara, des Babor et
des oasis du Souf.
------Les deux tiers environ de la récolte
sont produits dans le département d'Alger, (Kabylie, Issers, Mitidja,
Sahel), qui consacre une quinzaine de mille hectares à la culture
du tabac à fumer. Dans le département de Constantine, on
compte 10 à 15.000 hectares, qui produisent 100.000 quintaux environ
de tabac à fumer et 2 à 3.000 de tabac à priser.
Les cultures oranaises sont peu étendues : 50 à 100 hectares
produisant un millier de quintaux.
------Les tabacs d'Algérie sont de
diverses qualités, dont beaucoup répondent aux besoins des
manufactures : tabacs bruns, tabacs blonds, toute une gamme très
variée se rencontre dans les cultures qui d'ailleurs sont spécialisées
suivant les régions. Et l'on parle d'entreprendre la culture des
tabacs fins d'Orient.
------Pour cette production de 250.000 quintaux,
l'Algérie trouve facilement des débouchés. Dans l'industrie
locale d'abord.
------L'extension de l'industrie du tabac
est la conséquence, d'une part du développement de la culture,
d'autre part de la liberté de fabrication. On compte actuellement
cinquante manufactures, situées pour la plupart à Alger,
à Oran, à Blida, à Constantine et à Bône,
et qui occupent un personnel de 5.000 ouvriers. Leur production de tabac
manufacturé peut être évaluée à 150.000
quintaux par an. Elles sont dotées d'un matériel très
perfectionné qui fait de quelques unes des établissements
de premier ordre.
------Elles ne se contentent pas de mettre
en ouvre les tabacs algériens. Pour les produits très variés
qu'elle fabrique, produits qui peuvent répondre à tous les
goûts de la clientèle du monde entier, il lui est nécessaire
de faire venir d'Orient, d'Extrême-Orient, d'Amérique, 40
à 50.000 quintaux de tabacs en feuilles.
------Elle satisfait ainsi presqu'entiérement
aux besoins de la consommation locale et peut même exporter des
quantités importantes de tabacs de toutes sortes : 10 à
20 millions de cigares; 30 à 40.000 quintaux de cigarettes, 10.000
quintaux de tabacs fabriqués autres. Elle expédie une partie
de sa production en France; quelques pays étrangers lui en achètent
une proportion assez considérable; mais les colonies, et surtout
l'Indochine et le Maroc, constituent sa plus sérieuse clientèle.
------Mais, une fois satisfaits les besoins
de l'industrie locale, il reste disponible sur la récolte 150 à
200.000 quintaux. Ils sont exportés et la Régie française,
qui possède en Algérie d'importants magasins, en achète
des quantités très fortes (25.000 quintaux au minimum pour
la seule région de Bône).
------Avant de terminer, nous signalerons
que, dans les principales régions productrices, les planteurs se
sont groupés pour la création de magasins qui reçoivent
leur production, procèdent au triage et au séchage et assurent
l'écoulement aux meilleurs prix. Il n'est pas douteux que ce mouvement
coopératif, qui a été encouragé par l'Administration,
a eu les plus heureux effets sur l'extension de la culture du tabac en
Algérie.
------Le
coton, les plantes à parfum, le lin, le ricin, l'alfa------
Les autres cultures industrielles n'occupent qu'une place assez
peu importante dans l'agriculture algérienne. Lorsqu'on a cité
le coton, les plantes à parfum, le lin et le ricin, on en a épuisé
la liste.
------L'essor du coton, depuis la guerre,
a été remarquable , mais, ramené dans son plan véritable,
il ne parait pas devoir, en l'état actuel des choses, se développer
beaucoup plus. Peut-être, lorsque les travaux hydrauliques actuellement
en cours d'exécution seront achevés et permettront l'irrigation
de vastes espaces, assisterons-nous à une nouvelle extension de
sa culture.
------C'est une plante exigeante, en effet,
qui trouve sa place beaucoup plus dans les régions tropicales,
car elle demande un printemps chaud, exempt de gelées tardives
(malheureusement fréquentes en Algérie), beaucoup d'eau
et de chaleur en été, et un automne sec au moment de la
récolte.
------Quoi qu'il en soit, le coton trouve
ces conditions réalisées en grande partie dans certaines
régions bien abritées de la dépression sublittorale,
et quelques plaines et vallées littoraliennes : plaines d'Oran,
du Sig et de l'Habra, vallée du Chélif, Mitidja, plaines
de Philippeville et de Bône ; soit que les irrigations y soient
possibles , soit que le sol soit profond et frais. Les pluies d'automne
y sont pourtant une gêne pour la récolte.
------Depuis longtemps, le coton était
cultivé en Algérie, mais, au moment de la prise d'Alger,
la culture était en régression très sérieuse
et se trouvait cantonnée dans quelques oasis sahariennes. Des essais
furent effectués par les colons français ; on assista, vers
1860, au moment de la guerre de Sécession des Etats-Unis, par suite
de la hausse des cours, à une véritable fièvre du
coton, qu'encourageait un système de primes à la culture
mal appliqué : en 1866; on récoltait 9.000 quintaux. Mais,
dès 1875, les primes étant supprimées, la culture
était abandonnée. Elle reprenait seulement au début
de ce siècle, sur 300 hectares situés autour d'Orléansville.
------Les prix élevés d'après-guerre
eurent pour conséquence de lui donner un nouvel essor : actuellement
5 à 6.000 hectares lui sont consacrés. La production est
d'environ 50.000 quintaux de coton brut, qui donnent, à l'égrenage,
une quinzaine de mille quintaux de fibres.
------Le coton d'Algérie est d'excellente
qualité; il est très comparable au coton égyptien
longue-soie qu'il peut remplacer dans tous ses usages.
------Les planteurs ont créé,
dans les centres de production, des coopératives qui effectuent
le triage et l'égrenage de la récolte et livrent la fibre
et la graine à l'exportation. La France, et particulièrement
l'industrie textile de l'Est, est la principale cliente de l'Algérie
pour les fibres de coton. Par contre, les exportations de graines (25
à 30.000 quintaux) sont dirigées en presque totalité
sur les huileries anglaises.
------La valeur des exportations de fibres
et de graines de coton dépasse 25 millions de francs.
------Au moins aussi importante, au point
de vue des exportations, est la culture des plantes à parfums :
c'est en effet 25 à 30 millions que leur vente à l'extérieur
rapporte à l'Algérie.
------Au premier rang, nous devons placer
le géranium-rosat, qui couvre environ
4.000 hectares.
------Cette culture d'origine française
a été implantée en Algérie par des colons
originaires de Grasse. La plante, qui est de la famille du géranium
cultivé dans les jardins pour l'ornement, a ceci de particulier
que sa feuille contient une huile essentielle, le géraniol,
dont l'odeur rappelle celle de la rose. Il suffit donc de distiller la
plante pour obtenir cette essence très recherchée par la
parfumerie, qui l'utilise non seulement pour fabriquer des essences de
rose à bon marché, mais encore des parfums de fleurs très
variés (violette, oeillet, etc.... etc...). L'emploi de l'essence
de géranium est de plus en plus répandu, et la demande de
la parfumerie est active. La culture du géranium est localisée
dans la Mitidja; on ne rencontre, dans le département de Constantine,
que 2 à 300 hectares. La production dépasse, en année
moyenne, 60.000 kilos d'essence, qui sont presqu'entièrement exportés,
pour près de la moitié en France, le reste à destination
de l'étranger, et plus particulièrement des EtatsUnis, qui
en font une forte consommation,
------Les autres plantes à parfum
(rosier, bigaradier, cassie, verveine, citronnelle, etc...) ne couvrent
qu'une cinquantainé d'hectares, situés en presque totalité
dans la Mitidja. La production est comprise entre 2 et 300 kilos d'essence.
------On ne citera le
lin que pour mémoire; sa culture est en régression
constante et n'occupe plus qu'une centaine d'hectares. Il est cultivé
pour la graine, dont il produit environ 500 quintaux. Il donne une filasse
abondante mais grossière, qui n'est utilisée que pour la
fabricatixrni de 'l'étoupe. Sans doute pourrait-on cultiver le
lin pour la production de filasses; mais, jusqu'à présent,
on s'est heurté à des difficultés de rouissage en
rivière insurmontables, dues au manque d'eau. Des procédés
nouveaux, exigeant de bien moindres quantités d'eau, pourraient
sans doute être utilisés ; des usines fonctionnent en Tunisie
et au Maroc pour leur exploitation. Mais, jusqu'à présent,
la culture du lin ne semble pas appelée à un grand développement
en Algérie.
------Plus intéressant est
le ricin. Sa graine fournit une huile très employée
actuellement dans le graissage des moteurs à explosion, ceux de
l'aviation en particulier. On a beaucoup préconisé sa culture
en Algérie dans les dernières années, car la France
est tributaire de l'Extrême-Orient pour le ricin qui lui est nécessaire.
A la fin de la guerre, à la demande de l'Administration, des superficies
importantes furent consacrées au ricin; mais, faute de débouchés,
la culture fut abandonnée. Elle a été reprise l'année
dernière, dans le département d'Oran. Actuellement le Service
des Poudres achète toute la production algérienne. Les résultats
obtenus ont été très satisfaisants et ne pourront
qu'encourager le développement de cette culture intéressante
au plus haut chef pour la défense nationale.
CHAPITRE II
Les productions végétales naturelles
C'est à la colonisation française que revient
le mérite de l'exploitation et de la mise en valeur des richesses
naturelles produites par le sol algérien. On peut dire qu'elles
ont largement contribué au développement économique
de l'Algérie: alfa, crin végétal, liège sont
des productions essentiellement algériennes ; leur récolte
et leur industrialisation sont une source de revenus considérable
pour des populations entières, pour des milliers d'individus. Leur
rôle économique et social a, dans la vie de l'Algérie,
une
importance considérable ; pour s'en faire une idée, il
suffira de savoir que la valeur de leurs exportations dépasse
225 millions de francs, plus du vingtième des exportations
totales.
I. - L'alfa
L'.alfa, plante de la steppe, nous conduit sur les HautsPlateaux.
A perte de vue, des espaces plats ou à peine vallonnés m'étendent
devant nous, couverts d'une herbe verte au printemps, grisâtre en
été, qui ondule sans arrêt sous les rafales de vent.
On dirait d'une mer agitée par la brise c'est la mer d'alfa.
Elle couvre 4 millions d'hectares sur les Hauts-Plateaux,
de la frontière marocaine à la frontière tunisienne;
à l'ouest, elle déborde jusque dans le Tell, atteignant
le littoral ; au
centre, elle couvre quelques milliers d'hectares dans le
Sahara.
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