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des photos de cette page est celle de la revue. Nous sommes ici en 1924
. Amélioration notable plus tard, dans les revues à venir.
" Algeria " en particulier.
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TEXTE COMPLET SOUS L'IMAGE.
L'ALFA
L'alfa, appelé Ari
par les Kabyles, est une graminée vivace à rhizome très
développé :
" La feuille, dit le Docteur Trabut, variable avec l'âge
et l'état de la plante, a une longueur de 25 à 120 centimètres,
et une moyenne de 50 à 80 centimètres. Elle est, pendant
la période de végétation, étalée,
d'une forme laminaire, plane et rubanée. Sous l'influence de
la sécheresse, les deux moitiés de la feuille se rencontrent
et forment un limbe dur, sec et jonciforme ; la pointe est fine piquante,
légèrement scabre, souvent jaunissante (pointe dorée
des alfatiers). Sur le vif et dans la saison humide, la couleur des
feuilles est d'un beau vert foncé ; sous l'influence de la sécheresse
ou de la dessiccation, la teinte verte devient blanchâtre. Les
feuilles de l'alfa sont persistantes ; elles durent au moins deux ans.
"
Les touffes peuvent être serrées les unes contre les autres
de façon à offrir l'aspect d'une nappe continue ; de là
le nom de mer d'alfa que l'on a donné aux steppes oranaises.
Mais parfois elles sont séparées et laissent entre elles
des espaces vides à travers lesquels circulent les nomades et
les troupeaux, de là encore le nom de paysage, de touffes sous
lequel on a désigné les vastes étendues des Hauts-Plateaux,
ou des confins du désert. Une impression de monotonie et d'uniformité
pénible s'en dégage qui s'ajoute à la fatigue du
voyageur. Fromentin l'a éprouvée dans une de ses chevauchées
de Boghari à Laghouat :
" L'alfa est pour un voyageur la plus ennuyeuse végétation
que je connaisse ; et malheureusement, quand il s'empare de la plaine,
c'est alors pour des lieux et des lieux. Imagine-toi toujours la même
touffe, poussant au hasard sur un terrain bosselé, avec l'aspect
et la couleur d'un petit jonc, s'agitant, ondoyant comme une chevelure
au moindre souffle, si bien qu'il y a presque toujours du vent dans
l'alfa. De loin, on dirait une immense moisson qui ne veut pas mûrir
et qui se flétrit sans se dorer. De près, c'est un dédale
; ce sont des méandres sans fin, où l'on ne va qu'en zigzag
et où l'on butte à chaque pas. Ajoute, à cette
fatigue de marcher en trébuchant, la fatigue aussi grande d'avoir
un jour entier devant les yeux ce steppe décourageant, vert comme
un marais, sans point d'orientation et qu'on est obligé de jalonner
de gros tas de pierres pour indiquer les routes. Il n'y a jamais d'eau
dans l'alfa ; le sol est grisâtre, sablonneux, rebelle à
toute autre végétation. " Or, ces vastes étendues
de touffes représentent une richesse pour l'Algérie. Ils
ne constituent pas seulement des pâturages très recherchés
par les animaux, car à l'abri de ces touffes croissent de petites
plantes très savoureuses, mais parce que l'alfa a une valeur
industrielle. De très grosses quantités de tiges sont
exportées annuellement par les ports algériens.
Les industries qui travaillent et transforment l'alfa peuvent d'après
le docteur Trabut être divisées en trois catégories
:
1° Les premières emploient l'alfa à l'état
naturel ou simplement blanchi ou teint : sparterie, nattes, vannerie,
balais, chaussures, bouquets, brosses, etc.
2° Les tissus sont dissociés par un rouissage, les fibres
restent adhérentes et peuvent être employées après
un simple battage : cordes, tapis grossiers, ou bien elles sont peignées,
filées et tissées en tentures, tapis, etc.
3° Les fibres sont complètement dissociées par les
produits chimiques, en tête desquels se placent les alcalis, soude
et potasse. Les fibres se feutrent facilement fournissent une excellente
pâte à papier employée pure ou mélangée
à de la pâte de chiffons, de bois ou de paille.
Les deux premières sortes d'industries ne sauraient consommer
d'aussi grosses quantités d'alfa que la fabrication de la pâte
à papier. Si l'on n'avait découvert le moyen de faire
servir la cellulose de cette plante à cette fabrication, les
immenses peuplement alfatiers de la colonie seraient restés inutilisés.
La plus grande partie de la production algérienne est, en effet,
expédiée sur l'Angleterre, qui l'emploie à la confection
d'un papier excellent : souple, soyeux, résistant et transparent.
Il prend très bien l'impression, il fait matelas sous les caractères
d'imprimerie, il convient très bien pour les éditions
de luxe, les belles gravures. Tous les beaux journaux illustrés
anglais sont imprimés sur papier d'alfa ; on en fait aussi dans
le même pays un très bon papier à lettre.
Pourquoi, dit M. Victor Demontés, au cours d'une très
intéressante étude, l'Alfa en Algérie, la France,
qui achète aujourd'hui à très haut prix la pâte
de bois de Suède ou de Norvège, ne chercherait-elle pas
à imiter l'Angleterre et, en s'adressant à l'Algérie,
à fabriquer le papier d'alfa ? Avant la guerre, on donnait comme
prétexte le prix de revient de ce papier, plus élevé
dans notre pays qu'en Angleterre, à cause des frais de transport
et de la cherté des produits chimiques et des charbons. L'alfa,
disait-on, revient aux Anglais à 10 francs les 100 kilogrammes,
il revient aux fabricants français à 14 francs. Pendant
la guerre, où l'on faillit manquer de pâte à papier,
et surtout après la guerre, lorsque les changes furent si défavorables
à la France, des tentatives ont été faites : elles
ne semblent pas avoir été, pour le moment, suivies d'applications
pratiques.
Pourquoi l'Algérie, à défaut de la France, n'utiliserait-elle
pas l'alfa qu'elle produit et ne lui ferait-elle pas subir les premières
transformations ? L'idée est séduisante et de bonne heure
provoqua des espérances ; les essais ont été très
fréquents depuis la guerre ; aucun ne parait avoir abouti à
l'heure actuelle d'une façon définitive, bien que de puissants
groupements financiers et industriels, des spécialistes et des
savants aient uni leurs efforts en vue de doter la colonie de cette
industrie nouvelle. "L'idée qui parait le plus en faveur,
à l'heure actuelle dit l'Exposé de 1920, comporte la fabrication,
en Algérie, de pâtes sèches qui, sous un minimum
de poids et d'encombrement, seraient expédiées en Europe,
pour y subir leur transformation en papier. "