|   CHAPITRE IILes productions 
        végétales naturelles
 ------C'est 
        à la colonisation française que revient le mérite 
        de l'exploitation et de la mise en valeur des richesses naturelles produites 
        par le sol algérien. On peut dire qu'elles 
        ont largement contribué au développement économique 
        de l'Algérie: alfa, crin végétal, liège sont 
        des productions essentiellement algériennes ; leur récolte 
        et leur industrialisation sont une source de revenus considérable 
        pour des populations entières, pour des milliers d'individus. ---------Leur 
        rôle économique et social a, dans la vie de l'Algérie, 
        une importance considérable ; pour s'en faire une idée, 
        il suffira de savoir que la valeur de leurs exportations dépasse 
        225 millions de francs, plus du vingtième des exportations totales. I. 
        - L'alfa ------L' alfa, plante 
        de la steppe, nous conduit sur les Hauts-Plateaux.------A perte 
        de vue, des espaces plats ou à peine vallonnés m'étendent 
        devant nous, couverts d'une herbe verte au printemps, grisâtre en 
        été, qui ondule sans arrêt sous les rafales de vent. 
        On dirait d'une mer agitée par la brise c'est la mer d'alfa.
 ------Elle 
        couvre 4 millions d'hectares sur les Hauts-Plateaux, de la frontière 
        marocaine à la frontière tunisienne; à l'ouest, elle 
        déborde jusque dans le Tell, atteignant le littoral ; au centre, 
        elle couvre quelques milliers d'hectares dans le Sahara.
 ------L'alfa 
        exige une faible pluviométrie (moins de 50 cm. de pluies par an) 
        et des terrains perméables et secs : à cet égard, 
        tout le département d'Oran, du Nord au Sud, lui convient ; il y 
        occupe près de treize cent mille hectares, plus du double si l'on 
        ajoute les peuplements des annexes de Méchéria et de Géryville, 
        appartenant administrativement aux Territoires du Sud mais géographiquement 
        aux Hauts-Plateaux Oranais. La pluviométrie est déjà 
        plus élevée dans le département d'Alger : les peuplements 
        d'alfa ne s'étendent que sur 6 à 700.000 hectares. Sur les 
        HautsPlateaux Constantinois, mieux arrosés encore, plus étroits 
        aussi, on ne trouve plus que 600.000 hectares. La densité alfatière 
        va donc en diminuant de l'Ouest à l'Est.
 ------L'emploi 
        de l'alfa dans la fabrication du papier remonte au milieu du siècle 
        dernier ; il est dû aux recherches d'un papetier écossais. 
        Un centre de manipulation et d'embarquement de l'alfa fut créé 
        à Arzew par cet industriel en 1870, 42.000 tonnes étaient 
        déjà expédiées en Ecosse ; dix ans plus tard, 
        les exportations atteignaient 80.000 tonnes. Elles s'établissaient, 
        dans les années qui précédèrent la guerre, 
        autour de 110.000 tonnes. Elles dépassent actuellement 200.000 
        tonnes. Progression rapide, on le voit, qui est la preuve de l'activité 
        croissante des chantiers d'exploitation.
 ------L'alfa 
        est une graminée vivace. La feuille contient une fibre très 
        fine et très résistante. Elle se détache facilement 
        de la souche et il suffit d'une traction très légère 
        pour l'en séparer. Nous avons vu que les climatd secs lui conviennent; 
        il lui faut aussi des étés chauds, mais il s'accommode très 
        bien, en hiver, de basses températures : c'est ainsi qu'à 
        El-Aricha, sur les Hauts-Plateaux Oranais, il supporte 12 à 16° 
        de froid. Sa rusticité, ses exigences très faibles, on le 
        voit, en font une plante de la steppe ; il en est presque l'unique ressource, 
        il en est en même temps la richesse.
 ------Il faut, 
        en effet, pour sa cueillette, une nombreuse maind'uvre, quelque 
        peu expérimentée. On la trouvait autrefois parmi les immigrés 
        espagnols de l'Oranie - car l'Espagne, elle aussi, possède des 
        peuplements d'alfa exploités avant ceux d'Algérie; - maintenant, 
        les tribus indigènes nomades qui viennent, à l'époque 
        de la récolte, camper à proximité des chantiers la 
        fournissent en abondance : hommes, femmes, enfants, des plus jeunes aux 
        plus vieux, tous sont occupés à l'arrachage de l'alfa. Ils 
        apportent leur cueillette au chantier de pesage ; l'alfa, pesé, 
        est payé aussitôt.
 ------Autre 
        source de revenu pour les nomades : avec leurs chameaux, ils transportent 
        à la gare d'embarquement l'alfa mis en balles. Tout est donc profit 
        pour eux : cueillette, manipulation et transport.
 ------Mais 
        il n'y a pas de profit que pour les travailleurs indigènes. Sur 
        4 millions d'hectares en effet, 50 à 60.000 seulement appartiennent 
        à des particuliers ; le reste, c'està-dire la presque totalité, 
        est la propriété des communes ou de l'Etat. Les peuplements 
        sont concédés à des négociants, qui versent 
        une redevance au propriétaire : concessionnaires, communes et Etat, 
        travailleurs indigènes trouvent donc leur profit dans l'exploitation 
        de l'alfa. Et l'on doit également compter, parmi les bénéficiaires, 
        les chemins de fer, qui acheminent jusqu'à la côte l'alfa 
        récolté, les dockers qui le chargent sur les navires : toute 
        une partie de la population se partage les 85 millions que représentent 
        les exportations.
 ------Les 
        peuplements d'alfa, cependant, ne sont pas entièrement exploités. 
        De vastes espaces, en effet, trop éloignés des chemins de 
        fer, n'ont pu encore être mis en valeur. Ce n'est qu'à proximité 
        des lignes de pénétration d'Oran à Crampel, d'Arzew 
        à Colomb-Bechar, d'Alger à Djelfa et de Constantine à 
        Biskra qu'existent les principaux chantiers de récolte ; hors ces 
        contrées, de vastes régions sont inexploitables.
 Quoi qu'il en soit, les peuplements exploités fournissent à 
        l'exportation plus de 200.000 tonnes de produits.
 ------Lorsqu'il 
        s'agit d'alfa, on ne saurait en effet tenir compte que de l'exportation. 
        C'est l'extérieur en effet qui constitue la principale clientèle 
        des chantiers algériens, on pourrait même dire la seule.
 ------La consommation 
        locale est, pour le moment du moins, pour ainsi dire nulle. Tout au plus 
        se réduit-elle à quelques milliers de tonnes employées 
        par l'industrie familiale indigène pour la fabrication de nattes, 
        de chapeaux, de sandales, d'escourtins, de couffins et d'objets divers 
        de vannerie et de sparterie, par quelques usines européennes pour 
        la production de cordages, de tapis ou de tissus grossiers, de crin d'alfa 
        utilisé comme succédané du crin animal.
 ------Son 
        emploi le plus répandu est la fabrication de pâte papier 
        ; c'est cette industrie qui fait la véritable valeur dç 
        l'alfa d'Algérie. Le papier d'alfa est souple, soyeux, résistant, 
        très léger, très bouffant, il prend bien les caractères 
        d'imprimerie. Mélangée en proportions variables avec les 
        pâtes de chiffons, de paille ou de bois, la pâte d'alfa peut 
        donner lieu à des milliers de combinaisons d'une grande valeur 
        et d'une excellente qualité.
 ------Longtemps 
        le monopole du papier d'alfa fut détenu par l'Angleterre qui achetait 
        à l'Algérie la majeure partie de sa production : bénéficiant 
        de tarifs de transport par mer excessivement bas, elle avait sur l'industrie 
        française un avantage très sérieux, car l'alfa, marchandise 
        pauvre, ne peut supporter des frets coûteux. L'industrie anglaise 
        nous revendait les papiers qu'elle produisait, à des prix élevés, 
        car le papier d'alfa fut longtemps considéré comme papier
 de luxe.
 ------Des 
        essais de fabrication furent cependant tentés en Algérie, 
        dès 1906; repris après la guerre, ils durent être 
        abandonnés. On se heurtait en effet à deux obstacles : le 
        manque d'eau, d'abord, et surtout d'eau pure, car la fabrication de la 
        pâte en exige de grandes quantités ; en second lieu, le prix 
        de revient trop élevé, sur les lieux de production, du combustible 
        et des produits chimiques
 ------Tout 
        infructueux qu'ils eussent été, ces essais ne pouvaient 
        laisser indifférente l'industrie papetière française. 
        Obligée d'acheter à l'étranger à des prix 
        excessifs les matières premières qui lui étaient 
        indispensables, elle ne pouvait qu'être tentée d'utiliser 
        l'alfa, produit de tout premier ordre, que l'Algérie, la Tunisie 
        et le Maroc lui offraient en abondance.
 ------Dès 
        1920, l'idée séduisait un groupement de papetiers et de 
        fabricants de produits chimiques de la Métropole. Une société 
        était créée, à qui d'importants gisements 
        alfatiers étaient concédés dans la région 
        de Djelfa. La fabrication de pâte commençait en 1924 dans 
        une ancienne poudrerie de la vallée du Rhône. L'industrie 
        du papier d'alfa devenait une industrie française.
 ------Actuellement 
        la Société en question met en oeuvre 20 à 30.000 
        tonnes par an d'alfa algérien et tunisien et produit une quinzaine 
        de mille tonnes de pâte. Ce n'est pas encore autant que la production 
        anglaise, mais le premier pas est
 fait.
 Sous cette impulsion, les exportations algériennes vers la Métropole 
        passaient de 900 tonnes avant la guerre à 9.000 en 1924; elles 
        dépassent actuellement 22.000 tonnes. De 0,7 des exportations totales 
        en 1913, elles en représentent aujourd'hui les 17 % .
 ------Suivant 
        l'exemple qui leur a été donné, d'autres papeteries 
        françaises commencent à traiter l'alfa; ce mouvement économique 
        paraît avoir toutes les chances requises pour s'intensifier davantage.
 ------Et ce 
        qu'il faut noter, c'est que les pâtes françaises d'alfa ont 
        non seulement conquis le marché français, mais qu elles 
        s'imposent de plus en plus, par leur qualité et par leur prix relativement 
        faible, sur les marchés étrangers, allemand, suisse et même 
        anglais.
 II 
        - Le crin végétal ------Il nous faut 
        maintenant revenir dans le Tell. C'est là que nous trouverons exploité, 
        par une importante industrie, le palmier-nain, 
        matière première du crin végétal.------Tandis 
        que l'alfa se plaît dans les régions pauvres, sous un climat 
        sec, dans des sols arides, c'est dans les terres les plus riches du Tell 
        que nous rencontrons le palmier-nain.
 ------Seul 
        représentant spontané, en Algérie, de la famille 
        des palmiers, le palmier-nain constitue des bouquets, ou plus exactement 
        des touffes très épaisses qui allongent et enchevêtrent 
        leurs racines jusqu'à une très grande profondeur dans le 
        sol. Il atteint un à deux mètres de hauteur, sept à 
        huit mètres lorsqu'il n'a pas été coupé.
 ------Comme 
        il occupe les meilleurs sols, il est un obstacle pour la mise en valeur 
        du pays, le grand ennemi de la colonisation. Il faut l'arracher, extraire 
        à grand'peine les souches. L'indigène ne s'en embarrasse 
        pas : lorsque, dans son champ, existe une touffe de palmier-nain, il la 
        respecte soigneusement et tourne autour avec sa charrue primitive. L'Européen, 
        plus exigeant, ne veut pas perdre un pouce de terrain ; il lui faut, dans 
        ses labours, des raies bien droites : impitoyablement il se débarrasse 
        du palmier-nain, dont les peuplements reculent devant la colonisation.
 ------L'idée 
        d'utiliser le palmier-nain revient à un colon algérien, 
        M. Averseng, qui s'aperçut que la fibre extraite 
        mécaniquement de la feuille, après avoir été 
        cordée, gardait bien la frisure et pouvait avantageusement remplacer 
        le crin animal dans presque tous ses usages. Il installa à Toulouse 
        une première usine assez rudimentaire qui, en 1848, produisait 
        2.000 tonnes de crin végétal. Peu d'années après, 
        il entreprenait la fabrication en Algérie. Il eut naturellement 
        de nombreux imitateurs et la fabrication prit rapidement un gland développement.
 ------La production 
        algérienne atteignait avant la guerre 45 à 50.000 tonnes; 
        elle dépasse actuellement 60.000 tonnes, représentant une 
        valeur, à l'exportation, d'une soixantaine de millions de francs.
 ------Une 
        centaine d'usines et d'ateliers, employant 3.000 ouvriers, sont en mesure 
        de produire annuellement 150.000 tonnes. Quelques-uns sont très 
        importants, et l'on cite un établissement des environs d'Alger 
        qui occupe près de 400 ouvriers.
 ------La fabrication 
        du crin végétal est assez simple, mais nécessite, 
        pour être économique, un outillage perfectionné qui 
        permet d'effectuer toutes les opérations dans le minimum de temps. 
        La feuille est d'abord défibrée; puis les fibres, après 
        triage et séchage, sont parfois teintes en noir ; la dernière 
        opération est le cordage en cordes de deux mètres.
 ------Le produit 
        obtenu est un succédané, très employé du crin 
        animal. Beaucoup moins cher, il a sur lui l'avantage d'être inattaquable 
        à la vermine. Teint en noir, il lui ressemble à s'y méprendre 
        presque. Son utilisation principale est la literie (il remplace la laine 
        dans la fabrication des matelas bon marché), la sellerie, la bourrellerie 
        et la tapisserie, où il donne de très bons rembourrages. 
        On peut également, avec la fibre, fabriquer de la sparterie ou 
        des cordes grossières. Le crin végétai, ou plus exactement 
        le palmier-nain, pourrait, prétend-on, servir à la production 
        de pâte à papier ; mais c'est une utilisation qui n'est guère 
        à retenir.
 ------Le crin 
        végétal est aujourd'hui de plus en plus demandé dans 
        le monde entier, et chaque année s'allonge la liste des pays clients 
        de l'Algérie; on citera, parmi eux : la France, qui achète 
        5.000 tonnes par an, l'Allemagne, qui prend plus de 20.000 tonnes, pour 
        ses besoins et ceux de l'Europe Centrale, l'Italie, qui demande 15 à 
        20.000 tonnes, la Belgique, la Hollande, l'Angleterre, les Etats-Unis, 
        etc...
 ------On peut 
        se demander si, comme l'alfa, le crin végétal est appelé 
        à un grand avenir en Algérie. Au point de vue des débouchés, 
        qui s'étendent de plus en plus, on ne peut que s'attendre au développement 
        de son industrie.
 ------Mais 
        l'approvisionnement en matière première se fait plus difficile, 
        les zones de dispersion du palmier-nain se réduisant au fur et 
        à mesure des défrichements et de la mise en culture des 
        terres fertiles du Tell. C'est un fait que cette industrie recule devant 
        les progrès de la colonisation, que les ateliers, localisés 
        autrefois autour d'Alger, ont dû être reportés vers 
        l'intérieur, en Oranie en particulier, jusqu'à proximité 
        de la frontière marocaine, où la colonisation est encore 
        peu importante.
 |  | ------Mais 
        il reste, particulièrement dans les terres indigènes, des 
        peuplements importants qui alimenteront longtemps encore les ateliers 
        de la colonie.------Quoi 
        qu'il en soit, même si un jour l'industrie. du crin végétal 
        disparaît, elle aura joué son rôle en apportant aux 
        indigènes qui récoltent les feuilles, et aux colons dans 
        les premiers temps de la colonisation, un considérable surcroît 
        de ressources.
 III- 
        Le liège ------Le liège 
        est encore une autre ressource du Tell. Ressource précieuse, qui 
        peut, dans un avenir très prochain, mettre l'Algérie en 
        mesure de contrôler le marché mondial.------Il provient 
        de l'écorçage d'un chêne à feuilles persistantes, 
        le chêne-liège, qui couvre en Algérie 450.000 hect., 
        150.000 de plus que les forêts espagnoles. Grâce aux peuplements 
        de l'Afrique du Nord et spécialement de l'Algérie, la France 
        détient plus d'un million d'hectares de chêneliège, 
        c'est-à-dire plus de la moitié des peuplements contenus 
        dans le monde.
 ------Le liège, 
        dont les applications se font de plus en plus nombreuses, qui trouve dans 
        quantité d'industries, et surtout depuis que se développe 
        l'industrie frigorifique, des débouchés croissants, est 
        à l'heure actuelle l'objet des appétits de puissants groupements 
        économiques étrangers. qui s'efforcent d'obtenir la maîtrise 
        du marché. Y parviendront-ils? ------L'Algérie, 
        dans cette bataille du liège, saura-t-elle conserver son hégémonie? 
        La chose est à souhaiter ; car il serait déplorable que 
        des puissances qui ne produisent pas de liège pussent, par des 
        combinaisons financières, par des trusts, dicter aux pays producteurs 
        les prix de vente, leur imposer un rythme de production. L'Algérie 
        ne saurait que perdre à une telle évolution du marché, 
        surtout lorsque sa production, qui est encore en enfance, aura atteint 
        son maximum.
 ------La répartition 
        du chêne-liège en Algérie est fonction de l'importance 
        de la pluviométrie. Il exige en effet de l'humidité, des 
        pluies plutôt abondantes. ------On 
        concevra donc que l'étendue et la densité des peuplements 
        soient plus grandes à l'Est qu'à l'Ouest, sur le littoral 
        qu'à l'intérieur. Sur les 450.000 hectares qu'il occupe 
        dans la colonie, près de 400.000 (les 8/9 du total) sont en effet 
        contenus dans le seul département de Constantine, où ils 
        couvrent les versants de la chaîne littoralienne : Grande Kabylie, 
        Kabylie des Babor, massif de l'Edough. Dans le département d'Alger, 
        on ne compte plus que 40.000 ha., en Kabylie; en Oranie, moins de 10.000 
        hectares sont répartis dans le Sahel d'Oran et dans les régions 
        de Mascara et de Tlemcen.
 ------Pour 
        mettre en valeur une forêt de chênes-liège, il ne suffit 
        pas d'écorcer l'arbre. L'écorçage, pour être 
        fait sans nuire à l'avenir de la forêt, exige un nombreux 
        personnel de surveillance ; pour évacuer le liège, il faut 
        construire des routes et des chemins ; enfin, la première récolte 
        ne donne qu'un liège de peu de valeur, le liège vierge ou 
        mâle, et l'on doit attendre une dizaine d'années avant de 
        récolter un liège propre à la vente, ou marchand, 
        appelé encore liège de reproduction.
 ------La mise 
        en valeur d'une forêt de 450.000 hectares aurait donc nécessité 
        une mise de fonds que l'Administration algérienne, ne disposant, 
        au début de l'occupation, que de faibles ressources, ne pouvait 
        effectuer. Elle dut donc en aliéner une bonne partie. Il reste 
        actuellement 275.000 hect. gérés par l'Etat, qui sont presque 
        complètement exploités, et dont la production annuelle atteint 
        12 à 13.000 tonnes. Si l'on ajoute à cette production celle 
        des forêts privées, qui est de 20 à 30.000 tonnes, 
        on arrive à un minimum d'une quarantaine de mille tonnes, représentant 
        le total des ressources de l'Algérie.
 ------L'existence 
        de ces richesses, la production rapidement accrue des forêts algériennes, 
        ne pouvaient qu'encourager l'industrialisation sur place d'une partie 
        au moins du liège récolté. La moitié de la 
        production algérienne est mise en oeuvre par l'industrie locale, 
        qui compte plus de 80 ateliers situés à proximité 
        des forêts et emploie 4.000 ouvriers.
 Certains de ces établissements ont la proportion de véritables 
        usines : un d'eux, à Bône, occupe 850 à 1.000 personnes 
        ; un autre, à Alger, en emploie plus de 300; un troisième, 
        à Azazga, en Kabylie, en compte 281.
 ------L'industrie 
        algérienne du liège fabrique le plus généralement 
        les objets les plus divers : 'bouchons, carrés, disques, ustensiles 
        de pêche, tapis de bain, etc... Mais il est des établissements 
        qui sont spécialisés dans 'la préparation du liège 
        pour la vente, préparation indispensable avant toute utilisation 
        ; le produit obtenu après râclage, bouillage et pressage 
        du liège marchand, puis découpage et triage suivant la qualité 
        et l'épaisseur, prend le nom de liège en planches régulières. 
        L'industrie en livre à l'exportation 15 à 20.000 tonnes.
 ------Les 
        débris provenant de la fabrication du liège sont exportés 
        par les usines algériennes, qui en expédient à l'extérieur 
        12.000 tonnes. Notons enfin qu'après avoir satisfait aux besoins 
        de la consommation locale, les manufactures livrent à l'exportation 
        1.200 à 1.500 tonnes de bouchons et 2 à 400 d'ouvrages divers.
 ------Les 
        produits qui n'ont pas été utilisés par l'industrie 
        sont exportés : on compte 15 à 20.000 tonnes de liège 
        vierge et 3.000 tonnes de liège , marchand non préparé 
        (liège brut proprement dit).
 Les exportations algériennes atteignent au total 45 à 50.000 
        tonnes, représentant une valeur de plus de 90 millions de francs.
 ------Nous 
        avons énuméré plus haut quelques utilisations du 
        liège. Il en est d'autres qui, depuis quelques années, ont 
        pris une grande importance.
 ------Telle 
        par exemple l'industrie du linoléum 
        : ce produit est un mélange de poudre de liège, d'huile 
        de lin et de siccatif qu'on étend sur une toile ou sur du papier; 
        celle des briques et des panneaux isolants, fabriqués en comprimant 
        du liège granulé additionné d'un liant (chaux, plâtre, 
        goudron, etc...), qui utilisent la double propriété du liège 
        d'être mauvais conducteur de la chaleur et d'amortir les sons, et 
        dont on se sert pour le revêtement intérieur des appartements 
        et des chambres frigorifiques. Ces produits permettent d'employer bon 
        nombre de lièges réputés autrefois de rebut : liège 
        mâle, débris et déchets provenant des autres industries. 
        Enfin, les produits trop minces pour la bouchonnnerie trouvent leur utilisation 
        dans la fabrication des rondelles qu'on applique au fond des capsules 
        métalliques servant au bouchage des bouteilles.
 ------Ce rapide 
        examen des emplois multiples du liège laisse entrevoir l'intérêt 
        considérable de ce produit, avec lequel rien ne se perd.
 
 V. 
        - Produits forestiers divers ------Nous ne quitterons 
        pas les forêts algériennes sans passer une revue rapide des 
        richesses, autres que le liège, qu'elles recèlent.------Richesses 
        peu importantes, d'ailleurs, qui sont encore loin d'avoir la valeur du 
        liège, mais dont l'exploitation rationnelle ne peut qu'être 
        profitable.
 ------On compte, 
        en effet, un peu plus de 3 millions d'hectares de forêts. Mais encore 
        faut-il ajouter que la forêt algérienne n'a 
        souvent rien de comparable avec la forêt française, avec 
        la forêt européenne d'une façon générale. 
        Quelques peuplements, il est vrai, rappellent les hautes futaies de nos 
        pays, mais ils sont rares. Le plus souvent ce ne sont, au milieu d'un 
        taillis plus ou moins épais ou de simples broussailles, que quelques 
        bouquets d'arbres, ou des arbres isolés; certains sont vigoureux, 
        d'autres sont malingres. Un simple maquis est parfois réputé 
        forêt. Bien plus qu'une formation végétale, la forêt 
        est en Algérie une entité administrative.
 ------Il n'en 
        reste pas moins que, mise en valeur dans ses peuplements les plus denses 
        et les plus accessibles, cette forêt peut fournir une variété 
        de produits assez considérable. Les essences qui la constituent 
        sont nombreuses : on y trouve, outre le chêne-liège, plusieurs 
        autres variétés de chênes (zéens, afarès, 
        kermès, chêne-vert), des pins, des cèdres, des thuyas. 
        Mis en coupe, on assure que ces peuplements pourraient fournir 350.000 
        tonnes de bois d'oeuvre et 100.000 tonnes de charbon de bois. ------L'Algérie, 
        qui importe 200.000 tonnes de bois d'oeuvre, pourrait non seulement satisfaire 
        à ses besoins, mais encore peut-être devenir exportatrice.
 ------La mise 
        en valeur des forêts est loin d'avoir atteint ce degré de 
        perfection : l'évacuation des produits est en effet difficile, 
        faute de chemins suffisants, et les frais de transports grèvent 
        souvent la marchandise de charges trop ' élevées. En présence 
        des dépenses qu'aurait entraînées cette mise en valeur, 
        l'Etat a dû aliéner une partie des forêts. Ce qui reste 
        à l'Etat, néanmoins, a été en grande partie 
        mis en exploitation : les coupes de bois sont amodiées à 
        des particuliers, qui en extraient 30.000 mètres cubes de bois 
        d'industrie, 150.000 stères de bois de chauffage, 125.000 traverses 
        de chemin de fer, cent vingtcinq mille perches, 2.000 tonnes d'écorces 
        à tan et 20.000 tonnes de charbon. Si l'on y ajoute les produits 
        des forêts privées, pour lesquelles les chiffres sont inconnus, 
        on se rend compte cependant que l'Algérie est en mesure de trouver 
        sur place une partie des produits forestiers qui lui sont nécessaires.
 En dehors du liège, dont on a parlé plus haut, un des produits 
        les plus intéressants de la forêt algérienne, et qui 
        alimente un commerce d'exportation de 4 à 5 millions de francs, 
        est l'écorce â tan. De nombreuses essences algériennes 
        sont en mesure de la fournir : le chêne-liège, dont la partie 
        interne de l'écorce est tannifère - la partie externe étant 
        constituée par le liège, -- le chêne-vert, le chêne 
        kermès, dont la racine fournit l'écorce amère ou 
        garouille, le chêne zéen et le pin d'Alep.
 ------L'exploitation 
        des écorces à tan fut longtemps, faute d'une législation 
        forestière suffisamment sévère, cause que bon nombre 
        d'arbres furent abattus et que les peuplements, non reboisés, diminuèrent 
        progressivement. On comptait que, de 1870 à 1877, les seuls ports 
        de Bône, de Philippeville et de Collo avaient embarqué, surtout 
        à destination de l'Italie et de l'Angleterre, plus de 50.000 tonnes 
        d'écorce à tan de chêne-liège; plus d'un million 
        d'arbres avaient été détruits durant le même 
        temps.
 ------Cette 
        exploitation ruineuse a heureusement pris fin depuis longtemps. Grâce 
        à une réglementation sévère des coupes de 
        bois et du colportage des produits forestiers, la production des écorces 
        à tan est devenue plus rationnelle. Elle est également moins 
        élevée. Les exportations annuelles atteignent 7.000 tonnes 
        environ.
 ------C'est 
        surtout l'Italie qui profite de cette production; c'est elle, il faut 
        le dire, qui l'a fait naître ; elle achète en Algérie, 
        chaque année, 5.000 tonnes. La France vient ensuite, avec 500 à 
        1.000 tonnes. Les expéditions en Belgique, bien que faibles (3 
        à 400 tonnes), sont régulières ; bien moins constantes, 
        mais souvent plus considérables, sont celles à destination 
        du Portugal et de l'Angleterre.
 ------Il est 
        à prévoir que la demande en écorces à tan 
        sera de plus en plus importante. La production algérienne sera-t-elle 
        en mesure d'y satisfaire ? En dehors des écorces à tan, 
        d'autres produits du sol algérien contiennent du tanin en forte 
        proportion : il suffirait de les exploiter rationnellement, voire de multiplier 
        les plantes qui les fournissent. Tels sont le tezera, le retam, arbustes 
        assez répandus, le takaout, galle produite par un insecte sur un 
        tamarix du Sahara; les tanneurs indigènes emploient ces produits; 
        les tanneries européennes pourraient les utiliser en grande quantité.
 ------Une 
        autre production intéressante en Algérie est celle des 
        souches de bruyère.. Les forêts algériennes, 
        et principalement celles de Kabylie, contiennent de nombreux pieds d'une 
        bruyère arborescente qui peut atteindre jusqu'à six mètres 
        de hauteur. Les souches sont formées d'un bois très serré, 
        très dur, employé dans la fabrication des pipes.
 ------On estime 
        à 4 ou 5.000 le nombre d'indigènes occupés à 
        leur extraction.
 ------Des 
        scieries, situées en pleines régions de production, débitent 
        les souches en planches, puis découpent des ébauches ayant 
        le profil de pipes : ces ébauches portent le nom d'ébauchons. 
        On compte dans la colonie plus de trente ateliers, souvent fort importants, 
        qui emploient un total de 1.200 ouvriers. ------Leur 
        production annuelle est de 2 à 3 millions d'ébauchons, représentant 
        un poids de 3 à 5.000 quintaux
 ------Le finissage 
        de la pipe ne s'effectue pas en Algérie : c'est en France, dans 
        le jura (à Saint-Claude), et aux Etats-Unis que les ébauchons 
        sont tournés et transformés en pipes. L'industrie algérienne 
        se contente actuellement de la fabrication de l'ébauchon. Bien 
        que de création récente, elle occupe sur tous les marchés 
        une place de premier plan, et l'on estime que la production algérienne 
        d'ébauchons est supérieure à la moitié de 
        la vente mondiale.
 ------Les 
        exportations d'ébauchons atteignent annuellement 4 à 5.000 
        tonnes ; elles ont dépassé, certaines années, 6.000 
        tonnes. Leur valeur est de 10 à 15 millions de francs par an. Le 
        principal client de l'Algérie est de beaucoup la France, qui achète 
        3 à 4.000 tonnes ; les Etats-Unis, de leur côté, s'inscrivent 
        pour 2 à 300 tonnes.
 
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