sur site le 14-08-2003
-Les Productions algériennes : première partie
LES PRODUCTIONS VÉGÉTALES
CHAPITRE DEUX : Les productions végétales naturelles
l'alfa
, le crin végétal, le liège,...
n.b : tous ces textes ont été passés à l'OCR, je ne les pas vérifiés minutieusement. Veuillez pardonner les erreurs éventuelles, vous pouvez même me les signaler.Merci
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CHAPITRE II
Les productions végétales naturelles

------C'est à la colonisation française que revient le mérite de l'exploitation et de la mise en valeur des richesses naturelles produites par le sol algérien. On peut dire qu'elles ont largement contribué au développement économique de l'Algérie: alfa, crin végétal, liège sont des productions essentiellement algériennes ; leur récolte et leur industrialisation sont une source de revenus considérable pour des populations entières, pour des milliers d'individus. ---------Leur rôle économique et social a, dans la vie de l'Algérie, une importance considérable ; pour s'en faire une idée, il suffira de savoir que la valeur de leurs exportations dépasse 225 millions de francs, plus du vingtième des exportations totales.

I. - L'alfa

------L' alfa, plante de la steppe, nous conduit sur les Hauts-Plateaux.
------A perte de vue, des espaces plats ou à peine vallonnés m'étendent devant nous, couverts d'une herbe verte au printemps, grisâtre en été, qui ondule sans arrêt sous les rafales de vent. On dirait d'une mer agitée par la brise c'est la mer d'alfa.
------Elle couvre 4 millions d'hectares sur les Hauts-Plateaux, de la frontière marocaine à la frontière tunisienne; à l'ouest, elle déborde jusque dans le Tell, atteignant le littoral ; au centre, elle couvre quelques milliers d'hectares dans le Sahara.
------L'alfa exige une faible pluviométrie (moins de 50 cm. de pluies par an) et des terrains perméables et secs : à cet égard, tout le département d'Oran, du Nord au Sud, lui convient ; il y occupe près de treize cent mille hectares, plus du double si l'on ajoute les peuplements des annexes de Méchéria et de Géryville, appartenant administrativement aux Territoires du Sud mais géographiquement aux Hauts-Plateaux Oranais. La pluviométrie est déjà plus élevée dans le département d'Alger : les peuplements d'alfa ne s'étendent que sur 6 à 700.000 hectares. Sur les HautsPlateaux Constantinois, mieux arrosés encore, plus étroits aussi, on ne trouve plus que 600.000 hectares. La densité alfatière va donc en diminuant de l'Ouest à l'Est.
------L'emploi de l'alfa dans la fabrication du papier remonte au milieu du siècle dernier ; il est dû aux recherches d'un papetier écossais. Un centre de manipulation et d'embarquement de l'alfa fut créé à Arzew par cet industriel en 1870, 42.000 tonnes étaient déjà expédiées en Ecosse ; dix ans plus tard, les exportations atteignaient 80.000 tonnes. Elles s'établissaient, dans les années qui précédèrent la guerre, autour de 110.000 tonnes. Elles dépassent actuellement 200.000 tonnes. Progression rapide, on le voit, qui est la preuve de l'activité croissante des chantiers d'exploitation.
------L'alfa est une graminée vivace. La feuille contient une fibre très fine et très résistante. Elle se détache facilement de la souche et il suffit d'une traction très légère pour l'en séparer. Nous avons vu que les climatd secs lui conviennent; il lui faut aussi des étés chauds, mais il s'accommode très bien, en hiver, de basses températures : c'est ainsi qu'à El-Aricha, sur les Hauts-Plateaux Oranais, il supporte 12 à 16° de froid. Sa rusticité, ses exigences très faibles, on le voit, en font une plante de la steppe ; il en est presque l'unique ressource, il en est en même temps la richesse.
------Il faut, en effet, pour sa cueillette, une nombreuse maind'œuvre, quelque peu expérimentée. On la trouvait autrefois parmi les immigrés espagnols de l'Oranie - car l'Espagne, elle aussi, possède des peuplements d'alfa exploités avant ceux d'Algérie; - maintenant, les tribus indigènes nomades qui viennent, à l'époque de la récolte, camper à proximité des chantiers la fournissent en abondance : hommes, femmes, enfants, des plus jeunes aux plus vieux, tous sont occupés à l'arrachage de l'alfa. Ils apportent leur cueillette au chantier de pesage ; l'alfa, pesé, est payé aussitôt.
------Autre source de revenu pour les nomades : avec leurs chameaux, ils transportent à la gare d'embarquement l'alfa mis en balles. Tout est donc profit pour eux : cueillette, manipulation et transport.
------Mais il n'y a pas de profit que pour les travailleurs indigènes. Sur 4 millions d'hectares en effet, 50 à 60.000 seulement appartiennent à des particuliers ; le reste, c'està-dire la presque totalité, est la propriété des communes ou de l'Etat. Les peuplements sont concédés à des négociants, qui versent une redevance au propriétaire : concessionnaires, communes et Etat, travailleurs indigènes trouvent donc leur profit dans l'exploitation de l'alfa. Et l'on doit également compter, parmi les bénéficiaires, les chemins de fer, qui acheminent jusqu'à la côte l'alfa récolté, les dockers qui le chargent sur les navires : toute une partie de la population se partage les 85 millions que représentent les exportations.
------Les peuplements d'alfa, cependant, ne sont pas entièrement exploités. De vastes espaces, en effet, trop éloignés des chemins de fer, n'ont pu encore être mis en valeur. Ce n'est qu'à proximité des lignes de pénétration d'Oran à Crampel, d'Arzew à Colomb-Bechar, d'Alger à Djelfa et de Constantine à Biskra qu'existent les principaux chantiers de récolte ; hors ces contrées, de vastes régions sont inexploitables.
Quoi qu'il en soit, les peuplements exploités fournissent à l'exportation plus de 200.000 tonnes de produits.
------Lorsqu'il s'agit d'alfa, on ne saurait en effet tenir compte que de l'exportation. C'est l'extérieur en effet qui constitue la principale clientèle des chantiers algériens, on pourrait même dire la seule.
------La consommation locale est, pour le moment du moins, pour ainsi dire nulle. Tout au plus se réduit-elle à quelques milliers de tonnes employées par l'industrie familiale indigène pour la fabrication de nattes, de chapeaux, de sandales, d'escourtins, de couffins et d'objets divers de vannerie et de sparterie, par quelques usines européennes pour la production de cordages, de tapis ou de tissus grossiers, de crin d'alfa utilisé comme succédané du crin animal.
------Son emploi le plus répandu est la fabrication de pâte papier ; c'est cette industrie qui fait la véritable valeur dç l'alfa d'Algérie. Le papier d'alfa est souple, soyeux, résistant, très léger, très bouffant, il prend bien les caractères d'imprimerie. Mélangée en proportions variables avec les pâtes de chiffons, de paille ou de bois, la pâte d'alfa peut donner lieu à des milliers de combinaisons d'une grande valeur et d'une excellente qualité.
------Longtemps le monopole du papier d'alfa fut détenu par l'Angleterre qui achetait à l'Algérie la majeure partie de sa production : bénéficiant de tarifs de transport par mer excessivement bas, elle avait sur l'industrie française un avantage très sérieux, car l'alfa, marchandise pauvre, ne peut supporter des frets coûteux. L'industrie anglaise nous revendait les papiers qu'elle produisait, à des prix élevés, car le papier d'alfa fut longtemps considéré comme papier
de luxe.
------Des essais de fabrication furent cependant tentés en Algérie, dès 1906; repris après la guerre, ils durent être abandonnés. On se heurtait en effet à deux obstacles : le manque d'eau, d'abord, et surtout d'eau pure, car la fabrication de la pâte en exige de grandes quantités ; en second lieu, le prix de revient trop élevé, sur les lieux de production, du combustible et des produits chimiques
------Tout infructueux qu'ils eussent été, ces essais ne pouvaient laisser indifférente l'industrie papetière française. Obligée d'acheter à l'étranger à des prix excessifs les matières premières qui lui étaient indispensables, elle ne pouvait qu'être tentée d'utiliser l'alfa, produit de tout premier ordre, que l'Algérie, la Tunisie et le Maroc lui offraient en abondance.
------Dès 1920, l'idée séduisait un groupement de papetiers et de fabricants de produits chimiques de la Métropole. Une société était créée, à qui d'importants gisements alfatiers étaient concédés dans la région de Djelfa. La fabrication de pâte commençait en 1924 dans une ancienne poudrerie de la vallée du Rhône. L'industrie du papier d'alfa devenait une industrie française.
------Actuellement la Société en question met en oeuvre 20 à 30.000 tonnes par an d'alfa algérien et tunisien et produit une quinzaine de mille tonnes de pâte. Ce n'est pas encore autant que la production anglaise, mais le premier pas est
fait.
Sous cette impulsion, les exportations algériennes vers la Métropole passaient de 900 tonnes avant la guerre à 9.000 en 1924; elles dépassent actuellement 22.000 tonnes. De 0,7 des exportations totales en 1913, elles en représentent aujourd'hui les 17 % .
------Suivant l'exemple qui leur a été donné, d'autres papeteries françaises commencent à traiter l'alfa; ce mouvement économique paraît avoir toutes les chances requises pour s'intensifier davantage.
------Et ce qu'il faut noter, c'est que les pâtes françaises d'alfa ont non seulement conquis le marché français, mais qu elles s'imposent de plus en plus, par leur qualité et par leur prix relativement faible, sur les marchés étrangers, allemand, suisse et même anglais.

II - Le crin végétal

------Il nous faut maintenant revenir dans le Tell. C'est là que nous trouverons exploité, par une importante industrie, le palmier-nain, matière première du crin végétal.
------Tandis que l'alfa se plaît dans les régions pauvres, sous un climat sec, dans des sols arides, c'est dans les terres les plus riches du Tell que nous rencontrons le palmier-nain.
------Seul représentant spontané, en Algérie, de la famille des palmiers, le palmier-nain constitue des bouquets, ou plus exactement des touffes très épaisses qui allongent et enchevêtrent leurs racines jusqu'à une très grande profondeur dans le sol. Il atteint un à deux mètres de hauteur, sept à huit mètres lorsqu'il n'a pas été coupé.
------Comme il occupe les meilleurs sols, il est un obstacle pour la mise en valeur du pays, le grand ennemi de la colonisation. Il faut l'arracher, extraire à grand'peine les souches. L'indigène ne s'en embarrasse pas : lorsque, dans son champ, existe une touffe de palmier-nain, il la respecte soigneusement et tourne autour avec sa charrue primitive. L'Européen, plus exigeant, ne veut pas perdre un pouce de terrain ; il lui faut, dans ses labours, des raies bien droites : impitoyablement il se débarrasse du palmier-nain, dont les peuplements reculent devant la colonisation.
------L'idée d'utiliser le palmier-nain revient à un colon algérien, M. Averseng, qui s'aperçut que la fibre extraite mécaniquement de la feuille, après avoir été cordée, gardait bien la frisure et pouvait avantageusement remplacer le crin animal dans presque tous ses usages. Il installa à Toulouse une première usine assez rudimentaire qui, en 1848, produisait 2.000 tonnes de crin végétal. Peu d'années après, il entreprenait la fabrication en Algérie. Il eut naturellement de nombreux imitateurs et la fabrication prit rapidement un gland développement.
------La production algérienne atteignait avant la guerre 45 à 50.000 tonnes; elle dépasse actuellement 60.000 tonnes, représentant une valeur, à l'exportation, d'une soixantaine de millions de francs.
------Une centaine d'usines et d'ateliers, employant 3.000 ouvriers, sont en mesure de produire annuellement 150.000 tonnes. Quelques-uns sont très importants, et l'on cite un établissement des environs d'Alger qui occupe près de 400 ouvriers.
------La fabrication du crin végétal est assez simple, mais nécessite, pour être économique, un outillage perfectionné qui permet d'effectuer toutes les opérations dans le minimum de temps. La feuille est d'abord défibrée; puis les fibres, après triage et séchage, sont parfois teintes en noir ; la dernière opération est le cordage en cordes de deux mètres.
------Le produit obtenu est un succédané, très employé du crin animal. Beaucoup moins cher, il a sur lui l'avantage d'être inattaquable à la vermine. Teint en noir, il lui ressemble à s'y méprendre presque. Son utilisation principale est la literie (il remplace la laine dans la fabrication des matelas bon marché), la sellerie, la bourrellerie et la tapisserie, où il donne de très bons rembourrages. On peut également, avec la fibre, fabriquer de la sparterie ou des cordes grossières. Le crin végétai, ou plus exactement le palmier-nain, pourrait, prétend-on, servir à la production de pâte à papier ; mais c'est une utilisation qui n'est guère à retenir.
------Le crin végétal est aujourd'hui de plus en plus demandé dans le monde entier, et chaque année s'allonge la liste des pays clients de l'Algérie; on citera, parmi eux : la France, qui achète 5.000 tonnes par an, l'Allemagne, qui prend plus de 20.000 tonnes, pour ses besoins et ceux de l'Europe Centrale, l'Italie, qui demande 15 à 20.000 tonnes, la Belgique, la Hollande, l'Angleterre, les Etats-Unis, etc...
------On peut se demander si, comme l'alfa, le crin végétal est appelé à un grand avenir en Algérie. Au point de vue des débouchés, qui s'étendent de plus en plus, on ne peut que s'attendre au développement de son industrie.
------Mais l'approvisionnement en matière première se fait plus difficile, les zones de dispersion du palmier-nain se réduisant au fur et à mesure des défrichements et de la mise en culture des terres fertiles du Tell. C'est un fait que cette industrie recule devant les progrès de la colonisation, que les ateliers, localisés autrefois autour d'Alger, ont dû être reportés vers l'intérieur, en Oranie en particulier, jusqu'à proximité de la frontière marocaine, où la colonisation est encore peu importante.

 

------Mais il reste, particulièrement dans les terres indigènes, des peuplements importants qui alimenteront longtemps encore les ateliers de la colonie.
------Quoi qu'il en soit, même si un jour l'industrie. du crin végétal disparaît, elle aura joué son rôle en apportant aux indigènes qui récoltent les feuilles, et aux colons dans les premiers temps de la colonisation, un considérable surcroît de ressources.

III- Le liège

------Le liège est encore une autre ressource du Tell. Ressource précieuse, qui peut, dans un avenir très prochain, mettre l'Algérie en mesure de contrôler le marché mondial.
------Il provient de l'écorçage d'un chêne à feuilles persistantes, le chêne-liège, qui couvre en Algérie 450.000 hect., 150.000 de plus que les forêts espagnoles. Grâce aux peuplements de l'Afrique du Nord et spécialement de l'Algérie, la France détient plus d'un million d'hectares de chêneliège, c'est-à-dire plus de la moitié des peuplements contenus dans le monde.
------Le liège, dont les applications se font de plus en plus nombreuses, qui trouve dans quantité d'industries, et surtout depuis que se développe l'industrie frigorifique, des débouchés croissants, est à l'heure actuelle l'objet des appétits de puissants groupements économiques étrangers. qui s'efforcent d'obtenir la maîtrise du marché. Y parviendront-ils? ------L'Algérie, dans cette bataille du liège, saura-t-elle conserver son hégémonie? La chose est à souhaiter ; car il serait déplorable que des puissances qui ne produisent pas de liège pussent, par des combinaisons financières, par des trusts, dicter aux pays producteurs les prix de vente, leur imposer un rythme de production. L'Algérie ne saurait que perdre à une telle évolution du marché, surtout lorsque sa production, qui est encore en enfance, aura atteint son maximum.
------La répartition du chêne-liège en Algérie est fonction de l'importance de la pluviométrie. Il exige en effet de l'humidité, des pluies plutôt abondantes. ------On concevra donc que l'étendue et la densité des peuplements soient plus grandes à l'Est qu'à l'Ouest, sur le littoral qu'à l'intérieur. Sur les 450.000 hectares qu'il occupe dans la colonie, près de 400.000 (les 8/9 du total) sont en effet contenus dans le seul département de Constantine, où ils couvrent les versants de la chaîne littoralienne : Grande Kabylie, Kabylie des Babor, massif de l'Edough. Dans le département d'Alger, on ne compte plus que 40.000 ha., en Kabylie; en Oranie, moins de 10.000 hectares sont répartis dans le Sahel d'Oran et dans les régions de Mascara et de Tlemcen.
------Pour mettre en valeur une forêt de chênes-liège, il ne suffit pas d'écorcer l'arbre. L'écorçage, pour être fait sans nuire à l'avenir de la forêt, exige un nombreux personnel de surveillance ; pour évacuer le liège, il faut construire des routes et des chemins ; enfin, la première récolte ne donne qu'un liège de peu de valeur, le liège vierge ou mâle, et l'on doit attendre une dizaine d'années avant de récolter un liège propre à la vente, ou marchand, appelé encore liège de reproduction.
------La mise en valeur d'une forêt de 450.000 hectares aurait donc nécessité une mise de fonds que l'Administration algérienne, ne disposant, au début de l'occupation, que de faibles ressources, ne pouvait effectuer. Elle dut donc en aliéner une bonne partie. Il reste actuellement 275.000 hect. gérés par l'Etat, qui sont presque complètement exploités, et dont la production annuelle atteint 12 à 13.000 tonnes. Si l'on ajoute à cette production celle des forêts privées, qui est de 20 à 30.000 tonnes, on arrive à un minimum d'une quarantaine de mille tonnes, représentant le total des ressources de l'Algérie.
------L'existence de ces richesses, la production rapidement accrue des forêts algériennes, ne pouvaient qu'encourager l'industrialisation sur place d'une partie au moins du liège récolté. La moitié de la production algérienne est mise en oeuvre par l'industrie locale, qui compte plus de 80 ateliers situés à proximité des forêts et emploie 4.000 ouvriers.
Certains de ces établissements ont la proportion de véritables usines : un d'eux, à Bône, occupe 850 à 1.000 personnes ; un autre, à Alger, en emploie plus de 300; un troisième, à Azazga, en Kabylie, en compte 281.
------L'industrie algérienne du liège fabrique le plus généralement les objets les plus divers : 'bouchons, carrés, disques, ustensiles de pêche, tapis de bain, etc... Mais il est des établissements qui sont spécialisés dans 'la préparation du liège pour la vente, préparation indispensable avant toute utilisation ; le produit obtenu après râclage, bouillage et pressage du liège marchand, puis découpage et triage suivant la qualité et l'épaisseur, prend le nom de liège en planches régulières. L'industrie en livre à l'exportation 15 à 20.000 tonnes.
------Les débris provenant de la fabrication du liège sont exportés par les usines algériennes, qui en expédient à l'extérieur 12.000 tonnes. Notons enfin qu'après avoir satisfait aux besoins de la consommation locale, les manufactures livrent à l'exportation 1.200 à 1.500 tonnes de bouchons et 2 à 400 d'ouvrages divers.
------Les produits qui n'ont pas été utilisés par l'industrie sont exportés : on compte 15 à 20.000 tonnes de liège vierge et 3.000 tonnes de liège , marchand non préparé (liège brut proprement dit).
Les exportations algériennes atteignent au total 45 à 50.000 tonnes, représentant une valeur de plus de 90 millions de francs.
------Nous avons énuméré plus haut quelques utilisations du liège. Il en est d'autres qui, depuis quelques années, ont pris une grande importance.
------Telle par exemple l'industrie du linoléum : ce produit est un mélange de poudre de liège, d'huile de lin et de siccatif qu'on étend sur une toile ou sur du papier; celle des briques et des panneaux isolants, fabriqués en comprimant du liège granulé additionné d'un liant (chaux, plâtre, goudron, etc...), qui utilisent la double propriété du liège d'être mauvais conducteur de la chaleur et d'amortir les sons, et dont on se sert pour le revêtement intérieur des appartements et des chambres frigorifiques. Ces produits permettent d'employer bon nombre de lièges réputés autrefois de rebut : liège mâle, débris et déchets provenant des autres industries. Enfin, les produits trop minces pour la bouchonnnerie trouvent leur utilisation dans la fabrication des rondelles qu'on applique au fond des capsules métalliques servant au bouchage des bouteilles.
------Ce rapide examen des emplois multiples du liège laisse entrevoir l'intérêt considérable de ce produit, avec lequel rien ne se perd.

V. - Produits forestiers divers

------Nous ne quitterons pas les forêts algériennes sans passer une revue rapide des richesses, autres que le liège, qu'elles recèlent.
------Richesses peu importantes, d'ailleurs, qui sont encore loin d'avoir la valeur du liège, mais dont l'exploitation rationnelle ne peut qu'être profitable.
------On compte, en effet, un peu plus de 3 millions d'hectares de forêts. Mais encore faut-il ajouter que la forêt algérienne n'a souvent rien de comparable avec la forêt française, avec la forêt européenne d'une façon générale. Quelques peuplements, il est vrai, rappellent les hautes futaies de nos pays, mais ils sont rares. Le plus souvent ce ne sont, au milieu d'un taillis plus ou moins épais ou de simples broussailles, que quelques bouquets d'arbres, ou des arbres isolés; certains sont vigoureux, d'autres sont malingres. Un simple maquis est parfois réputé forêt. Bien plus qu'une formation végétale, la forêt est en Algérie une entité administrative.
------Il n'en reste pas moins que, mise en valeur dans ses peuplements les plus denses et les plus accessibles, cette forêt peut fournir une variété de produits assez considérable. Les essences qui la constituent sont nombreuses : on y trouve, outre le chêne-liège, plusieurs autres variétés de chênes (zéens, afarès, kermès, chêne-vert), des pins, des cèdres, des thuyas. Mis en coupe, on assure que ces peuplements pourraient fournir 350.000 tonnes de bois d'oeuvre et 100.000 tonnes de charbon de bois. ------L'Algérie, qui importe 200.000 tonnes de bois d'oeuvre, pourrait non seulement satisfaire à ses besoins, mais encore peut-être devenir exportatrice.
------La mise en valeur des forêts est loin d'avoir atteint ce degré de perfection : l'évacuation des produits est en effet difficile, faute de chemins suffisants, et les frais de transports grèvent souvent la marchandise de charges trop ' élevées. En présence des dépenses qu'aurait entraînées cette mise en valeur, l'Etat a dû aliéner une partie des forêts. Ce qui reste à l'Etat, néanmoins, a été en grande partie mis en exploitation : les coupes de bois sont amodiées à des particuliers, qui en extraient 30.000 mètres cubes de bois d'industrie, 150.000 stères de bois de chauffage, 125.000 traverses de chemin de fer, cent vingtcinq mille perches, 2.000 tonnes d'écorces à tan et 20.000 tonnes de charbon. Si l'on y ajoute les produits des forêts privées, pour lesquelles les chiffres sont inconnus, on se rend compte cependant que l'Algérie est en mesure de trouver sur place une partie des produits forestiers qui lui sont nécessaires.
En dehors du liège, dont on a parlé plus haut, un des produits les plus intéressants de la forêt algérienne, et qui alimente un commerce d'exportation de 4 à 5 millions de francs, est l'écorce â tan. De nombreuses essences algériennes sont en mesure de la fournir : le chêne-liège, dont la partie interne de l'écorce est tannifère - la partie externe étant constituée par le liège, -- le chêne-vert, le chêne kermès, dont la racine fournit l'écorce amère ou garouille, le chêne zéen et le pin d'Alep.
------L'exploitation des écorces à tan fut longtemps, faute d'une législation forestière suffisamment sévère, cause que bon nombre d'arbres furent abattus et que les peuplements, non reboisés, diminuèrent progressivement. On comptait que, de 1870 à 1877, les seuls ports de Bône, de Philippeville et de Collo avaient embarqué, surtout à destination de l'Italie et de l'Angleterre, plus de 50.000 tonnes d'écorce à tan de chêne-liège; plus d'un million d'arbres avaient été détruits durant le même temps.
------Cette exploitation ruineuse a heureusement pris fin depuis longtemps. Grâce à une réglementation sévère des coupes de bois et du colportage des produits forestiers, la production des écorces à tan est devenue plus rationnelle. Elle est également moins élevée. Les exportations annuelles atteignent 7.000 tonnes environ.
------C'est surtout l'Italie qui profite de cette production; c'est elle, il faut le dire, qui l'a fait naître ; elle achète en Algérie, chaque année, 5.000 tonnes. La France vient ensuite, avec 500 à 1.000 tonnes. Les expéditions en Belgique, bien que faibles (3 à 400 tonnes), sont régulières ; bien moins constantes, mais souvent plus considérables, sont celles à destination du Portugal et de l'Angleterre.
------Il est à prévoir que la demande en écorces à tan sera de plus en plus importante. La production algérienne sera-t-elle en mesure d'y satisfaire ? En dehors des écorces à tan, d'autres produits du sol algérien contiennent du tanin en forte proportion : il suffirait de les exploiter rationnellement, voire de multiplier les plantes qui les fournissent. Tels sont le tezera, le retam, arbustes assez répandus, le takaout, galle produite par un insecte sur un tamarix du Sahara; les tanneurs indigènes emploient ces produits; les tanneries européennes pourraient les utiliser en grande quantité.
------Une autre production intéressante en Algérie est celle des souches de bruyère.. Les forêts algériennes, et principalement celles de Kabylie, contiennent de nombreux pieds d'une bruyère arborescente qui peut atteindre jusqu'à six mètres de hauteur. Les souches sont formées d'un bois très serré, très dur, employé dans la fabrication des pipes.
------On estime à 4 ou 5.000 le nombre d'indigènes occupés à leur extraction.
------Des scieries, situées en pleines régions de production, débitent les souches en planches, puis découpent des ébauches ayant le profil de pipes : ces ébauches portent le nom d'ébauchons. On compte dans la colonie plus de trente ateliers, souvent fort importants, qui emploient un total de 1.200 ouvriers. ------Leur production annuelle est de 2 à 3 millions d'ébauchons, représentant un poids de 3 à 5.000 quintaux
------Le finissage de la pipe ne s'effectue pas en Algérie : c'est en France, dans le jura (à Saint-Claude), et aux Etats-Unis que les ébauchons sont tournés et transformés en pipes. L'industrie algérienne se contente actuellement de la fabrication de l'ébauchon. Bien que de création récente, elle occupe sur tous les marchés une place de premier plan, et l'on estime que la production algérienne d'ébauchons est supérieure à la moitié de la vente mondiale.
------Les exportations d'ébauchons atteignent annuellement 4 à 5.000 tonnes ; elles ont dépassé, certaines années, 6.000 tonnes. Leur valeur est de 10 à 15 millions de francs par an. Le principal client de l'Algérie est de beaucoup la France, qui achète 3 à 4.000 tonnes ; les Etats-Unis, de leur côté, s'inscrivent pour 2 à 300 tonnes.