-Alger, la Casbah
Bourriquotier*
ou bourricotier ou bourricot t'y es !
+ texte extrait de "Salaouetches" de Paul Achard
+ texte extrait de AFN collections
mise sur site le 15-4-2009...+ le -3-10-2011
* erreur sur l'orthographe. Dans le Larousse, on trouve "bourriquier": conducteur d'ânes

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Servait presque essentiellement à évacuer les ordures.

Bourriquotier

Extraits de salaouetches de Paul Achard
LE JOURNAL D'UN BOURRICOTIER

A l'heure où, pour calmer les souffrances ardentes qui se cachent sous les voiles céruléens des Carmélites, les mains diaphanes d'une princesse Bibesco tournent les feuillets du matutinaire en ce couvent proche de la basilique de la Vierge Noire favorable aux marins qui, à la fin d'une nuit de pêche miraculeuse, sommeillent au bercement des vagues encore sombres, le dernier rayon lunaire éclaire parfois une étrange chevauchée d'Infidèles, descendant les sentiers de la montagne sacrée et pressant les flancs de leurs montures pour gagner la ville encore endormie.

Ces pèlerins de l'aube, ces chevaliers sans armures, poussant ces coursiers sans caparaçon mais non sans chouarries, ce sont les bourricotiers harcelant leurs pur sang blindés de vastes couffins à ordures. Leur voix est rauque, leur cri de guerre est barbare :
- Rrrrrrr-r ! Hhah ! Rrrrrrr-r ! Hhah ! Arrhi barriha... Arrhi Beni kelb. Ahah !
- Dis, Ahmed, tu peux pas faire entention !

La Mahonaise, qui traversait la Voûte du Vent à peine tirée de l'obscurité par les premières lueurs de l'aube, vient d'être bousculée par l'un des bourricots affectés à l'enlèvement des ordures ménagères. Trottinant, le poil pelé, l'oeil chassieux, triste et résigné, la chair saignant sous le barda, couverts de plaies et de mouches, les misérables bourricots, aiguillonnés par la trique et par la voix de leurs bourreaux, piétinent les détritus gluants, glissent dans les eaux sales, trébuchent sur les pavés gras, butent dans les poubelles que vident leurs maîtres, donnent dans les bornes plantées au ras des maisons mauresques, frôlent. raclent et renversent tout ce qui se trouve sur leur passage. Ils aimeraient tant tomber enfin, eux aussi, se coucher, dormir, mourir. Mais, courant derrière eux, les bourricotiers les piquent, les frappent, les empêchent de s'arrêter.
- Rrrrrrr-r ! Hhah ! Rrrrrrr-r ! Hhah ! Arrhi, barriha ! Arri Beni kelb ahah ! grondent les voix rauques, enrouées par l'humidité de mille et un matins.

Inutile de songer à humer un trognon de salade gâtée, un coeur d'artichaut pourri. Rien pour eux. Tout pour lui. Avec une adresse de singe, il vide les poubelles dans des chouarries, en un tournemain, sans cesser de courir et de renâcler... " Hue ! hi ! Rrrr-r ! " Un démon, avec ses damnés.

Quand la tournée est terminée, on remonte, toujours courant... Hue ! hi ! Rrrr-r ! Arrivé dans son infernale cahute qui domine le plus beau paysage du monde, le bourricotier met à jour son livre de bord, rédige ses mémoires, son journal : il tire de sous son burnous crasseux un carnet d'une saleté repoussante, et, ayant trouvé la page blanche du jour, il rédige avec beaucoup d'application son rapport sur ce livret municipal, qu'un employé, au terme de sa course, lui a remis : il inscrit une croix. Ironie pour un Croyant, mais il ne sait pas écrire et Mahomet n'a pas prévu le cas. Quand il aura sept croix sur ses sept pages, il ira toucher sa semaine de sept francs.

LES PETITS ANES D'ALGER
Texte issu , avec autorisation, de la revue n° 68", juillet 2011,A.F.N. Collections"
http://afn.collections.free.fr/pages/bulletin.html
(Sources, amusant, j'en suis ! voir à la fin)

Au temps des Turcs, le monopole du transport était exercé, dans le territoire de la Régence, par une corporation de Mozabites.

Le " bourricotier ", membre concessionnaire de cette corporation devait posséder au moins quatorze bourricots pour le transport d'un mètre cube de marchandises réparties dans les " choirries ", sortes de paniers d'alfa battant aux flancs de l'animal.
Les deux principales activités des bourricotiers étaient le transport des matériaux de construction et le convoiement des ordures ménagères urbaines.

Le transport des matériaux de construction consistait à faire parvenir à pied d'oeuvre le sable marin tiré des plages du littoral et notamment celui des " sablettes " au Hamma.

Ils amenaient aussi sur les chantiers de construction les pierres provenant des carrières de Bab-el-Oued.

La collecte des immondices s'effectuait tôt le matin. Les bourricots chargeaient les détritus que chaque habitant déposait devant sa porte. Puis les ordures étaient jetées dans la mer, près du Bordj El Zoubia, à proximité des remparts de la ville. Les ânes regagnaient ensuite leurs écuries alors que le bourricotier assis les jambes pendantes qui se balançaient au rythme du dernier de la troupe.

Dès la conquête, les Français supprimèrent cette corporation et confièrent le nettoient de la ville par adjudication à un entrepreneur de transport.

Mais, seuls les bourricots pouvaient circuler dans les ruelles de la casbah aux pavés sants et aux pentes accentuées, coupées de raides marches d'escalier. C'est pourquoi, dant de longues années, tous les jours, dès l'aube on vit les troupeaux de bourricots épandre dans la ville, descendant du " Frais vallon " où se trouvaient les ateliers du 'ice de nettoiement de la ville d'Alger.

Gérard SEGUY

Sources :
Ch. Jourdan Croquis algériens
Paul Achard : Salaouetches, Journal d'un Bourricotier, site Bernard Venis