--------POUR dresser
une sorte de bilan du tourisme algéro-saharien, il est nécessaire
de se reporter d'abord au début du siècle, avant la première
guerre mondiale. A cette époque, les Anglais hivernent à
Mustapha-Supérieur, quartier résidentiel d'Alger qui compte
plusieurs hôtels confortables, parmi lesquels le célèbre
Saint-George.
Ils y séjournent plusieurs mois, réservant leurs appartements
longtemps à l'avance.
--------La
reine Victoria et le prince de Galles, futur Edouard VII, fuyaient l'hiver
les brumes de leur île, pour aller à Nice ou à Biarritz.
Leurs sujets suivaient leur exemple illustre en s'essaimant dans le bassin
méditerranéen et sur le rivage atlantique. La Côte
d'Azur, la Côte basque, l'Algérie, l'Egypte, les Canaries
même recevaient la visite d'innombrables majors Thomson type 1900.
Le Maroc lui-même, grâce à Lyautey, entrait dans le
concert des pays à vocation touristique.
--------Les
Britanniques eurent des émules parmi les Nordiques, les Belges,
les Suisses et les Allemands. Et quelques citoyens de la grande République
nord-américaine firent de timides apparitions, promesses d'apports
plus importants dès que l'invitation au voyage aux pays du soleil
pourrait les atteindre en grand nombre
--------En
1904. II y a cinquante-sept ans, je prenais contact avec la Compagnie
générale Transatlantique et avec son secrétaire général
Dal Piaz.
--------Dal
Piaz était entré à la Transat en 1888, à vingt
trois ans en qualité de secrétaire du président Eugène
Pereire. Chef né, ayant une connaissance aiguë des services
complexes d'une exploitation maritime qu'il a promptement assimilée,
John Dal Piaz était un homme séduisant, d'une distinction
rare de grand seigneur, un incomparable cerveau qui allait donner quarante
années de sa vie à la France africaine.
--------En
1904 déjà, il était en fait le " Patron ",
avec tout ce que ce mot affectueux comporte de tendre admiration et de
dévouement total. Pour beaucoup de gens en rapport avec elle, la
Transatlantique, c'était Dal Piaz.
--------Me
proposant de lui exposer mes idées et mes espoirs quant aux possibilités
de développement du tourisme en Afrique du nord, j'eus la surprise
de constater combien il était averti du sujet et que sur de nombreux
points nos vues étaient communes.
--------Et
cependant, notre conversation fut pratiquement sans suite dans l'immédiat.
*****
--------Le 11 novembre
1918, je suis dans le bureau du directeur général de la
Transat, John Dal Piaz. C'est l'Armistice.
--------Des
fenêtres, nous contemplons toute une ville en délire. La
rue Auber noire de monde. Cris de la foule en liesse : " Vive Foch
! ", " Vive Clemenceau ! ". Des cortèges se forment
: drapeaux, bannières. Les gens, sans se connaître, s'embrassent,
pleurent de bonheur; 40 000 personnes se pressent place de l'Opéra
où, tout à l'heure, Noté et Marthe Chenal, drapeau
tricolore déployé, vont chanter la " Marseillaise ".
--------Nous
aussi, larmes aux yeux, nous nous mêlons à la foule, pas
à pas, bien péniblement tentant le passage, nous dirigeant
vers le domicile de Dal Piaz, rue de Téhéran.
--------Boulevard
Haussmann, on peut circuler un peu plus commodément... on peut
parler. Nous voici à l'angle de la rue Tronchet, devant le magasin
des Tortues - je m'en souviens comme d'hier. Et là - l'idée
venait de mûrir au milieu de tous ces cris, de ces transports de
joie, - tout à coup, sans aucune préparation, Dal Piaz de
me dire : " Si nous reprenions votre idée
d'avant guerre... On pourrait faire une caravane d'invités d'Alger
à Marrakech... On verrait
ensuite à exploiter cela commercialement... Réfléchissez...
Venez donc demain m'en parle . "
--------Demain!
Voilà le beau cerveau créateur qui va, à point nommé,
entreprendre sur la terre d'Afrique la mise en valeur de son capital touristique,
et son lancement près de la grande clientèle internationale.
Dix jours après, je parlais pour un premier voyage d'êtudes,
dans le plus grand secret. Quelques hautes personnalités étaient
dans la confidence d 'un vague projet de caravane de la Cie Générale
Transatlantique, sens autre précision. Seuls, les gouverneurs généraux
Lutaud et Jonnart, le directeur de l'Agriculture, du commerce et de la
Colonisation, Charles Brunel (futur maire d' Alger) et le général
Lyautey, surent que nous tentions une oeuvre d'avenir.
--------Mais,
préalablement, devaient etre résolus les épineux
problèmes du logement et des transports, et j'étudiai particulièrement
les solutions qui pouvaient être envisagées.
--------Je
trouvai le Maroc en pleine effervescence. A Marrakech existait encore
un marché d'esclaves. À Taza, les coups de fusil claquaient
la nuit sur la Maison des hôtes, alors que je dressais les plans
du futur hôtel que je devais soumettre au " Patron ".
--------J'entendais
m'inspirer des enseignements sur le tourisme américain rapportés
des U.S.A. par Pierre Chabert, dont l'étude était mon
livre de chevet. j'étais guidé aussi par l'expérience
du cher et grand Rondet-Saint, qui avait acquis une grande expérience
du tourisme " colonial " au cours de ses voyages. Enfin, je
ne saurais dissimuler l'aide précieuse q u e m'apporta M. Charles
Lutaud, alors gouverneur général de l'Algérie, qui
se passionna pour mon oeuvre dont il suivit en détail l'évolution,
même après qu'il eut quitté son haut poste.
*****
--------En vérité,
ce ne fut qu'à mon deuxième voyage en Algérie - Tunisie
- Maroc que les choses se précisèrent. Que de concours précieux
s'offrirent, dans un même élan d'amour pour cette France
africaine - que le visionnaire de génie Prévost-Paradol
avait définie, qui allait bientôt, grâce à la
Cie Transatlantique, être portée au premier rang, dans le
monde, en cette industrie toute nouvelle du tourisme.
--------A
Ténès, grâce à M. Lauprêtre, maire et
conseiller général, fut déterminée dans les
pins, au bord de la mer, l'installation d'un camping, premier village
de toile, une forme de tourisme estival fort à la mode aujourd'hui
!
--------J'avais
la pleine confiance de Dal Piaz. Il adopta mon village de toile, dont
j'avais puisé l'idée dans le livre de Chabert, qui en avait
souligné !a pleine réussite aux Etats-Unis.
--------Nous
avions choisi Alger-Oran par le littoral comme la meilleure route touristique,
après avoir, avec le comte Charles de Polignac, alors président
de la Fédération des Syndicats d'initiative d'Algérie,
écarté celle du Chélif et du Sersou.
--------A Tlemcen,
mon ami le célèbre arabisant Alfred Bel, que je fus si heureux
de retrouver assumant la présidence du Syndicat d'initiative, épousa
tout de suite mon point de vue : à Tlemcen, perle d'Islam dans
un jardin de Touraine, c'est au milieu des cerisiers, des ceps qui donnent
ce vin chaud et velouté de Mansourah, qu'il fallait construire
un hôtel comme ceux que Rondet-Saint préconisait pour en
avoir tant admiré à Java. "
Laissez-moi chercher ", avait dit Alfred Bel.
--------Et
quand je repassai, il avait trouvé... le plus beau terrain qui
puisse être, en pleine position touristique, devant Sidi-bou-Medine
accroché tout en face sur la mystique colline, sur la route même
qui mène au saint marabout, tout près du va-et-vient incessant
des musulmans se rendant le vendredi à ce poétique cimetière.
--------Alfred
Bel avait aussi trouvé le plus généreux des propriétaires,
qui vendit son terrain seulement à cette condition : l'édification
d'un hôtel de tourisme où flotterait au faîte le pavillon
blanc à la lune rouge de la Compagnie générale Transatlantique.
Dal Piaz avait la baraka.
--------Partout,
nous eûmes cette préoccupation primordiale : faire un hôtel
de tourisme, donc le situer en pleine position touristique;
qu'il soit adapté au caractère touristique de la ville ou
du site. Ce programme avait tout de suite la sympathie de tous : "
Vous prenez les choses par le petit bout, m'écrivait
Charles Lutaud, c'est-à-dire par le bon bout. Toutes les fois que
dans mon cabinet, à Alger, j'ai reçu des personnalités
venant m'entretenir de projets de vastes palaces, j'ai prédit l'échec
complet. "
--------Si
André Citroën, quand il pensa, quelques années plus
tard, équiper le Sahara, s'était inspiré des mêmes
données, qui semblent absolues dans le domaine du tourisme africain,
il n'aurait pas eu a enregistrer un échec.
--------La
création d'un hôtel Transat à Fès mériterait
à elle seule de longs développements que je me dois d'écarter
car ils dépasseraient singulièrement le
cadre de cet article. Je dirai simplement qu'elle fut une réussite
audacieuse car il s'agissait de l'installer en pleine Médina, dans
une demeure seigneuriale jusqu'alors réservée aux femmes,
située dans un quartier pratiquement interdit aux chrétiens.
Elle put être menée à bonne fin grâce à
l'intervention éclairée du général Lyautey.
De sorte qu'un palais ligne des contes des Mille et Une Nuits devint hôtel
Transatlantique.
--------L'histoire
de l'hôtel Transatlantique de Meknès ne le cède en
lien - en pittoresque et en audace - à celle du palais Jamaïe
de Fès.
--------Même
formule à Meknès qu'à Tlemcen : la préfabrication,
les pavillons démontables s'inspirant de ceux que j'avais vus à
la foire coloniale de Bordeaux. Ma conception était donc celle
du "bungalow-system " que Rondet- Saint avait rencontré
à Java et qu'il vantait dans ses ouvrages: hôtel extensible
qu'on améliore en dur,petit à petit, suivant les nécessités
et le succès de l'exploitation.
-------L'hotel
Transatlantique de Meknès accuse aujourd'hui un long succès
qui ne s'est jamais démenti même au cours des dures années
de la crise. C'est qu'il pouvait compter, outre sa clientèle de
touristes, sur une clientèle locale qui s'est faite de plus en
plus importante, avec le développement de la ville nouvelle, comme
nous l'avions pressenti.
--------Les
contemporains de cette époque, dite héroïque et historique
du Maroc, n'ont pas oublié le prodigieux spectacle du long ruban
d'arabas, de charrettes arabes, attelées de mules et se déployant
sur 230 kilomètres, du port de Casablanca jusqu'au coeur du Maroc,
à Meknès. C'était l'hôtel Transat du président
Dal Piaz qui passait morceaux par morceaux : bâtiments, mobilier,
jusqu'aux petites cuillères, tout ce matériel immense et
divers qui constitue un hôtel.
--------Le
président fonçait sur l'obstacle, et nous suivions tous,
entraînés par cette foi, cette entière confiance,
cette divination, ce... chic, si français. Car Dal Piaz gardait
toujours cette tranquille assurance, cette distinction suprême d'un
lord, sûr de son destin.
-------A
Rabat, l'hôtel Transat se situa près de la Casbah des Oudaïas,
encore en pleine position touristique, près du fameux caouadji
où l'on sirote le thé à la menthe, dans ce décor
incomparable de l'embouchure du Bou-Regreg, devant la blanche Salé,
en la compagnie des cigognes.
--------A
Casablanca, ville moderne, c'est un hôtel moderne, en plein centre,
qui fut réalisé. Toutes les fines gueules de Casa s'y donnaient
rendez-vous.
--------Le
général Lyautey ayant stipulé, dans le cahier des
charges de la Société concessionnaire des transports sur
routes au Maroc, l'obligation de construire un hôtel de tourisme
à Marrakech, ma demeure arabe à Bab Doukala, dans la Medina,
près des souks, fut une solution d'attente pour les touristes de
la Compagnie générale Transatlantique. Et quand surgit de
terre, dans son jardin des Hespérides, le palace, magnifique entre
tous, qu'est la Mamounia, aujourd'hui de renommée mondiale, il
entra, en tant que gérance, dans le cycle des hôtels Transatlantique.
--------Avec
Taza et Oujda, la route, au Maroc, était équipée
sur les talons des soldats.
ALGER - BISKRA - TUNIS
--------SUR le conseil
de M. Faralicq, de la Direction des services d'exploitation du chemin
de fer P.L.M., nous nous abouchâmes avec la Société
des Transports autamobiles industriels et commerciaux, affiliée
à Renault, qui assura, après étude que nous fîmes
sur place avec un de ses inspecteurs, un service de tout premier ordre,
absolument impeccable, bien digne de la grande Compagnie de navigation
française qui prenait sur terre, comme en mer, la pleine responsabilité
du confort de ses grands clients anglo-saxons. Les touristes français
qui les accompagnaient devaient être fiers de montrer aux étrangers
que la France se plaçait, en Afrique du nord, à la tête
de l'industrie nouvelle du tourisme.
--------Ce
fut un éclatant succès. La Transat pouvait faire valoir
à un passager qui prenait son billet à San Francisco pour
l'Europe et, curieux d'un pays extraordinaire de couleur et d'orient,
qui s'ouvrait au tourisme, qu'il était assuré, à
la date choisie, de trouver, partout sur son parcours, sa chambre avec
bains, claire et gaie, dans un cadre d'intérêt et d'agrément
toujours renouvelé, et toujours sous la garantie du même
pavillon : sur le bateau, en car, à l'hôtel. Bon gîte
et bonne table. Bonne table ! Là, ce fut une révolution.
--------A
part quelques établissements : à Alger, Biskra, Tunis, qui
recevaient la clientèle des hiverneurs avant la première
guerre mondiale, ce n'était, en Algérie, en Tunisie, que
méchantes auberges. Au Maroc, tout était à créer.
Pour accomplir un voyage - d'exploration - en Afrique du nord, il fallait
donc avoir le coeur et... l'estomac solides.
--------C'était
une des plus grondes préoccupations du président Dal Piaz.
On sait la réputation mondiale de la cuisine sur les lignes de
navigation françaises ; elle ne devait pas démériter
sur les auto-circuits nord-africains. Pour ce faire, le président
Dal Piaz trouva la bonne porte où frapper : la Société
des cuisiniers de Paris. Il n'engagea que des professionnels, de véritables
chefs, qui surent en Afrique prêcher d'exemple. Le réseau
des hôtels Transatlantique fut le point de départ d'un heureux
changement : aujourd'hui, on mange bien en Afrique du nord.
--------La
conception était donc celle du billet forfaitaire, tout compris,
les boissons seules étant décomptées à part.
C'était aussi beaucoup et en somme normal de trouver, sur les confins
du désert, une bonne bouteille de vin d'Algérie, mais encore
toute la gamme des grands vins français. Et certes, pour que l'euphorie
soit complète, rien n'est plus indiqué que de sabler le
champagne au Sahara.
--------Avant
que de pousser plus loin au Sahara, il fallait équiper la route
Alger - Biskra - Tunis, compléter le circuit algéro-marocain
par le circuit algéro-tunisien et pousser une pointe sur Biskra
et sur Touggourt.
Nous nous en ouvrîmes au président. La réponse fut
comme l'éclair d'une lame : " M. Robin, pas de mégalomanie.
" Rien à répliquer ! Mais encore un trait de Dal Piaz
: l'idée avait porté. II avait réfléchi et
finalement il acceptait la suggestion, puisque moins de dix jours après
- c'était en plein mois d'août il nous appela et nous
dit pour la deuxième fois le Partez qui nous comblait de
bonheur. Et ce ne fut plus qu'un jeu d'équiper Alger - Constantine
- Biskra - Tunis, forts de l'expérience acquise sur la route Alger
- Marrakech, ayant derrière soi, en puissance, l'organisation automobile
toute préte à accroître ses services.
--------Mais
pouvait-on concevoir de ne pas étendre les possibilités
du grand tourisme international à cette rocade merveilleuse complétant
Alger - Marrakech, de la traversée du Djurdjura, avec la vision
extraordinaire du pays kabyle, par ses crêtes impressionnantes et
ses grands peuplements de chênes-liège jusqu'à
Bougie couchée dans son golfe d'azur. Chemin faisant, nous déterminions
une étape en pleine montagne, à Michelet : autre formule,
celle d'un hôtel alpestre.
|
Puis Bougie, point de départ de cette corniche,
qu'on dit être la plus belle de la Méditerranée, qui
conduit à Djidjelli. Chemin faisant, les fameuses gorges du Chabet
el Akra. L'étape de Constantine demandait une importante installation,
de par son intérêt touristique unique et sa situation sur
le chemin du Sud Constantinois. Pour la première fois, le président
Dal Piaz hésita, à notre proposition de l'achat, qui était
alors possible, du principal hôtel de !a ville,
notre idée étant d'y réserver un ou deux étages
à nos touristes et de bénéficier du rapport d'un
établissement travaillant toute l'année " ... Je ne
suis pas hôtelier ", nous avait répondu le président.
II préféra faire son hôtel Transatlantique avec affectation
exclusive pour ses touristes.
--------Sur
le chemin de Tunis, un hôtel touristique : Les Chênes,
en pleine forêt de Kroumirie. Sur celui de Biskra, un hôtel
à Batna,
à proximité de Timgad. Dans le massif de l'Aurès,
si cher au gouverneur général Lutaud, la Transat devait,
un peu plus tard, exploiter pour ses touristes les bordjs qui y avaient
été aménagés dès 1917, en pleine guerre,
par le gouverneur général lui-même : " Riposte
ironique et française aux plans de l'Allemagne elle avait prémédité
l'insurrection, tablant sur l'éloignement moral d'une région
choisie. Nous répondions en y inaugurant le tourisme. "
--------Lutaud,
promoteur du tourisme algérien, se rencontrait avec Dal Piaz, comme
Lyautey, promoteur du tourisme marocain, avait vu venir à lui le
constructeur audacieux qui devait impérissablement marquer son
nom dans les fastes de la colonisation.
--------La
route de l'Est : Alger - Tunis, devait se compléter bientôt,
avec l'antenne Constantine - Biskra - Touggourt,
par l'équipement de la Tunisie, qui offre aux touristes d'autres
impressions d'Orient non moins émouvantes, mais totalement différentes
de celles du Maroc et de l'Algérie. Le réseau des hôtels
Transatlantique ne s'arrêta qu'au désert, au pied des dunes,
dans les casis du Djérid aux dattes de miel et que Mme Myriam Harry
a si bien chantées.
--------Bientôt
subjugué par l'incomparable féerie saharienne, le président
Dal Piaz confiait au commandant de La Forge, Saharien de l'école
des Vuillemin, des Weiss, des Meynier, des Lehuraux, l'équipement
de la boucle du Grand Erg. De très bons hôtels à Béni-Abbés,
à Timimoun, à El-Goléa, à El-Oued, à
Touggourt, à Laghouat, à Ghardaïa, complétaient
en 1928 un réseau de 44 hôtels Transatlantique de tourisme
en Algérie, Tunisie, Maroc et Sahara.
--------Sur les routes
circulaient à plein les autocars, d'octobre à juin, et sur
les pistes c'étaient les six roues qui franchissaient les dunes
d'or.
--------II était
possible d'emprunter une voiture particulière et de déterminer
un itinéraire de son choix, comme aussi d'effectuer le voyage dans
sa propre voiture en utilisant toute l'organisation Transat. Tels étaient
les auto-circuits nord-africains. Telle fut la réalisation impériale
du président Dal Piaz," uvre
à laquelle il apporte, disait André ChevrilIon, avec la
volonté organisatrice et patiente d'un vrai chef, une ferveur particulière
parce qu'elle est une création de son patriotisme français
".
--------Ce grand
Français fut un de ces héros de l'intelligence constructive,
a dit Louis Forest. " Son goût d'agir,
d'entreprendre, de " lancer ", d'être le premier, a été
tout bonnement admirable. "
--------Le
président Dal Piaz mourut en 1928, quand son oeuvre avait atteint
son apogée. Il avait, peu de temps auparavant créé
la société des voyages et hôtels nord-africains, à
qui fut confiée la gestion des hôtels Transatlantique.
--------Deux
ans après sa mort, la crise économique gagnait l'Europe
et l'Afrique du nord après avoir pris naissance en Amérique.
Le mouvement touristique fut particulièrement frappé, et
l'hôtellerie avec lui. La dernière guerre acheva ce que la
crise avait commencé.
--------La
S.V.H.N.A. connut des heures difficiles qui exigèrent des sacrifices.
Des hôtels furent vendus. Les hôtels Transatlantique du Maroc
passèrent aux mains de la Compagnie des Chemins de fer marocains,
qui en a continué l'exploitation.
--------Mais
la S.V.H.N.A. réussit, malgré bien des vicissitudes, à
sauvegarder l'oeuvre algérienne du président Dal Piaz. Les
touristes ont encore à leur disposition les hôtels Transatlantique
qu'il a créés à Bou-Saâda, Constantine,
Tlemcen, Biskra,
Touggourt, Ghardaïa, El-Goléa.
Celui de
Ténès est provisoirement retiré du circuit,
mais l'on peut espérer que lorsque la paix reviendra le premier
hôtel Transat créé en Algérie retrouvera sa
destination.
--------Les
hôtels de Bou-Saâda
et de Ghardaïa
ont été agrandis et modernisés, comme a été
rénové récemment celui de Touggourt.
--------A
Colomb-Béchar, à l'une
des extrémités de la splendide vallée de la Saoura,
a été construit un hôtel Transat et Ouargla
aura bientôt le sien, et cela au moment même où l'Algérie
connaît les heures les plus cruelles de son histoire.
--------L'oeuvre
de Dal Piaz a donc survécu à de nombreux bouleversements,
et il convient d'en rendre hommage à ce grand visionnaire, qui
sut imposer ses vues et sa volonté créatrice à tous
ceux qui furent ses collaborateurs et ses amis et qui, comme moi, gardent
à sa mémoire un souvenir fidèle et reconnaissant.
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