Géographie
de l'Afrique du nord
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Il n’y a pas un Titteri mais trois avec, du nord au sud, les montagnes de l’Atlas tellien, les hautes plaines steppiques et les chaînons et bassins de l’Atlas saharien. |
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Il n’y a pas un Titteri mais trois avec, du nord au sud, les montagnes de l’Atlas tellien, les hautes plaines steppiques et les chaînons et bassins de l’Atlas saharien. Les monts du Tell sont assez humides pour que les récoltes soient correctes tous les ans sans irrigation. Les villages de colonisation y furent assez nombreux, plus de vingt, et plutôt prospères ; du moins les premiers, ceux du XIXè siècle proches de Médéa ou de Bouira. Ils sont toutefois éparpillés sur toute la région et leurs terroirs sont rarement contigus. Les plaines steppiques sont le domaine de l’alfa un peu, du mouton beaucoup ; mais pas du colon qui y était très rare. Dans ces terres de parcours propices à l’élevage ovin semi-nomade les cultures céréalières sont une loterie réservée aux bas-fonds. Les villages de colonisation furent exceptionnels et voués à un rapide dépérissement. Dans l’Atlas saharien les pluies sont un peu moins faibles que sur les hautes plaines, grâce au relief, mais très insuffisantes pour des cultures sèches rentables tous les ans. Il n’y eut qu’un seul centre de colonisation ; mais en 1940 il n’y restait plus un seul agriculteur européen. Dans les zones les plus basses, les moins froides en hiver, apparaissent les premiers palmiers dont les dattes mûrissent, donc les premières oasis pré sahariennes . Cette trinité géographique des régions naturelles, avec leurs populations et leurs ressources différentes, s’imposent au regard et soufflent à l’auteur le plan le mieux adapté à l’exposé des aspects physiques, humains et économiques du Titteri des Français. 1/ L’Atlas tellien Vus de la plaine de la Mitidja, les djebels des Monts de Blida et de Tablat forment une barrière qui paraît continue et sans échancrures apparentes. C’est une sorte de sierra, mais d’altitudes modestes avec des sommets à un peu plus de 1600 mètres. Les crêtes rocheuses et les escarpements sont rares ; les sommets sont le plus souvent émoussés avec des traces d’aplanissement. La structure est plissée ; les roches sont majoritairement des marnes plus ou moins calcaires ou gréseuses, parfois schisteuses, ce qui indique un début de métamorphisme et un plissement complexe. Le relief a été très rajeuni par les mouvements orogéniques du pliocène et par la proximité, et l’instabilité, du niveau de base marin. Les oueds rejoignent la Mitidja, ancien lac que leurs alluvions ont comblé, par des gorges très étroites dont les modèles sont celles de l’oued Chiffa et celles de l’oued Djemmaa (ou de Sakamody). Avec leurs cascades et leurs singes celles de la Chiffa sont citées par tous les auteurs de guides touristiques. Derrière cette première barrière les montagnes sont plus basses et plus irrégulières. Les cartes au 1/50 000 montrent un fouillis de chaînons dans tous les sens. On y trouve une juxtaposition de plateaux vallonnés comme celui de Médéa, de sillons de plaines longitudinaux ouest-est, et de massifs, notamment ceux de l’Ouarsenis à l’ouest de Berrouaghia et de l’Ouennougha à l’est d’Aumale. Le plus souvent, à l’est de Berrouaghia ces monts ressemblent davantage à de hautes collines qu’à de vraies montagnes. Par contre le paysage change à l’est de Boghari avec de longues crêtes dissymétriques parallèles appelées localement kefs et qui sont de vrais crêts stricto sensu comme dans le Jura, le gazon en moins. Ils sont traversés par des cluses transversales, telle celle de Saneg surveillée jadis par un fortin du limes romain ou celle de l’oued Noual de part et d’autre de laquelle les orientations des crêtes changent. Ont également des pentes dissymétriques le djebel Dirah et le kef Lakhdar sur l’adret duquel était bâtie la capitale ziride d’Achir. La ligne de partage des eaux entre la mer et les dépressions fermées du sud passe un peu à l’est de la cluse de l’oued Noual, contourne au sud le kef Lakhdar et suit la crête du djebel Dirah au sud d’Aumale. Seuls les massifs les plus élevés reçoivent assez de pluies et de neige (car il neige tous les hivers) pour avoir gardé leurs forêts de chênes verts et de pins d’Alep. Ces forêts sont fragiles, se régénèrent mal et sont souvent dégradées en broussailles denses. Les plus belles sont celles du djebel Guerroumene avec les cèdres de Chréa (forêt des Beni Salah) et celle de Channgoura à l’extrémité de l’Ouarsenis. Elles ont été surexploitées après 1940 pour la production de bois et de charbon de bois.
A l’époque les autobus qui montaient à Médéa fonctionnaient au gazogène : j’en ai gardé un souvenir précis. Sur le côté droit du car il y avait un gros cylindre où brûlait du bois ou du charbon de bois. Il s’agissait d’une combustion lente qui extrayait du bois un gaz combustible ; lequel alimentait le moteur du véhicule. Le chauffeur ou son aide devait mettre en « route » la production de gaz bien avant l’heure de départ du car. De 1943 à 1945 ce sont des prisonniers de guerre italiens, ramenés de Cyrénaïque ou de Tripolitaine après la bataille d’ El-Alamein, qui étaient occupés dans la région de Berrouaghia à la coupe des arbres, à leur débardage et à leur tronçonnage en bûches de toutes tailles, sous la surveillance de soldats français rappelés mais trop âgés pour être envoyés sur le front en Italie ou en France. Les boulangers de Birmandreis, entre autres, ont cuit leurs pains grâce au bois de Berrouaghia durant 1 ou 2 ans. L’enneigement n’est guère durable, mais il est suffisant pour bloquer les cols : à Médéa les ponts et chaussées étaient munis de chasse-neige pour dégager, en priorité, le col de Ben Chicao. Et il avait été jugé suffisant dans les années 1920 pour aménager, sur le djebel Guerroumene, juste à la limite des arrondissements de Blida et de Médéa, la station de sports d’hiver de Chréa.
La pluviométrie diminue du nord au sud (plus de 1000 mm sur les sommets de l’Atlas blidéen, 500 mm vers Boghari) mais elle est permet des cultures sans irrigation partout où les sols ne sont ni trop pentus, ni trop pauvres. Bien évidemment les rendements dépendent des pluies, de leur variabilité inter annuelle et tout autant de leur régime (répartition dans l’année). Il y avait des mechtas partout dans ces montagnes, peuplés de fellahs cultivateurs. Ils ignoraient la culture en terrasse, ce qui est étonnant. On ne sait pas expliquer cette absence. J’ai choisi d’extraire de la feuille Blida de la carte au 1/50 000 les deux versants du djebel Guerroumene pour souligner, et la présence des points noirs des mechtas un peu partout, et le contraste des voiries. Les amateurs de luge montaient en voiture à Chréa par une très belle route de montagne ; les fellahs accompagnaient au marché de Blida leur âne qui portait leur récolte de légumes dans les deux paniers solidaires d’un chouari, au mieux sur des sentiers « muletiers ». On peut aussi noter que les oueds changent de nom constamment ; ainsi en-est-il de l’oued Kerrouch, puis Guergour, puis Mektaa qui, à partir d’Hammam Melouane, 10 km plus à l’est, s’appelle enfin oued el Harrach. Dans ce types de vallées en V aux versants en forte pente sans plaine alluviale intercalée, il n’y eut pas de création de village de colonisation ; seulement quelques maisons forestières très isolées. Les centres de colonisation, encore assez nombreux au nord, ont été implantés dans des zones plus accessibles, et après aménagement d’une piste carrossable. Les premiers sont créés en 1848 près de Médéa pour des Parisiens au chômage après les journées de juin 1848 ; les derniers dans les années 1920 (et peut-être après 1930 pour le tout dernier Stéphane Gsell) au sud, entre Boghari et Aumale ou Sidi Aïssa. Les seules zones où ils ont connu une certaine prospérité sont le plateau de Médéa et les plaines des Beni Slimane et des Aribs qui sont la suite l’une de l’autre. La raison en est la plantation de vignobles produisant des vins VDQS pourvus d’un marché assuré en Algérie et en métropole.Cette aisance ne les a pas empêché de perdre une bonne partie de leur peuplement européen d’origine . Mais au moins y avait-il encore assez de colons en 1954 pour continuer à cultiver les terres attribuées à leurs ancêtres. Par contre les autres villages, voués à une céréaliculture à faible rendement, même ceux de la vallée de l’oued Akoum, bien desservis par le train et la RN 1, ont vite officiellement dépéri.
Berrouaghia est à
la limite de la zone des vignobles et des céréales ; il a dû sa prospérité
relative à des fonctions administratives et militaires. C’était plus
un bourg qu’un village. Les européens agriculteurs y étaient minoritaires. Le plateau de Médéa, avec sa verdure, ses vergers et ses vignes offre au passant européen le paysage le moins dépaysant : pas de palmier, pas d’orangers (hivers trop froids) pas de sols à nu. C’est aussi, avec la plaine des Aribs, la partie du Titteri la plus riche car, en dehors de l’agriculture, le Titteri n’a guère de ressources notables. Le toponyme Mouzaïa-les-mines ne doit pas faire illusion : s’il y a eu un jour une exploitation de minerai le souvenir en a été perdu. Ne reste que le nom d’une minuscule gare au pied de la rampe qui grimpe vers Lodi et Médéa. Bien sûr on trouve trace aussi dans les textes de plâtrières, de moulins et de minoteries ; toutes installations de taille modeste. Quant au pétrole de l’oued Guétérini, à la lisière sud du Titteri, il ne fut exploité qu’à partir du printemps 1949 par une société dite des pétroles d’Aumale montée par un ancien élève du lycée Bugeaud, fils de colon et docteur en géologie, André Rossfelder. Sa société a été créée en 1948 pour prospecter et exploiter ce gisement qui a produit plus de déceptions que de pétrole : pas assez de pétrole en tous cas pour maintenir en activité la petite raffinerie pilote qui avait été montée dans l’oued Djenann qui prolonge l’oued Guétérini. Le pétrole extrait était acheminé à Bouira par camion, puis à Alger par train, puis vers l’étang de Berre en bateau. Après 1954 la production fut gênée puis interrompue pour cause d’insécurité. Le tonnage extrait, 47 000tonnes en 1952 et peut-être 90 000 en 1954 ne justifiait pas de grosses dépenses de protection du gisement et des transports. Cette interruption fut provisoire, mais la production demeura toujours très modeste. Pour traverser ces montagnes du nord au sud seules deux routes avaient été correctement aménagées : celle de Blida à Médéa et Boghari par les gorges de la Chiffa et le col de Ben Chicao, et celle de l’Arba à Sidi Aïssa par le col de Sakamody, Tablat, Aumale et le col du Dirah. A Médéa passait la RN 1 et à Tablat la RN 8. Le passage par le col de Sakamody était si lent et si mal commode que le détour par Bouira était jugé préférable, même avant les problèmes d’insécurité après 1954. La RN 1 a été tardivement doublée par un chemin de fer à voie étroite de 1,055 m construit à l’économie avec des rampes de 25 pour mille pour monter jusqu’à 1164 m, et des rails légers. Il est vrai que le tracé n’était pas commode : il n’ y pas moins de 31 tunnels sur moins de 100 km entre Mouzaïa-les-mines et Berrouaghia. A l’origine, en 1892, les locomotives ne pouvaient tracter que des convois de 146 tonnes ; et celles de 1950, 300 tonnes. Pour aller ou venir d’Alger il fallait changer de train à Blida à cause de la différence d’écartement des rails. Le voyage en car était plus rapide, même au temps des bus à gazogène. Le rail atteignit Boghari en 1912 et Djelfa en 1921. Il y eut également une autre voie ferrée de 1,055 m entre Bouira et Aumale sur 43km. Posée trop tard, en 1927, elle fut déposée dans les années trente par application des décrets de coordination rail-route de 1934, sans avoir jamais vraiment servi. Cette voie avait été conçue et déclarée d’utilité publique en 1905. Le projet la présentait comme le premier élément d’une rocade ferroviaire devant relier Bouira à Tiaret par le synclinal de Berrouaghia et la plaine du Sersou, et raccourcir le trajet Constantine Tlemcen en évitant les détours par Alger et Oran. Après 1918 il n’en fut plus question. Sur les trajets d’ouest en est toutes les routes sont secondaires : on construisit trois routes parallèles pour desservir les villages de colonisation créés entre Boghari ou Berrouaghia d’une part et Aumale ou Sidi Aïssa de l’autre. Tous ces itinéraires étaient , dans les années 1950, desservis par des lignes régulières d’autobus, ceux des autocars blidéens sur l’axe de la RN 1 avec antenne vers Aïn-Boucif, et ceux de l’auto-traction de l’Afrique du nord sur l’axe de la RN 8 avec antennes vers Maginot, Masqueray, Berrouaghia et les villages de la plaine des Aribs. Une autre société plus modeste, celle de Mohamed Rezig, ne desservait que Tablat par le col de Sakamody.
Il est remarquable que la vallée du Chélif, à l’aval
de Moudjebeur, n’ait été jamais parcourue par une route, ni même par
une piste carrossable. Elle est par contre en partie ennoyée par les
eaux du barrage du Ghrib. Le barrage et son périmètre d’irrigation de
37 000ha, en théorie, sont situés hors du Titteri.
Et pour finir ce chapitre, un croquis de révision et quelques photos
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