| La politique économique 
        du pétrole en AlgérieCéline Ragon-belmond,
 3e prix universitaire " Jeune Algérianiste " 2003
 
       Céline 
        Ragon-belmondActuellement étudiante en DESS banque et finances européennes 
        à Toulouse, je vais effectuer un mastère gestion de patrimoine 
        à l'école supérieure de commerce de Toulouse afin 
        de me spécialiser dans cette discipline. C'est dans le cadre d'un 
        diplôme universitaire complémentaire à ma licence 
        en sciences économiques, le diplôme de l'institut d'études 
        internationales et du développement que j'ai réalisé 
        ce mémoire. " Traiter de 
        l'Algérie m'a paru évident. En effet, toute ma famille y 
        est née et j'ai été bercée par les souvenirs 
        de "là-bas" ". En 
        tant qu'adhérente du Cercle algérianiste de Toulouse, un 
        thème s'est imposé à moi: " Le 
        pétrole en Algérie ". 
        J'ai souhaité rendre hommage aux travaux du professeur Robert Laffitte, 
        ancien doyen de la faculté des sciences d'Alger, à l'origine 
        des découvertes de pétrole en Algérie.
 
 J'ai également voulu montrer que, malgré l'héritage 
        laissé par les Français, l'Algérie n'a toujours pas 
        réussi à exploiter ses ressources pétrolières 
        à leur juste valeur.
 Les recherches de pétrole 
        au Sahara Des débuts 
        difficiles
 Dès l'Antiquité, on avait déjà la connaissance 
        de deux indices de naphte, l'un au nord du Chéliff à Aïn-Zeft 
        au lieu-dit " la source de l'huile ", à 40 km de Mostaganem; 
        l'autre au sud de l'Atlas tellien à Sidi-Aïssa, appelé 
        " l'oued au goudron ".
 
 À la fin du xixe siècle, en 1892, une société 
        anglaise, sous la direction de M. Armitage, effectue des forages qui ne 
        donnent que quelques fûts d'huile. Ces résultats décevants 
        ne découragent pas M. Armitage qui décide de lancer d'autres 
        recherches. En 1897, M. Calmette crée la Compagnie française 
        des pétroles de Relizane. Sa découverte engendre une " 
        fièvre de l'or noir ". Une douzaine de sociétés 
        sont créées mais, malgré l'engouement des petits 
        entrepreneurs, le succès n'est pas au rendez-vous.
 
 De 1900 à 1930, certains forages donnent du pétrole, mais 
        sont rapidement asséchés. La guerre de 1914-1918 interrompt 
        les recherches. En 1920, les explorations reprennent mais sont vite abandonnées 
        par la Royal Dutch Shell. La même année, un accident survient 
        à Aïn-Zeft, entraînant la mort de plusieurs personnes. 
        L'absence de pétrole, les accidents ont pour conséquence 
        l'arrêt des recherches.
 
 Le pétrole devient une ressource stratégique essentielle. 
        De récentes découvertes au Texas, au Venezuela, au Mexique 
        ont fait chuter ses cours, ce qui ne peut encourager les recherches en 
        Algérie, surtout dans un climat assez pessimiste quant à 
        la présence de pétrole en quantité abondante en Algérie.
 
        
          | 
               Canalisations et gisements sahariens (coll. 
              particulière). |  De nouvelles recherches Vers 1920, Marius Dalloni, titulaire de la 
        chaire de géologie d'Alger, établit un inventaire des traces 
        confirmées d'hydrocarbures en Algérie dans un mémoire 
        intitulé " La géologie du pétrole et la recherche 
        des gisements pétrolifères en Algérie ". 
        D'après ses conclusions, l'effort d'exploration sera long et coûteux; 
        en effet à cette époque, les méthodes de prospection 
        géophysique n'existent pas encore. Selon André Rossfelder, 
        Marius Dalloni étant plus préoccupé par ses ambitions 
        politiques, " la place du vrai patron était tenue par un 
        jeune professeur énergique nommé Robert 
        Laffitte ". Selon ce dernier " plus grandes 
        sont les étendues et les épaisseurs des terrains sédimentaires, 
        plus grandes sont les chances d'y rencontrer l'heureuse combinaison de 
        toutes ces conditions et d'y trouver de beaux gisements. Ainsi l'Algérie, 
        avec sa vaste couverture sédimentaire, plusieurs fois celle de 
        l'Hexagone français, doit nécessairement receler de grandes 
        ressources pétrolières " ( 
        ROSSFELDER (André), Le onzième commandement, éd. 
        Gallimard, 2000.).
 Le gouvernement de Vichy aussi s'est demandé si l'on pouvait espérer 
        trouver du pétrole en Algérie. Gaston Bétier, le 
        directeur des Mines de l'époque s'adresse à Robert Laffitte 
        afin qu'il prépare un rapport sur la présence éventuelle 
        de pétrole en Algérie. Robert Laffitte croit au potentiel 
        de l'Algérie, notamment dans le Sahara. Embarrassé par cette 
        demande qui risque de tomber en de mauvaises mains en cette période 
        d'occupation, il décide de laisser traîner.
 
 À la fin de la guerre, après un passage sous les drapeaux 
        dans la Marine, Robert Laffitte a envie de reprendre ses recherches. Pour 
        cela, il doit convaincre Armand Colot, le nouveau chef du service des 
        recherches minières d'Algérie, ingénieur des mines, 
        d'orienter résolument son programme d'exploration vers le pétrole. 
        Il a également retrouvé Michel Tenaille, un ancien camarade 
        de la Sorbonne, devenu géologue au Maroc. Ce dernier a découvert 
        des schistes dans le Sahara marocain et est une des rares personnes à 
        avoir l'expérience des méthodes de prospection géophysique.
 
 En novembre 1946, la SN REPAL est créée. Son capital est 
        couvert à parts égales par le budget du Territoire et par 
        celui du Bureau de Recherches de Pétrole (BRP), créé 
        l'année précédente afin de promouvoir l'exploration 
        de l'ensemble des territoires français. Pour compléter le 
        trio, on fait appel à Fernand Leca, technicien des forages. Pour 
        tenir la place de la présidence de la société, il 
        faut un haut fonctionnaire, on nomme Roger Goetze, le directeur des finances 
        de l'Algérie.
 
 Quelques semaines après la fondation de la SN REPAL, MM. Laffitte 
        et Tenaille présentent, sans succès, leurs arguments pour 
        une marche vers le sud au comité géologique du BRP. Pour 
        ce dernier, les Territoires du Sud se montrent hors de portée financière 
        et pratique et sans intérêt évident.
 
 Un programme de travail est établi sur dix ans. Tout d'abord, le 
        bassin du Chéliff, ensuite la bordure sud de l'Atlas saharien, 
        puis les bassins des Hautes-Plaines et du Sud-Constantinois et enfin les 
        grands espaces au-delà. La SN REPAL débute donc son activité, 
        l'été 1947, en s'attaquant au Chéliff.
 
 Quant à André Rossfelder, ne voulant pas intervenir dans 
        le programme de la SN REPAL, il décide d'aller voir du côté 
        de Sidi-Aïssa et Guétérini et fonde la RAFAL (RAFfineries 
        ALgériennes) en janvier 1948.
 
 
 Le rapprochement des deux sociétés
 
 Pourtant, ces deux sociétés vont se rapprocher assez rapidement. 
        Dès décembre 1947, la SN REPAL avait déposé 
        une demande de permis exclusif " couvrant un vaste périmètre 
        sur le flanc sud du Titteri et absorbant Guétérini ". 
        Ce permis portait le nom de " Sidi-Aïssa ".
 
 Cette région ne figurait pourtant pas dans les plans immédiats 
        de la SN REPAL mais voyant que la RAFAL s'y intéressait, elle dut 
        se dépêcher de déposer sa demande de permis. La SN 
        REPAL désirant trouver un accord avec la RAFAL lui soumet une offre. 
        Elle lui propose de faire l'apport de son permis " Sidi-Aïssa 
        " à une société constituée à parts 
        égales entre SN REPAL et la RAFAL. L'effort de recherches est partagé 
        par les deux sociétés, la RAFAL conservant le raffinage 
        du pétrole. Cependant, la décision appartient à Pierre 
        Guillaumat, initié au monde international du pétrole par 
        Louis Kaplan de la Shell et considéré à l'époque 
        comme " le maître du pétrole français ". 
        Après un passage à la DGER (Direction Générale 
        d'Études et de Renseignements), il devient par la suite patron 
        de la DICA, du BRP et de la RAP (Régie Autonome des Pétroles) 
        et occupe également une place d'administrateur à la CFP. 
        Peu après la rencontre entre les dirigeants des deux sociétés 
        et leur décision d'en constituer une seule, les pouvoirs publics 
        autorisent la RAFAL à creuser de nouveaux puits à Guétérini 
        jusqu'à une profondeur maximale de 40 m et à disposer librement 
        du produit. D'après André Rossfelder, " c'était 
        le signe qu'un jour, si le pétrole était là et si 
        nous nous tenions bien, la RAFAL verrait son projet inscrit au Plan d'Industrialisation 
        de l'Algérie ".
 
 Finalement, en septembre 1948, un protocole d'accord est conclu entre 
        les deux sociétés. Roger Goetze signe pour la SN REPAL et 
        André Rossfelder pour la RAFAL. Les deux sociétés 
        constituent donc, à parts égales, la Société 
        des Pétroles d'Aumale (SPA). Elle reçoit de la SN REPAL 
        le permis de " Sidi-Aïssa " et bénéficie 
        de ses services de recherches et de forages. La RAFAL obtient une option 
        sur la production éventuelle et est " chez elle " dans 
        le sous-sol jusqu'à 40 m de profondeur. Au-dessous de cette limite, 
        c'est le domaine de la SPA. Après une cinquantaine de forages improductifs 
        dans le Chéliff, la SN REPAL décide d'abandonner la région 
        au profit de Guétérini où elle fait venir tout son 
        matériel lourd.
 Les recherches se portent 
        sur le Sahara En novembre 1948, Robert Laffitte et dans 
        le désert afin de voir si le Sahara Michel Tenaille partent en 
        expédition recèle, comme en est persuadé M. Laffitte, 
        du pétrole. La plupart des grands patrons du pétrole français 
        sont alors très sceptiques quant à sa présence éventuelle 
        dans l'extrême sud de l'Algérie. Même les Américains, 
        après des mois de recherches dans le Sahara, avaient conclu à 
        une absence de pétrole dans cette région. Le but de ce périple 
        était de convaincre MM. Menchikoff et Bruderer, deux de leurs amis 
        géologues, dont les opinions avaient un poids assez important à 
        Paris et donc aux directions du BRP et des autres sociétés 
        pétrolières françaises. La confiance de M. Menchikoff 
        permettrait ainsi à la SN REPAL de passer à la phase saharienne 
        de son plan décennal. MM. Laffitte et Tenaille rentrent confiants 
        de leur voyage saharien. Leurs observations leur ont permis de déceler 
        des schistes noirs siluriens non altérés dont l'analyse 
        va confirmer la richesse en pétrole libre. Cependant ces signes, 
        bien qu'encourageants, ne sont pas assez spectaculaires pour convaincre 
        les autorités parisiennes.
 L'armée leur a été d'un grand secours. En février 
        1949, lors d'une grande conférence marquée du secret militaire, 
        il est décidé d'améliorer l'organisation et le développement 
        stratégique de l'Afrique française; l'Algérie en 
        est la première étape. Un projet ambitieux est envisagé: 
        on imagine des centrales thermiques, des usines chimiques, des arsenaux, 
        un complexe sidérurgique et minier... Pour mener à bien 
        ce projet, le charbon seul comme source d'énergie est jugé 
        trop insuffisant, des découvertes de pétrole dans le Sahara 
        algérien résoudraient tout. Cette conférence est 
        l'un des éléments déclencheurs des recherches de 
        pétrole au Sahara. De plus, signe encourageant, après des 
        forages débutés en décembre 1948, le pétrole 
        vient de jaillir à Guétérini.
 
 Grâce à cette première découverte, la SN REPAL 
        voit son budget de recherches augmenter et la RAFAL gagne sa place au 
        sein du plan d'industrialisation de l'Algérie. À cette époque, 
        quatre expéditions partent vers le Sahara. La première dans 
        la Soura et la région de Béchar; la deuxième au sud 
        d'In Salah; la troisième au sud d'Ouargla et la quatrième 
        dans le Nord-Sahara.
 
 En 1950-1951, la géologie algérienne connaît un grand 
        essor. De nombreuses thèses sont traitées sur le sujet et 
        beaucoup de jeunes étudiants désirent se rendre sur les 
        lieux de recherches pour se rendre compte de ce qu'il en est. De plus, 
        en 1951, la Royal Dutch Shell décide de rejoindre la SN REPAL et 
        la CFP. C'est en 1952 qu'on décide d'implanter le premier forage 
        du désert, près de l'oasis de Berriane, au nord de Ghardaïa 
        sur une ligne sismique; on le nomme " BE1 ". Ce forage, bien 
        que difficile à conduire, confirmait l'idée de départ 
        de MM. Laffitte et Tenaille selon laquelle plusieurs formations géologues 
        étaient favorables à la présence de pétrole 
        dans cette région. Il faudra tout de même attendre trois 
        ans pour que les premières découvertes de gaz se produisent, 
        et quatre pour le pétrole.
 
 Les découvertes de pétrole au Sahara
 
 
 Les résultats les plus prometteurs suite aux nombreuses prospections 
        françaises sur l'étendue de son territoire concernent le 
        Sahara, où l'on découvre en 1954 au djebel Berga, au sud-ouest 
        d'In Salah, du gaz. Puis en 1955, jaillit du pétrole à Edjeleh, 
        près de la frontière sud-tunisienne, sur un périmètre 
        concédé à la CREPS. En 1956, à Hassi-Messaoud, 
        le gisement a une telle importance - André Rossfelder l'a appelé 
        le " monstre " - que certains responsables de la DICA envisagent 
        l'avenir pétrolier de la France avec un certain optimisme. Plusieurs 
        sociétés, notamment la CFP-Algérie, Shell et des 
        filiales du BRP et de la RAP, avaient conduit des travaux de prospection, 
        par le biais de la SN REPAL, dans le désert à partir des 
        années cinquante.
 
 Cependant, au moment où surviennent ces découvertes, les 
        prospecteurs sont sur le point de perdre espoir. En décembre 1955, 
        le forage d'HassiMessaoud, nommé " MD-1 " est envisagé 
        à la SN REPAL, comme le forage de la dernière chance. Pourtant 
        MM. Laffitte et Tenaille y croient toujours. Enfin, en mai 1956, les premiers 
        signes de pétrole apparaissent dans le forage " MD-1 ". 
        Dès juillet, grâce aux méthodes de géophysique, 
        on savait qu'on pouvait s'attendre à une découverte de premier 
        ordre. Le deuxième grand succès de la SN REPAL a lieu dans 
        les puits d'HassiR'Mel, nommés " HR-1 ", dans lesquels 
        on trouve d'importantes réserves de gaz - l'une des plus importantes 
        du monde - en novembre 1956. Ces deux lieux sont très importants 
        économiquement car, outre les réserves d'hydrocarbures qu'ils 
        recèlent, ils se situent dans le nord du Sahara, donc à 
        une distance plus proche de la mer qu'Edjeleh par exemple. Les coûts 
        de transport s'en trouvent donc réduits. Fin 1956, on découvre 
        également du pétrole à Tiguentourine. Ces découvertes 
        redonnent confiance aux autorités françaises. Le nombre 
        de forages augmente comme on peut le voir sur le tableau ci-dessous.
 
         
          | Évolution de la recherche 
              pétrolière au Sahara - 1952-1959(nombre de kilomètres forés)
 (D'après l'ouvrage de Louis 
              Blin, L'Algérie, du Sahara au Sahel, p. 85.)
 |   
          | 1952 | 1,5 |   
          | 1953 | 3,9  |   
          | 1954  | 30,7 |   
          | 1955  | 37,9 |   
          | 1956 |  62,6 |   
          | 1957 | 121,4 |   
          | 1958 | 228,2 |   
          | 1959 | 309 |  À la fin de l'année 1957 à 
        Hassi- Messaoud, on annonce le chiffre de 7 millions de tonnes de ressources 
        en place. Selon Robert Laffitte, devenu doyen de la faculté des 
        sciences d'Alger, les ressources peuvent être multipliées 
        par quatre ou cinq, dont la moitié est récupérable, 
        soit une capacité totale de production de l'ordre d'un milliard 
        et demi de tonnes.
 En 1958, on construit une conduite - un pipeline - permettant d'acheminer 
        le pétrole d'Hassi-Messaoud jusqu'à Bougie, qui devient 
        alors un grand port commercial.
 * * Désormais, le Sahara accapare l'attention 
        à la fois du grand public et des pétroliers. On fait la 
        queue devant les banques pour souscrire aux actions émises par 
        les différentes sociétés de recherche pétrolière. 
        Les capitaux privés relaient ainsi l'État car ils sont assurés 
        de retirer des profits élevés des investissements publics 
        utilisés pour forer et explorer le sous-sol saharien. L'épargne 
        française contribue à ce succès en investissant des 
        sommes importantes dans les différentes sociétés 
        REP.
 La cause de ces investissements est politique. En 1956, un tiers de l'énergie 
        consommée en France était d'origine étrangère 
        (car la France, depuis 1945, payait une part importante de ses importations 
        pétrolières en dollars ou en livres, ce qui alourdissait 
        sa balance des paiements et rendait le franc plus fragile face à 
        ces deux monnaies), et le pétrole fournissait 35 % de l'énergie 
        mondiale. À partir de 1954, l'économie française 
        rétablie grâce au plan Marshall, connaît une période 
        de très grande croissance qui lui permet d'envisager de se dégagern 
        de la dépendance américaine qu'elle connaissait jusque-là.
 
 Le député Pierre Cornet écrivait en 1947: " 
        la clé de la mise en valeur de l'économie est l'énergie 
        ". En d'autres termes, l'avenir de l'économie repose sur le 
        pétrole qui est alors considéré comme la source d'énergie 
        idéale. L'État reprend alors en main la prospection pétrolifère 
        au Sahara de façon à mobiliser ses ressources en hydrocarbures 
        au profit de l'économie française.
 
 On peut voir dans le tableau ci-dessous, l'évolution des investissements 
        dans les hydrocarbures sahariens. On peut également noter leur 
        nette augmentation à partir de 1956 - année des premières 
        découvertes importantes de pétrole - et leur croissance 
        dans les années qui suivent.
 
         
          | Investissement dans les hydrocarbures 
              sahariens - 1952-1960(milliards d'anciens francs)
 (D'après l'ouvrage de Louis 
              Blin, op. cit., p. 85.)
 |   
          | 1952 | 0,396 |   
          | 1956 | 12 |   
          | 1957 | 20  |   
          | 1958 | 80 |   
          | 1959  | 140 |   
          | 1960 | 200 |  Depuis sa création, le BRP a su investir 
        dans les techniques les plus modernes d'investigations géologiques 
        et a su s'associer au Sahara avec des partenaires comme la Shell ou le 
        gouvernement général de l'Algérie. Roger Goetze, 
        le président de la SN REPAL, a compris l'action à mener. 
        Par ailleurs, la CFP a créé, au moment opportun, une filiale 
        algérienne, la CFP-Algérie qui a participé, bien 
        que tardivement, à la prospection saharienne.
 Plus tard en 1958, une fois établi le Code Pétrolier Saharien, 
        une fois surtout que l'on est assuré d'avoir du pétrole 
        et du gaz, plusieurs sociétés étrangères demandent 
        et obtiennent des permis de recherches sur le sol algérien.
 
 De 1956 à 1962, le domaine des sociétés étrangères 
        passe, dans le Sahara algérien, à 149 200 km2 en 1961, soit 
        en gros 1/3 à 1/4 du domaine concédé, le reste est 
        aux mains de sociétés à capitaux français.
 
 Les découvertes de gaz et de pétrole au Sahara incitent 
        les dirigeants français à modifier la vieille loi sur le 
        domaine minier datant de 1810; différents décrets distinguent 
        dorénavant les gisements d'hydrocarbures des mines proprement dites.
 
 Les concessionnaires se voient accorder un permis de recherche pour une 
        durée de cinq ans, au bout desquels le permis est reconduit mais 
        en diminuant la superficie de la concession. Une fois le gisement de pétrole 
        découvert, le concessionnaire obtient un permis d'exploiter de 
        cinquante ans. Il doit alors verser une redevance à l'État 
        fixée à 12,5 % (en nature).
 
         
          | Chronologie des découvertes 
              de pétrole dans le Sahara algérien: |   
          | 1955 | Edjeleh |   
          | 1956  | Hassi-Messaoud, Tiguentourine |   
          | 1957 |  M'Bega |   
          | 1958 | Zarzaitine, M'Bega |   
          | 1959  | El Gassi elAgreb, Hassi-Mezoula |   
          | 1960 | Ohanet |   
          | 1961 | Gassi Toul, Tin Emelleh |   
          |  1962 | Askarène, Guelta Ghourde 
              el-Baguel |  Ces découvertes bénéficient 
        d'investissements importants, 6 140 M/NF-1962, selon l'UCSIP, pour le 
        seul Sahara sur un total de 10 548 M/NF (soit 58,2 %). Le Sahara, à 
        partir de 1951, a absorbé une part importante des crédits 
        du premier plan quinquennal (1950-1955), 18 040 M/F (soit 36 %). Toujours 
        selon l'UCSIP, le Sahara aurait reçu environ 40 MM/F pour les années 
        1951-1955. 
 Cette région est donc avantagée par rapport à l'Afrique 
        noire. En effet, au Sahara, plusieurs sociétés explorent 
        le sous-sol : SN REPAL (Voir plus haut 
        dans la partie De nouvelles recherches, l'historique de la SN REPAL.), 
        CREPS (liée à la Shell), CFP-Algérie, SNPA, alors 
        qu'en Afrique noire, seuls le BRP et la RAP le font. Il en est de même 
        pour la longueur des forages, sur 1 000 m de forages entre 1950 et 1967, 
        387 m l'ont été en Algérie (et principalement au 
        Sahara) contre 101 m en Afrique noire (Gabon, Congo).
 
 Cependant, ces découvertes ont lieu dans une conjoncture politique 
        délicate. En effet, en Algérie, les nationalistes du Front 
        de Libération National (F.L.N.) ont déclenché le 
        1er novembre 1954, une insurrection qui affecte le nord du pays, obligeant 
        la France à envoyer d'abord l'armée de métier, à 
        peine revenue d'Indochine, puis le contingent.
 Cette guerre qui n'ose pas dire son nom n'aura que peu de répercussions 
        sur l'exploration et la mise en valeur du pétrole saharien.
 Ces découvertes au sud ainsi que les révoltes nationalistes 
        incitent les responsables à abandonner les forages au nord. La 
        production de pétrole en France et dans les territoires coloniaux 
        est à peine supérieure à 1 M/t en 1955.
 Le problème administratif 
        du Sahara Jusqu'en 1962 et pour l'administration française 
        en Algérie, le Sahara fait partie des " territoires du sud 
        ". Mais le Sahara est limitrophe de l'Afrique noire (AOF etAEF); faut-il le constituer en entité séparée, nationale, 
        dépendant de l'administration française - thèse de 
        Paul Reynaud, Edgar Faure et Pierre July - ou en faire un organisme économique 
        spécifique, c'est la thèse que Paul Alduy et l'Ivoirien 
        Félix Houphouët-Boigny défendent à l'Assemblée 
        nationale en 1956? Ils y rappellent qu'entre 1947 et 1950, la France avait 
        créé un Comité des zones industrielles africaines 
        animé par E. Labonne avec un Bureau d'organisation des ensembles 
        industriels africains qui avait partagé le Sahara en plusieurs 
        zones industrielles à vocation stratégique et économique 
        pour le mettre en valeur. En 1952, Pierre July dépose un projet 
        de loi visant à constituer une circonscription administrative autonome: 
        " l'Afrique saharienne française ". Cette circonscription 
        engloberait les parties sahariennes de l'AEF, de l'AOF et de l'Algérie. 
        Les textes parlementaires tendant au remembrement et à la mise 
        en valeur du Sahara s'accumulent: trois en 1952, sept en 1953, cinq en
 1954, un en 1955, cinq en 1956 (Voir 
        l'ouvrage de Pierre Cornet, Sahara, terre de demain.).
 
 Le 10 janvier 1957, une loi crée l'Organisation Commune des Régions 
        Sahariennes (OCRS) (L'article 1 déclare: 
        " Il est créé une OCRS dont l'objet est la mise en 
        valeur, l'expansion économique et la promotion sociale des zones 
        sahariennes de la République Française et la gestion de 
        laquelle participent l'Algérie, la Maurétanie, le Niger 
        et le Tchad ". En 1959, 1'OCRS signe des accords avec les républiques 
        du Niger et du Tchad.), devant regrouper les parties sahariennes 
        des territoires sous domination française. Quelques mois plus tard, 
        en avril, les territoires du sud deviennent deux " départements 
        sahariens ". En juin est mis en place le ministère du Sahara 
        dont le premier titulaire est le socialiste Max Lejeune.
 
 En novembre 1958, une ordonnance appelée le Code pétrolier 
        saharien définit les modalités d'exploitation au Sahara. 
        Les sociétés étrangères associées à 
        des sociétés françaises auront le droit de s'y implanter 
        et devront satisfaire aux conditions suivantes: réaliser un minimum 
        de dépenses de prospection et de travaux; acquitter les redevances; 
        concession de prospection et d'exploitation à durée limitée; 
        affectation de la production en priorité au ravitaillement de l'OCRS 
        et de la zone Franc.
 
 En janvier 1959, ce ministère rattaché au premier Ministre 
        (Michel Debré) voit ses fonctions modifiées par la réforme 
        de l'OCRS, réalisée par l'ordonnance du 4 février 
        1959 et le décret du 21 mars de la même armée. De 
        Gaulle enlève ainsi au délégué général 
        ses attributions militaires.
 
 Le 5 février 1960 enfin, le Sahara et les DOM TOM sont regroupés 
        au sein d'un même ministère d'Etat. Le Sahara avait élu 
        quatre députés, en octobre 1958, fermement opposés 
        au F.L.N.
 
 Mais toutes ces évolutions du statut administratif du Sahara ont 
        lieu dans un climat de guerre d'indépendance. Très vite, 
        en 1962, lorsqu'il est question de l'indépendance de l'Algérie, 
        il se retrouve au coeur de nombreuses négociations - lors des accords 
        d'Évian notamment - entre l'État français et le F.L.N., 
        les deux parties souhaitant conserver les richesses pétrolifères 
        que cette région recèle en abondance.
 Les accords d'Évian Le Sahara, parce qu'il regorge de richesses, 
        est l'un des points les plus difficiles dans les négociations entre 
        la France et les dirigeants du F.L.N. Ces négociations ont lieu 
        à Melun, Lucerne, Neufchâtel et enfin à Évian.
 Déjà en août 1956, les dirigeants du F.L.N., lors 
        de leur réunion dans la vallée de la Soumam, fixent le cadre 
        des négociations avec la France : " Limites du territoire 
        algérien (limites actuelles y compris le Sahara algérien...) 
        ". Pour Ferhat Abbas, premier président du G.P.R.A. (Gouvernement 
        provisoire de la République algérienne), " le pétrole 
        saharien appartient à l'Algérie ".
 
 Dès le mois de décembre 1959, le G.P.R.A. affirme à 
        Tunis: " Sur le plan économique, [le G.P.R.A.] est prêt 
        à faire toutes les concessions qui sauvegardent la souveraineté 
        de l'État. Il accepte l'intégration de l'Algérie 
        à la zone Franc et à un accord pétrolier favorable 
        aux intérêts français ". À Melun, 
        les Français séparent le Sahara de l'Algérie, mais 
        les délégués du F.L.N. refusent cette dissociation.
 
 Peu après, en février 1961 à Lucerne, deux points 
        de vue s'opposent. Georges Pompidou et B. de Leusse, d'une part, disent 
        que " la France ne renoncera pas à ses investissements 
        " et que les Algériens " ne trouveront de l'argent 
        qu'avec la coopération française ". D'autre part, 
        A. Boumendjel et M. Boulahrouf avancent l'argument géographique 
        selon lequel " l'Algérie est composée de l'Atlas 
        tellien, des Hauts Plateaux et du Sahara " et ils " ne 
        voient donc pas pourquoi, lorsque l'Algérie verrait son indépendance 
        enfin reconnue, son relief changé du même coup miraculeusement! 
        L'Algérie est une et indivisible " (Déclaration 
        faite à France Observateur le 9 février 1961.).
 
 En mars 1961 à Neufchâtel, les Algériens prônent 
        toujours " l'intégrité du territoire ", 
        pour eux " le Sahara n'est pas un territoire à part 
        ". Les autorités du G.P.R.A. affirment: " Dans la 
        mesure où ces compagnies [étrangères] sont prêtes 
        à respecter la souveraineté algérienne au Sahara 
        algérien, nous sommes prêts, quant à nous, à 
        envisager les modalités d'accord, d'échange et de libre 
        coopération assurant les intérêts réciproques 
        des parties en présence " et " Il y a un point 
        sur lequel nous ne pouvons et ne pourrons jamais céder, c'est celui 
        de l'intégrité de notre territoire, c'est-à-dire 
        la reconnaissance que le Sahara fait partie intégrante de l'Algérie 
        ".
 
 Le 5 septembre 1961 lors d'une conférence de presse, le général 
        De Gaulle rappelle que l'Algérie indépendante, associée 
        à la France, aura vocation de revendiquer le Sahara. À partir 
        de novembre, de nouvelles conversations secrètes ont lieu à 
        Évian, puis aux Rousses dans le Jura; le Sahara en demeure le sujet 
        de discorde. Pour le F.L.N., si la France accepte la souveraineté 
        de l'Algérie sur le Sahara, il confirmera les avantages garantis 
        par le Code pétrolier saharien aux sociétés françaises 
        et étrangères.
 
 Ils sont signés le 20 mars 1962 après qu'un " cessez-le-feu 
        " ait été consenti par les deux parties le 19 mars 
        1962.
 
 Cependant, ce " cessez-le-feu " n'est pas respecté par 
        le F.L.N. qui, à partir de cette date, commettra dans les populations 
        civiles, les plus grands massacres de la guerre d'Algérie.
 
 Lors de la signature des accords d'Évian, il est convenu que " 
        l'Algérie et la France s'engagent à coopérer pour 
        assurer la continuité des efforts de mise en valeur des richesses 
        du sous-sol saharien ". L'Algérie obtient le rattachement 
        de la région saharienne à son territoire. La France, ainsi 
        que les sociétés pétrolières implantées 
        au Sahara, quant à elles, conservent " les droits attachés 
        aux titres miniers et de transport accordés par la République 
        française en application du Code pétrolier saharien ", 
        par contre, aucun " nouveau droit exclusif de recherche sur des 
        surfaces non encore attribuées " ne sera délivré.
 
 De plus, les besoins du peuple algérien en hydrocarbures sont prioritaires 
        sur les exportations. L'Algérie s'engage également à 
        " ne pas porter atteinte aux droits et intérêts des 
        actionnaires, porteurs de parts ou créanciers des titulaires de 
        titres miniers ou de transport, de leurs associés ou des entreprises 
        travaillant pour leur compte ".
 
 Nous verrons que ces accords ne seront pas respectés par l'Algérie 
        qui, dès 1965, établira de nouveaux accords réduisant 
        les droits accordés précédemment à la France 
        lors des accords d'Évian.
 
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