rue Charles Peguy - Alger
Les Barricades d'Alger
: 24-31 janvier 1960
remarquable tour de force des services municipaux
En 111 heures, le cœur d'Alger a été rendu à la circulation
sur 350 m, 4 400 m2 de chaussée neuve établis rue Michelet et adjacentes
"Alger-Revue, printemps 1960"
retouchée : mars 2014

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BARRICADES A ALGER
BARRICADES A ALGER
vue des principaux barrages édifiés rues Ch. Péguy et Michelet

Les événements qui se sont déroulés du 24 janvier au 1er février ont eu pour théâtre le centre de la ville, rues Charles Péguy et Michelet, les Facultés, le siège de la cie Algérienne (1er plan, à droite, sur la photo). Commenter ce sujet, abondamment traité déjà par la presse mondiale, n'entre pas dans le cadre de notre publication. Nous exposons ici, sur le plan simplement matériel, le travail que les services techniques ont effectué de jour et de nuit dans un temps record pour restituer au centre de la ville sa physionomie coutumière.

Les Services Techniques Municipaux avec la collaboration des sapeurs du Génie, de la Légion étrangère, de la Régie syndicale des Transports algérois et des entreprises Roussel Frères, Société Colas d'Algérie, Cie Industrielle de Travaux et Société Algérienne de Travaux Publics et Exploitations de Carrières (CITRA - TPÉC) ont effectué entre le lundi 1er février 15 heures et le samedi 6 février, en 111 heures de travail continu jour et nuit, la remise en état complète, y compris son raccord avec les rues affluentes, de l'artère centrale d'Alger dénommée rue Michelet et rue Charles-Péguy, comprise sur une longueur de 350 ml entre la place Lyautey et le plateau des Glières, dans la zone comprise entre barricades, au centre le laquelle se trouvait le réduit des Facultés.

Devant la Cie algérienne, une grue de 7 tonnes enlève les rails découpés a'u chalumeau.
Devant la Cie algérienne, une grue de 7 tonnes enlève les rails découpés a'u chalumeau.



Cette artère comportait un pavage en gros pavés de granit enserrant dans toute sa longueur deux files de voies ferrées pour tramways. Les insurgés avaient dressé, pendant toute la durée de leur retranchement, trois barricades principales en son travers, une à chacune des deux extrémités (débouché de la place Lyautey et débouché sur le plateau des Glières) et une troisième au débouché de la rue Charras sur la rue Michelet. Le dispositif était complété par des barricades en travers des voies transversales sur l'artère.

une des équipes civiles s'affaire au dépavage complet de l'ancien revêtement.
Une des équipes civiles s'affaire au dépavage complet de l'ancien revêtement.



Celles-ci étaient composées de pavés prélevés sur cette artère, de bois et d'aciers prélevés sur les chantiers voisins, de panneaux de signalisation, grilles d'arbres, bancs prélevés sur les voies et de toutes sortes de matériaux hétéroclites. La hauteur des trois barricades principales, renforcées de jour en jour, atteignait jusqu'à quatre mètres de hauteur.

C'est dire que d'importantes surfaces de chaussées avaient été dépavées en maints endroits de l'artère principale: leur total est d'environ 1.500 m2.

La chaussée à mi-travail
La chaussée à mi-travail. La partie gauche est encore encombrée des vestiges du dépavement, rails et pavés. Sur la partie droite dont l'empierrement est commencé, d'énormes tas de sable et de caillasse attendent leur emploi. (Photo prise pendant l'heure de pause).



Dès 15 h. le ler février, tout l'ensemble de ces barricades fut entrepris par les bulldozers de l'armée, les parachutistes de la Légion et les sapeurs du Génie, en vue du dégagement de l'artère, du tri des matériaux et de leur évacuation. Quelque 400 hommes de troupe s'employèrent à ce travail sans interruption, jour et nuit jusqu'à mardi midi.

Entre temps, les Services Techniques. disposaient des équipes de voirie, renforcées de celles de l'entreprise Roussel dès la fin du premier jour. Celles-ci allaient travailler jour et nuit jusqu'au rétablissement complet de la circulation.

Une niveleuse en action devant les Facultés le long couteau règle le niveau du nouvel empierrement qui sera bitumé.
Une niveleuse en action devant les Facultés le long couteau règle le niveau du nouvel empierrement qui sera bitumé.



La surface dépavée pour les barricades. étant importante, on ne pouvait songer à la reconstituer en un temps correct, faute de main-d'œuvre. Sa division en de nombreuses sections ne pouvait, d'autre part, permettre d'y substituer un empierrement ; celui-ci n'aurait manqué de donner à l'ensemble une surface hétérogène désagréable à œil et à la circulation. D'autre part, il semblait convenable d'enlever les voies de tramways, inutilisées depuis un an et devenant de plus en plus dommageables à la circulation.

On décida donc d'achever le dépavage mal commencé sur toute la longueur de l'artère (2.500 m2), et d'y substituer un empierrement de 0,15 m. d'épaisseur traité en semi-pénétration à l'émulsion de bitume, revêtu, après compression, d'un tapis de 5 à 7 cm comportant une première couche d'enrobés à chaud, puis une couche de sheet-asphalt.

Le dépavage fut exécuté par les équipes civiles. Les rails furent sciés par la Régie syndicale des Transports Algérois (R.S.T.A.) déplacés par les équipes civiles hors de la chaussée et enlevés par la R.S.T.A. (environ 70 tonnes). Les quelque 100.000 pavés (1.500 tonnes environ) furent chargés et transportés, en majeure partie, par les équipes de sapeurs du Génie - qui apportèrent ainsi, dans un très louable effort continu, une aide extrêmement efficace - pour le reste, par les équipes civiles.

Les décombres de toutes sortes furent enlevés des trottoirs. Commencé lundi vers 20 heures, tout ce travail de préparation fut achevé jeudi matin à 8 heures.

Dernière opération, rue Michelet, avant cylindrage, réglage de la caillasse de 40/60 dont l'épaisseur est ramenée à 0.15 cm.
Dernière opération, rue Michelet, avant cylindrage, réglage de la caillasse de 40/60 dont l'épaisseur est ramenée à 0.15 cm.



On put ainsi admettre la circulation sur les trottoirs dès jeudi 14 heures, l'accès de la chaussée étant interdit au public par des cordages placés dans la ligne d'arbres, près de la bordure du trottoir. Entre jeudi 8 heures et vendredi soir, on mit en place la pierre cassée et on la traita. Dans la nuit du vendredi à 6 h. à samedi, la Société Colas exécuta la première couche du tapis et samedi matin, la circulation normale était complètement rétablie.

Entre temps, on avait pu : remettre en état le croisement des rues d'Isly et de l'avenue Pasteur, rétablissant ainsi la circulation entre ces deux voies dès mercredi matin ; puis rétablir la circulation entre la première de ces rues et le boulevard Bugeaud, ainsi que celle entre les rues Charras et Monge dès jeudi à la première heure.

L'ensemble des moyens en action fut à peu près le suivant

- 18 camions de 10 tonnes, dont 8 de l'armée ; 1 bulldozer ; 1 dérocteur . 2 compresseurs 45 CV ; 2 niveleuses ; 1 chargeur ; 1 grue de 7 tonnes ; 2 réservoirs d'émulsion de 15 t.; 6 rouleaux compresseurs de 12 t. ; 1 barber-green.

L'effectif civil et militaire fut, en moyenne sur 24 heures, de 85 hommes jusqu'à jeudi matin ; ensuite de 60 hommes civils.

En 111 heures, tout le désordre se trouvait ainsi réparé, une chaussée neuve de 350 ml et 4.400 m2 entièrement refaite avec les raccords sur les voies adjacentes et la circulation reprenait normalement.

E. COLOMB,
Ingénieur en chef de la ville d'Alger