Y a-t-il ÉVOLUTION DE L'ISLAM EN ALGÉRIE
--par Ahmed Sefta
"Alger-Revue, printemps 1960"
sur site le 22-11-2007

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séance de gymnastique sur le parc du Lycée d'Enseignement Franco-Musulman de Kouba en est un vivant témoignage.
La musulmane d'aujourd'hui est à l'avant-garde du progrès. Cette séance de gymnastique sur le parc du Lycée d'Enseignement Franco-Musulman de Kouba en est un vivant témoignage.

L'Islam ,en tant qu'organisme universel qui guide l'homme dans la vie et l'aide à atteindre pour lui et pour le genre humain le plus haut degré de perfection spirituelle, a marqué l'Algérie d'un sceau particulier, différent de l'empreinte qu'il a laissé dans les autres pays musulmans.

Ayant succédé à l'Idolâtrie des Africains, au Judaïsme des Phéniciens et au Christianisme des Byzantins puis des Romains, l'Islamisme fit son apparition dans notre pays avec la ,première invasion des Arabes en l'année 643 sous le Khalifat de Othman Ibn Affane.

S'il a poussé les individus de l'Afrique Blanche à développer en eux la raison instinctive de façon qu'elle ait pu jouer pleinement son rôle stabilisateur, s'il a réglé les relations de l'homme avec son Seigneur Dieu et défini entre l'homme et son frère l'homme, tant dans les relations locales que nationales malgré les diversités raciales et géographiques, que peut-on dire de l'Islam contemporain en Algérie où de nouveaux apports ethniques ont modifié le pays dans son organisation politique et sociale ?

Quelle est à l'heure actuelle, la position de l'Islam Algérien devant le monde moderne et le progrès spirituel ?

Il est hors de doute que l'Islam - en Algérie comme ailleurs - ne peut contrecarrer l'esprit. La foi serait d'ailleurs sans consistance si elle ne s'harmonisait pas avec l'esprit.

L'Algérien, à l'heure actuelle et plus que jamais se trouve face à face avec le Coran qu'il confesse. Il voudrait le mettre en pratique. Mais il sent que les moyens lui échappent. Or le Coran insiste davantage sur la pensée, la réflexion, l'observation, la méditation. Il pousse l'homme à prendre leçon, à analyser, à tirer des conséquences pratiques, de manière que chaque instant de la vie se passe à réfléchir sur le bonheur de l'humanité.

L'Algérien, placé malgré lui devant le modernisme occidental et ignorant ce qu'était exactement la tendance profonde de sa religion, se complaisait dans une léthargie stérile ou se cramponnait à des pratiques désuètes bien souvent contraires à l'esprit orthodoxe.

La connaissance, en Islam, étant une des conditions de la foi, celui qui croit sans comprendre et sans connaître n'est pas meilleur que celui qui ne croit pas.

La foi n'est pas un moyen facile de plaire aux parents, à la famille, aux partis politiques ou aux chefs. Dans le cadre de la foi en Dieu l'évolution spirituelle et la recherche scientifique concordent avec le rôle de la raison humaine. L'individu, en tant qu'homme pensant, possède la force de la volontélibre, comme il possède la liberté de pensée. Malheureusement beaucoup d'Algériens croyaient que l'Islam était basé uniquement sur la prière, le Ramadan, le pèlerinage à la Mecque. Ils oubliaient l'attitude à prendre avec les hommes des autres confessions qui vivent avec eux. Ils croyaient que la vie comporte deux divisions : celle des autres qui ne compte pas pour nous et la nôtre qui ne compte pas pour les autres. Or, ils s'aperçoivent que notre vie sur terre, pour qu'elle soit heureuse, doit être toujours égale quels que soient les événements et les hommes. La foi de Dieu est immuable elle est la même partout. Elle n'a jamais subi de fractionnement.

Dans la casbahd'Alger, l'école coranique selon l'ancienne méthode ne perd pas ses droits. Ici, M.Soltani continue à diffuser les versets sur des planchettes que les jeunes élèves manient avec délicatesse.
Dans la casbahd'Alger, l'école coranique selon l'ancienne méthode ne perd pas ses droits. Ici, M.Soltani continue à diffuser les versets sur des planchettes que les jeunes élèves manient avec délicatesse.

En parlant de l'Islam contemporain on croit qu'il y a lieu de distinguer entre un Islam ancien et un Islam moderne, comme si une religion pouvait vieillir ou se moderniser. Les Algériens ont subi des transformations avec l'âge et les conditions de vie, mais l'esprit du Coran demeure et les moyens de l'adapter au temps n'ont jamais disparu. Il suffit simplement d'en rappeler les idées essentielles d'une doctrine souvent oubliée ou sciemment méconnue ou déformée.

" Le Dieu de l'Islam est à caractère universel. Sa sollicitude illimitée s'étend à toutes les races, à toutes les nations. Il ne connaît pas de favoris. Sa bonté est aussi large que sa justice. Tous les hommes sont égaux devant lui sans distinction de race ou de couleur ".

D'ailleurs une foi sans amour est une foi morte, aussi bien pour l'Islam que pour le Christianisme.

" Aimez-vous les uns les autres en l'âme de Dieu ", proclame le Prophète (Hadith).

" Assurément, être patient et pardonner, c'est la grande affaire de la vie ", dit le Coran (XLVI, 11).

C'est pourquoi l'amour prêché par l'Islam s'étend à tous les êtres vivants, aux animaux aussi bien qu'aux hommes. Seuls les animaux nuisibles peuvent être combattus. Tous les autres doivent être traités avec bienveillance.

L'Islam rejette la vénération des saints, le sacerdoce et l'organisation ecclésiastique.

Le culte du Seigneur ne doit pas être un fardeau, mais un apaisement de l'âme, une joie spirituelle.

Le Coran n'impose pas au croyant des devoirs qui pourraient dépasser ses forces : les malades, les voyageurs ne sont pas tenus d'observer strictement le culte.

Seuls, comptent la foi sincère et les actes du croyant.

Si l'Islam se montre d'une sévérité incontestable envers les païens et les idolâtres, il fait preuve par contre d'une très grande mansuétude envers les " peuples du Livre ".

S'il y a une chose dans le Coran qui ne souffre aucune dénégation, ne prête à aucune équivoque, c'est l'esprit de tolérance la plus bienveillante à l'égard du Judaïsme et des Chrétiens et surtout des Chrétiens. L'enseignement du Prophète en est pénétré d'un bout à l'autre.

Tous les historiens reconnaissent d'ailleurs que si au cours de l'histoire de l'Europe et de l'Orient, un abîme, difficile à combler, fut creusé entre la chrétienté et le monde de l'Islam ce ne furent ni le Christianisme, ni l'Islam les responsables de ce forfait contre l'unité de l'esprit méditerranéen. Il fut œuvre des hommes et des circonstances, nullement celle de l'enseignement de Jésus ou de Mahomet.

Particularisme de l'Islam Algérien.

Sans vouloir nous étendre sur le passé, car le présent nous préoccupe davantage et l'avenir noue intéresse encore plus essayons de caractériser l'esprit qui anime l'Islam orthodoxe moderne de notre pays.

Lorsque les Français débarquèrent en Algérie en 1830, le déclin de la civilisation musulmane était accompli.

Tout esprit de critique et de recherche scientifique était pratiquement banni de l'enseignement musulman et ceci à l'en-contre de l'esprit du Coran et au mépris de l'exemple donné par les premiers siècles de l'Islam. Un esprit dogmatique et formaliste triomphait sur celui de la libre discussion.

Un maraboutisme intransigeant avait tendance à faire prévaloir le dogme sur la raison. Le Coran était appliqué selon la lettre bien plus que suivant l'esprit. Les tendances particulières à la race, au pays ont vite fait de déformer et de corrompre l'Islamisme primitif.

Un esprit de çofs, de clans s'était développé localement. Au lieu de composer avec le nouveau conquérant on s'est acharné à voir en lui l'ennemi impur contre lequel il fallait se liguer. Il était devenu presque sacré de tuer un " infidèle ", de s'en éloigner et de ne rien accepter de lui. Étudier sa langue, essayer de comprendre sa religion, sa civilisation devenait une hérésie. Le fait même de s'habiller à l'européenne ou d'aller tête nue constituait une atteinte à la foi. La femme sortant sans voile était taxée de " roumis " ou de renégate. Je me rappelle encore l'époque où l'on me disait de cracher à terre en passant près d'une église ou d'une synagogue pour ne pas abjurer ma religion.

C'est dire qu'avant la grande guerre 1914-18 on était très loin de l'esprit coranique.

Et pourtant l'Algérie de rite malékite, à l'esprit rationaliste avait été dans le temps le seul pays musulman à garder des relations amicales avec l'Europe, à tolérer des non-musulmans à vivre dignement sur son sol, à posséder des propriétés. L'Algérie avait connu des gouvernements démocratiques (Mouahiddines - Mourabitines et autres). Elle avait lutté contre les tendances contraires au véritable Islam.

C'est bien l'Algérie aussi qui envoya ses enfants fusionner avec les Andalous d'Espagne, les Provençaux Français, les Corses, les Maltais, les Siciliens. Ils cohabitèrent avec eux durant plus de huit siècles.
C'est notre sol aussi qui donna les plus hautes sommités intellectuelles à l'époque florissante des Beni-Ziane. Le général Tarik, l'historien Ibn Khaldoun, le géographe Ibn Batouta et d'autres hommes illustres furent d'authentiques Algériens qui s'en allèrent à travers le monde montrer le vrai visage de l'Algérie et aussi l'humanisme musulman. Il ne faut pas oublier que la dynastie Fatimide fondée en Afrique du Nord a permis à l'Égypte de sortir de ses embarras politiques. Ce sont bien les Algériens qui ont construit la mosquée d'El-Azhar, mais les hommes du XX me siècle avaient oublié l'exemple de leurs prédécesseurs. Il fallait attendre l'après guerre et la pénétration française par l'école et l'exemple bien plus que par les armes pour que les musulmans contemporains s'aperçoivent qu'il y avait lieu de changer d'opinion à l'égard de l'Occident.

Dès 1930, les réformistes s'affrontent aux zaouias, les partisans de l'Occident aux partisans de l'Orient, l'École moderne à l'École traditionaliste, la francisation à l'arabisation.

La seconde guerre mondiale donne un coup fatal aux derniers bastions de la tendance traditionnelle.

Un esprit libéral " à l'Occidentale " imprègne l'esprit des jeunes générations. Tout en cherchant à étudier le vrai fond du Coran, le véritable sens de la religion pour s'en pénétrer et en appliquer les principes, hommes et femmes, en rompant tout lien avec le passé immédiat s'orientent résolument dans la voie de l'occidentalisme. Pour eux les vieux Cheikhs n'existent plus, les vieilles traditions n'ont plus d'accès dans leur vie.

Sous l'influence de la culture française, la pensée s'est débarrassée des anciennes conceptions bâties sur l'habitude et l'atavisme rétrograde. Le croyant ne pratique plus selon ce qu'on lui dit: Il s'est mis à juger par lui-même à travers le Coran qu'il étudie directement dans le texte ou à travers des traductions multiples et chaque fois renouvelées.

Si parfois il se met à imiter l'Européen dans son comportement extérieur, il sent que lui aussi est responsable de sa propre condition, de la garantie de vie de son prochain et de l'avenir réel de son pays.

Le musulman algérien, grâce à l'École française et l'exemple des Européens de ce pays a pris conscience de son rôle vis à vis d'autrui, en tant que musulman authentique. Déchiré d'abord par des préoccupations idéologiques à caractère politique, il a pendant un laps de temps délaissé le problème de la réforme religieuse. Mais des événements douloureux et tragiques l'ont ramené vers sa conception véritablement islamique. Maintenant il s'y cramponne violemment avec l'idée bien nette que son salut en dépend. Il sait aussi qu'il doit donner à son Islam un caractère de progrès conforme aux tendances modernes. Ayant lui-même acquis des habitudes et des idées occidentales, il y a lieu pour être logique avec sa propre personnalité, d'occidentaliser cet Islam, de l'adapter aux circonstances actuelles, de le confondre à son être, de l'intégrer à sa vie sociale, de lui donner une application conforme au milieu ambiant afin qu'il lui permette de coexister en heureuse harmonie avec les hommes qui l'entourent.
Il est vrai que les vieilles institutions islamiques ont subi des entorses, ou si l'on veut des réformes, des remaniements capables de les rendre conformes à l'organisation contemporaine du pays. Toutefois un certain esprit conservateur règne encore à la campagne.

Au lycée franco-musulman d'El-Biar, M.Ould Rouis Boualem s'attache à disséquer les richesses multiples de la littérature arabe à travers les âges.
Au lycée franco-musulman d'El-Biar, M.Ould Rouis Boualem s'attache à disséquer les richesses multiples de la littérature arabe à travers les âges.
Au lycée de Ben-Aknoun, M.Richert, un Fraçais de souche européenne, enseigne avec maîtrise les subtilités de la langue arabe à de jeunes musulmans.
Au lycée de Ben-Aknoun, M.Richert, un Français de souche européenne, enseigne avec maîtrise les subtilités de la langue arabe à de jeunes musulmans.
Les méthodes archaïques ont changé. Le lycée d'enseignement franco-musulman de Ben-Aknoun est fier de son modernisme.
Les méthodes archaïques ont changé. Le lycée d'enseignement franco-musulman de
Ben-Aknoun est fier de son modernisme.

Les nécessités de la vie ont bousculé les traditions basées essentiellement sur des commodités périmées. Le maraboutisme, l'adoration des pierres et des coupoles, les superstitions surannées qui n'ont rien à voir avec le Coran se sont effondrées devant la machine et les sciences expérimentales. Les talebs ont commencé à déserter les écoles coraniques établies dans les Koubbas et leurs planchettes enduites de kaolin sont de moins en moins utilisées. Le cahier, le stylo, et les livres imprimés les ont avantageusement remplacées. L'école coranique est devenue h. médersa avec des tables et un tableau. Et les tolbas des mosquées sont allés s'instruire à la grande médersa d'Alger d'Enseignement Supérieur musulman. Une élite médersienne à double culture franco-arabe a pu, dans un travail obscur et souvent ingrat, continuer à remplir dignement sa tâche éducative. Des mouderrès, des cadis, des interprètes, des muphtis et même des avocats et des médecins ont œuvréutilement pour la coopération des différents éléments de l'Algérie.

A travers le monde, l'Islam est diversement appliqué. Chaque pays adopte pour son compte les principes qui s'adaptent le mieux à sa situation géographique, à son économie à ses coutumes, à ses hommes.

L'Algérie constitue, malgré sa diversité, l'un des pays où l'Islam est confessé d'une façon à peu près sincère. Quoique composé d'éléments surtout berbères, le pays a conservé dans son parler, un langage arabe très proche de la langue du Coran. Il est vrai que l'Invasion des Beni-Hilals du XI 11e siècle a amené surtout des Arabes Yéménites dont la langue a servi, avec celle des Koreïchites à former le verbe coranique et le Hadith. En outre l'Algérie, pays de conquêtes par excellence s'est confinée dans les djebels, les zaouïas fortifiées (mourabites). Coupée souvent du reste du monde, emmurée dans ses frontières naturelles, elle s'est repliée en pensée sur elle-même. Supplantée à travers les âges par d'autres civilisations, ayant perdu ses richesses spirituelles et les moyens matériels de sauvegarder son patrimoine, la civilisation musulmane algérienne n'a pu garder que le Coran, le Hadith et le droit malékite (Khalil, El Maoutah, la Tohfat d'Ibn Acem) qui furent appris par cœur par les Tolbas. Leurs expressions sonores et leurs images frappantes ont permis d'enrichir le parler populaire plus que tout autre parler des autres pays musulmans.

Si de nos jours la situation de la langue arabe en Algérie semble critique, si les écrivains et les poètes capables de lui redorer le blason nous font défaut par manque de lecteurs et d'encouragements administratifs conséquents, la religion, elle, continue à jouer son rôle spirituel sur les masses populaires encore frustes et souvent incultes.

Notre pays ne compte pas de bourgeoisie. Il n'y a qu'une seule couche sociale uniformément répandue à travers les différentes contrées algériennes.

Quant aux intellectuels qui sont de trois sortes, ils sont de plus en plus détachés du peuple.

Les Arabisants purs continuent à vivre avec un pied au moyen âge et un autre au Moyen-Orient d'où leur parviennent des livres plus ou moins récents. En effet ce ne sont que des traductions d'ouvrages occidentaux - romans pour la plupart - édités en Égypte ou au Liban avec un écart de deux ou trois décades sur le déroulement du temps. Quant au choix des œuvres il est loin d'assouvir tous les désirs.

Les Francisants purs ignorent l'arabe. C'est à travers des traductions plus ou moins fidèles qu'ils apprennent à connaître l'Islam. Mais leur Islam est confus, nébuleux, avec une tendance à vouloir le rendre toujours conforme aux circonstances, aux idées occidentales nouvelles. C'est un Islam, si l'on veut, de circonstance où le rigorisme fait souvent défaut. La foi existe mais la pratique n'est pas toujours respectée.

Quant aux intellectuels bilingues - de culture franco-arabe - ils forment incontestablement l'élément idéal pour alliez les deux pensées - Franco-Islamique. La civilisation occidentale, ils l'acquièrent directement dans les écoles françaises, sur place et
sans recourir à des tiers ou des traductions de seconde main. Le Coran et tous les livres sacrés similaires, le droit, la littérature et tout ce qui concerne leur religion, ils sont les seuls à les étudier directement dans le texte et à commenter le fond suivant les conceptions modernes. De plus l'étude des mathématiques et des sciences contemporaines par le français a contribué à aiguiser leur esprit. Elle leur permet d'acquérir des notions de comparaison, de critique. Elle leur donne des perspectives nouvelles non seulement dans la réflexion, mais aussi et surtout des possibilités d'application logique des préceptes considérés par les puritains comme immuables.

C'est pourquoi les établissements d'enseignement franco-musulman constituent pour les musulmans de ce pays le genre d'enseignement le plus conforme à l'évolution harmonieuse des jeunes générations.

Les familles musulmanes, encore imbues de traditions religieuses, préfèrent envoyer leurs filles au Lycée d'Enseignement Franco-Musulman ie Kouba où l'Enseignement du Coran s'adapte au modernisme clair-voyant.

Les familles musulmanes, encore imbues de traditions religieuses, préfèrent envoyer leurs filles au Lycée d'Enseignement Franco-Musulman ie Kouba où l'Enseignement du Coran s'adapte au modernisme clair-voyant.

 
Discipline, harmonie entre le passé et le présent telles sont les caractéristiques du Lycée de jeunes filles de Kouba.
Discipline, harmonie entre le passé et le présent telles sont les caractéristiques du Lycée de jeunes filles de Kouba.

L'expansion du machinisme, les luttes politiques et sociales, le développement d'une démographie excessive, la multiplication des besoins, l'acquisition d'un standard de vie à l'Européenne, la crainte de perdre certains droits acquis, le désir d'obtenir plus d'aisance matérielle, le souci d'être à l'avant garde du progrès et du modernisme, tout cela a donné naissance, chez les jeunes, à une résolution bien ferme de changer d'orientation.

Au contact de la culture française et de la civilisation occidentale, la pensée islamique moderne a rompu avec certaines traditions séculaires, certaines pratiques considérées encore bonnes dans un passé récent. Entre le pur mysticisme qui paraissait stérile et un matérialisme outrancier, une nouvelle tendance intermédiaire s'est fait jour.

C'est à la lumière du présent et de ses événements que les jeunes musulmans veulent voir le Coran. Pour eux le Livre Saint doit s'adapter aux circonstances actuelles.

Sans bannir la spiritualité du Coran de leur pensée, ils sont décidés, à l'avenir, à isoler la vie spirituelle de pure forme et à la faire évoluer en marge de la vie publique.

Chez la plupart la vie désormais ne sera plus adaptée au Coran, mais c'est le Coran qui doit s'adapter à la vie. Leur théologie manquera probablement d'orthodoxie, mais pour le moment, il leur importera peu d'être conformes à l'esprit du véritable Islam. Ce qu'ils désirent avant tout c'est d'imiter certains occidentaux, même dans l'application de leur religion. Ils deviendraient alors, non pas des musulmans non pratiquants, mais des religieux imbus de sens pratique immédiat.

Remarquons qu'il s'agit là de certains éléments de la population citadine. Quant à la population rurale, nous pouvons remarquer que son bon sens n'a pas perdu son idéal de pureté naturelle. Malgré des difficultés matérielles encore lourdes son espoir en un avenir stable et paisible consolide sa foi et son attachement à la vérité des principes coraniques.

Actuellement la grande masse musulmane s'inquiète du machinisme. Elle craint de le voir supplanter sa spiritualité. Or c'est précisément ce machinisme qui est en train de la débarrasser des soucis matériels qui la gênent et qui l'empêchent de se vouer entièrement à sa foi. En outre, de nouvelles lois sociales, récemment acquises, placent les musulmans algériens sur le même pied d'égalité que les autres habitants de ce pays. Ayant recouvré leur dignité humaine, ils possèdent les meilleures conditions requises pour mettre en application les notions les plus authentiques de l'Islam moderne.

Déjà les pratiques rituelles de pure forme prennent un caractère désuet. Chaque action prend un sens idéologique, une valeur spirituelle. Le souci de la perfection en soi, de l'influence sur les autres, redonnent l'espoir d'une vie communautaire algérienne paisible et heureuse, d'une richesse morale élevée conforme, non seulement à l'orthodoxie de l'Islam, mais aux principes de toutes les religions, de tous les principes sociologiques à caractère humain qui cohabitent dans ce pays.