L'Islam ,en tant qu'organisme universel
qui guide l'homme dans la vie et l'aide à atteindre pour lui et
pour le genre humain le plus haut degré de perfection spirituelle,
a marqué l'Algérie d'un sceau particulier, différent
de l'empreinte qu'il a laissé dans les autres pays musulmans.
Ayant succédé à l'Idolâtrie des Africains,
au Judaïsme des Phéniciens et au Christianisme des Byzantins
puis des Romains, l'Islamisme fit son apparition dans notre pays avec
la ,première invasion des Arabes en l'année 643 sous le
Khalifat de Othman Ibn Affane.
S'il a poussé les individus de l'Afrique Blanche à développer
en eux la raison instinctive de façon qu'elle ait pu jouer pleinement
son rôle stabilisateur, s'il a réglé les relations
de l'homme avec son Seigneur Dieu et défini entre l'homme et son
frère l'homme, tant dans les relations locales que nationales malgré
les diversités raciales et géographiques, que peut-on dire
de l'Islam contemporain en Algérie où de nouveaux apports
ethniques ont modifié le pays dans son organisation politique et
sociale ?
Quelle est à l'heure actuelle, la position de l'Islam Algérien
devant le monde moderne et le progrès spirituel ?
Il est hors de doute que l'Islam - en Algérie comme ailleurs -
ne peut contrecarrer l'esprit. La foi serait d'ailleurs sans consistance
si elle ne s'harmonisait pas avec l'esprit.
L'Algérien, à l'heure actuelle et plus que jamais se trouve
face à face avec le Coran qu'il confesse. Il voudrait le mettre
en pratique. Mais il sent que les moyens lui échappent. Or le Coran
insiste davantage sur la pensée, la réflexion, l'observation,
la méditation. Il pousse l'homme à prendre leçon,
à analyser, à tirer des conséquences pratiques, de
manière que chaque instant de la vie se passe à réfléchir
sur le bonheur de l'humanité.
L'Algérien, placé malgré lui devant le modernisme
occidental et ignorant ce qu'était exactement la tendance profonde
de sa religion, se complaisait dans une léthargie stérile
ou se cramponnait à des pratiques désuètes bien souvent
contraires à l'esprit orthodoxe.
La connaissance, en Islam, étant une des conditions de la foi,
celui qui croit sans comprendre et sans connaître n'est pas meilleur
que celui qui ne croit pas.
La foi n'est pas un moyen facile de plaire aux parents, à la famille,
aux partis politiques ou aux chefs. Dans le cadre de la foi en Dieu l'évolution
spirituelle et la recherche scientifique concordent avec le rôle
de la raison humaine. L'individu, en tant qu'homme pensant, possède
la force de la volontélibre, comme il possède la liberté
de pensée. Malheureusement beaucoup d'Algériens croyaient
que l'Islam était basé uniquement sur la prière,
le Ramadan, le pèlerinage à la Mecque. Ils oubliaient l'attitude
à prendre avec les hommes des autres confessions qui vivent avec
eux. Ils croyaient que la vie comporte deux divisions : celle des autres
qui ne compte pas pour nous et la nôtre qui ne compte pas pour les
autres. Or, ils s'aperçoivent que notre vie sur terre, pour qu'elle
soit heureuse, doit être toujours égale quels que soient
les événements et les hommes. La foi de Dieu est immuable
elle est la même partout. Elle n'a jamais subi de fractionnement.
Dans
la casbahd'Alger, l'école coranique selon l'ancienne méthode
ne perd pas ses droits. Ici, M.Soltani continue à diffuser
les versets sur des planchettes que les jeunes élèves
manient avec délicatesse.
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En parlant de l'Islam contemporain on croit qu'il y a
lieu de distinguer entre un Islam ancien et un Islam moderne, comme si
une religion pouvait vieillir ou se moderniser. Les Algériens ont
subi des transformations avec l'âge et les conditions de vie, mais
l'esprit du Coran demeure et les moyens de l'adapter au temps n'ont jamais
disparu. Il suffit simplement d'en rappeler les idées essentielles
d'une doctrine souvent oubliée ou sciemment méconnue ou
déformée.
" Le Dieu de l'Islam est à caractère universel. Sa
sollicitude illimitée s'étend à toutes les races,
à toutes les nations. Il ne connaît pas de favoris. Sa bonté
est aussi large que sa justice. Tous les hommes sont égaux devant
lui sans distinction de race ou de couleur ".
D'ailleurs une foi sans amour est une foi morte, aussi
bien pour l'Islam que pour le Christianisme.
" Aimez-vous les uns les autres en l'âme de Dieu ", proclame
le Prophète (Hadith).
" Assurément, être patient et pardonner, c'est la grande
affaire de la vie ", dit le Coran (XLVI, 11).
C'est pourquoi l'amour prêché par l'Islam s'étend
à tous les êtres vivants, aux animaux aussi bien qu'aux hommes.
Seuls les animaux nuisibles peuvent être combattus. Tous les autres
doivent être traités avec bienveillance.
L'Islam rejette la vénération des saints, le sacerdoce et
l'organisation ecclésiastique.
Le culte du Seigneur ne doit pas être un fardeau, mais un apaisement
de l'âme, une joie spirituelle.
Le Coran n'impose pas au croyant des devoirs qui pourraient dépasser
ses forces : les malades, les voyageurs ne sont pas tenus d'observer strictement
le culte.
Seuls, comptent la foi sincère et les actes du croyant.
Si l'Islam se montre d'une sévérité incontestable
envers les païens et les idolâtres, il fait preuve par contre
d'une très grande mansuétude envers les " peuples du
Livre ".
S'il y a une chose dans le Coran qui ne souffre aucune dénégation,
ne prête à aucune équivoque, c'est l'esprit de tolérance
la plus bienveillante à l'égard du Judaïsme et des
Chrétiens et surtout des Chrétiens. L'enseignement du Prophète
en est pénétré d'un bout à l'autre.
Tous les historiens reconnaissent d'ailleurs que si au cours de l'histoire
de l'Europe et de l'Orient, un abîme, difficile à combler,
fut creusé entre la chrétienté et le monde de l'Islam
ce ne furent ni le Christianisme, ni l'Islam les responsables de ce forfait
contre l'unité de l'esprit méditerranéen. Il fut
uvre des hommes et des circonstances, nullement celle de l'enseignement
de Jésus ou de Mahomet.
Particularisme de l'Islam
Algérien.
Sans vouloir nous étendre sur le passé, car le présent
nous préoccupe davantage et l'avenir noue intéresse encore
plus essayons de caractériser l'esprit qui anime l'Islam orthodoxe
moderne de notre pays.
Lorsque les Français débarquèrent en Algérie
en 1830, le déclin de la civilisation musulmane était accompli.
Tout esprit de critique et de recherche scientifique était pratiquement
banni de l'enseignement musulman et ceci à l'en-contre de l'esprit
du Coran et au mépris de l'exemple donné par les premiers
siècles de l'Islam. Un esprit dogmatique et formaliste triomphait
sur celui de la libre discussion.
Un maraboutisme intransigeant avait tendance à faire prévaloir
le dogme sur la raison. Le Coran était appliqué selon la
lettre bien plus que suivant l'esprit. Les tendances particulières
à la race, au pays ont vite fait de déformer et de corrompre
l'Islamisme primitif.
Un esprit de çofs, de clans s'était développé
localement. Au lieu de composer avec le nouveau conquérant on s'est
acharné à voir en lui l'ennemi impur contre lequel il fallait
se liguer. Il était devenu presque sacré de tuer un "
infidèle ", de s'en éloigner et de ne rien accepter
de lui. Étudier sa langue, essayer de comprendre sa religion, sa
civilisation devenait une hérésie. Le fait même de
s'habiller à l'européenne ou d'aller tête nue constituait
une atteinte à la foi. La femme sortant sans voile était
taxée de " roumis " ou de renégate. Je me rappelle
encore l'époque où l'on me disait de cracher à terre
en passant près d'une église ou d'une synagogue pour ne
pas abjurer ma religion.
C'est dire qu'avant la grande guerre 1914-18 on était très
loin de l'esprit coranique.
Et pourtant l'Algérie de rite malékite, à l'esprit
rationaliste avait été dans le temps le seul pays musulman
à garder des relations amicales avec l'Europe, à tolérer
des non-musulmans à vivre dignement sur son sol, à posséder
des propriétés. L'Algérie avait connu des gouvernements
démocratiques (Mouahiddines - Mourabitines et autres). Elle avait
lutté contre les tendances contraires au véritable Islam.
C'est bien l'Algérie aussi qui envoya ses enfants fusionner avec
les Andalous d'Espagne, les Provençaux Français, les Corses,
les Maltais, les Siciliens. Ils cohabitèrent avec eux durant plus
de huit siècles.
C'est notre sol aussi qui donna les plus hautes sommités intellectuelles
à l'époque florissante des Beni-Ziane. Le général
Tarik, l'historien Ibn Khaldoun, le géographe Ibn Batouta et d'autres
hommes illustres furent d'authentiques Algériens qui s'en allèrent
à travers le monde montrer le vrai visage de l'Algérie et
aussi l'humanisme musulman. Il ne faut pas oublier que la dynastie Fatimide
fondée en Afrique du Nord a permis à l'Égypte de
sortir de ses embarras politiques. Ce sont bien les Algériens qui
ont construit la mosquée d'El-Azhar, mais les hommes du XX me siècle
avaient oublié l'exemple de leurs prédécesseurs.
Il fallait attendre l'après guerre et la pénétration
française par l'école et l'exemple bien plus que par les
armes pour que les musulmans contemporains s'aperçoivent qu'il
y avait lieu de changer d'opinion à l'égard de l'Occident.
Dès 1930, les réformistes s'affrontent aux zaouias, les
partisans de l'Occident aux partisans de l'Orient, l'École moderne
à l'École traditionaliste, la francisation à l'arabisation.
La seconde guerre mondiale donne un coup fatal aux derniers bastions de
la tendance traditionnelle.
Un esprit libéral " à l'Occidentale " imprègne
l'esprit des jeunes générations. Tout en cherchant à
étudier le vrai fond du Coran, le véritable sens de la religion
pour s'en pénétrer et en appliquer les principes, hommes
et femmes, en rompant tout lien avec le passé immédiat s'orientent
résolument dans la voie de l'occidentalisme. Pour eux les vieux
Cheikhs n'existent plus, les vieilles traditions n'ont plus d'accès
dans leur vie.
Sous l'influence de la culture française, la pensée s'est
débarrassée des anciennes conceptions bâties sur l'habitude
et l'atavisme rétrograde. Le croyant ne pratique plus selon ce
qu'on lui dit: Il s'est mis à juger par lui-même à
travers le Coran qu'il étudie directement dans le texte ou à
travers des traductions multiples et chaque fois renouvelées.
Si parfois il se met à imiter l'Européen dans son comportement
extérieur, il sent que lui aussi est responsable de sa propre condition,
de la garantie de vie de son prochain et de l'avenir réel de son
pays.
Le musulman algérien, grâce à l'École française
et l'exemple des Européens de ce pays a pris conscience de son
rôle vis à vis d'autrui, en tant que musulman authentique.
Déchiré d'abord par des préoccupations idéologiques
à caractère politique, il a pendant un laps de temps délaissé
le problème de la réforme religieuse. Mais des événements
douloureux et tragiques l'ont ramené vers sa conception véritablement
islamique. Maintenant il s'y cramponne violemment avec l'idée bien
nette que son salut en dépend. Il sait aussi qu'il doit donner
à son Islam un caractère de progrès conforme aux
tendances modernes. Ayant lui-même acquis des habitudes et des idées
occidentales, il y a lieu pour être logique avec sa propre personnalité,
d'occidentaliser cet Islam, de l'adapter aux circonstances actuelles,
de le confondre à son être, de l'intégrer à
sa vie sociale, de lui donner une application conforme au milieu ambiant
afin qu'il lui permette de coexister en heureuse harmonie avec les hommes
qui l'entourent.
Il est vrai que les vieilles institutions islamiques ont subi des entorses,
ou si l'on veut des réformes, des remaniements capables de les
rendre conformes à l'organisation contemporaine du pays. Toutefois
un certain esprit conservateur règne encore à la campagne.
Au lycée franco-musulman
d'El-Biar, M.Ould Rouis Boualem s'attache à
disséquer les richesses multiples de la littérature
arabe à travers les âges.
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Au lycée de Ben-Aknoun, M.Richert, un Français de
souche européenne, enseigne avec maîtrise les subtilités
de la langue arabe à de jeunes musulmans.
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Les méthodes archaïques ont changé. Le lycée
d'enseignement franco-musulman de
Ben-Aknoun est fier de son modernisme.
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Les nécessités de la vie ont bousculé
les traditions basées essentiellement sur des commodités
périmées. Le maraboutisme, l'adoration des pierres et des
coupoles, les superstitions surannées qui n'ont rien à voir
avec le Coran se sont effondrées devant la machine et les sciences
expérimentales. Les talebs ont commencé à déserter
les écoles coraniques établies dans les Koubbas et leurs
planchettes enduites de kaolin sont de moins en moins utilisées.
Le cahier, le stylo, et les livres imprimés les ont avantageusement
remplacées. L'école coranique est devenue h. médersa
avec des tables et un tableau. Et les tolbas des mosquées sont
allés s'instruire à la grande médersa d'Alger d'Enseignement
Supérieur musulman. Une élite médersienne à
double culture franco-arabe a pu, dans un travail obscur et souvent ingrat,
continuer à remplir dignement sa tâche éducative.
Des mouderrès, des cadis, des interprètes, des muphtis et
même des avocats et des médecins ont uvréutilement
pour la coopération des différents éléments
de l'Algérie.
A travers le monde, l'Islam est diversement appliqué. Chaque pays
adopte pour son compte les principes qui s'adaptent le mieux à
sa situation géographique, à son économie à
ses coutumes, à ses hommes.
L'Algérie constitue, malgré sa diversité, l'un des
pays où l'Islam est confessé d'une façon à
peu près sincère. Quoique composé d'éléments
surtout berbères, le pays a conservé dans son parler, un
langage arabe très proche de la langue du Coran. Il est vrai que
l'Invasion des Beni-Hilals du XI 11e siècle a amené surtout
des Arabes Yéménites dont la langue a servi, avec celle
des Koreïchites à former le verbe coranique et le Hadith.
En outre l'Algérie, pays de conquêtes par excellence s'est
confinée dans les djebels, les zaouïas fortifiées (mourabites).
Coupée souvent du reste du monde, emmurée dans ses frontières
naturelles, elle s'est repliée en pensée sur elle-même.
Supplantée à travers les âges par d'autres civilisations,
ayant perdu ses richesses spirituelles et les moyens matériels
de sauvegarder son patrimoine, la civilisation musulmane algérienne
n'a pu garder que le Coran, le Hadith et le droit malékite (Khalil,
El Maoutah, la Tohfat d'Ibn Acem) qui furent appris par cur par
les Tolbas. Leurs expressions sonores et leurs images frappantes ont permis
d'enrichir le parler populaire plus que tout autre parler des autres pays
musulmans.
Si de nos jours la situation de la langue arabe en Algérie semble
critique, si les écrivains et les poètes capables de lui
redorer le blason nous font défaut par manque de lecteurs et d'encouragements
administratifs conséquents, la religion, elle, continue à
jouer son rôle spirituel sur les masses populaires encore frustes
et souvent incultes.
Notre pays ne compte pas de bourgeoisie. Il n'y a qu'une seule couche
sociale uniformément répandue à travers les différentes
contrées algériennes.
Quant aux intellectuels qui sont de trois sortes, ils sont de plus en
plus détachés du peuple.
Les Arabisants purs continuent à vivre avec un pied au moyen âge
et un autre au Moyen-Orient d'où leur parviennent des livres plus
ou moins récents. En effet ce ne sont que des traductions d'ouvrages
occidentaux - romans pour la plupart - édités en Égypte
ou au Liban avec un écart de deux ou trois décades sur le
déroulement du temps. Quant au choix des uvres il est loin
d'assouvir tous les désirs.
Les Francisants purs ignorent l'arabe. C'est à travers des traductions
plus ou moins fidèles qu'ils apprennent à connaître
l'Islam. Mais leur Islam est confus, nébuleux, avec une tendance
à vouloir le rendre toujours conforme aux circonstances, aux idées
occidentales nouvelles. C'est un Islam, si l'on veut, de circonstance
où le rigorisme fait souvent défaut. La foi existe mais
la pratique n'est pas toujours respectée.
Quant aux intellectuels bilingues - de culture franco-arabe - ils forment
incontestablement l'élément idéal pour alliez les
deux pensées - Franco-Islamique. La civilisation occidentale, ils
l'acquièrent directement dans les écoles françaises,
sur place et sans recourir à des tiers ou
des traductions de seconde main. Le Coran et tous les livres sacrés
similaires, le droit, la littérature et tout ce qui concerne leur
religion, ils sont les seuls à les étudier directement dans
le texte et à commenter le fond suivant les conceptions modernes.
De plus l'étude des mathématiques et des sciences contemporaines
par le français a contribué à aiguiser leur esprit.
Elle leur permet d'acquérir des notions de comparaison, de critique.
Elle leur donne des perspectives nouvelles non seulement dans la réflexion,
mais aussi et surtout des possibilités d'application logique des
préceptes considérés par les puritains comme immuables.
C'est pourquoi les établissements d'enseignement franco-musulman
constituent pour les musulmans de ce pays le genre d'enseignement le plus
conforme à l'évolution harmonieuse des jeunes générations.
Les
familles musulmanes, encore imbues de traditions religieuses,
préfèrent envoyer leurs filles au Lycée d'Enseignement
Franco-Musulman ie
Kouba où l'Enseignement du Coran s'adapte au
modernisme clair-voyant.
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Discipline,
harmonie entre le passé et le présent telles sont
les caractéristiques du Lycée de jeunes filles de
Kouba.
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L'expansion du machinisme, les luttes politiques et sociales,
le développement d'une démographie excessive, la multiplication
des besoins, l'acquisition d'un standard de vie à l'Européenne,
la crainte de perdre certains droits acquis, le désir d'obtenir
plus d'aisance matérielle, le souci d'être à l'avant
garde du progrès et du modernisme, tout cela a donné naissance,
chez les jeunes, à une résolution bien ferme de changer
d'orientation.
Au contact de la culture française et de la civilisation occidentale,
la pensée islamique moderne a rompu avec certaines traditions séculaires,
certaines pratiques considérées encore bonnes dans un passé
récent. Entre le pur mysticisme qui paraissait stérile et
un matérialisme outrancier, une nouvelle tendance intermédiaire
s'est fait jour.
C'est à la lumière du présent et de ses événements
que les jeunes musulmans veulent voir le Coran. Pour eux le Livre Saint
doit s'adapter aux circonstances actuelles.
Sans bannir la spiritualité du Coran de leur pensée, ils
sont décidés, à l'avenir, à isoler la vie
spirituelle de pure forme et à la faire évoluer en marge
de la vie publique.
Chez la plupart la vie désormais ne sera plus adaptée au
Coran, mais c'est le Coran qui doit s'adapter à la vie. Leur théologie
manquera probablement d'orthodoxie, mais pour le moment, il leur importera
peu d'être conformes à l'esprit du véritable Islam.
Ce qu'ils désirent avant tout c'est d'imiter certains occidentaux,
même dans l'application de leur religion. Ils deviendraient alors,
non pas des musulmans non pratiquants, mais des religieux imbus de sens
pratique immédiat.
Remarquons qu'il s'agit là de certains éléments de
la population citadine. Quant à la population rurale, nous pouvons
remarquer que son bon sens n'a pas perdu son idéal de pureté
naturelle. Malgré des difficultés matérielles encore
lourdes son espoir en un avenir stable et paisible consolide sa foi et
son attachement à la vérité des principes coraniques.
Actuellement la grande masse musulmane s'inquiète du machinisme.
Elle craint de le voir supplanter sa spiritualité. Or c'est précisément
ce machinisme qui est en train de la débarrasser des soucis matériels
qui la gênent et qui l'empêchent de se vouer entièrement
à sa foi. En outre, de nouvelles lois sociales, récemment
acquises, placent les musulmans algériens sur le même pied
d'égalité que les autres habitants de ce pays. Ayant recouvré
leur dignité humaine, ils possèdent les meilleures conditions
requises pour mettre en application les notions les plus authentiques
de l'Islam moderne.
Déjà les pratiques rituelles de pure forme prennent un caractère
désuet. Chaque action prend un sens idéologique, une valeur
spirituelle. Le souci de la perfection en soi, de l'influence sur les
autres, redonnent l'espoir d'une vie communautaire algérienne paisible
et heureuse, d'une richesse morale élevée conforme, non
seulement à l'orthodoxie de l'Islam, mais aux principes de toutes
les religions, de tous les principes sociologiques à caractère
humain qui cohabitent dans ce pays.
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