Le
premier homme ou la revanche d'Albert Camus
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--------Quarante
ans après son affrontement avec les intellectuels progressistes,
dont Sartre en tête, l'auteur de l'exceptionnel succès de librairie
qu'est "Le premier homme" fait l'évènement. Les
oeuvres de Camus connaissent un regain d'étude à l'Université.
Caligula triomphe à la comédie Française. "L'étranger"
atteint le chiffre de 7 millions de ventes. Pourquoi cet intérêt
à propos d'un homme tant haï et attaqué de son vivant
? --------C'est que ses analyses d'alors sur les totalitarismes et son combat pour la liberté et la fraternité scandent singulièrement l'actualité aujourd'hui : de Gdansk à Moscou, d'Alger à Sarajévo, d'Amnesty International à Médecins sans frontières, les évènements ont balayé les certitudes des détracteurs de Camus. Qui oserait désormais se gausser de sa "belle âme, sa morale de Croix-Rouge et sa rigueur de Boy-scout" ? Le premier homme, roman autobiographique inachevé, publié, 34 ans après sa mort, est la revanche d'A. Camus et de ce petit peuple pied-noir dont il est issu. On y retrouve toutes les idées simples et fondamentables qui forgeront la personnalité de Camus. Enfance pauvre --------Et d'abord, son enracinement dans le peuple et la pauvreté. Le Premier Homme rappelle à ceux qui l'avaient oublié que Camus est un fils de pauvres. La famille Sintès, d'origine mahonnaise, vit rue de Lyon, l'artère principale du quartier populaire de Belcourt dans un petit appartement sans électricité, sans toilettes ni eau courante. Rude est le travail de ses oncles et sa mère pour l'argent nécessaire à la vie. Certains soirs, le souper se résume à un bol de café au lait et quelques tartines beurrées, pas de télé, pas de radio. --------Dans cet univers dominé par une grand-mère autoritaire, le père est absent, tué sur la Marne pour défendre la France. Du "1er Zouave", il n'est pas revenu. Et ce sera 40 ans plus tard, la quête de ce père mort et enterré en France devant sa tombe d'abord, puis à la ferme où il est né à Mondovi. --------C'est là qu'à la recherche de son père, il retrouve son enfance, puis tout le poids de vie de ces générations, de ces hommes venus depuis plus d'un siècle, labourer, creuser et épuiser leur vie pour ce pays immense et au départ hostile, le fusil à l'épaule et la quinine en poche. A défaut du père, la mère est là, à qui il voue un culte, à la manière des méditerranéens : sa mère dont l'amour ne se révèle que dans ses yeux clairs et son silence, présence plus forte que les mots ; sa mère, le regard éternellement perdu sur la rue... --------De son enfance, Camus reçoit des bonheurs simples et permanents : ceux des jeux de l'innocence qui évoqueront nombre souvenirs aux lecteurs pieds-noirs : courses éperdues dans la jungle féérique du Jardin d'Essais, traversée de la route moutonnière vers la plage des Sablettes pour "s'taper le bain", à l'appel du soleil. --------Sur les chemins du retour, les parfums d'habitude : ceux de la tonnellerie de l'oncle Etienne, odeur du pain encore tout chaud, arôme de café grillé ou de beignets au miel, senteurs du mélange d'épices, de poivre et de jasmin chez le "moutchou" (épicier mozabite). --------Sans oublier le jeudi après-midi où on joue aux billes, aux noyaux, aux osselets, à la canette-vinga... Sa terre --------Autre trésor de l'enfant, en permanente toile de fond de l'ouvrage : sa terre natale dans laquelle le futur écrivain trouvera la plus belle part de son inspiration. --------Entre l'Algérie et Camus, c'est un long et interminable dialogue. L'évocation par l'enfant de la nature algérienne annonce l'hymne future à la beauté de son pays, à ses parfums, à ses couleurs, et la magie poétique de "Noces" et "Djemila". Comment ne pas être ému à lire "l'ivresse dont il gardait le regret émerveillé au coeur" lors des parties de chasse familiales, sur le plateau du Sahel couvert de chênes nains et de genevriers, où il regarde tomber le somptueux crépuscule africain ! Ce bonheur lyrique, cette plénitude et cette communion parlent à tous ceux dont une partie du coeur est restée dans cette terre qui était bien "bénie des dieux". ------- -Camus grandit dans
une famille pied-noir, pauvre mais digne. L'institution française
qu'est l'école publique va lui donner sa chance : il veut apprendre,
il veut comprendre et c'est son instituteur, Mr Germain, qui pèse
de tout son poids d'homme pour modifier son destin, l'aidant à
franchir les portes du "grand lycée" Bugeaud vers la
voie royale. Au contact des leçons de cet homme remarquable, venu
comme nombre de ses collègues, transmettre avec tant de modestie
et tant d'amour ce qu'il savait aux enfants d'Algérie, Camus découvre
la puissance et les merveilles de l'esprit qui vont faire de lui l'un
des plus grands moralistes de notre temps. Comme l'on est loin d'une certaine
vision de l'Algérie voulue à toute force élitiste
et ségrégationniste ! Lui, le petit enfant pauvre deviendra
Prix Nobel et ce sera le très bel hommage rendu à cette
occasion par l'élève, à son maître et père
adoptif : "quand j'ai appris la nouvelle,
ma première pensée, après ma mère, a été
pour vous. Sans vous, sans cette main affectueuse que vous avez tendue
au petit enfant pauvre que j'étais, sans votre enseignement et
votre exemple, rien de tout cela ne I. Casanova |