LE PORT D'ALGER

Histoire du pilotage dans le port d'Alger
LES PREM|ERS VOILIERS DU ROI ACCOSTAIENT A FORCE DE RAMES
Aujourd'hui, les dix pilotes du port guident neuf cents navires par mois

Echo d'Alger du 25-8-1951 - Adressé par Francis Rambert
sur site : mars 2022

Histoire du pilotage dans le port d'Alger
LES PREM|ERS VOILIERS DU ROI ACCOSTAIENT A FORCE DE RAMES
Aujourd'hui, les dix pilotes du port guident neuf cents navires par mois

Ense et aratro, telle était la devise de Bugeaud de la Piconnerie, duc d' Isly et maréchal de France, lorsqu'il devint gouverneur de l'Algérie. Mais il est évident que ce noble but ne prit tout son sens que lorsque les fins brick-goélettes, les rapides corvettes, les frégates aux trois mâts carrés ou les lourds vaisseaux de ligne eurent débarqué dans la darse de l'Amirauté les lanciers, les sapeurs, les voltigeurs, les artilleurs et fantassins de l'Armée d' Afrique suivis bientôt par les missionnaires et les premiers colons.

Premiers débarquements
Lorsque les premiers navires du roi vinrent mouiller à quelques encablures de la ville arabe, aucun capitaine ne connaissait la " passe " et nul ne pouvait faire appel à l'expérience des vieux loups de mer autochtones, qui, de la berge, regardaient s'approcher ces majestueux voiliers.

Naissance du pilotage
Les équipages, obligés de se débrouiller avec les moyens du bord, pratiquèrent de " l'auto-remorquage " qui consistait à mettre une ou plusieurs embarcations de sauvetage à la mer, lesquelles tiraient jusqu'au quai le bâtiment dépouillé de sa voilure.
Fort heureusement, les vieilles chansons de mer étaient déjà inventées. Et les chanteurs donnaient la cadence à la rame tout en surprenant, par leurs rythmes nouveaux, les indigènes habitués aux longues mélopées du désert.
Parmi les premiers colons, il y eut des marins et ceux-ci se familiarisèrent rapidement avec les hauts fonds de la baie. Aussi, les lourds voiliers de commerce, qui firent leur apparition dans le golfe, quelques années plus tard, n'eurent-ils plus besoin d'avancer " à tâtons " à l'aide de la sonde, afin de ne pas aller s'échouer sur un haut fond inconnu.
Les marins-pêcheurs-colons, premiers pilotes improvisés, véritables anges gardiens du port allaient sur leurs embarcations attendre, a un demi-mile, au large le " voilier à rentrer " et, moyennant quelques " sols " indiquaient la " passe " au capitaine.
Le pilotage était né.

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2.-Le majestueux paquebot pour accoster est à la merci du petit remorqueur

Le majestueux paquebot pour accoster est à la merci du petit remorqueur

Nous sommes allés accueillir le " Ville-d'Oran " en deçà de la jetée à bord d'un bateau-pilote arborant le pavillon rouge-blanc-bleu en carré. Rien ne peut mieux faire ressortir l'effort constant que demande une manœuvre, répétée 900 fois par an, que la relation exacte et minutée de celle-ci, telle qu'elle pourvait être inscrite dans un quelconque " livre de bord " ;

Le paquebot est au large
5 h. 30. - De la dunette du mât à signaux, placé sous le contrôle direct de la capitainerie du port,l'homme de veille aperçoit à quelques miles au large, le paquebot qui se dirige vers Alger.
5 h. 31, - Il hisse le " rappel ", pavillon rouge rayé noir, au faîte du pylône qui semble protéger leport de ses deux grands bras d'acier.
5 h. 32. - Le pavillon claque joyeusement dans la fraîche brise matinale, semblant faire les premiers signaux de bienvenue au paquebot qui n'est encore qu'un point à l'horizon.
5 h. 33. - L'homme de quart téléphone au commandant de la capitainerie du port qui fait prévenir le pilotage : le bateau " à rentrer " est signalé.
5 h. 45. - Le bateau-pilote quitte son quai, ayant à bord le pilote et deux hommes d'équipage.
Le toussotement rageur, têtu et cadencé de son moteur diesel se répercute longuement sur la mer etdans le port immensément calme du petit matin.

Echo d'Alger du 28-8-1951 - Adressé par Francis Rambert
sur site : mars 2022

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Le pilotage
Le pilotage
Immeuble du pilotage
Immeuble du pilotage
(Collection F.Rambert)


              
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Histoire du pilotage dans le port d'Alger
LES PREM|ERS VOILIERS DU ROI ACCOSTAIENT A FORCE DE RAMES
Aujourd'hui, les dix pilotes du port guident neuf cents navires par mois

Ense et aratro, telle était la devise de Bugeaud de la Piconnerie, duc d' Isly et maréchal de France, lorsqu'il devint gouverneur de l'Algérie. Mais il est évident que ce noble but ne prit tout son sens que lorsque les fins brick-goélettes, les rapides corvettes, les frégates aux trois mâts carrés ou les lourds vaisseaux de ligne eurent débarqué dans la darse de l'Amirauté les lanciers, les sapeurs, les voltigeurs, les artilleurs et fantassins de l'Armée d' Afrique suivis bientôt par les missionnaires et les premiers colons.

Premiers débarquements
Lorsque les premiers navires du roi vinrent mouiller à quelques encablures de la ville arabe, aucun capitaine ne connaissait la " passe " et nul ne pouvait faire appel à l'expérience des vieux loups de mer autochtones, qui, de la berge, regardaient s'approcher ces majestueux voiliers.

Naissance du pilotage
Les équipages, obligés de se débrouiller avec les moyens du bord, pratiquèrent de " l'auto-remorquage " qui consistait à mettre une ou plusieurs embarcations de sauvetage à la mer, lesquelles tiraient jusqu'au quai le bâtiment dépouillé de sa voilure.
Fort heureusement, les vieilles chansons de mer étaient déjà inventées. Et les chanteurs donnaient la cadence à la rame tout en surprenant, par leurs rythmes nouveaux, les indigènes habitués aux longues mélopées du désert.
Parmi les premiers colons, il y eut des marins et ceux-ci se familiarisèrent rapidement avec les hauts fonds de la baie. Aussi, les lourds voiliers de commerce, qui firent leur apparition dans le golfe, quelques années plus tard, n'eurent-ils plus besoin d'avancer " à tâtons " à l'aide de la sonde, afin de ne pas aller s'échouer sur un haut fond inconnu.
Les marins-pêcheurs-colons, premiers pilotes improvisés, véritables anges gardiens du port allaient sur leurs embarcations attendre, a un demi-mile, au large le " voilier à rentrer " et, moyennant quelques " sols " indiquaient la " passe " au capitaine.
Le pilotage était né.

Premiers progrès
Vers 1880, les premiers long-courriers à vapeur firent leur apparition. Ceux-ci entraînèrent la disparition des barques de servitude et des pêcheurs-pilotes.
Mais les services du pilotage n'en furent pas organises pour autant.
Les " pilotes prives ", ou pêcheurs devenus assez riches pour s'acheter des barques à moteur, d'une puissance allant de 60 à 100 C.V. vinrent tracter les navires à roues ou à hélice, moyennant rétribution.
Quant au service du pilotage, il était toujours assuré par de vieux marins, n'ayant que leur expérience pour diplôme. mais qui s'étaient consacrés entièrement à cette tâche. Il n'y avait entre eux aucune cohésion administrative et n'étaient unis que par la grande loi de l'entraide en mer.
Mais un grand progrès était déjà réalisé.

Des remorqueurs de 120 CV
Ce n'est qu'au début de ce siècle que la Société provençale de remorquage et d'acconage fit son apparition en mettant en service des remorqueurs développant une puissance de 120 C.V.
Le doyen des pilotes algérois, M. Gregory, qui est toujours sur la brèche, après 44 ans de services, se souvient avec émotion de ce temps héroïque.
" Plusieurs fois, nous a-t-il raconté., des bateaux de fort tonnage ont fait, à cette époque, escale à Alger, chose d'ailleurs assez rare, et comme nous n'avions à mettre à leur disposition que des engins de 120 C.V. nous étions obligés pour tracter ces grosses masses de former des trains de 6 ou 7 remorqueurs...
Inutile de vous dire, ajoute-t-il, que la manœuvre n'était pas des plus faciles. "
Les services du pilotage, tels qu'ils sont actuellement organisés datent approximativement de la même époque, et se trouvent toujours installés dans le même immeuble de l'ancien quartier de la Marine, qui les a vu naître.

Une tâche écrasante
Dix pilotes assurent. par roulement de 24 heures, les entrées, les sorties et les mouvements des navires touchant Alger.
Tache écrasante, si l'on songe que de nos jours 300 bateaux de tout tonnage entrent en moyenne mensuellement dans notre port.
Compte tenu des sorties égales et des manœuvres inter quais, près de 900 navires passent donc chaque mois dans les mains de ces dix marins, quelquefois davantage.
Et considérant que ces pilotes vont attendre les unités rentrant et accompagner les bâtiments sortant jusqu'à un demi-mile en dehors de la jetée à toutes heures du jour et de la nuit et par tous les temps, on aura une juste mesure de l'effort quotidien accompli dans l'ombre par cette poignée d'hommes qui ont à maintenir la bonne réputation de notre port.



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Le majestueux paquebot pour accoster est à la merci du petit remorqueur

Nous sommes allés accueillir le " Ville-d'Oran " en deçà de la jetée à bord d'un bateau-pilote arborant le pavillon rouge-blanc-bleu en carré. Rien ne peut mieux faire ressortir l'effort constant que demande une manœuvre, répétée 900 fois par an, que la relation exacte et minutée de celle-ci, telle qu'elle pourvait être inscrite dans un quelconque " livre de bord " ;

Le paquebot est au large
5 h. 30. - De la dunette du mât à signaux, placé sous le contrôle direct de la capitainerie du port,l'homme de veille aperçoit à quelques miles au large, le paquebot qui se dirige vers Alger.
5 h. 31, - Il hisse le " rappel ", pavillon rouge rayé noir, au faîte du pylône qui semble protéger leport de ses deux grands bras d'acier.
5 h. 32. - Le pavillon claque joyeusement dans la fraîche brise matinale, semblant faire les premiers signaux de bienvenue au paquebot qui n'est encore qu'un point à l'horizon.
5 h. 33. - L'homme de quart téléphone au commandant de la capitainerie du port qui fait prévenir le pilotage : le bateau " à rentrer " est signalé.
5 h. 45. - Le bateau-pilote quitte son quai, ayant à bord le pilote et deux hommes d'équipage.
Le toussotement rageur, têtu et cadencé de son moteur diesel se répercute longuement sur la mer etdans le port immensément calme du petit matin.

En route sur le bateau pilote
5 h. 50. - Nous sommes sortis du fourmillement des barques qui dorment, doucement bercées dansla darse de l'Amirauté.
Nous augmentons la vitesse et le rauque grondement de notre moteur s'emballe sourdement, mais son bruit semble maintenant happé par l'infini de la mer, car nous nous trouvons déjà à proximité de la passe.
5 h, 55. - Nous doublons les feux de l'entrée, vert à tribord, rouge à bâbord. Ceux-ci se clignant mutuellement de leurs yeux de cyclopes, semblent vouloir se moquer de nous.
5 h. 57. - Dès le dernier bloc de ciment armé doublé, la lourde houle cadencée du large s'empare denous. Nous nous dirigeons rapidement vers le feu à éclats blancs du bout de la jetée laissant " sur tribord " la bouée d'entrée à feu vert intermittent.
A cette occasion le pilote nous signale que deux grands " feux " délimitent la baie d'Alger : l'un,au Cap-Matifou " donne " trois éclats groupés toutes les quinze secondes, l'autre, au Cap-Caxine,brille une fois toutes les cinq secondes.

Le pilote monte ã bord
6 h. 07. - Le majestueux paquebot siffle trois longs coups pour appeler le pilote au moment même ou notre vedette double la jetée.
6 h. 10. - Le bateau se trouve à quelques encablures de nous et ralentit considérablement sa marche tandis qu'un matelot jette par dessus son bord une échelle de corde accrochée au bastingage quiva permettre au pilote de monter à l'abordage.
6 h. 10. - Le pilote grimpe le long de la coque. La houle est forte et il faut la longue pratique de ce marin accompli qu'est le pilote pour que cet embarquement acrobatique se fasse rapidement et avec une apparente facilité.
6 h. 11. - Le " Ville-d'Alger " hisse le pavillon du pilotage à son mât de poupe. Un peu avant son" ascension " M. Grégory me narre une autre histoire vécue.
" En 1923, j'ai " sorti "› par gros temps un bateau hollandais de 8.000 tonnes, l'" Inderland ", quifaisait route sur la France. Après la passe, la houle fut tellement forte qu'il me fut impossible, malgré mes efforts répétés, de toucher ma vedette qui, suivant les " creux " de plus de six mètres, ne pouvait s'approcher du bateau autour duquel les flots étaient particulièrement tumultueux. Force me fût donc de rester a bord jusqu'à Villefranche, prochaine escale du bateau.
Tout récemment, ajoute-t-il, un pilote marseillais se trouvait encore à Alger sur un bateau venu de Marseille. Heureusement pour nous ces surprises sont rares. "
6 h. 15. -_ Le " Ville-d'Oran ", sous la conduite du pilote, double la passe, son remorqueur, le " Furet-II ", l'attend à proximité du feu " bâbord ".

Paré pour la manœuvre
6 h. 18. - Sur la passerelle de commandement du paquebot, le commandant, assisté du pilote du port qui est devenu son conseiller, donne l'ordre au timonier de siffler deux coups brefs, et met lesmachines au " stop ".
Les vibrations auxquelles les passagers se sont habitués cessent tout à coup tandis que la puissante sirène mugit par deux fois. Cela signifie que le remorqueur peut " attacher " sur " bâbord poupe "sans risque de " prendre " les amarres dans les hélices.
6 h. 20. - De la timonerie, le commandant ordonne par téléphone au lieutenant de poupe, de lancer la " touline " au remorqueur la petite corde, jetée comme un lasso par une main adroite, prendaussitôt son envol du gaillard arrière du paquebot pour venir atterrir sur la plage avant du remorqueur.
6 h. 20' 30". - Le matelot du remorquage se saisit de ce " mandeur », à l'extrémité duquel se trouve attaché le câble d'amarrage et le hale avec l'aide de trois camarades, jusqu'à ce que la lourde amarre d'acier soit sortie de l'eau et soit fixée au crochet mobile qui se trouve derrière la cheminée.
6 h. 22. - Un _coup bref, rageur et aigu, venu de la sirène du remorqueur, indique que celui-ci estparé pour la manœuvre.
La gros colosse qui, quelques minutes avant, pourfendait orgueilleusement une mer écumante de rage impuissante, est maintenant enchaîné pitoyable et muet, à ce modeste petit ami sans lequel il ne peut rien.
6 h. 30. - Le " liner " approche du môle de la Gare maritime. Sur le quai aérien, de nombreux parents et amis font des signaux de bienvenue aux passagers massés sur les ponts.
Ceux-ci soupçonnent-ils la reconnaissance qu'ils doivent a ces marins qui consciencieusement ontaccompli les gestes qui leur ont permis de " faire un bon voyage " ?
Ou bien trouvent-ils tout naturel que cet immense mouvement d'horlogerie ait fonctionné sans incident, à la minute près ?
Même si la deuxième supposition est exacte. c'est encore en l'honneur des hommes de la mer, carcela prouve qu'ils ont habitué les passagers a des manœuvres impeccables et leur plus grande récompense est que celles-ci paraissent banales.
Et pourtant que d'efforts accomplis !

" Rien å signaler "
6 h. 35. - Un " mandeur " est lancé du gaillard d'avant du bateau sur une petite barque qui le " tire " au quai.
6 h. 37. - Le câble sorti de l'eau tout suintant, est fixé à la bite d'amarrage du môle. Le treuil dunavire se met en route. Ébranlant sa poupeet enroulant l'attache d'acier qui le tire peu à peu parl'avant vers la terre.
6 h. 40. - Le " Furet " siffle un coup bref, largue son amarre et s'en va en grognant de toutesses machines.
6 h. 45. - A l'arrière, un deuxième câble relie le bateau au quai ; le treuil de poupe se met également en marche
6 h. 50. - La manœuvre est terminée. l'échelle de coupée est fixée. Les matelots s'épongent le front.
Le commandant serre la main du pilote et inscrira sur son livre de bord : " Arrivée à Alger à 6 h. 50,
rien à signaler ".