HISTOIRE de L'OPÉRA D'ALGER
Épisodes de la vie théatrale algéroise
1830-1840
Fernand Arnaudiès

1901 - 1919 pages 176 à 199

 
sur site le 26-11-2004...dans un mois, papa Noel sera déjà passé !!!
L'OCR a laiisé des "coquilles" que je n'ai pas reprises. Veuillez me pardonner. Vous pouvez me les signaler..
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---------Le 17 Janvier 1901, triomphe " Louise ", joué pour la première fois hors de Paris. Soirée mémorable, due à l'intelligente activité de M. Saugey, le mieux inspiré des Directeurs. Il est vrai que la présence de Charpentier constituait à elle seule, un élément certain de succès.
---------Ce fut lui qui dirigea les répétitions, régla la mise en scène, organisa l'orchestre en collaboration avec son chef habituel, M. Pennequin.
---------À cette occasion, les décors furent confiés à Jusseaume, qui avait brossé ceux de Opéra-comique.
---------Le rôle de Louise était interprété par Mme Rose Gervaix, falcon, soprano dramatique, dont la voix, le charme, le naturel émouvant firent sensation.
---------Et je n'aurai garde d'oublier ses protagonistes : Mme Poude, contralto (la mère) ; M. Flachat, 1er ténor (Julien) ; et M. La Taste (le père) qui se placèrent au-dessus de tout éloge et que secondèrent avec beaucoup de talent et de science, MM. Perrens et Gaillard, basse noble ; Mmes Poyard et Faber.
---------Un jeune poète algérois, M. Francis Petit, dédicaça à M. Gustave Charpentier les vers que voici, à propos de " Louise ":

O Louise, Muse que couronne
Tout Paris bohème et rêveur,
Enfant d'amour et de longueur,
Fille du Printemps qui rayonne,
La grande ville qui bourdonne
A jamais règne sur ton coeur ;
Paris éternel déboucheur
Te séduit, modiste mignonne,
Désormais, même en ton sommeil,
Tu l'entendras l'âme ravie
Doucement te dire : O jolie !
Viens, fuyons sous le ciel vermeil.
Entr'ouvrant ta lèvre au sourire,
Tu suivras l'amant qui t'attire.

---------L'année 1901 vit encore la création du " Portrait de Manon ", de Massenet, avec Mlle Pratt, Mme Chambéry et M. Faber dans le rôle de Des Grieux ; la création de " Rip ", de Meilhac, musique de Planquette, dont les décors et les artifices scéniques plurent beaucoup, tout autant sans doute, que M. Dalbressan (Rip), Mlle Olivier (Kate), Mme Bury, 1ère chanteuse légère (Nelly) ; la création de " La Vendetta ", paroles de Lefèvre, Député d'Alger, musique de Charles Berlandier. http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis .L'annonce de cette pièce, œuvre de deux algérois particulièrement connus, avait vivement excité la curiosité publique. " La Vendetta " était interprétée par Mme Rose Gervaix (Paola), MM. Lafon, Perrens et Gaillard.
---------Notons encore, la création de " La Louve " (épisode de la Jacquerie), de M. Gaston Sarreau, avec Mme Rose Gervaix et M. Lafon ; de " Marie Magdeleine ", œuvre de jeunesse de Massenet (M. Steck dirigeait l'orchestre) ; " L'Aiglon ", joué par les artistes du Théâtre Sarah-Bernhardt : MM. Froment, Daltour, Mlle Grumbach.

---------1904-1905. - La troupe italienne Castellano est en représentation à l'Opéra Municipal, après une tournée triomphale en Belgique. Elle donne : " Le Trouvère ", " La Traviata ", " La Bohème " et une création " Méfistofélé ", opéra de Boïto. Choses vues et entendues, mais auxquelles Maria Gonzaga, Agostinelli, Zérola, Carpi, donnent un dynamisme nouveau, inexprimable.
---------Cependant, Mlle Réjianie, MM. Dalcourt et Clergue, artistes du " Kursaal ", chantent dans les cafés, le jour de la Mi-Carême, au profit des sinistrés de Courrières.
---------M. Grazi, Directeur du Municipal, termine la composition de sa troupe. Il s'est assuré le précieux concours du fort ténor Demauroy ; du ténor léger Maréchal (frère de celui de l'Opéra-Comique) et de Mlle Blot, falcon, qui, on nous l'assure, touchait déjà 2.700 francs par mois d'appointements.
---------" Les Huguenots " et " Mireille " marquent l'ouverture de la saison. La baguette de chef d'orchestre est tenue par Étienne Bardou.
---------À cette époque Georges Rochegrosse envoie au Salon sa " Joie rouge ", qui lui vaudra une médaille d'honneur et qui, plus tard, figurera au Grand Foyer du Théâtre Municipal.
---------À propos de ces œuvres, qui figurèrent ainsi au Grand Foyer de l'Opéra, il me faut rappeler la première, offerte par l'Empereur Napoléon III, œuvre du jeune peintre Alfred Couverchel (18341867), représentant : " La capture du Chérif Mohamed Ben Abdallah, près de Ouargla, le 18 Septembre 1861 ". Cette immense toile de 9 m. 70 sur 6 m. 45, avait appartenu, avant le voyage de l'Empereur en Algérie et jusqu'en 1866, au Musée de la Société des Beaux-Arts, rue du Marché d'Isly.
---------Par la suite on put voir, au Foyer, un bas-relief : " Arabe dansant " de Victor Fulconis, ayant figuré au Salon de Paris en 1880 et que le jeune sculpteur avait offert à la ville d'Alger en 1881.
---------Victor Fulconis, né à Alger en 1851, professeur au Lycée d'Alger, était le fils du sculpteur Guillaume Fulconis, auteur, notamment, du piédestal de la statue du Duc d'Orléans, du monument de Mazagran, etc...
---------On put voir encore, jusqu'en 1910, deux toiles, l'une de Victor Prouvé, élève de Cabanel et Devilly : " Sardanapale " (4,43 x 4,29) ; l'autre de Castellani : " La Bataille de Wissembourg " (2,97 X 4,64) actuellement au Cercle militaire.
---------C'est en 1912 que furent mis en place : " La joie rouge " de Rochegrosse et " Les temps héroïques " d'Emile Aubry.

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Mais revenons à la saison 1905 et notons, pour les débuts de la troupe de comédie : " L'Aventurière ", d'Augier, avec FranckMorel, Tersant, Maillard.
---------M. Dutilloy, baryton de l'Opéra-Comique, excellent artiste et algérois, joue dans le Barbier. Sa voix remarquable, son jeu personnel, lui valent les moments les plus fêtés de sa carrière.


---------La gestion de M. Grazi, Directeur de l'Opéra, n'est guère brillante. http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis .Elle frise même le scandale. MM. Cartier et Devilly sont chargés de mettre un peu d'ordre dans la maison. Il en est grand besoin !
---------Fort heureusement, deux artistes, aimés du public, facilitent leur tâche. Ce sont, le baryton de grand opéra Redon et la première chanteuse légère, Mlle Méhieu, qui fait ses débuts sur la scène algéroise.
---------Cependant, M. Cartier se retire. Il est remplacé par M. Gimer, chef de bureau à la Mairie, qui, peu de temps après, refuse sa charge. Le théâtre est alors mis en régie.
---------On joue tout de même : " Le roman d'un jeune homme pauvre ", d'Octave Feuillet ; " Sacré Léonce " ; " La Fille du Régiment " ; " Guillaume Tell " ; " Lakmé ", où débute le ténor Garoute ; " Hamlet " ; " Hérodiade ", etc...


---------1906 voit les représentations de Maria Gay, dans " Carmen " et " Samson " ; de Mlle Cesbron, dans " Manon " et " La Traviata " ; de Mlle Lya Sirdet, une charmante algéroise, du Gymnase, dans " La Rafale " ; Mlle Sirdet était la petite fille du Colonel Fourchault, attaché à l'Etat-Major du XIXè Corps.
---------1906 voit encore les représentations de Mme Lina Pacary, du Théâtre National de l'Opéra, dans " Les Huguenots ", " Messaline " et " Hérodiade " ; de Mlle Blot, dans " Roméo et Juliette ", etc..." Menuet triste ", de l'auteur algérois Léon Rebon, rédacteur à " La Dépêche Algérienne ", est interprété pour la première fois devant une salle comble. MM. Letellier, Rodier et Ferrat se partagent les principaux rôles de cette belle comédie, dont la musique de scène, parfaitement appropriée, a été écrite par M. Skielmans.


---------Silvain : " Deux yeux vifs qui clignotent en s'incrustant comme des diamants ", a dit de lui Edmond Gojon. Silvain et sa charmante femme sont fêtés par les algérois vite conquis. Interview, banquets, réceptions se succèdent. Silvain se plaîtà évoquer le souvenir de son père, qui prit part, comme capitaine, aux principales opérations de la prise de l'Algérie. http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis .Il évoque bien d'autres souvenirs encore. Il a tellement voyagé, tellement vu. On l'écoute avec ce même religieux intérêt qui l'accueille quand il parait sur scène, où il incarne admirablement Louis XI, Lebonnard, Triboulet, Alceste. Il joue " Tartuffe " à entrée gratuite. Les algérois se pressent au Théâtre Municipal, où, bientôt, plus une seule place n'est libre. À la fin du premier acte de modestes fleurs tombent aux pieds du génial interprète. Ce sont des violettes. Il les ramasse, les presse sur son cœur et salue. Il dira, un peu plus tard, que de tous les hommages reçus, aucun ne lui a été plus agréable que celui du petit bouquet de violettes algériennes.
---------Peu après le départ de la Compagnie Silvain, le Théâtre Municipal annonce l'arrivée d'une première chanteuse légère Mme Simone d'Arnaud, et d'une étoile parisienne, Mme Marié de l'Isle, applaudie dans " Carmen ", " Mignon ", " Werther ".


---------1907. - La Municipalité propose d'augmenter la subvention du Municipal dé vingt mille francs et de la porter ainsi à cent quarante mille. Cependant, M. Gimer, qui avait repris son poste pendant deux mois, se retire définitivement.
---------L'Opéra, après tant d'autres, connaît une nouvelle crise. Peu après, M. Horace Martin succède à M. Gimer.
---------Silvain est à nouveau l'hôte d'Alger. Il est accompagné de Louise Silvain, Laumonier, Mlle Thésy Borgos, Jean Hervé, Jean Durozat, Victor Magnat et joue " Le Dépit Amoureux " ; " La Fille de Rolland " ; " Gringoire " ; " Grisélidis " ; " Cinna " ; " Electre " ; " Le Misanthrope " que présente au public, avec tout l'esprit qu'on imagine, M. Charles de Galland.

---------Trois représentations de " Messaline ", l'opéra d'Isidore de Lara, se classent en 1907 parmi les plus goûtées. Mlle Dhasty, contralto, y tient le rôle difficile de l'Impératrice amoureuse avec, comme partenaires, le baryton Redon, de Essen et Crémel.
---------Notons le succès obtenu par la comédie d'ailleurs excellente, d'un algérois, M. Henri Sans : " La Tirelire ", jouée avec beaucoup de brio par Maillard, Rozé-Leprince et Jolly.
---------Léon Rebon, dont nous avons déjà parlé, met la dernière main au manuscrit d'une nouvelle pièce : " Le Père ", pour laquelle M. Raoul de Galland a écrit une délicate musique de scène. Coste, Degenne et Olivier animent ce petit chef-d'oeuvre du spirituel auteur de " Devoir " ; " Vive l'Empereur " ; " Au village " ; " Chambre en ville ", etc...
1907 vit éclore bien d'autres oeuvres dues à la plume d'auteurs algérois. Plusieurs d'entre elles furent représentées au Municipal. Ainsi, une page exquise de Charles Berlandier : " Lilia ", légende musicale en 4 actes, d'une grande simplicité d'écriture et d'un beau caractère. Mile Romanitza tenait le rôle de Lilia.
---------Entre temps, M. Altairac, Maire d'Alger, dénoue la troisième crise directoriale, survenue après la défaillance de M. Horace Martin, en plaçant à la tête du Théâtre Municipal MM. Uhlmann et Carvalho, fils de l'ancien directeur de l'Opéra-Comique.
---------Il me paraît intéressant de noter encore, à l'actif de 1907, et bien que cet événement artistique ne se soit pas produit sur notre première scène, la représentation à la très populaire salle Barthe, rue d'Isly, d'une revue algéroise : " Alger en panne ", poème inénarrable de Musette, musique de Raoul de Galland. Le peintre et remarquable caricaturiste Edouard Herzig, trop connu et estimé pour que j'y insiste, avait, à cette occasion, campé de nombreuses silhouettes du terroir qui, au cours du spectacle, furent projetées sur un écran, à la grande joie du public.
---------" Alger en panne " fut mis en scène par André Maginot.
---------Les glanes ne sont point riches pour les années qui précédèrent la tourmente de 1914. J'ai questionné quelques-uns de ces vieux amis dont je parlais au début de ces éphémérides. http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis .Ils se sont recueillis un moment, se sont gratté le menton. Mais sans résultat appréciable.
---------L'un d'entre eux cependant - je ne dirai certainement pas son nom - me parla de cette petite Dhasty, qui fit le succès d'Isidore de Lara, l'auteur de " Messaline ".
---------Il me parla avec chaleur, avec passion pourrai-je dire, de ses yeux, de son corps, de sa taille, de ses jambes.
---------Certainement il en fut amoureux. Mais il ne l'avoua point. Il parlait d'abondance et avec émotion.
---------Ainsi, par l'esprit, l'ai-je suivi dans les coulisses.
Ensemble, nous avons pénétré dans une loge parfumée, encombrée de fleurs et de flacons, où il dut aller bien souvent...
---------Ensemble au retour, alors que nous étions moins pressés, nous avons croisé entre les montants et les cordes, beaucoup de Messieurs en haut de forme, le sourire et le madrigal aux lèvres ; nous avons vu s'enfuir dans l'ombre, les petits rats du corps de ballet, les petites Cardinal au derrière tout blanc, comme celui des lapins.
---------Nous avons vu s'affairer le régisseur et plastronner le grand premier rôle ; nous avons vu le critique distingué sucer son crayon à deux doigts du gilet directorial.

Quelle force que cette chose,
Un journal ! C'est une âme éclose
En quelques feuilles de papier...

---------Nous avons vu aussi, des auteurs, pâles, anxieux, défaits ; et des auteurs rayonnants, touchant la gloire du doigt...
---------Et nous avons vu le fantôme. Le fantôme de l'Opéra. Notre fantôme.
---------Il s'appelait Azur, ce fantôme. Azur comme les cieux. Mais personne ne l'appelait Azur. Pour les coulisses il était le fantôme. Sans plus.
---------Le fantôme s'occupait des décors. Il ne parlait jamais. Ne souriait jamais. Ne répondait jamais. Il rasait les murs et recherchait l'ombre.
---------À vrai dire, il était le chevalier servant de ces dames. Pour elles, il faisait les pires métiers et Dieu sait s'il en fit. Mais il était homme à garder tous les secrets. Et il les gardait.
Nul ne voyait en lui autre chose qu'une présence falote, presque irréelle, autre chose qu'un être qui passe et ne fait que passer...
---------Un fantôme pour tout dire. Le fantôme de l'Opéra. Notre fantôme.

* **

---------La mort de M. Brument, alors Directeur du Théâtre Municipal, survint en 1908.
---------Brument, musicien de réelle valeur, avait créé avec Charles de Galland, cette organisation fameuse des concerts populaires, qui groupait une centaine d'exécutants, syndiqués ou amateurs, parmi lesquels il est intéressant de nommer, aux côtés de Charles de Galland lui-même, Raoul de Galland, étudiant ; Eugène Guglielmi, professeur de violon ; Marcel Simian, étudiant ; Pistor, avoué ; Prunelle père, huissier ; Lallement, professeur d'Ecole Normale ; Chénot, vétérinaire militaire ; Laroze, commissaire priseur, etc...
---------Ces concerts symphoniques avaient lieu au Théâtre Municipal, une fois par semaine.

---------Outre le répertoire classique : " Hérodiade ", " Guillaume Tell ", " Faust ", etc..., les programmes de 1908 annoncent " Les Amours du Diable ", musique d'Albert Grizard, joué pour la première fois le 11 Décembre 1872 à Alger, sous la Direction Al méras.

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En 1909 toutefois, nous sommes amenés à enregistrer plusieurs créations.
---------Il y eut : " Patrie ", opéra de Sardou et Louis Gallet, musique de Paladilhe ; " Le Chemineau ", tiré du poème de Richepin, musique de Xavier Leroux ; " La Vivandière ", de Benjamin Godard ; " Ariane ", poème de Catulle Mendès, musique de Massenet, créé à Paris en 1906 ; " La Glaneuse ", pièce lyrique en 3 actes, écrite d'après un poème d'Arthur Bernède. http://perso.wanadoo.fr/ bernard. venis .La musique était de Félix Fourdrain, qui assista à la représentation. " L'Arlésienne ", d'Alphonse Daudet, musique de Bizet. Enfin, " Les deux manuscrits de Pierrot ", pièce en vers de Léon Pinard, chroniqueur à " La Dépêche Algérienne ".
---------1909, vit aussi une représentation donnée à l'Opéra sous la direction du chef d'orchestre Stevens au bénéfice des victimes italiennes de l'éruption du Vésuve. Cette circonstance permit à Mlles Lagard et Yosse, de donner la juste mesure de leur joli talent.
---------1909, vit encore l'heureuse carrière de quelques très bons artistes : Mme Georg-Ladès, qui figura un personnage original et piquant de " Carmen " ; le ténor André Moratti, un algérois, qui reçut un premier enseignement de la vieille et admirable Société des Beaux-arts, rue des Généraux-Morris ; Mlle Mastio, qui fut une agréable Manon.
---------C'est en 1909 enfin, que le ténor Escalaïs fit dans " La Juive " ses adieux à Alger, où il vécut sans doute ses plus belles heures d'artiste.

 

---------Saint-Saëns vint à Alger en 1910 sur l'invitation de M. Charles de Galland, alors premier magistrat de la Cité, afin de surveiller les répétitions de ses derniers ouvrages : " Phryné " ; " Henri VIII " ; " Samson et Dalila " ; " L'Ancêtre " et " Javotte ", inscrits au répertoire du Municipal.
---------Entre temps, on joue : " Sigurd " ; " Lakmé " ; " Messaline " ; " Mignon " ; " Le Maître de Chapelle " ; " Rigoletto " ; " Hamlet " ; " Les Huguenots " et " Le Sourd ou l'Auberge pleine ", d'Adolphe Adam...--------Silvain, qu'Alger attirait décidément, y revint en 1911 pour jouer " Le Légataire Universel " et " Folies amoureuses ", du bon poète Régnard, que la côte barbaresque connut en esclavage de 1678 à 1681... Silvain joua encore en représentation unique " Hécube ", dont la distribution révélait une pléiade de magnifiques artistes : Louise Silvain, de la Comédie Française ; Léon Segond, de l'Odéon ; Pierre Lalou, du Palais Royal ; Marialise, du Sarah Bernhardt, etc...
---------Plus tard, Blanche Dufrêne et Henry Roussel se produisaient dans " L'Aiglon " et justifiaient le frémissement d'attente qui parcourut la salle quand ils se présentèrent.

---------En 1912 on porta à la scène : " Quo Vadis ", interprété le mieux du monde par Mlle Thiesset et M. Broquin ; " Tannhauser ", avec Mme Dalcia, Mlle Brozy, M. Dangély ; " Antar ", de Rimsky-Korsakoff, avec Mlle Blanche Dufrêne, Daltour et Perny ; " La Sorcière ", l'une des plus émouvantes pages de Victorien Sardou, présentée par la tournée Ulhmann.---------A la tournée Ulhmann succéda la tournée Achard qui donna "Xantho chez les Courtisanes ", de Jacques Richepin, musique de Xavier Leroux. Parmi les interprètes il nous faut retenir Mlle Deschamps, du Palais Royal ; MM. Serval et Frédéric Achard. Je noterai, avec les représentations de " La Princesse Dollar ", Léo Fall et de " L'instinct ", de Kistemaeckers, les débuts dans "La Tosca " du ténor Coulon.
---------Et j'ai gardé pour la bonne bouche, le passage à l'Opéra municipal de la célèbre comédienne Réjane.
---------Réjane se produisit dans " Madame Sans-Gêne ", de Sardou et Moreau ; " L'Aigrette ", de Dario Niccodème ; " La Passerelle ",de Gressac et Francis de Croisset ; " Sapho " enfin, d'Alphonse Daudet. Chacune de ces représentations fit littéralement salle comble et laissa derrière elle un sillage d'admiration.---------L'ouverture de la saison 1913 eut lieu le 12 Octobre avec Lakmé ", interprété par Mmes Germaine Revel et Radino ;MM. Denizot et Delpany. La troupe de grand opéra qui comptait, entre autres, MM. Garnier et Wéber, débuta le 16 Octobre dans Guillaume Tell ".
---------On devait bien, au début de la semaine suivante, donner " La vie de Bohême " pour " une première soirée mondaine " ; or, le matériel attendu n'ayant pas été livré, M. Maurice Saugey, à nouveau Directeur, dut prendre le parti de s'en tenir à " Cavalleria Rusticana " et à " Mireille ". Mais en cette année 1913, les décors attendus de Paris s'obstinaient à ne pas arriver à temps. Ainsi, après ceux de " La Vie de Bohême ", les décors de " Don Quichotte " firent défaut au dernier moment. http://perso.wanadoo.fr/ bernard. venis . Il fallut que le décorateur Quignon se hâta à la besogne et l'on joua le soir devant des toiles encore fraîches, ce qui n'alla pas sans inconvénients pour quelques toilettes. Ajoutons que la grande cantatrice Vallandri donna à cette saison un éclat tout particulier.

---------Je relève en 1914 le succès de la basse chantante Delpany dans " Paillasse " et le succès plus grand encore du ténor russe Altchewsky. Altchewsky chanta, après cette représentation de " Paillasse ", quelques mélodies et poèmes de son lointain pays : Le poème d'Arensky ; la mélodie ukrainienne de Steporoï ; Le printemps, de Rachmaninow. Puis il chanta le lamento de la " Tosca " et le rêve de " Manon ".
---------Le 12 Avril 1914, " Carmen " avec le ténor Lapelleterie et Mlle Allory, dans le rôle de Carmen, finit la saison, une saison sans relief et qui épuisa en quelque sorte le répertoire classique.----------Août 1914. - Déclaration de guerre.
---------Le Théâtre Municipal n'ouvrira ses portes que le 27 Octobre 1915.
---------Et ce sera le premier de la série des spectacles de bienfaisance, organisés par la ville au profit des blessés et des victimes de la guerre. On y joua " Faust " avec Mlle Poggi, Mlle Legard et M. Rocca, de l'Opéra-Comique. Au deuxième acte, Mlle Legard chanta la " Marseillaise ".
Nous retrouvons M. Rocca dans " La Traviata ", " La Tosca ", " La Vie de Bohême " et, avec lui, la basse chantante Garcia.
---------Le 10 Décembre, M. de Galland, Maire d'Alger, réunissait son Conseil Municipal pour l'entretenir de l'exploitation du théâtre.
---------Devait-on continuer cette exploitation ?
---------On le devait. D'autant que, il faut le souligner, la situation financière était bonne. En effet, les recettes brutes atteignaient la somme coquette de 31.837 francs, tandis que les dépenses étaient de l'ordre de 19.220 francs, auxquels s'ajoutaient les 2.975 francs perçus par le bureau de bienfaisance. Le bénéfice, compte tenu des " menus frais ", était exactement de 7.771 fr. 96 que, d'un commun accord, on destina aux oeuvres de prévoyance sociale.
---------M. de Galland insista sur l'aide matérielle également apportée par l'ouverture du Théâtre, à tout un monde d'artistes, musiciens, machinistes, choristes, etc..., et demanda qu'une adresse de félicitations soit votée à M. Fayolle, instigateur de la reprise.

--------1916. - Les premiers mois de l'année n'apportèrent rien de nouveau en fait de programme. Nous retrouvons " Manon ", " Faust ", " La Traviata ", etc... Une oeuvre maîtresse de Xavier Leroux est à retenir : " Le Chemineau ". MM. Vilette, du Théâtre Royal d'Anvers ; Rocca et Mlle Suzanne Beaumont concoururent largement à son succès.
---------À retenir encore ce programme caractéristique d'un concert qui eut lieu le 27 Avril 1916

1 ° Sombre et Meuse, par l'orchestre
2° Revanche, par Mme Laborde ;
3° Nuit du front, par Mlle May Caro
4° Gloire aux femmes de France, chanté par M. Vilette
5° Fusée de rire, revue militaire
6° " La Marseillaise ".

---------Durant la semaine de clôture, qui se termina sous l'invocation de " Carmen ", eut lieu une soirée de gala placée sous le patronnage de la Presse quotidienne d'Alger, au profit de " L'Algérienne ", société de secours aux soldats et convalescents de l'Armée d'Afrique.
---------Aux premiers jours de 1917 la troupe de la Porte Saint-Martin vint à Alger. Elle comptait dans ses rangs : Mmes Jeanne Lion et Vasse ; MM. Bourdel ; Damorés et Jean Coquelin, qui sur la scène du Municipal donnèrent une vie et un relief surprenants aux personnages de : " L'Arlésienne " ; " Primerose " ; " La Flambée " ; " La Dame aux Camélias " ; " La Marche Nuptiale " ; " Cyrano de Bergerac ".
---------M. Traverso, Directeur, publia peu après ces débuts le tableau de la troupe.
---------Nous y relevons les noms du chef d'orchestre Stevens et ceux de parfaits artistes qui restèrent dans la meilleure tradition : Castelli, de l'Opéra de Lyon ; Suzanne Brévil, du Grand Théâtre de Rouen ; Rocca, premier ténor, de l'Opéra-Comique ; Florian, baryton, de la Monnaie ; Delpany, première basse, du théâtre de Bordeaux ; Léon Marcel, Montés, Garcia, Martés, Berthe Lize, Marie Sauveur.
http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis .Parmi les artistes en représentation : Mmes Caro Lucas, de l'Opéra ; Suzanne Cesbrons, de l'Opéra-Comique ; Guy Cazenave, de l'Opéra.
---------Guy Cazenave, mort brutalement le 24 Décembre 1937, à Alger, où il s'était retiré, a laissé des regrets unanimes. Nous connûmes en lui un grand artiste au bel organe, au jeu puissant, au style éloquent et sobre. Il triompha notamment, dans " Sigurd ".
---------Oublierai-je Lise Charny, de l'Opéra, cantatrice délicieuse entre toutes ? Elle fut, dans " Werther ", une Charlotte émouvante " à l'admirable voix sombrée, veloutée, moelleuse, pleine dans le grave comme dans l'aigu ". Elle fut aussi une Carmen incomparable.
---------Le répertoire arrêté par M. Traverso, éclectique sans doute, n'apportait cependant rien de nouveau ni de sensationnel. Il comporta la suite habituelle des pièces connues, qui ont chacune leurs fidèles et aussi leurs détracteurs.

--------MM. Ader et Raoux, succédant à M. Traversa pour la saison 1917-1918, engagèrent entre autres, et ce ne fut pas un de leur moindre mérite, le ténor Zocchi, de la Scala de Milan ; le ténor Révaldi, de l'Opéra-Comique ; le baryton Wéber, de la Gaîté Lyrique ; avec eux, Mmes Dratx-Barat, soprano ; Dubois, chanteuse légère ; Coste, première dugazon.
---------Mais cette saison devait amener sur notre scène l'inoubliable Rose Helbronner, de l'Opéra-Comique ; le ténor Borelli, de la même maison, et plusieurs étoiles de l'Opéra : le fort ténor Sullivan, le ténor Morio, le baryton Boulogne, la basse chantante Delval, la basse noble Vallier, la mezzo Charny, etc...
---------Je noterai ici une petite création, à l'occasion de Noël 1917 : le délicieux ballet " France-América ", oeuvre de M. Gaillard, chef d'orchestre de l'Opéra d'Alger.
---------La saison dramatique fut assez riche en créations ou reprises: " La belle aventure ", de Caillavet, de Flers et Rey; " Les Deux Orphelines ", de Dennery et Connon; " La Présidente ", de Hennequin; " Sapho ", d'Alphonse Daudet; " Le Bossu ", de Bourgeois et Féval; " La Tour de Nesle ", de Dumas père; " Tire au flanc ", de Sylvane et Mouezy-Eon ; " Le Chemin de la Gloire ", de Pierre Batail ; " Le Maître de Forge ", de Georges Ohnet...
---------Les interprètes ? Jane Mory, Leclerc, Saint-Martial, Paula-Brébion, Marié de Lisle, Harry James, Piétri, Larrié, Léonin, Ancelin...
---------MM. Ader et Raoux eurent le privilège de diriger à nouveau l'Opéra pendant la saison 1918-1919 et de connaître ainsi la plus extraordinaire, la plus délirante manifestation d'enthousiasme qu'ait enregistrée la vieille maison depuis 1853.
---------Ce fut, on le devine, au soir rayonnant et prometteur du 12 Novembre 1918, lendemain du plus fêté des armistices.
---------La foule prit, littéralement, le péristyle d'assaut.
---------Elle envahit la salle ; déborda les dégagements, les couloirs, les vestibules ; s'installa au Foyer, dans les escaliers, dans le hall d'entrée. Elle demeura sur la place Bresson quand ses efforts pour s'insinuer furent vains.
Et quel programme ! Ah certes ! je n'en retrancherai pas une ligne

-------PREMIÈRE PARTIE.
---------------" Sambre et Meuse ", par la musique du 1er Zouaves ;
---------------Tu renaîtras ", poème ;
---------------Le Miracle ",poème;
---------------Le grand air de " La Vivandière " ;
---------------Le grand air de " Patrie ".
---------DEUXIÈME PARTIE.
---------------" Les derniers jours de la terreur " ;
---------------Français debout ! " (chanté par M. Rocca) ;
---------------" Ceux qui pieusement sont morts pour la
Patrie... " ;
---------------" Le Rhin allemand " ;
---------------" La Fille du Régiment ".
---------TROISIÈME PARTIE.
---------------" Le Père la Victoire " (musique du let Zouaves) ;
---------------" France-América " (ballet de M. Gaillard) ;
---------------" Les Hymnes : serbe, grec, italien et américain "
(par l'orchestre) ;
---------------" Le Chant du Départ " ;
---------------" La Brabançonne " (M. Daume, le jeune Sagnier, 10 ans, et un groupe de jeunes réfugiés belges) ;
---------------" L'Hymne anglais " ;
---------------" La Marseillaise ".

---------MM. Ader et Raoux eurent, une fois de plus, la main heureuse dans le choix de leurs interprètes. A Wéber, Rocca, Martés, Delpany, Garcia, ils adjoignirent le fort ténor Ansaldy, de l'Opéra ; le ténor Berger, de la Gaîté Lyrique ; le baryton Daume, de l'OpéraComique ; Mmes Vallandri, Varnier, Mathilde Clerc et Paule Georgey. Ils produisirent, en représentation, Philippot, Yvonne Bernol, Campagnols, Borelli, Dufrasme et rappelèrent Rose Helbronner, Cazenave, Lyse Charny, Charlesky.
---------Avec " La Traviata ", " Les Noces de Jeannette ", " Sigurd ", " La Navarraise ", " Les Amours du Diable " de Grisar, retenons, de cette époque heureuse : " Le Chalet ", l'exquis chef-d'oeuvre de Paul Adam.

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Je passerai sur les discussions du cahier des charges qui occupèrent les premiers jours de 1919. Les édiles eurent à se prononcer sur trois questions, ou mieux, trois augmentations : celle du prix des " places de luxe " (fauteuil d'orchestre : 6 fr. 40 au lieu de 6 fr.) ; celle des unités de l'orchestre (porté à 42 exécutants) ; celle enfin du cautionnement (20.000 fr. au lieu de 10.000 fr.).
---------Je passerai aussi sur le voeu présenté par la Presse algéroise, tendant à faire obligation au Directeur, de réserver à chaque journal, deux fauteuils pour la critique. Ce voeu ne fut adopté que beaucoup plus tard.
---------Je passerai enfin sur le répertoire courant. M. de Féraudy, doyen de la Comédie Française, vint en rompre l'inévitable monotonie. Le grand comédien, qui savait créer l'émotion par la plus absolue simplicité d'expression, fut successivement au Municipal : Isidore Lechat, dans " Les affaires sont les affaires ", d'Octave Mirbeau (création du 20 Avril 1903) ; Donnat, de " La Nouvelle Idole ", de François de Curel (création de 1914) ; l'Abbé, dans " L'Abbé Constantin ", de Decourcelle et Crémieux (création de 1917) ; Harpagon, de " L'Avare " (création de 1910) ; Mascarille, du " Dépit Amoureux ", de Molière (création de 1900).
---------M. de Féraudy fut enfin chaleureusement fêté dans l'une de ses propres oeuvres : " Parente éloignée ".

---------Bien que la subvention théâtrale ait été supprimée pendant la guerre, la Direction avait su constituer une troupe assez homogène et faire appel à de bons artistes. Je citerai, entre autres: Mlle Charbonnel (" Werther ", " Carmen ") ; M. Génicot ; Mlle Henrion, soprano, de l'Opéra (" Cavalleria Rusticana ").