------------J'insisterai
moins, beaucoup moins, sur les éphémérides de l'après-guerre,
que je daterai de Janvier 1920.
------------Ce
fut sans doute, pour le théâtre d'Alger, une époque
vibrante; mais assez superficielle. Non pas qu'elle péchât
par l'indigence du répertoire ou la médiocrité des
acteurs. Au contraire. Jamais, semble-t-il, répertoire ne fut plus
varié, plus agréablement servi. Mais je prétends
que la vieille maison de Chassériau n'est pas animée aujourd'hui
de ce même souffle profond qui l'animait autrefois.
------------Ainsi,
l'amateur, qui faisait le charme de cette maison et le charme de sa vie
intime, s'en est détaché peu à peu, parce qu'il n'y
a point retrouvé et qu'il n'y retrouve point, cette ambiance ouatée,
familière, accueillante, faite pour lui, à son goût,
à son image, et qui répondait si bien à ses aspirations.
------------Pourquoi
? Mon Dieu, pour beaucoup de raisons.
------------Les
bonnes gens diraient
-------------
" C'est un signe des temps ! "
------------De
1920 à la veille du remaniement Taphoureau
et Guermonprez, il y aurait beaucoup de pages à écrire.
Mais ces quelques quinze ans sont trop près de nous, pour que j'en
vienne gâter le souvenir vivace par une vaine littérature.
------------Aussi
bien, vais-je m'en tenir aux créations ou aux reprises qui firent
certain bruit et n'irai-je guère au delà.
***
------------1920
vit le succès de nombreux artistes. Leurs noms se pressent sous
ma plume. Il y eut Maurice Carrié (qui devait, dix-neuf ans plus
tard, prendre la direction de notre scène), Planquelle, Parayre,
Péral, Chavrat, Baronnie, Charat ; Mmes Clerc, Martine, Jane Bourgeois,
qui jouèrent : " L'Africaine ", " Les Huguenots
", " La Favorite ", " Werther ", " Hérodiade
", " La Juive ", " Faust ", " Don Quichotte
", " Sigurd ", " Le Trouvère ", "
Messaline ". Il y eut le célèbre ténor Angel,
dans " Manon ", " Carmen ", " La Tosca ",
" La Vie de Bohême ", " Guillaume Tell ". Il
y eut Sardou, dans les rôles de Julien, de " Louise "
et de Pinkerton, de " Madame Butterfly ". Il y eut Mme Neuillet-Caussade,
dans " La Cocarde de Mimi Pinson " et " La Poupée
".
------------Il
y eut enfin Gabrielle Robinne, de la Comédie Française,
qui joua : " L'Aventurière ", d'Emile Augier ; "
Les Marionnettes ", de Pierre Wolf ; " Amoureuse ", de
Porto-Riche ; " La Parisienne ", d'Henri Becque.
------------Mme
Robinne était accompagnée de Mme Lutèce et de MM.
Damorés, André Luguet, Edmond Vallée et Montbars.
------------Sous
la direction Savona (chef d'orchestre Ernest Montagné), nous applaudîmes
en 1921 : Blanche Delimoges, Mme Viard, Mlle Pérelli, MM.
Marcelin, Lapeyre, Rambaud, Saint-Georges, Garcia et Bracco, ce dernier
devenu professeur à la Société des BeauxArts d'Alger.
------------Nous
applaudîmes les mêmes artistes dans : " La Fille du
Tambour Major ", " Miss Hélyett ", "
Manon " (le menuet du Roi dansé par Mmes Sakhy et Delcher)
, " Boccace ", " Rip ", etc...
------------Nous
eûmes, en représentation, Mme Jane Borel ; Mlle Garcia dans
" Hamlet " ; Mlle Imbert, élève du professeur
Bourbon, de l'Opéra, dans " La Tosca " ; Mme Léa
de Perre, dans " Thaïs " ; le baryton Paul Portier,
dans le rôle d'Athanaël, de " Thaïs "
; le comique Saint-Georges, dans " La Cocarde de Mimi Pinson
" ; le ténor Charlesky, Mlle Lackmi-Riemain, M. Marzo, dans
" La Favorite ". Nous eûmes encore les débuts
de Mlle Castets, dans " Le Chalet " ; de M. Hennequin
et de Mme Vassilieff, dans " Lakmé " ; de la divette
parisienne Mary Malbos, dans " Véronique " et
" La Demoiselle du Printemps ".
------------Quatre
créations demandent surtout à être retenues : "
Phryné ", de Saint-Saëns, qui assista à
la représentation ; " Le ballet des Erinnyes ",
de Massenet, dansé par Mmes Sakhy et Delcher ; " Ninon
de Lenclos ", le grand succès de Mme Vassilief ; "
Gismonda ".
------------Une
soirée au bénéfice de l'OEuvre du Monument aux Morts
ne doit, non plus, être oubliée.
------------La
direction Savona me rappelle, pour l'Opéra d'Alger, un moment plutôt
difficile de son existence.
------------Ce
n'est un secret pour personne : les coffres de M. Savona étaient
vides. Les circonstances peu favorables le voulaient ainsi. Or, M. Savona
avait engagé deux artistes de grande classe : la chanteuse Mazarin
et le ténor Di Falco, en vue de créer à Alger l'oeuvre
maîtresse de Ponccielli : " La Joconde ". Les répétitions
eurent lieu normalement. Les placards publicitaires firent tout le bruit
désirable autour de cette première. Et le rideau se leva
devant une belle salle.
Mais le ténor Di Falco ne parut point, quand ce fut son tour de
paraître. Question d'appointements. La représentation fut
ajournée et un huissier se mêla de l'affaire. Celle-ci tourna
mal pour le ténor, qui fut contraint de verser à son Directeur
le montant de la recette, remboursée sur-le-champ au public.
On s'en souvient, ce n'était pas la première fois qu'un
acteur se refusait à entrer en scène, au Théâtre
Municipal ; mais c'était bien la première fois qu'un huissier
y fut appelé à jouer un rôle aussi inattendu.
------------L'huissier
y revint d'ailleurs, plus tard, mais pour constater que le Régisseur
passait plus de temps à dormir, qu'à s'occuper sérieusement
de sa charge...
------------L'année
1921, vit enfin, dans une inoubliable soirée, la danseuse Napierkowska,
célèbre par sa beauté et son talent. Prestigieuse
dans ses mouvements, à la fois voluptueux et mystiques, elle dansait
avec cette virtuosité extrême qui confine à l'inspiration.
------------"
Samson et Dalila ", avec le concours des ballets russes, s'inscrivit
au premier programme de 1922. On joua
ensuite : " Le Chemineau ", avec Mme Mazarin ; "
Aida ", avec le ténor Di Falco, revenu à de meilleurs
sentiments et le baryton Maurice Carrié.
------------En
Septembre, MM. Bitard et Julien étaient désignés
par le Conseil Municipal pour succéder à M. Savona. Ils
ouvrirent la saison 1922-1923 avec
: " L'Abbé Constantin " et " Les Deux
Orphelines " et donnèrent successivement : " La
paix chez soi ", de Courteline ; " La porteuse de pain
" ; " Le Bossu " ; " Le Député
de Bombignac ", vaudeville de Bisson ; " Manon "
et " La Tosca ", avec le ténor Rocca.
------------Le
14 Octobre 1923, M. Le Danois prenait
la Direction du Théâtre, après le passage éphémère
de MM. Bitard et Julien.
------------Quelques artistes de tout premier ordre
vinrent donner à la saison 1923-1924
un certain éclat : le ténor Rogatchewsky ; Mme Rose Elsie
; le ténor Angel ; Mme Sabran ; Mme Saiman ; Mlle Alexandrowicz
; Lanteri ; Blouse ; Mlle Nordi, qui jouèrent successivement dans
" La Tosca " ; " Faust " ; "
Rigoletto " ; " L'Arlésienne " ; "
Marouf " ; " Thaïs " ; " Les
Huguenots " ; " Gismonda " (Henri Février,
Grand prix de Rome, dirigea l'orchestre).
------------Une
représentation du répertoire du Vieux
Colombier connut, dans le même temps, un succès de
curiosité. On sait ce que furent ces tentatives de " déformation
théâtrale " du Vieux Colombier, du Théâtre
Alfred Jarry, et autres Théâtres d'avant garde, qui
se proposaient, plus ou moins, par des moyens " spécifiquement
théâtraux ", de contribuer à la ruine
du théâtre tel qu'il existait alors en France !
------------Il
me faut, quitte à traîner en longueur, vous donner une petite
idée de ce que pouvait être le répertoire saugrenu
du théâtre Alfred Jarry. La chose en vaut la peine.
------------Prenons
: " Les Mystères de l'Amour " qui comportaient
trois actes. " Dans le premier, nous
dit un compte rendu, il ne se passait rien que
l'on put retenir. Dans le second, un personnage faisait un rêve,
nous permettant de voir un cercueil contenant un mannequin, auquel le
personnage coupait la tête. Au troisième acte, ce personnage
était couché dans un lit avec sa femme ; un garçon
boucher entrait dans la chambre et repartait. Alors la femme sortait et
revenait avec un enfant qu'elle venait de mettre au monde dans la coulisse.
Cet enfant était placé sur la cheminée " pour
remplacer une oeuvre d'art ". Il tombait et se cassait en mille morceaux.
Un agent de police se précipitait et demandait des explications.
On lui répondait : " C'est mon fils qui est tombé de
la cheminée parce qu'il avait la rougeole. "
------------Lequel
d'entre nous a compris ?
------------Mais
revenons au Vieux Colombier et à ses essais sur la première
scène algéroise. Le succès de curiosité dont
je parlais un peu plus haut n'eut pas de lendemain. On pourrait compter
ceux qui attachèrent le moindre intérêt à cette
littérature symbolique de Nicolas Evereïnov : " La
Mort Joyeuse ".
------------Les
décors étaient d'inspiration cubiste.
------------Le
brave Quignon en fut malade. Et il n'y eût pas que lui.
------------Afin
de varier un tant soit peu le programme, M. Le Danois afficha " Le
Simoun ", une oeuvre algérienne que firent valoir le ténor
Mahieddine, la danseuse arabe Salina, le comique sabir Jeannot
(note du site.- Joël Souday apporte,
en ce mars 2009, la précision suivante :" Il s'appelait donc
Jean CHIARINI dit Jeannot le sabir. Il devait être sur scène
dans les années 30 à 50. Il se présentait en djelabbah
blanche avec un fez. Il racontait des histoires en sabir. C'était
un comique. Je l'ai connu dans les années 55 alors qu'il avait
dejà fait un AVC, le laissant tès handicapé)
et le fameux orchestre Yaffi.
------------Puis,
M. le Danois, qui tint le rôle de Bicard dans " Le Crime
du Bouif " présenta, en fin de saison et après
la troupe Karsenty dont je parlerai tout spécialement, le très
célèbre " Choeur National Ukrainien " que
dirigeait Kiritschenko.
------------Ce
fut, je pense, le dernier acte directorial de M. Le Danois, remplacé,
en Octobre 1924, par M. Prunet.
------------Le
règne de M. Prunet dura un an. Jour pour jour. Ainsi, d'Octobre
1924 â Octobre 1925, M. Prunet fit jouer : "
Antar " ; " Gianni Schichi ", de Puccini ; "
La Hulla " ; " Le Voyage de Suzette " ; "
Aida " ; " Guillaume Tell ", avec le ténor
de grand opéra Guys. Il donna des récitals admirables :
le violoniste Jacques Thibaut ; les pianistes Marguerite de Gavardie et
Madeleine Grovlez; la cantatrice Mlle Sanderson. Il reçut la troupe
" Italica ", pour
les débuts de Mile Bianca Cherardi, dans " Sonnambula
" ; la troupe de la Porte Saint-Martin
(" Cyrano de Bergerac " ; " La Dame aux
Camélias " ; " L'Ami Fritz " ; " Mademoiselle
Josette ma femme " ; " Montmartre ") ; la tournée
du " Ballet russe "
enfin, le Théâtre de Mosaïka, avec la basse chantante
Cleb Glébor.
------------En Octobre
1925, commença l'heureuse carrière du Directeur
Victor Audisio et du chef d'orchestre Saigne, successeur de Kam. Carrière
laborieuse et méritoire, que nous allons suivre avec une attention
plus soutenue.
------------Saison
1925-1926 : Lyse Charny chantait dans " Samson et Dalila
", " Colombo ", " Messaline " ; Mme Marie
Viard et Banuls dans " La Tosca " ; Rose Helbronner,
dans " Thaïs " ; le ténor Razavet, dans "
Werther " ; le baryton Georges Petit, dans " La Farce
du Cuvier " et " Boris Godounov " ; Mme Ritter Ciampi
prêtait son concours aux " Concerts symphoniques "
et jouait " Les Noces de Figaro ". Marguerite Soyer était
applaudie dans " Quand la cloche sonnera ", de Bachelet
; Marcelle Demougeot et Berthon, dans " La Walkyrie "
; Mme Germaine Vix et Banuls, dans " La Fille du Far-West ",
de Puccini ; Paul Franz et Mme Abby Richardson, dans " Samson
et Dalila " ; le ténor Yché et Mlle Téclar,
dans " Le Gardian ".
------------On
applaudissait encore le violoncelliste Maurice Maréchal ; la cantatrice
Jane Bathori ; les merveilleux danseurs russes Sakharoff ; les grandes
vedettes de l'opérette moderne Aurlec, Jane Lacoste, Marthe Ferrare
; la tournée des Villes d'Or : Jane Delvair, Albert Lambert, de
la Comédie Française.
------------Le
violoniste Jacques Thibaut et la danseuse espagnole Argentina, se partagèrent
les premiers enthousiasmes de la saison 1926-1927,
qui devait briller entre toutes. Je rappellerai simplement le triomphe
de Charles Friant, dans " Manon ", " La Tosca ",
"Werther ", " Le Jongleur de Notre-Dame " ; le
triomphe du pianiste José lturbi, de la violoncelliste Lucienne
Radisse, accompagnée par Raoul de Galland ; des danseurs Malkowsky
et Ltinova ; du ténor Pédro La Fuente, dans " Guillaume
Tell ".
------------Je
rappellerai en outre la création de " Aboul Hassan
" par la troupe arabe Zahia ; et, avec la Tournée des Villes
d'Or, les représentations du "
Théâtre de l'Oeuvre " : " Les
Deux Amis ", " La sonate à Kreutzer ", " Mon
gosse de père "..., très agréablement interprétés
par Dagmar Gérard, Blanche Jorge, Jacques Séol, Léonce
Détroyat.
------------Les
tournées Malinconi illustrèrent également cette époque.
Qui ne se souvient de " Nono Nanette ", de " La danse
des Libellules ", de " Pas sur la bouche ", de " La
Bayadère " ?
------------1927-1928.
- Récital de piano et de violon Benvénuti et Monvoison ;
succès de Rose Elsie dans " La Tosca " ; création
de "Résurrection ", avec Jeanne Myrtale et Graux
; concert Berthe Erza, où se fit applaudir la pianiste Génia
Néménoff ; récital Walter Rummel ; récital
Alfred Cortot ; récital Lacombe-Olivier ; récital de chant
Maddalena d'Avezzo ; récital Rubenstein.
------------Représentations
d' " Orphée ", avec Alice Raveau ; de " Lakmé
", de " Sapho ", avec José Trévi et
Madeleine Beyre ; de "Faust ", de " Fidélio
", avec Bertin-Angenot et Rose Helbronner ; de " La Dame
Blanche ", " Manon ", " Lakmé ", avec
le ténor Miguel Villabella.
------------Représentations
encore de Louis Douglas, le partenaire de Joséphine Baker dans
" La Revue Nègre "; représentations du
Théâtre du Coq d'Or ; création de " Oletta,
la fille du Corse ", avec Jane Bourguignon et René Lapelleterie
; grand festival de musique et de danse Théodore Szanto et Madika
; ballets fantastiques de Loïe Fuller ; soirées de "
El-Moutribia ", avec le jeune et talentueux pianiste indigène
Iguerbouchen ; Tournées Rasimi et avec elles " La revue
étincelante ".
------------Enfin,
pour cette saison chargée, représentations de la troupe
du Châtelet, et la grande féerie Orientale : " Le
Pêcheur et le Génie ou le Roman d'un Prince ", remarquablement
interprété par Mlles Sadallah, Ghazala et le ténor
Mahieddine.
------------Grâce
à l'initiative prodigieuse de Raoul de Galland, l'Opéra
d'Alger vécut en 1928, l'une
des plus belles pages de son histoire : festivals de musique française
et étrangère, donnés par la musique de la Garde Républicaine,
au complet, sous la direction de son chef éminent, le capitaine
Dupont, aujourd'hui commandant.
------------Manifestations
impressionnantes, profondément marquées dans nos mémoires
et sur lesquelles je ne crois pas utile d'insister.
------------J'associerai
à ce souvenir heureux, celui laissé dans les annales de
l'Opéra, par le passage d'une autre musique militaire de grande
classe, particulièrement appréciée des algériens
: celle de la Légion Etrangère.
------------1928-1929
: excellente saison aussi. Ce sont, dans l'ordre chronologique : Mlle
Andrée Cortot, de l'Opéra, dans " La Tosca "
et " Dans l'ombre de la Cathédrale " ; Mlle Vava
Yakowléva, dans " Manon " ; la production du fameux
jazz à deux pianos : Wiéner et Doucet ; le récital
Lucien Wurmser, pianiste ; le récital Eugène Reuschel, pianiste
; le gala vocal et instrumental Alicita Félici et J. de Souza-Lima.
Les représentations de Gabrielle Robinne et René Alexandre
: " Les Marionnettes ", " Mon ami Tedde ", "
Robert et Marianne ", " Le Demi-Monde ", " Samson
". La création de " Z'Riberrane ", comédie
en arabe parlé, de Bil Laikdar, interprétée par Dahmoun
et Kssenteni. La première audition, sous les auspices des Amis
de la Musique, du quatuor Kretly. Le festival, vocal et instrumental,
Morcelle Gérard et Suzie Welty. La représentation de la
revue arabe : " Djezo r ou Tounis ", avec la vedette
tunisienne Fadila Khetmi. Le grand succès de Liliane Colty, une
algéroise, dans " La Veuve Joyeuse " et " La
Danse des Libellules ".
------------C'est
la représentation du drame lyrique d'Emile Zola : " L'attaque
du Moulin ", avec Franz Kaisin, Mlles Trina di Gastardi, Abby
Richardson. Le gala d'Opéra italien, avec Amélia Savettiéri,
Idda Ferrera, Franco Corbetta, Renato Mazzanti. Le gala Jacques Thibaut,
violoniste et Georges de Launay, pianiste. La semaine du Théâtre
du Grand Guignol. Le gala des Villes d'Or avec Madeleine Roch, Colonna-Romano,
Froment, Romuald Joubé...
------------Mon
vieil ami Léopold Gomez, un oranais, passé avec armes et
bagages au cinéma, fit jouer à cette époque, au Municipal,
une pièce d'inspiration cornélienne : " Jacques
Grandval ", fort bien accueillie par la presse et par le public.
Léopold Gomez est, je crois, le plus exigeant des metteurs en scène.
Il pousse son désir de perfection au delà des limites permises.
Je l'ai vu modifier le texte de ses comédies au cours des représentations.
Mais, aussi exigeant qu'il soit, l'est-il autant que le fut Voltaire ?
Non, certes. On a raconté que Voltaire ennuyait tellement ses interprètes
avec d'incessantes corrections, qu'une actrice, Mlle Desmares, lui ferma
sa porte. Comme il lui glissait encore des rectifications par le trou
de la serrure, elle boucha ce trou. Alors, Voltaire ayant appris que Mlle
Desmares donnait un grand dîner, lui envoya un pâté
de perdrix. Quand on ouvrit le pâté, douze perdrix tenaient
dans leur bec plusieurs billets mentionnant les vers à retrancher,
à ajouter ou à modifier dans le rôle de Mlle Desmares...
------------Je
dirai en passant, et à ce propos, que le Théâtre de
Voltaire ne fut pas, toujours, des mieux appréciés. Dans
son " Adélaïde Duguesclin ", jouée
à Alger en 1860, un personnage demande à Coucy
-------------
Es-tu content, Coucy ?
------------À
quoi tout le parterre d'une grande ville de province répondit un
jour : Couci, couça !
----------M.
Victor de Cottens succéda à M. Audisio. Nous devons à
M. de Cottens pour la saison 1929-1930
: " La Tosca ", avec Marguerite Soyer et Edmond Fraikin
; " Les Contes d'Hoffmann ", avec Julien Lafont, de l'Opéra-Comique
; " Manon ", avec Augusta Garcia, de l'Opéra-Comique
et Soria, de l'Opéra ; " Rigoletto ", avec
M. Cahuzac et Mlle Nina d'Ambra ; " Le Barbier de Séville
", avec le ténor Baronnie et Yvonne Brothier, de l'Opéra-Comique
; " Lohengrin ", avec Mireille Berthon, de l'Opéra
; " Hérodiade ", " Aida ", avec Mono
Velly, une algérienne au joli talent et Morini, de l'Opéra
; " Mme Butterfly ", avec Marthe Lebasque, de l'OpéraComique
; " Guillaume Tell ", avec Alexandre Guys ; " La
Juive ", triomphe de Sullivan, de l'Opéra et de Mono Velly.
Je passe sur l'accueil toujours chaleureux réservé aux troupes
parfaites du " Grand Guignol ",
des Galas Karsenty, du Gala Oriental, du Théâtre du petit
monde, fondé par Pierre Humble.
------------M. de Cottens sut donner un attrait
peu commun à la saison 1930-1931.
Cette saison débuta par deux créations, qui valurent au
jeune ténor Lenzi, à MM. Bayle et Leroy un succès
des plus encourageants : " Ali Baba " et surtout : "
Hans le joueur de flûte ", de Louis-Ganne, dont je salue
ici l'attachante mémoire. Louis Ganne, on ne l'ignore pas, est
l'auteur admirablement inspiré de " La Marche Lorraine
", de la chanson patriotique : " Le Père la Victoire
" ; l'auteur des opérettes : " Cocorico "
et " Les Saltimbanques " ; l'auteur encore de nombreuses
mélodies, ballets, chorales, etc...
------------Lenzi,
Parian, Massart, Mmes Bayle, Gabrielle Olive, Mlle Dechenne, chantèrent
aussi dans " Le Grand Mogol ", " La Poupée ",
" La Basoche ", " Marouf ", " Le Tzarewitch ",
" La dernière valse "...
------------Guy
Cazenave chanta dans " Hérodiade ". Georges Genin,
de l'Opéra-Comique et Mme Lempers, de la Monnaie, dans " La
Tosca " ; Mme Richardson, dans " Louise ". Mme
Cécile Sorel joua " L'Aventurière ", "
Le Demi-Monde ", " La mégère apprivoisée
"...
------------Aux
mérites appréciés de M. de Cottens, s'ajoute incontestablement
celui d'avoir su confier, un moment, la baguette de chef d'orchestre à
M. Ingelbrecht, dont la personnalité, la science, firent impression.
On se souvient aussi de Mme Ingelbrecht qui fut, sous le nom de Carina
Ari, une exquise maîtresse de ballet.
------------Qu'il
me soit permis d'ouvrir ici une parenthèse et de rappeler à
propos de la Danse, qui brilla particulièrement sur notre scène,
les noms évocateurs d'Emilienne Rousseau, la charmante femme de
Durozoy, maître de danse, partenaire de Carina Ari ; les noms, que
je cite au hasard du souvenir, de : Amalia-Sberna ; Régia Baudino
; de Vignon ; Patti ; Denis, qui fut engagée à la Monnaie
; Nelsy Dambre ; Darsonval, première danseuse étoile de
Paris ; Duscha Lesprilova ; Eglevski ; Ledda Quinelly ; Kett ; Ferri-Carozzi,
qui créa à Alger le délicieux ballet-pantomime: "
Coppélia ", de Léo Delibes et Ch. Nuitter, archiviste
de l'Opéra de Paris.
------------En
Octobre 1931, M. Victor Audisio reprit sa place à la
tête du Municipal. Il sut, au cours des années qui suivirent,
s'assurer l'inestimable concours d'artistes en renom et aussi, celui de
Chefs d'orchestre que je n'hésiterai pas à classer parmi
les meilleurs : Spenderman ; Subtil ; Fernand Masson, chef d'orchestre
de l'OpéraComique ; Albert Wolff, Directeur des Concerts Lamoureux
; Fourestier ; Stekel, et le très sympathique Georges Riva, d'Alger.
------------"
Werther " et " Messaline ", avec Suzanne Duman et Yché,
tinrent l'affiche au début de la saison 1931-1932.
Puis, ce fut la création de " Dante ", avec Beckmans
et Legros ; " La peau de chagrin ", avec le ténor
Charles Friant, Vera Peeters et Rose Helbronner ; " Hérodiade
", avec Mlle Rémusat ; " Le Voyage en Chine ",
avec Berthe Erza ; " Manon ", avec André Burdino,
de l'Opéra ; " La Bayadère ", avec René
Gerbert ; " La Bataille ", une seconde création,
avec Marthe Coiffier, de l'Opéra-Comique ; " Madame Butterfly
", avec José Janson ; " La Juive ", "
L'Africaine ", " Les Huguenots ", avec le ténor
John Sullivan...
------------J'accorderai
toutefois, une mention spéciale à la très belle représentation
de la " Tétralogie ", de Wagner (L'Or du Rhin,
Walkyrie, Siegfried, Crépuscule des Dieux) avec le grand ténor
Forti, qui s'imposa comme le meilleur des interprètes Wagnériens
; avec la cantatrice hollandaise, d'origine allemande, Poohnann-Heissner
qui interpréta Wagner sur les plus grandes scènes d'Europe
; avec Mlle Suzanne Masson, une toute jeune lauréate du Conservatoire,
dans les rôles de Freïa, Sieglinde, Gutrume ; avec enfin, le
chef d'orchestre Steckel, premier chef d'orchestre de l'Opéra de
Vienne.
------------M.
Audisio fit encore représenter l'opérette, avec Mlles Sigall,
Ida Relli ; MM. Godard, Saint Prés, Lenzi. Il accueillit sur notre
scène les merveilleux danseurs Clotilde et Alexandre Sakharoff
; La Térésina ; La Joselita. Il engagea le ténor
espagnol Miguel Fléta ; le choeur des Cosaques du Don, dirigé
par Serge Jaroff ; la troupe égyptienne Fatima Rouchdy...
------------"
Pelléas et Mélisande ", de Debussy, ouvrit la
saison 1932-1933 et permit à
Simone Berriau de se distinguer vraiment une nouvelle fois. Cependant,
Forti, Beckmans, Madeleine David et Suzanne Duman jouèrent : "
Tannhauser " et " Tristan et Ysolde ", de Richard
Wagner. Lucie Perelli et Vera Peeters, jouèrent " La Femme
nue ". Ritter Ciampi joua " Les Noces de Figaro ".
José Janson chanta " Le Pays du Sourire ". Agnès
di Véraldi, Larthy, de Courcelles, Sumkay, figurèrent dans
la distribution de " Manon " et le baryton José
Beckmans dans celle des " Contes d'Hoffmann " et de "
Joséphine vendue par ses sceurs " où Mme Féraldi
fut sa partenaire. Ritter Ciampi et Rudolph Schwartz, créèrent
à Alger " L'enlèvement au Sérail ".
Le ténor Lucien Daninos fit impression dans " Hérodiade
" et " Rigoletto "...
------------Je
retiendrai, de cette saison, le passage de Robinne et de René Alexandre
qui donnèrent : " Samson " ; " La Parisienne
" ; " Poil de Carotte " ; " Amoureuse " ;
" Le Cyclone ", de Somerset Maughan. Je retiendrai aussi
le gala musical, sous la direction de Spandermans ; le récital
Bronislaw Huberman, violoniste ; le gala des Concerts Lamoureux, sous
la direction combien remarquable de M. Albert Wolff ; enfin le récital
Walter Rummel.
------------M.
Audisio, malgré les obstacles, réussit à donner à
la saison 1933-1934 un agrément
exceptionnel. En dehors des programmes habituels, sur lesquels nous ne
reviendrons pas, cette saison nous valut, notamment, le récital
du violoniste Kubélik ; les représentations du Théâtre
de la Porte SaintMartin, dirigées par Romuald Joubé ; le
grand gala russe, qui présenta, entré autres, un drame musical
: " La Khovantchina ", un opéra-comique ; "
La foire de Sorotchinzi " et le drame lyrique : " Boris
Godounov " ; le grand gala italien, avec Guiseppe Traverso et
Fulvia Trévisani ; le Théâtre du petit monde, où
nous étonnèrent Michel et Philippe Monda, Nelly Bouchardeau,
Janine Boldés, Géo Fontex... ; le récital du pianiste
Marcel Ciampi ; la création de " Dardanus " ;
le récital du guitariste espagnol Ségovia ; les récitals
de danse : Argentina ; Bonifacio ; Mercédés Dalman ; le
récital de chant et de piano Ninon Vallin ; le récital de
piano Jacqueline Nourrit...
------------Et
je n'aurai garde d'oublier, dans cette sèche énumération,
le passage de Lily Djanel, mezzo soprano du Théâtre
Royal de la Monnaie, qui chanta " Carmen ",
" La vie brève ", " Salomé " ; le
passage du baryton Ponzio, de l'Opéra ; du ténor José
Janson ; du ténor Tougne ; de la célèbre chanteuse
japonaise Tinay Arel Hao (Mme Butterfly) ; du ténor Titto Schipa,
accompagné du pianiste compositeur Bénato Bellini...
------------Quelques comédies, comme "
L'école des contribuables ", de Verneuil et Beer ; "
La menace ", de Pierre Frondaie ; " Maître Bolbec
et son mari " ; " L'Amant de coeur ", tinrent
l'affiche durant les premières semaines de la saison 1934-1935.
Elles furent suivies des représentations de Gaby Morlay et de Constant
Rémy " Félix ", " Il était une
fois ", " Mademoiselle ma mère "...
------------Puis,
Mlle Bréka et Anzani, chantèrent " La Tosca
" ; Mlle Ardoino et Lignon, " Carmen " ; le baryton
Yves Noël, de l'Opéra, " Rigoletto " ; Lily
Djanel et le ténor Luccioni, " Le Roi d'Ys " et "
Hérodiade " ; Miguel Villabella chanta " Manon
" et " Lakmé " ; José Janson, "
Valses de Vienne ", et son succès " Le Pays
du Sourire ".
------------Le
chansonnier Lucien Bayer et la comédienne Bertrande, de l'Odéon,
évoquèrent pour notre plaisir, l'épopée de
Montmartre et nous redirent de bonnes vieilles chansons.
------------Jacques
Thibaut, Walter Rummel donnèrent un récital. Raimu, Orane
Demazis, Charpin, se firent acclamer dans " Marius " et "
Fanny ".
------------M.
Audisio fit encore jouer " La Fille du Tambour Major "
au bénéfice du Musée Franchet d'Espérey.
------------M.
Joseph Seiberras succéda à M. Audisio le 3 Novembre 1935.
Le nouveau Directeur sut équilibrer, assez heureusement, la
saison 1935-1936.
------------Il
faut reconnaître tout de suite, que la charge devenait chaque jour,
plus lourde et difficile. Néanmoins, M. Seiberras engagea de très
bons artistes : le baryton Jean Hirigaray, Mlle Nadia Dauty, le ténor
Georges Thil et Jeanne Manceau, qui jouèrent " Werther
", " Carmen ", " Samson et Dalila " ; le
ténor Luccioni ; le ténor Faniard, de l'Opéra, remarquable
dans " La Walkyrie " ; Mme Garcia-Frappa et Lignon, interprètes
choisis de " Manon ", etc...
------------J'aurai
un mot pour l'opérette : " Les Cloches de Corneville "
; " Rêve de Valse " ; " Le Petit Duc " ; "
Le Soldat de Chocolat ", de Strauss ; " L'Auberge du
Cheval blanc " ; " Paganini " (les cadences de Paganini
furent jouées par M. Le Meitour) et pour le Théâtre
du petit monde ; pour le récital de la pianiste hongroise Lili
Kéléti ; pour le succès de Constant Rémy dans
" Le Tribun " et " Après l'amour ".
Un mot pour le Grand Guignol et le titre éminemment suggestif des
pièces inscrites à son répertoire : " Les
Pervertis " ; " Les Crucifiés " ; " Le baiser
dans la nuit "...
------------Gaby
Morlay ouvrit la saison 1936-1937,
avec " Le Messager " et " Le fauteuil 47 ",
de Louis Verneuil.
------------Les
galas Karsenty lui succédèrent.
------------On
connaît les galas Karsenty.
Ils restent fidèles à notre scène, lui apportant
le meilleur des productions parisiennes, avec les créateurs mêmes
du rôle. Parmi eux : Jeanne Provost ; Boumer ; Jane Marnac ; Varennes
; Marcelle Géniat ; Renoir ; Michel Simon ; Madeleine Renaud ;
Vera Sergine ; Maurice Varny ; Jean Sarment ; Harry Baur ; André
Pascal ; André Luguet ; Jeanne Boitel ; Pierre Dux ; Aquistapace
; Charlotte Lysés ; Jeanne Véniat, et j'en passe, qui se
produisirent dans de très nombreuses pièces : " Le
veilleur de nuit " ; " La Poule " ; " Les amants de
Suzy " ; " Frou-Frou " ; " La Dame aux Camélias
" ; "Sapho " ; " La Marche Nuptiale " ; "
La Bataille " ; " La souriante Madame Beudet " ; "
Topaze " ; " Jean de la lune " ; "L'Appassionnata
" ; " Fédora " ; " Les ailes brisées
" ; " La gardienne " ; " Le Rosaire " ; "
Le pêcheur d'ombres " ; " Poliche " ; " Jazz
" ; " La prisonnière " ; " Bichon " ;
" Espoir " ; "Trois, six, neuf ", etc..., etc...
------------Un
premier cycle de l'opérette moderne occupa la seconde partie de
cette saison, avec " Phi-Phi " ; " Le Comte Obligado
" ; "Trois jeunes filles nues " ; " Flossie "...
et fut suivi, après les représentations du "
Théâtre du petit monde ", d'un second
cycle l'opérette viennoise, dont on connaît les plus populaires
succès : "Le Pays du Sourire " ; " Paganini "
; " La Veuve Joyeuse " ;
o Comtesse Maritza " ; " Chanson d'amour " ; " Princesse
Czardas " ; " Valse de Vienne " ; " La chaste Suzanne
"...
------------Du
16 au 28 Février, le Municipal reprenait
l'opérette moderne : "Couchette N° 3 " ; "
Yes " ; " Pas sur la bouche " ; " Lulu "...
et donnait un dernier gala Karsenty.
------------Cette
saison nous fit connaître de bons artistes. Vedettes du cinéma,
comme Katia Lowa, Géo Valdi, Gaby Morlay. Vedettes du disque, comme
Willy Thunis et Georgette Simon, créateurs du "Pays du
Sourire ", de Lehar ; Robert Burnier, créateur de "
La Poule " ; Germaine de Réville, Christiane Dor, Max
Raoul. Cette saison nous fit connaître encore ou revoir des concertistes,
comme Ségovia, Térésina, Jacques Thibaut, Medselsky,
Rubestein ; des cantatrices, comme Lotte Schoëne.
------------Le théâtre ferma ses portes
le 3 Avril 1937 et ne les rouvrit que le 18
Décembre 1939, c'est-à-dire, quand les architectes
Taphoureau et Guermonprez, chargés des importants travaux de réfection
dont nous allons parler, eurent brillamment joué leur rôle
et que commença celui de M. Maurice Carrié, Directeur-Administrateur.
------------La
personnalité de M. Carrié, chargé de diriger, conjointement
avec le nôtre, les Opéras de Nice et de Marseille, vaut qu'on
s'y arrête. Nous connaissons en lui, non seulement un artiste des
plus distingués, un baryton réputé que nous applaudîmes
naguère sur notre scène ; mais encore un homme d'action,
un administrateur remarquable, qui allie aux plus sûres qualités
de tact, de méthode et de goût, de séduisantes qualités
d'esprit.
------------J'accorderai
également aux collaborateurs si parfaitement choisis de M. Carrié,
la part d'attention qu'ils méritent. Parmi eux, je mettrai au premier
plan M. Dieudonné.
------------M.
Dieudonné, Directeur de la scène, metteur en scène,
s'acquitte admirablement d'une tâche difficile, compliquée,
épineuse. Il possède, pour cela, toute la science et l'autorité
voulues. Je me plais à reconnaître que cet homme aimable,
d'accueil charmant, m'a été d'un bien grand secours.
------------Et certainement, ces éphémérides
seraient incomplètes, si je ne parlais en terminant du rôle
extra-théâtral que notre Opéra fut souvent appelé
à jouer.
------------Les
sociétés de secours mutuels, et notamment les plus anciennes,
" Les Arts et Métiers d'Alger " et " La Famille
", y donnèrent eurs galas de bienfaisance ; le Comité
des Fêtes ses inoubliables Végliones ; les Etudiants leurs
bals officiels, que présidait toujours le Gouverneur Général.
Et je noterai à part, parce qu'il était le plus remarqué
et le plus suivi, le bal annuel de la " Société de
Tir d'Alger ".
------------Hier
encore, des spahis sabre au clair, étagés sur les marches
de pierre, àccueillaient, indifférents et superbes, le flot
ininterrompu des invités.
------------Hier
encore, les hautes voûtes retentissaient jusqu'aux lueurs de l'aube,
de cris, de chants et de rires...
------------Oublierai-je les conférenciers
? Ils y parlèrent, nombreux.
------------Je
citerai entre cent et parmi les contemporains : Paul Chack, Georges Duhamel,
Valmy-Baysse, Marcel Berger, René Benjamin, Léon Daudet,
le Professeur Picard, Jean Tharaud, Benjamin Crémieux, Louis Fabulet,
Jules Romains, Henry Prunières, Georges Wagner, Mme Dussane, Henri
Torrès, José Germain, Léon Poirier, Colette...
Colette avait choisi pour sujet : " De l'autre côté
de la rampe ". Elle évoquait là, avec cet humour
et ce pittoresque qui font le sel de son beau talent, sa carrière,
d'ailleurs éphémère, au Musichall.
------------Je
me trouvais sur le plateau avec plusieurs de mes confrères de la
presse algéroise, quand Madame Colette, recevant les privilégiés
à l'issue de sa très spirituelle conférence, eut
ce mot savoureux, que je tiens à rapporter sans y changer un iota
-------------
" Revenir vous parler de moi sur ces vieilles planches ? Que nenni
! Elles craquent à fendre l'âme, et j'aurais bien trop peur
de m'y casser la g... ! "
------------Allons,
le remaniement de l'Opéra de Chassériau était nécessaire.
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