ALGER CAPITALE
- " Alger Capitale "-, ce qualificatif prend chaque jour un
sens plus complet et chaque jour la grande ville mérite davantage
son titre de capitale... Elle est toujours en tête; toujours;
là première.
Dans tous les domaines elle progresse sans cesse. .. Qu'il s'agisse
d'arts ou de commerce, d'élégance ou de beauté,
elle montre le chemin. Une seule question aujourd'hui, nous intéresse,
qui démontre - . combien cela est réel : l'urbanisme.
De grands travaux sont actuellement. en cours qui méritent d'être
signalés. C'est ainsi que nous assistons à la naissance
d'une formidable bâtisse qui abritera, bientôt, espérons-le,
les services municipaux algérois.
Entre la Préfecture et le Casino municipal; un trou gigantesque
a été creusé à l'emplacement où se
trouvaient jadis les solides voûtes des disgracieux magasins de
la Manutention. Ceux-ci ne sont plus qu'un souvenir et nous avons, dans
ces mêmes colonnes, relaté comment ils furent détruits,
il y a bientôt deux ans.
Du vieux on a fait du neuf. Et cependant, quelques vestiges des anciennes
bâtisses, uniquement souterrains, subsistent encore ; cela peut
être considéré comme le plus beau compliment adressé
aux premiers bâtisseurs qui avaient exécuté du travail
solide.
Ce qui retient surtout l'attention sur cet immense chantier, ce sont
les procédés utilisés par les constructeurs. Le
béton armé est roi évidemment, mais il n'entre
pas seul en compte. En effet, la pierre de taille a été
choisie pour composer les façades de l'édifice. Aussi,
à côté des machines à fabriquer le béton,
voit-on d'énormes tas de blocs blancs, carrés et rectangulaires.
Des scies spéciales travaillent sans cesse à débiter
en quartiers, les cubes de pierre. Ce sont des fils d'acier qui l'usent
par frottement. Des ouvriers surveillent constamment le travail des
machines à débiter et l'arrivée de l'eau et du
sable, la première évitant un échauffement trop
grand des fils d'acier, le deuxième aidant à l'usure.
Et puis, à côté de ces machines, des hommes scient
encore des blocs, mais avec de grands passe-partout dont les lames trouées
sont semblables à celles utilisées par les vieux carriers
de France. Dans ce coin de chantier on a l'impression d'être transporté
sur l'un de ceux qui existaient jadis et où n'étaient
occupés que des spécialistes. La scie et le marteau carré
y vont bon train. La pierre est taillée, façonnée
selon les principes mêmes inculqués il y a des siècles
par les vieux tailleurs de pierres qui construisirent des cathédrales
et tant de monuments, aux apprentis qui, le bissac sur l'épaule,
parcouraient la vieille Europe.
Le contraste est saisissant entre le deux, modes de travail : ici la
pierre, et là le béton.
Dans l'immense excavation, dont le fond correspond à peu près
au niveau de la mer, les perforeuses à air comprimé mènent
grand tapage. Il y en a beaucoup qui. attaquent partout à la
fois le rocher sur lequel vont reposer les fondations de l'édifice.
Par endroits, celles-ci sont terminées. Elles sont énormes
et leurs dimensions, leur régularité font penser à
la somme de travail qu'il a fallu fournir pour les réaliser.
On ne peut encore s'empêcher de demeurer rêveur devant la
masse formidable, de sable, de gravier, de ciment et de chaux qu'il
a été indispensable de mélanger pour que soit exécuté
ce premier travail. Mais l'esprit demeure confondu lorsqu'on est à
même de juger de la quantité encore plus extraordinaire
de matériaux qui seront nécessaires pour que la totalité
des travaux soit terminée.
Sans arrêt, sans répit, jour et nuit, des équipes
se succèdent qui fabriquent l'ossature métallique, qui
malaxent le béton et le tassent. Terrassiers, charpentiers, maçons
s'affairent sur le chantier tandis que, sans cesse, d'énormes
bennes automobiles emportent les rochers, la terre. D'autres apportent
des chargements de sacs de ciment, des quantités de tiges de
fer de toutes dimensions.
Ce sont des tonnes et des tonnes de matériaux qui entrent et
sortent à chaque heure du jour et de la nuit.
Lorsqu'on se trouve tout au fond de l'immense cavité, on peut
juger des proportions de l'édifice en leur comparant celles des
bâtisses environnantes : l'hôtel Aletti et la Préfecture.
Nous avons publié ici-même, avant que les travaux soient
commencés, une maquette du futur Hôtel de la Ville d'Alger.
Cette maquette ne pouvait donner une idée exacte des proportions
de cet édifice qui est l'un des plus vastes et, on peut dire
aussi, l'un des plus fastueux de l'Afrique du Nord.
Les façades, nous l'avons dit, seront entièrement en pierre
de taille. La chose est assez rare chez nous pour que nous insistions
sur ce détail. Et puis, il est encore à considérer
que cette alliance du béton armé et de la pierre est peu
commune.
Nous avons pu déplorer, à certains moments que les procédés
employés par nos prédécesseurs aient été
abandonnés pour être remplacés par d'autres, plus
modernes. Chacun y gagne, en rapidité et les tendances du "
goût du jour " peuvent être mieux réalisées.
Mais, il faut encore envisager la question résistance. Dans le
cas qui nous occupe et bien que n'ayant aucune connaissance spéciale,
il est possible de croire à une robustesse parfaite de l'édifice
en construction.
Il y a, en effet, un ensemble de bases qui en imposent par leurs dimensions
ainsi que par la solidité des matériaux employés
à leur confection. Ces énormes barres de fer, si nombreuses
et si serrées, qui sont noyées dans le ciment et qui donnent
à l'ensemble une homogénéité parfaite, sont
de sûrs garants de la durée de tels immeubles.
Ainsi, il semble que soit passée la folie d'aller vite, trop
vite, comme cela se fit pendant une période correspondant à
celle du centenaire de l'Algérie.
Nous souhaitons vivement que le nouvel Hôtel de Ville d'Alger
soit " fini " et qu'il ne ressemble point, dans ses détails
à tant d'immeubles construits à la " va vite "
D'après ce qui nous a été donné de voir,
nous croyons que la réalisation de ces vux est possible.
Dans notre prochain numéro nous passerons en revue les divers
chantiers qui sont actuellement en cours et qui sont destinés
à donner à Alger d'autres nouveaux monuments.
C'est ainsi que nous parlerons de l'aménagement de la partie
haute du boulevard Laferrière, face aux bâtiments du Gouvernement
Général, de la modification apportée à la
rue Edouard-Cat, près du Lycée de jeunes filles, ainsi
que des travaux presque terminés sur l'emplacement des antiques
et disgracieuses fortifications.
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