le boulevard Carnot - le front de mer - Alger
La manutention militaire d'Alger

URBANISME
LA MANUTENTION

C'est de ce terme qu'on désigne l'art nouveau de parer les villes, le souci de veiller à ce que, tout en restant praticables, elles soient davantage et de plus en plus, selon les lois de l'esthétique et les prescriptions de l'hygiène, claires, aérées, gracieuses, plaisantes à l'œil et non plus construites comme autrefois au hasard et en désordre.

Plus de ruelles sombres, tortueuses, cassées de retraits et de saillies, bordées de taudis. On veut des avenues, des places, des jardins où se mouvoir dans la joie, autrement que dans un éclairage de prison ou des relents de sentine. Dans le Nord et l'Est de la France, où la guerre a fait table rase de tant d'agglomérations, on bâtit selon ces données, avec méthode, sur un plan d'ensemble, et nul doute que nos cités, si sauvagement détruites par l'invasion, ne soient parées de toutes les grâces quand elles renaîtront.

*** La qualité médiocre des photos de cette page est celle de la revue. Nous sommes ici en 1923. Amélioration notable plus tard, dans les revues à venir. " Algeria " en particulier.
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.- La manutention militaire d'Alger va disparaître
Le premier coup de pioche sera donné aujourd'hui, marquant l'ouverture d'un important chantier où seront employés de nombreux ouvriers
Elle fera place à la nouvelle mairie - Extrait de l'Echo du 28-5 -1934 - Francis Rambert

Afrique du nord illustrée du 24-11-1923 - Transmis par Francis Rambert
ici,mai 2021

 
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La manutention
La manutention
(Alger-guide, éditions D.Bernard, 1924 - collection perso.)

La manutention



 

La manutention militaire d'Alger

URBANISME
LA MANUTENTION

C'est de ce terme qu'on désigne l'art nouveau de parer les villes, le souci de veiller à ce que, tout en restant praticables, elles soient davantage et de plus en plus, selon les lois de l'esthétique et les prescriptions de l'hygiène, claires, aérées, gracieuses, plaisantes à l'œil et non plus construites comme autrefois au hasard et en désordre.

Plus de ruelles sombres, tortueuses, cassées de retraits et de saillies, bordées de taudis. On veut des avenues, des places, des jardins où se mouvoir dans la joie, autrement que dans un éclairage de prison ou des relents de sentine. Dans le Nord et l'Est de la France, où la guerre a fait table rase de tant d'agglomérations, on bâtit selon ces données, avec méthode, sur un plan d'ensemble, et nul doute que nos cités, si sauvagement détruites par l'invasion, ne soient parées de toutes les grâces quand elles renaîtront.

En Algérie, à l'exception des bourgs de toutes pièces édifiés par la colonisation officielle, où les rues sont tracées au cordeau et les places au compas, nos villes algériennes poussèrent leurs proliférations selon le gré de la fantaisie. Alger entre autres n'eut aucun souci de réglementer sa croissance et d'organiser son développement. Elle a grandi au petit bonheur, elle a mordu n'importe comme sur la campagne ; elle n'a rien respecté de l'agencement barbaresque ; de s'y mêler trop au contraire de ce qui se passe en Tunisie et au Maroc, Alger a perdu l'essentiel de son caractère oriental et le plus clair de ce qui pouvait lui assurer certain prestige au regard du touriste et du voyageur. Le premier quartier européen, dit de la Marine, où l'on se retrouve en pleine révolution de juillet, est d'une laideur suffisante. Les hommes n'ont point aidé aux splendeurs naturelles, il apparaît même qu'ils ont fait du mieux pour les défigurer. Passe encore de l'esthétique si la commodité ou l'élémentaire souci de la santé publique avaient été ménagés. Alors que rapproprier la ville arabe s'avérait déjà entreprise énorme, nos premiers aménagements semblent n'avoir visé qu'a entretenir la pestilence et la crasse sordide. Des quartiers sont nés plus tard, certes différents. Seulement, de par une configuration défavorable, ils se sont développés en longueur, étroit boyau, unique rue, allant de Saint-Eugène à Hussein-Dey, de Bab-el-Oued à la Colonne. L'incommodité en résulte l'inconvénient de l'éloignement On perd sa vie dans les tramways, au long des routes, d'où pour le travail collectif, dans l'ensemble, une déperdition énorme. Il faut habiter Saint-Eugène, Hussein-Dey, loin du centre des affaires. Si la place avait manqué réellement, on pourrait envisager la possibilité de gagner en hauteur : sur des rues plus larges, des maisons plus hautes. Mais la place manque t-elle ? Combien de perdue et de mal employée. Nous ne sommes au service de nulle société de construction ; aucun intérêt ne nous guide autre que l'intérêt général, ce n'est pas une campagne que nous amorçons et nous aimons mieux dire tout de suite que nous ne reviendrons pas sur la question. Mais, tout de même, outre les immenses terrains de la zone militaire agrémentés de leurs fortifications ridicules, il faut parler de la Manutention. Du haut du boulevard Bugeaud, tout le monde a pu contempler avec stupeur ce grand terrain rectangulaire qui va de la rue Waïsse à la Préfecture. Baraquements, hangars à bois, massives et rases constructions dans le style militaire de 1850 - chefferie du génie - cheminées, cours, sous-officiers concierges et rares troufions, c'est la boulangerie, la Manutention. Et ce terrain vaut plusieurs millions et là pourraient s'élever des palais, des immeubles à usage social, une mairie, par exemple, ou même des constructions privées qui contribueraient au moins à atténuer la crise de l'habitation. On fabrique là le pain de la garnison ! Ne pourrait-on le faire ailleurs, à Maison-Carrée, à Birtouta. sur n'importe quel point de la périphérie où le terrain ne vaudrait pas des milliers de francs au mètre carré ?... Il coûte cher, le pain de nos soldats ! Calculez l'intérêt de ce capital mort et vous en jugerez ! Au surplus, c'est la mort de tout un quartier. Manutention, préfecture, caserne, de l'autre côté les voûtes irréparables du boulevard Bugeaud, dès six heures du soir c'est l'obscurité, le silence, la solitude. En plein cœur de la ville ! Et sur le boulevard, où la cité devrait se parer du mieux, l'ensemble est sinistre, le coup d'œil désastreux, sur ces murs lépreux, des immondices en tas. Le boulevard Carnot, qui devrait être, par les soirs d'été, une de nos plus agréables promenades, apparaît comme un coupe-gorge, un coin de fortifs. Il n'y manque même point les apaches.

Qu'on en finisse de cette mauvaise plaisanterie ! Qu'on nous débarrasse de toutes ces baraques malencontreusement autorisées par nos édiles.