----------Depuis
les temps les plus reculés, la science du sol était tenue
en grande considération en Afrique du Nord.
----------Au
temps de Carthage et de Rome, Columelle, écrivain romain, auteur
d'ouvrages sur l'agriculture, qualifiait déjà Magon, agronome
carthaginois, de " père de l'économie rurale ".
----------Au
Moyen Age, Ibn et Awam développe des connsaissances très
approfondies dans des manuels d'agronomie. Le Coran consacre bon nombre
de versets à la façon d'épargner l'eau et de cultiver
les sol.
----------Un
pont de pierres sur l'oued Harrach
----------Dans
une région de marais et de broussailles située à
l'est d'Alger, les Turcs avaient érigé en 1697, sur l'oued
Harrach, un des rares ponts de pierres existant en Algérie.
----------En
1724 un fort était construit. Le rôle de ce bordj
el Kantara, le fort du pont, était double. Situé
sur un mamelon dominant la rive droite de l'Harrach, il permettait, d'une
part, de surveiller le pont de pierres et, d'autre part, de servir de
base de départ pour les expéditions menées contre
les turbulentes tribus de l'est de la Mitidja.
----------La
Maison-Carrée
----------Dès
1830, les troupes françaises occupent le bordj el Kantara, position
avancée en direction de l'est et lui donnent son nom : Maison-Carrée.
En 1845, à la fin d'une série d'attaques, le séjour
dans ce poste est marqué par la perte de nombreuses vies humaines
décimées par le paludisme.
----------Dans son Voyage dans la Régence
d'Alger en 1883, le capitaine Rozet décrit ainsi la situation :
" Le bordj est un carré de 85 m de
côté, dont le pourtour est formé d'arcades, sous lesquelles
il y a des mangeoires pour les chevaux; au milieu de ce carré,
il s'en trouve un autre qui contient des écuries et des magasins
à fourrage "
-
---------Autour de ce bordj, en particulier, au
nord et à l'est, ce ne sont que zones de parcours "tout
le terrain qui avoisine la maison-carrée est sec, inculte et couvert
de broussailles. Les Arabes qui vivent dans cette contrée cultivent
un peu... mais la plus grande partie du sol est inculte et sert de pâturages
à leurs nombreux troupeaux."
----------"Au
sud, bordant à peu près le pied des collines de Maison-Carrée,
s'étend le marais de l'oued Smar, avec une largeur moyenne de 700
m sur une longueur de plus de 5 km "
----------Les
fièvres
----------Tous
les soldats valides sont employés à l'assainissement des
marais voisins et les quelques colons audacieux qui ont mis à profit
une certaine sécurité pour s'établir vers 1836-1838
au milieu des terres incultes, sont chassés par l'inexorable "
fièvre".
----------De
grands travaux effectués vers 1841 font disparaître presque
entièrement les marais de l'oued Smar, mais c'est seulement en
1880, quatre ans après une crue catastrophique de l'oued Harrach,
que le gouverneur général fait construire un petit nombre
d'habitations au lieu-dit les Cinq-Maisons pour quelques rescapés
dans la misère et pour trois ou quatre familles mahonnaises nouvellement
arrivées.
----------Peut-être
Maison-Carrée serait-elle restée un petit carrefour sans
grande vitalité, si sa situation à 12 km d'Alger, à
l'entrée de la Mitidja n'avait été bientôt
remarquée par Bugeaud. http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis. Le
27 novembre 1862, le village de Maison-Carrée est fondé.
Il abritera aussitôt un grand marché aux bestiaux.
* * * * *
----------La
mise en valeur du territoire
----------Pendant
ce temps d'éminents agronomes, comme A. Hardy, expérimentent
des cultures susceptibles de participer à la mise en valeur de
ce vaste territoire dont les caractéristiques climatiques les déroutent
par leur diversité.
----------Des
tentatives d'introduction de végétaux en vue de leur acclimatement,
sont effectuées sur de petites surfaces du Jardin
d'Essais du Hamma. Les résultats de ces tentatives furent
variables et il y eut des échecs en raison d'un micro-climat particulier
à cette partie de la baie d'Alger, encaissée aux pieds d'un
massif humide, au fond duquel coule l'oued Kniss avant d'arriver à
la mer.
----------Une
école d'agriculture
----------En
1880, une première école pratique d'agriculture est installée
à Rouïba
sur un domaine appartenant à M. Décaillet qui en assurera
la direction jusqu'en 1900.
----------En
1905, un projet est établi par le docteur Trabut et Roger Marès,
à la demande de De Peyerimhoff, directeur de l'Agriculture et de
la Colonisation au gouvernement général. Proposé
à l'adoption des délégations financières,
l'Ecole d'agriculture de Rouïba est transférée sur
le plateau de Belfort, à proximité des Cinq-Maisons; l'Ecole
d'agriculture algérienne est née.
----------Après
le conflit de 1914-1918, à l'initiative du directeur de l'Agriculture,
M. Brunel, son collaborateur immédiat, M. Pierre Chervin, ingénieur
agricole de Grignon, ancien directeur de l'Ecole coloniale de Tunis, sous-directeur
de l'Agriculture au gouvernement général, réorganise
complètement l'enseignement.
----------L'Institut
agricole d'Algérie
----------De
nouvelles chaires sont créées par M. P. Chemin, des laboratoires
modernes bien outillés sont construits. A l'achèvement de
ce programme, l'Ecole d'agriculture algérienne de Maison-Carrée,
devenue Institut agricole d'Algérie, est habilitée par arrêté
du 28 février 1921 à délivrer un diplôme d'ingénieur
pouvant supporter la comparaison avec ceux delivrés par les grands
établissements d'enseignement supérieur agricole et de recherches
de la métropole ou de l'étranger.
----------Situé
à proximité immédiate d'un grand port de transit
nord-africain au milieu de la grande route méditerranéenne,
à égale distance de Gibraltar, de Malte et de Marseille,
du canal de Suez et de l'Europe du Nord, l'Institut agricole est particulièrement
bien placé. Alger était un port de relâche pour les
nombreuses compagnies maritimes qui desservaient le Levant et l'Extrême-Orient.
----------En
1930, les deux domaines que possède l'Institut agricole à
Maison-Carrée, ont une superficie totale de 135 ha.
----------Sur
le premier, acquis en 1905, sont installés les bâtiments
d'enseignement. Ce domaine est surtout occupé par les jardins,
les cultures expérimentales, le vignoble de 25 hectares, la station
botanique et le jardin maraîcher des Cinq-Maisons qui lui est rattaché.
----------Il
est pourvu de bâtiments de ferme (écurie, vacherie, porcherie),
d'un atelier de préparation des aliments, d'un silo à grains
et fourrages, d'une cave, d'une basse-cour et d'un rucher.
----------Le
second domaine, acquis en 1928, situé à l'Oued-Smar, est
constitué d'une exploitation de 72 hectares, consacrée plus
spécialement aux cultures industrielles et à l'élevages
des bovins (viande).
----------Enfin,
la direction de l'Agriculture a annexé en 1909 un important domaine
de 450 hectares situé sur les hauts plateaux à Berteaux
(Ouled Hamla) sur la commune mixte d'Ain-M'lila.
----------L'annexe
de Berteaux, dont M. L. Gausserand fut le dernier directeur, permettait
de donner aux élèves une exacte conception des conditions
variables et des difficultés de la gestion d'une grande exploitation
isolée sur les hauts plateaux, dans une région où
il faut compter avec la nature ingrate des sols et l'irrégularité
des pluies.
----------En
1930, l'Institut agricole était donc installé sur le plateau
de Belfort qui domine la ville de Maison-Carrée comptant alors
12000 habitants. http://perso.wanadoo.fr/ bernard.venis. Avec ses laboratoires
et ses champs d'expérimentation, il est situé au milieu
d'une active région agricole, aux portes de la fertile Mitidja,
à vingt minutes seulement du centre d'Alger.
----------Les
élèves peuvent se rendre aux facultés par le chemin
de fer (8 trains par jour dans chaque sens). L'institut est en outre relié
aux diverses localités d'une splendide banlieue par des rames de
tramways qui se succèdent toutes les vingt minutes, ainsi que par
des autobus réguliers.
----------L'essor
de l'école, son rayonnement
----------Après
la crise économique qui frappe l'agriculture algérienne,
la reprise qui se manifeste en 1937, ouvre des perspectives de relance
des investissements.
----------Afin
de subvenir aux besoins inhérents, au développement de la
démographie, à l'irrégularité des pluies ou
à l'interruption des relations avec la métropole durant
le deuxième conflit mondial, tous les laboratoires conduisent des
programmes de recherches conjointement à leur enseignement.
----------Tous
les jours dans ce pays, des hommes constatent sur le terrain l'étendue
et l'urgence des besoins alimentaires, consécutifs à la
forte croissance démographique. Aussi n'est-il pas possible de
citer les noms de tous ceux qui, expérimentateurs acharnés
et désintéressés, ont essayé de nouvelles
techniques, de nouveaux matériels, ou sélectionné,
croisé, greffé ou introduit de nouvelles variétés
ou espèces.
----------Devenu
par arrêté du 22 mai 1946, Ecole nationale
d'agriculture, l'Institut agricole de Maison-Carrée resta
pour tous ces responsables lucides l'institut accueiltant où des
hommes de science attentifs répondaient à leurs questions
et tentaient avec eux la recherche des moyens à mettre en oeuvre
ou des méthodes à appliquer pour améliorer leurs
productions.
----------En
1961, l'Institut agricole accède au rang d'Ecole
nationale supérieure agronomique, délivrant un diplôme
d'ingénieur agronome (Alger).
* * * * *
----------Evolution
de l'Institut agricole et conditions d'admissions des étudiants
----------L'évolution
de l'Institut agricole d'Algérie s'est effectuée par étapes
successives, étroitement liées à l'essor économique
de l'Algérie.
----------1905-1920
: Ecole d'agriculture algérienne (diplôme de l'école).
----------1921
: L'école devient, par arrêté du 28 février
1921, Institut agricole d'Algérie, qui recrute par concours les
élèves, parmi les jeunes gens ayant acquis une excellente
formation générale dans les écoles primaires supérieures,
les établissements d'enseignement secondaire ou dans les écoles
professionnelles agricoles d'Afrique du Nord, de la métropole ou
de l'étranger.
----------En
1930, des centres d'épreuves sont ouverts dans les villes suivantes
: Alger, Oran, Constantine, Casablanca ou Rabat, Paris, Lyon, Marseille,
Bordeaux, Dijon Nancy.
----------Deux
années, après le concours, les études débouchent
sur la délivrance d'un diplôme de l'Institut agricole.
----------Après
la mise en place d'un cycle de deux années d'études préparatoires
effectuées, préalablement au concours d'entrée, dans
les lycées de l'Education nationale, la loi du 22 mai 1946 assimile
l'institut agricole d'Algérie aux écoles nationales d'agriculture
de la métropole.
----------L'arrêté
ministériel du 14 avril 1960 permet alors d'attribuer le titre
d'ingénieur agricole aux titulaires du diplôme délivré
à Maison-Carrée.
----------Enfin,
le décret du 20 juin 1961, crée l'Ecole nationale supérieure
agronomique d'Alger dont les élèves sont admis après
un baccalauréat de mathématiques et deux années de
préparation, sur un concours commun à toutes les écoles
nationales supérieures agronomiques, Paris, Grignon, Rennes, Montpellier
et Alger.
----------Les
études se déroulent durant trois années passées
à l'école et sont sanctionnées par un diplôme
d'ingénieur agronome.
----------L'admission
à l'Institut agricole d'Algérie parmi les grandes écoles
de réputation internationale est le résultat d'actions opiniâtres
menées pour vaincre les réticences, par M. l'Inspecteur
général Barbut, la direction de l'école, le corps
enseignant et l'association amicale des anciens élèves.
----------Le
poids des sacrifices
----------Durant
les deux derniers conflits mondiaux un professeur et soixante-huit élèves
sont morts pour la France. De 1954 à 1962, les anciens élèves
ont payé un lourd tribut à la subversion.
----------Certains
sont tombés au cours d'opérations de pacification, mais
un plus grand nombre ont succombé dans les postes avancés
des fermes et des champs.
----------Après
sept années de guerre, 40 victimes sont connues et leurs noms gravés
dans le marbre du monument aux morts.
----------L'Ecole
nationale supérieure agronomique d'Alger a, hélas! le triste
privilège d'avoir le taux le plus élevé d'élèves
morts durant des opérations de guerre.
----------La
reconnaissance de la Nation
----------Après
la guerre de 1939-1945, les anciens élèves de l'école
comptent, un général de réserve, 193 officiers et
92 sous-officiers qui ont mérité 44 nominations dans l'ordre
de la Légion d'honneur et 224 croix de guerre avec 358 citations.
----------Pour
le comportement de ses élèves durant le dernier conflit
mondial et pour les actions de recherches au service du pays, le ministre
de la Défense nationale devait, le 5 janvier 1952, décerner
la croix de guerre à l'Ecole nationale d'Agriculture d'Alger.
----------Le
transfert du monument aux morts
----------Lors
de chaque fête nationale, l'Institut agricole, les étudiants,
les anciens élèves, le corps enseignant et le personnel,
se recueillaient autour du monument en présence du drapeau porté
par Amar Kheredine. Pieusement rapatrié à l'initiative de
l'amicale des anciens élèves, ce monument a été
solennellement confié, le dimanche 25 octobre 1964, à
l'école de Grignon.
----------En
présence du ministre de l'Agriculture, M. l'Inspecteur général
Barbut, MM. Deloye, Valière et le président de Tinguy, entourés
d'anciens élèves et de membres du personnel de l'Ecole remettaient
le monument à M. Léon Der Khatchadourian, directeur de l'E.N.S.A.
de Grignon, et à l'amicale des anciens élèves de
cet établissement. Malgré l'affluence, il manquait beaucoup
de personnes à cette émouvante cérémonie et
notamment le drapeau et son porteur.
-
---------La période
1945-1962
----------Avant
même la fin de la guerre 1939-1945, sous la direction de M. Marcel
Barbut, inspecteur général de l'Agriculture et de M. Gabriel
Valière, secrétaire général, le programme
de construction et d'aménagement est repris et se poursuivra sans
interruption jusqu'en 1962.
----------En
1948, les terres de culture s'étendaient sur 215 hectares, dont
25 occupés par les installations de l'école et par les parcelles
affectées aux différents laboratoires (le Centre de recherches
agronomiques d'Algérie avec le laboratoire d'agriculture ont leurs
propres terrains).
----------Plusieurs
amphithéâtres sont dotés des derniers perfectionnements
audio-visuels. Une bibliothèque générale compte 20.000
ouvrages et reçoit 400 revues ou périodiques français
et étrangers, tandis que 10000 livres sont à la disposition
des chercheurs et des étudiants dans les laboratoires.
----------Un
bâtiment administratif regroupe tous les services au centre de l'Ecole,
face au monument aux morts.
----------Laboratoires
et centres d'application
----------Dans
un cadre d'une remarquable beauté, les laboratoires offraient aux
étudiants, outre le calme indispensable à l'étude
et à la réflexion, le matériel pédagogique
le plus moderne. Il aurait été difficile, voire impossible,
de retracer l'historique de chaque laboratoire. Il a paru plus simple
et plus sûr de citer, de mémoire, les noms des derniers titulaires
et de leurs plus anciens collaborateurs, que les personnes dont les noms
auraient pu être omis, bien involontairement, veuillent nous excuser.
----------Le laboratoire
de botanique et de phytopathologie
----------Le
professeur A. Dubuis, dernier titulaire de cette chaire, mettait à
la disposition des étudiants une salle de microscopes, des collections
de plantes ainsi que les herbiers et les flores des principaux sites de
l'Algérie.
----------Ce
laboratoire a apporté une utile contribution, notamment à
la détection de variétés de céréales
sensibles aux attaques de cryptogames comme le nuile (septoria graminéum
et septoria tritici.
----------Au-delà
d'un environnement particulièrement coloré au printemps,
le jardin botanique rattaché au laboratoire avait été
enrichi au fil des années de spécimens végétaux
rares.
----------Au
cours des quinze dernières années, le professeur Dubuis,
MM. G. Chevassut et L. Ressort ont étudié la flore de l'Algérie
et les principaux groupements végétaux.
----------Le
laboratoire de sciences du sol
----------Le
laboratoire de sciences du sol dispose de collections géologiques
et pédologiques, de vases de végétation et de cases
hysimétriques, auprès desquelles une station météorologique
complète était installée.
----------Afin
d'obtenir des résultats d'essais menés sur le terrain, le
professeur Roseau et MM. Charles Bricheteau et Batz observaient sur des
parcelles de vigne, les effets à long terme de plusieurs types
de fumures sur les caractéristiques physiques et chimiques des
sols.
----------La
zoologie agricole et l'entomologie
----------De
1920 à 1931, l'Algérie a eu à subir les redoutables
invasions des stauronautes marocains et des criquets pèlerins.
----------Depuis
les années 1950, et, en raison d'une vigilance soutenue, les invasions
des acridiens ne constituaient plus un danger permanent pour les riches
cultures de la zone tellienne.
----------Le
laboratoire a apporté une précieuse contribution à
l'étude des comportements du criquet marocain dociostanus marocanus
et du criquet pèlerin schistocerca gregaria.
----------Après
plus de trente années d'études, le professeur Pasquier,
M. Zolotaremsky et par la suite MM. Piguet, de Luca et Mlle Morel avaient
établi que la destruction des acridiens pouvait être obtenue
par l'épandage d'appâts empoisonnés. Le laboratoire
possédait un acridarium et des collections importantes d'insectes
prédateurs des cultures en Algérie.
----------Les
récentes invasion de criquets observées en 1986 jusque sur
le littoral du Roussillon et du Languedoc permettent de mesurer l'ampleur
et l'efficacité du travail réalisé par le professeur
Pasquier et ses collaborateurs entre 1930 et 1962.
----------Le
laboratoire d'agriculture
----------Installé
à la station d'amélioration des plantes rattachée
à l'Institut national de la recherche agronomique, ce laboratoire
peut, à l'orée du XXIe siècle, inscrire encore à
son actif l'obtention de prestigieuses variétés.
----------En
effet, M. Ducellier, et par la suite M. P. Laumont et ses collaborateurs
se sont attachés à la sélection et à l'hybridation
des lignées répondant aux besoins du pays. C'est ainsi que
dans la décennie 1930-1940, le laboratoire a obtenu les grandes
lignées Florencex Aurore, Pusa X, Florence
380 et 381 ainsi que les Mentana X
Pusa, l'Oued Zénati 368 et
son dérivé l'Oued Zénati
7687, plus résistant à la sécheresse.
Par la suite, un hybride, no 13953
de l'Oued Zénati et du blé Bouteille se distinguait
par une précocité de quinze jours par rapport à celle
de son ascendant.
----------Soucieux
d'adapter des variétés rustiques à haut rendement,
le professeur P. Laumont a multiplié la
Mahon Demias à gros grains et à bonne résistance
aux gelées des hautes plaines.
---------Entouré de collaborateurs
comme MM. J. Erroux, Blanchard, Mourcet, Dauphin, Guet et Laby, le professeur
Laumont disposait de champs d'essais situés sur le domaine de l'Institut
agricole. Il appuyait également ses travaux sur des observations
effectuées dans des stations expérimentales réparties
dans toute l'Algérie, ainsi que chez de nombreux producteurs désintéressés,
entièrement acquis à la recherche comme M. A. Jarrige, pour
la lentille blonde ou comme M. F. Arnolds, d'Aïn Rouah, près
de Sétif, pour les blés. Ces observations ont fait l'objet
de nombreuses publications relatives notamment à la visite des
champs d'expériences et à la récolte des fourrages
ou sur le comportement des variétés de Sorgho sucré.
----------Le laboratoire d'agriculture
a réalisé des travaux très importants sur les blés
cultivés en Algérie et l'amélioration des rendements
par le contrôle dès 1939 de 70 000 quintaux de semences.
---------Horticulture
et arboriculture
----------Au
laboratoire traditionnel, avec la serre et les collections, sont rattachées
l'exploitation maraîchère et florale avec les parcelles expérimentales
des Cinq-Maisons, ainsi que la station botanique située à
l'extrémité d'une splendide et inoubliable allée
de palmiers.
----------Riche de ses espèces et variétés
fruitières les plus rares, la station botanique permet d'évoquer
l'oeuvre du docteur Trabut, du service botanique, auquel l'agriculture
algérienne est redevable de nombreux travaux (1) et du professeur
Maire, de la faculté des sciences d'Alger.
----------D'importantes
collections végétales ont été constituées
à la station botanique au moyen de variétés introduites
de différentes régions du globe et notamment une collection
complète d'aurantiacées.
----------La
station botanique et les 7 hectares ont par la suite, été
modernisés par M. Perronne, puis par M. A. Coste, avec le concours
de MM. J. Gagnard et R. Ducret, auxquels succédera M. S. Aïred.
----------Des
systèmes d'irrigation modernes et variés permettaient de
répondre aux besoins expérimentaux des arboriculteurs de
la Mitidja toute proche, ainsi qu'à ceux des maraîchers et
producteurs de tomates établis à l'est et à l'ouest
de la grande agglomération algéroise.
----------Le
laboratoire d'horticulture et d'arboriculture s'est également intéressé
aux cultures florales et à la sélection des ceillets et
des gerberas. http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis. L'un des collaborateurs
de M. Coste a publié, en 1954, une thèse sur les caractères
systématiques et sur les phénomènes de stérilité
des variétés d'amandiers cultivés en Algérie.
----------Le
laboratoire de viticulture
----------Pour
les collections et les multiplications, le laboratoire disposait de trois
hectares plantés en cépages à raisin de cuve ou de
table, en producteurs directs et en pieds-mères.
----------Après
le professeur Vivet et ses recherches sur la reconstitution des vignobles
phyloxérés, le professeur Pierre Aldebert et MM. Orsat et
Pourcharesse ont étudié la sélection, les cépages
et les porte-greffes, ainsi que la fertilisation de la vigne.
----------Le
laboratoire de chimie oenologie
----------Le
professeur Fabre et ses successeurs ont amélioré, dans ce
laboratoire, les méthodes de vinification qui devaient permettre
aux vins d'Algérie de s'imposer par leur qualité sur le
marché des vins de consommation courante.
----------Au-delà
du statut viticole qui fixait des obligations communes à tous les
vignerons, le laboratoire, dirigé par le professeur Brémond
a formé de nombreux cenologues qui l'ont fait connaître et
apprécier dans toute l'Afrique du Nord et à l'étranger.
----------La
station d'oenologie d'Algérie et la cave expérimentale,
dotée des aménagements les plus modernes, effectuaient des
études sur les moûts et les vins d'Algérie.
----------Ces
travaux débouchaient sur la mise en place d'un véritable
casier vinicole de l'Algérie et permettaient de répondre
aux différents problèmes posés par l'Institut technique
du vin ou encore par l'Office international du vin.
----------À
partir de 1949, la cave expérimentale, don de la famille Germain,
constitue un outil précieux doté d'un outillage perfectionné.
----------Autour
du professeur Brémond se trouvait une équipe d'oenologues
composée de MM. J. Roubert, Courtoisier et Potentier et du caviste
M. F. Roux.
----------La
chaire de zootechnie
----------Le
docteur Trourette fondait sa doctrine d'amélioration de la production
animale sur la sélection des races locales et sur une meilleure
utilisation des ressources fourragères naturelles. http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis.
Son successeur, le professeur P. Jore d'Arces, poursuit son action en
luttant contre les maladies qui assaillent les troupeaux et met à
profit les acquis de la science pour développer, avec le docteur
R. Maupouné et ses collaborateurs (2), dès 1946, l'insémination
artificielle des bovins.
----------Avec
la création, en 1952, du Centre de recherches zootechniques et
vétérinaires en Algérie, les possibilités
du laboratoire sont encore accrues.
----------Après
surélévation des locaux du laboratoire et extension au-dessus
de la cave, animaleries et salles de chirurgie permettent d'effectuer
des études sur l'alimentation, la biologie des maladies du bétail
et des oiseaux de basse-cour, ainsi que sur l'histologie.
----------Le
docteur R. Communal et Mlle Ch. Adrover apportent, en 1950, une importante
contribution à l'étude des laines algériennes. Etude
qui met en garde les éleveurs contre une tendance trop manifeste
à négliger les problèmes lainiers.
----------D'autres
recherches concernent le comportement des ruminants sous climat chaud,
le sevrage précoce des porcelets, les maladies des ovins et le
diagnostic précoce de gestation.
----------Le
laboratoire de technologie et de physique
----------Dès
1912, le professeur Foussat se consacre plus particulièrement aux
recherches sur l'extraction de l'huile d'olive. Par la suite, le professeur
Husson fait connaître le laboratoire en travaillant sur la conservation
des fruits, sur la datte et sur la valeur des céréales.
Plus tard, M. G. Ducellier réalise d'importants travaux sur la
fermentation méthanique, le dosage des acides gras et la pluie
provoquée.
----------Après
d'importants travaux sur les farines et les semoules d'Algérie
et sur les aptitudes à la panification des blés algériens,
le professeur E. Beltran, MM. A. Ravisy et Rougieux ont apporté
une utile contribution à la conservation des denrées alimentaires
sous régime du froid, en, liaison avec l'institut du froid installé
à Birmandreïs.
----------Le
génie rural et le laboratoire de mécanique et d'électrotechnique
----------A
l'origine de nombreuses innovations, les professeurs Bastet et Isman,
ainsi que leurs collaborateurs MM. Locoste et Battarel ont respectivement
monté ces deux laboratoires avec un hall de machines, une salle
des moteurs, des bancs d'essais, des collections, une plaque tournante
de présentation de matériel et surtout un secteur d'électronique
rurale.
----------Entre
1938 et 1945, le laboratoire de génie rural a été
à la pointe des recherches en ce qui concerne :
-----------
la lubrification des moteurs avec des huiles végétales;
-----------
la méthanisation des végétaux en vue de la production
de gaz.
----------Cette
avance a été conservée après la guerre , notamment
dans les secteurs de la production d'énergie renouvelable. Le laboratoire
de mécanique et d'électrotechnique disposait d'une cuverie
de production de 300 m3 et d'un gazomètre de 200 m3 avec station
d'épuration et de compression. La batterie des cuves réalisée
par MM. Ducellier et Isman fournissait en continu de l'énergie
thermique sans la consommer.
----------Longtemps
après la fermeture des installations de l'Institut agricole, la
production, l'épuration, le stockage et l'utilisation du gaz de
fumier conservent toujours leur intérêt en période
où les énergies non renouvelables provenant des gisements
pétroliers sont, pour différentes raisons, rares et chères.
----------La
chaire d'économie rurale
----------Un
des derniers bâtiments érigés (1959) en bordure de
l'allée centrale, après la cave de l'exploitation agricole,
abritait le laboratoire de recherches économiques et sociologiques
appliquées à l'agriculture algérienne.
----------Dans
ce laboratoire, le professeur André de Cambiaire et ses collaborateurs,
MM. Léger Jean, Tassin, Mazenc et Châtaignes ont notamment
étudié la situation financière, économique
et sociale des paysans d'Algérie.
----------Leurs
recherches couvraient plus particulièrement la production agricole
des zones défavorisées des hautes plaines et des hauts plateaux.
----------Des
laboratoires modernes et une cité universitaire
----------En
1959, deux laboratoires de biologie végétale et de biologie
animale ont été construits sur l'emplacement d'un ancien
hangar de la ferme de Belfort. Ces deux laboratoires devaient être
affectés à la section d'agriculture africaine annexée
à l'Ecole nationale supérieure agronomique d'Alger.
----------Enfin,
à proximité de cet ensemble et sur une ancienne parcelle
de vigne située à proximité de l'ancienne voie ferrée
des C.F.R.A., une cité universitaire de 1000 chambres était
destinée à accueillir, dès octobre 1962, les étudiants
des écoles supérieures d'ingénieurs de Maison-Carrée.
* * * * *
----------L'exploitation
agricole
----------La
vigne et l'élevage constituent les deux productions de base. Une
étable avec des vaches laitières alimentées à
l'aide de grains et de fourrages verts (trèfle d'Alexandrie) et
conserves (ensilage de maïs). Dès 1947, une machine à
traire est installée, elle fonctionnera sans interruption bien
au-delà des années 1970.
----------Dirigée
par M. Léon Gausserand, l'exploitation agricole,
même si elle ne peut offrir qu'une gamme de productions limitée
par la nature argileuse du sol, apporte cependant une utile contribution
à l'enseignement.
----------La
vigne à vin et à raisin de table procurait des recettes
importantes, mais les produits de l'élevage tendaient à
passer au premier plan. C'est ainsi qu'après
la ferme Favier, a été édifiée
en 1961 la ferme d'élevage d'El Alia, selon des conceptions modernes,
stabulation libre, avec contrôle laitier effectué selon les
normes du comité fédératif national, production de
géniteurs Yorkshire large white,
croisement d'absorption de brebis de race Tadmit
par Mérinos de l'Est en vue
de la fourniture ultérieure de géniteurs.
----------L'exploitation
agricole, comme l'exploitation horticole, mettait à la disposition
des étudiants des éléments d'observation et de réflexion,
qu'il s'agisse des terres, des investissements (irrigation et autres améliorations
foncières, constructions et aménagements, matériels),
du cheptel vif (contrôle laitier ou de celui de la qualité
des carcasses de porcs et de bovins) et des moyens de production, des
techniques culturales et des récoltes, qu'il s'agisse aussi des
multiples éléments d'information utiles à l'économie
rurale (gestion, comptabilité, prix de revient), les élèves
avaient constamment auprès d'eux des exemples concrets.
----------Aussi
était-il fréquent de voir des groupes d'élèves
venir en compagnie d'un enseignant, ou même librement après
les cours, suivre les travaux de traite, d'ensilage, de labour, de soins
aux animaux ou de traitement des cultures.
----------L'institut
agricole: un village dans la ville
----------Dans
les années 1960, les anciens marais qui entouraient en 1840 la
Maison-Carrée étaient oubliés. Une ville
de 80 000 habitants s'étendait de part et d'autre de l'Harrach,
constituant ainsi le 10e arrondissement du grand Alger.
----------Dans
les laboratoires, les services administratifs, l'atelier et les exploitations,
des hommes et des femmes de toutes confessions travaillaient dans une
entente parfaite.
----------Venus
très jeunes de leur douar natal, travailler à l'Institut
agricole, des conducteurs de tracteurs avaient pu accéder à
des emplois de mécanicien, de caviste demandant intelligence et
qualification. Des familles attachées à leur emploi, à
leur maison et à leur jardinet s'étaient ainsi constituées.
----------Si,
au cours des événements tragiques qui ont marqué
l'Algérie de 1954 à 1962, l'Institut agricole a vécu
des jours dramatiques, il n'y eut heureusement aucun drame, aucun affrontement.
----------Il
régnait à l'école et sur les exploitations une confiance
et une solidarité qui ne se sont jamais relâchées
et qui se sont même développées grâce à
des actions initiées par Mme Deloye.
----------Dans
les périodes les plus critiques cette solidarité se concrétisait
notamment par des sorties de nuit pour porter aide à un malade
ou à une accouchée. Tandis que les exactions ne se comptaient
plus sur les chemins vicinaux qui traversaient les exploitations entre
le Retour-de-la-Chasse et l'Oued-Smar.
----------Les
familles qui vivaient ainsi dans ce gros village partageaient de façon
inoubliable peines et joies de tous sans aucune distinction.
----------Aussi
convient-il de citer les familles Ben-Zekri, Blidi, Bouali, Merouani,
Nedjari et Hamza, particulièrement celle de M. Amar Hamza(
décédé le 24-12-2011), ancien combattant
du C.E.F. en Italie puis en France dans les Vosges. M. Amar Hamza était
connu et apprécié de toutes les promotions qui se sont succédé
à l'Institut agricole de 1946 à 1962.
* * * * *
----------Un
bilan éloquent
----------Depuis
sa création en 1905, l'Institut agricole de Maison-Carrée
a formé 1.600 ingénieurs qui ont assuré le rayonnement
de l'école en Afrique de Nord, en métropole, en Afrique
noire et dans les territoires du pourtour de la Méditerranée
(Grèce, Syrie, Liban, Israël) et jusqu'en Amérique
et en Indochine.
----------Les
anciens élèves sont toujours groupés dans une association
qui continue à vivre, d'une part, dans le cadre de l'Union des
ingénieurs des écoles nationales supérieures agronomiques
(3).
----------Aujourd'hui,
un quart de siècle après sa fermeture, l'Institut agricole
vit toujours, par ses ingénieurs que l'on retrouve dans les grands
corps de l'Etat, à la tête des régions en qualité
d'ingénieurs généraux du ministère de l'Agriculture,
dans l'enseignement et la recherche. Certains sont devenus d'éminents
experts dont la renommée dépasse les limites de l'Hexagone.
http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis. D'autres ingénieurs de Maison-Carrée
président aux destinées d'entreprises du secteur agro-alimentaire
ou de l'agro-fourniture.
----------Au
sommet de la pyramide de l'enseignement et de la recherche en Algérie,
l'Institut agricole a joué un rôle important dans la formation
professionnelle de stagiaires; 1800 pour le seul laboratoire d'oenologie.
----------Sous
la direction de M. Marcel Deloye, qui a succédé à
M. Barbut, inspecteur général de l'Agriculture, l'Ecole
a encore étendu son rayonnement en abritant de grandes réunions
ou rencontres avec des scientifiques de renommée mondiale.
----------Citons
de mémoire, sans que la liste en soit exhaustive :
-----------
des conférences sur les fourrages et la révolution fourragère,
avec M. Der Khatchadourian ;
-----------
un congrès sur la production fourragère en zones steppiques
;
-----------
des entretiens et des visites sur la lutte contre l'érosion avec
le professeur Lawdermilk et M. Monjauze;
-----------
des colloques sur l'économie rurale avec MM. Cépède
et de Cambiaire;
-----------
des rencontres sur l'augmentation des ressources en eau et sur leur utilisation.
----------Il
n'est malheureusement pas possible de citer les noms de tous ceux qui,
par un travail acharné, ont contribué à la marche
de l'Institut agricole. Cet article leur est respectueusement dédié.
Des scientifiques, des techniciens ont recherché pour les hauts
plateaux des productions qui auraient pu, comme la vigne, fixer l'exploitant
au sol et apporter de la prospérité à de vastes régions
défavorisées. Cependant les méthodes de mise en valeur
des terres de la Mitidja ne pouvaient pas être identiques à
celles qu'il aurait fallu mettre en oeuvre sur les hauts plateaux pour
nourrir et faire vivre plus d'hommes, de femmes et d'enfants. Cela n'a
pas empêché des scientifiques, des économistes, des
hommes de terrain, clairvoyants, de tenter de réduire l'érosion,
de planter des arbres, de conserver l'eau pour cultiver plus de terre
et répondre aux besoins alimentaires des populations. Ce qui était
alors un objectif sur la route du progrès technique, économique
et social s'est heurté aux obstacles dressés par l'histoire.
----------Aujourd'hui,
le souvenir
----------Que
reste-t-il aujourd'hui de ce village de l'institut agricole, largement
ouvert sur Belfort, Maison-Carrée et sur l'Algérie tout
entière?
-----------au-delà
d'un monument placé au bord de la grande allée de Thiverval,
de l'école de Grignon (Yvelines) ;
-----------
au-delà d'un bilan éloquent, il reste les liens du souvenir
et de l'esprit que rien ne peut rompre ou effacer.
Edgar SCOTTI.
NOTES
----------(1)
Le regretté docteur L. Trabut a, en particulier, participé
à la vulgarisation de la clémentine, obtenue par le père
Clément.
----------(2)
MM. P. Grisolles et P. Teneroni ont été les précurseurs
de l'insémination artificielle, en dépit des risques consécutifs
à une difficile contention des taureaux.
(----------3)
Union nationale des ingénieurs agronomes (U.N.I.A.) depuis 1986.
----------L'historique de l'Ecole nationale supérieure
agronomique de Maison-Carrée a été rédigé
à partir des publications suivantes et notamment celles de ses
trois derniers directeurs
-----------
M. Thomas, directeur : Notice d'entrée à l'école
en 1930;
-----------
M. Barbut, inspecteur général de l'Agriculture : l'institut
agricole d'Algérie;
-----------
M. Deloye, directeur : Ecole nationale supérieure agronomique de
Maison-Carrée (Alger, 1961) ; - Documents et renseignements agricoles
de la direction de l'Agriculture.
-----------
Observations sur la visite des champs d'expériences de la station
centrale d'essais de semence et d'amélioration des plantes de Maison-Carrée
(Jean Erroux).
-----------
Publication du laboratoire de zootechnie.
-----------
Documents photographiques de l'Institut agricole.
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