texte adapté de " Contribution à l'étude
de la vulnérabilité urbaine au risque d'inondation dans
un contexte de changement climatique - Cas de la Vallée de l'Oued
El Harrach à Alger ", présenté au 5th Urban
research Symposium, Marseille, 28-30 juin 2009. www.urs2009.net
Avec des inondations dont on prévoit qu'elles seront plus fréquentes
à l'avenir, la vallée de l'oued El Harrach, en banlieue
d'Alger, sera particulièrement exposée. Sans compter que
l'urbanisation qui s'y est développée selon des modes inappropriés
contribue pour beaucoup à accentuer la vulnérabilité
de cette zone. Des plans d'aménagement urbain plus pertinents s'imposent
donc, où l'eau excédentaire deviendrait une opportunité
plutôt qu'une menace.
Alger
Contrer les risques d'inondations
NADJET AROUA & EWA BEREZOWSKA-AZZAG
Ecole normale supérieure d'architecture d'Alger*
Selon les modèles de projection climatique, à horizon 2020,
l'Algérie connaîtra une réduction des précipitations
de l'ordre de 5 à 13 %, alors que la température augmentera
de quelque 0,6 à 1,1 °C. Le pays connaît déjà
une accentuation des sécheresses et donc l'aggravation des phénomènes
de désertification, salinisation des sols, pollution des eaux superficielles
et par conséquent une dégradation progressive des ressources
en eau (alors même que les besoins en eau doubleront de volume sous
la pression de la croissance démographique et de l'urbanisation
continue). Cependant, sur une période de 60 ans (1931-1990), l'analyse
des données pluviométriques par la station d'Alger laisse
présager une augmentation relative des précipitations au
printemps (+ 16 mm), malgré une baisse générale de
la pluviométrie de l'ordre de 10 %, et en été (+
9 mm). Le scénario climatique moyen à horizon 2020 confirme
ces résultats qui supposent un report de la saison des pluies au
printemps-été au lieu de l'automne-printemps. De même,
les inondations seraient plus fréquentes, surtout durant le printemps
et l'automne.
Ainsi, à l'avenir, l'événement naturel, probablement
plus fréquent et plus fort, aura-t-il un impact plus grave pouvant
causer des catastrophes, notamment dans la plaine orientale d'Alger et
la vallée de l'Oued El Harrach, où les caractéristiques
physiques, climatiques et socio-économiques déterminent
un niveau de risque élevé. Dans cette plaine, si l'urbanisation
se poursuit selon les modes et rythmes actuels, manifestement inappropriés
(lire encadré p. 104), elle contribuera à augmenter la vulnérabilité
spatiale aux inondations, dont elle intensifiera le risque localement.
Or, en agissant sur certains critères pertinents, la planification
urbaine peut faire en sorte que l'eau excédentaire ne constitue
plus une menace mais une opportunité et une source d'inspiration
à l'aménagement urbain pour réduire la vulnérabilité
de la commune d'El Harrach.
AMÉLIORER LA RÉSILIENCE La
probabilité des changements climatiques souligne la nécessité
de rechercher de nouvelles options de développement urbain à
moindre impact sur la sécurité, les équilibres naturels
et la santé humaine. Fondée sur le principe de précaution
et les récentes perspectives d'hydrologie urbaine, la stratégie
de réduction des risques liés à l'eau, notamment
hydro-climatiques s'oriente vers des mesures proactives d'atténuation
du niveau d'exposition, d'adaptation et d'amélioration
de la résilience. Elle s'appuie sur des techniques alternatives
d'assainissement fondées sur la récupération des
eaux de ruissellement pour recharger des nappes souterraines, pour maintenir
un volume d'étiage minimal et pour satisfaire les usages urbains.
Dans la mesure où son impact sur le cycle de l'eau est considérable,
l'éco-urbanisme peut contribuer efficacement à cette stratégie
en ciblant trois objectifs : (re)donner à la rivière son
espace naturel ; restreindre les inondations à son périmètre
propre ; contrôler le développement urbain et réduire
les dommages potentiels liés aux inondations (Friesecke, 2004).
Nous nous limiterons ici à la lecture critique de la loi du 25
décembre 2004 relative à la prévention des risques
majeurs et à la gestion des catastrophes dans le cadre du développement
durable. Principal texte de référence, son objet est de
définir les règles de prévention de " toute
menace probable pour l'homme et son environnement ", en l'occurrence
le changement climatique et les inondations, afin de limiter leur vulnérabilité
aux aléas naturels et technologiques.
Il y est explicitement recommandé la prise en compte des risques
et la réduction de la vulnérabilité dans l'utilisation
des sols en ciblant prioritairement leurs causes plutôt que leurs
effets. La démarche est conforme à la stratégie internationale
de réduction des catastrophes naturelles (Wiechselgartner et Obersteiner,
2002), confortée par la récente procédure d'élaboration
des plans d'occupation des sols (POS), désormais obligés
de transcrire sous forme de périmètres de protection ou
de servitudes les zones et terrains exposés selon leur degré
de vulnérabilité.
Soulignons la nature proactive louable de ces textes, plus facilement
applicables sur les nouveaux projets urbains que sur le tissu existant,
qui doit progressivement intégrer les aménagements nécessaires
à sa sécurisation. De même, il paraît clairement
que ces mesures relèvent essentiellement de l'atténuation
du risque et de ses effets. Alors que ce sont les mesures d'adaptation
qui permettent de En agissa réduire la vulnérabilité
et améliorer la certains résilience à terme. Dans
l'hypothèse pertinent du changement climatique, la capa- planifica
cité d'adaptation de la ville est vitale. urbaine Elle s'appuie
sur certains aménage- en sorte ments urbains simples et intelligents
excédent participant à la gestion intégrée
du constitue cycle de l'eau.
Or, la stratégie nationale de changement climatique ne semble pas
inclure l'urbanisme parmi les domaines de recherche scientifique ou projets
d'étude à développer en vue d'atténuer l'impact
des bouleversements annoncés.
MESURES DE PRÉCAUTION Bien
que l'Harrach fasse partie des communes algéroises qui affichent
un taux de croissance faible à nul, ce qui laisse supposer une
saturation urbaine relative, un effet notable sur la ressource en eau
est d'ores et déjà appréhendé. Pour ce qui
concerne la vallée de l'Oued El Harrach, il est toutefois important
d'observer le principe de concomitance tant pour ce qui concerne les risques
naturels que l'impact de l'urbanisation existante ou projetée des
communes limitrophes, notamment Mohammadia : les vingt dernières
années du XXe siècle ont été l'occasion d'un
étalement et d'une densification du tissu urbain non planifié
d'Alger, auxquels la vallée de l'Oued El Harrach la vallée
de l'Oued El Harrach n'a pas échappé. Même le Plan
directeur d'aménagement et d'urbanisme approuvé en 1995
prévoyait l'extension de zones d'activités industrielles
le long de l'Oued El Harrach et autour de l'Oued Smar notamment.
En 1830, la France occupe le fort d'El Kantara sur
la rive droite de l'Oued El Harrach et donne au poste l'appellation
" Maison carrée ". À partir de cette date,
son peuplement n'est interrompu que par les crues périodiques
de l'oued. La situation privilégiée de Maison carré,
à proximité du port et à la croisée
des routes et chemins de fer vers Alger, dynamise l'essor industriel
de la ville. Notamment entre les deux guerres où de nombreuses
usines et ateliers s'y établissent. La proximité de
l'oued profite déjà à certaines industries
fortement polluantes telles que distilleries et fabriques de produits
chimiques. Alors que le site demeure insalubre et peu sûr,
les quartiers d'habitations s'étendent sur le plateau de
la rive droite, " à l'abri des inondations et des miasmes
de l'Harrach " (Lespes). De nouvelles cités ouvrières
émergent non loin de la gare à partir de 1950 et des
lotissements de villas avec jardins gagnent peu à peu les
terrains de culture arrachés aux marais.
Pour le Plan d'urbanisme de 1948, cette agglomération
" la plus forte des environs immédiats d'Alger "
(Lespes) et sept autres communes forment la banlieue de la capitale.
À la veille de l'Indépendance, le premier village
spontané s'est transformé en agglomération
urbaine à trame régulière. La commune reprend
le nom d'El Harrach et poursuit son extension tout azimut, principalement
sous forme de lotissements et quartiers d'habitat collectif (Deluz,
2001). Puis le territoire se scinde en trois communes : El Harrach,
Oued Smar et Mohammadia.
L'historique des inondations prête à croire que des
événements meurtriers se seraient succédés
à partir de 1846 liés aux crues de l'Oued El Harrach
ou de l'un de ses confluents, Oued Djemaa et Oued Smar notamment.
Les fortes pluies des régions montagneuses augmentent sensiblement
le débit de l'oued dont le cours supérieur subit une
forte érosion. Des volumes considérables de sédiments,
graviers et objets solides divers sont alors charriés vers
l'aval. Au début de l'hiver 2005, un phénomène
similaire a provoqué l'effondrement du pont de Sidi Moussa
qui relie Alger à Blida. rétude d'inondabilité
de l'Oued El Harrach aurait recensé parmi les facteurs aggravants
la topographie quasiment plate du terrain et sa faible perméabilité
due à la présence d'une nappe peu profonde (nappe
de la Mitidja) provoquant la saturation rapide du sol. Tout cela
permet de confirmer l'exposition de la vallée d'El Harrach
aux risques cumulés d'inondation, érosion et pollution,
particulièrement les communes situées à l'embouchure
de l'oued.
N. A. & E. B.-A
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Par ailleurs, les opérations de rénovation
et restructuration prévues aujourd'hui le long du littoral algérois
sont appelées à en modifier tant l'image que la perception.
Il s'agit de plusieurs kilomètres de métro, tramway et voies
rapides qui relieront, voire réconcilieront, la capitale avec son
aile droite. Le projet d'aménagement de la baie d'Alger autour
du pôle d'El Hamma et celui de la Medina dans la commune de Mohammadia
affecteront directement le devenir de la vallée.
Eu égard à l'état de l'Oued, la capacité d'accueil
et de charge de la commune d'El Harrach semble avoir outrepassé
le seuil d'équilibre écologique. Si aucune mesure d'adaptation
n'est envisagée et mise en oeuvre, sa vulnérabilité
aux inondations l'expose à des sinistres et dégâts
matériels et sa faible résilience la met devant le sombre
pronostic de leur aggravation à terme.
La gestion intégrée des inondations offre de nombreuses
opportunités au développement de l'approvisionnement en
eau, tant à l'échelle locale que régionale. Elle
constitue de surcroît un pas significatif vers l'adaptation à
la sécheresse, dont l'Algérie souffre depuis de nombreuses
décennies et qui risque de s'aggraver dans l'hypothèse d'un
changement dimatique global.
Dans cet esprit, certaines prescriptions urbaines permettraient de maintenir
et/ou rétablir un équilibre optimal entre les surfaces pavées
imperméables et les caractéristiques du réseau de
voirie (tracé et pentes), introduire certains aménagements
liés à l'eau afin de réduire les volumes de ruissellement,
favoriser la recharge des nappes phréatiques et, enfin, récupérer
10 à 30 % des eaux de pluie pour l'usage urbain. La gestion intégrée
des inondations et plus particulièrement celle des eaux de pluie
peut ainsi servir, tout à la fois, à protéger contre
l'aléa et à parer à la pénurie d'eau, bénéfice
inestimable en cas de sécheresse, notamment dans un dimat aride
à semi-aride comme c'est le cas en Algérie. o
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