-------------Cette
digression s'impose ici, pour expliquer la précocité et
la qualité des primeurs de Guyotville, qui ont fait la fortune
du lieu.
1) LES CONDITIONS CLIMATIQUES
-------------Douceur
et régularité caractérisent ce climat. Guyotville
est privilégié par son exposition à l'ouest, au pied
de la Bouzaréah, face aux vents attiédissants de l'occident
qui soufflent en hiver, abrité de ceux du sud, si étouffants
pendant l'été. Les différences thermiques sont sensibles
avec la capitale toute proche : un degré de plus qu'à Alger
durant l'hiver et un degré de moins l'été. Seul août
fait exception, à cause des vents d'est qui atteignent directement
Alger, tandis qu'ils sont relevés au-dessus du village par le contrefort
de la Bouzaréah et du Grand-Rocher.
-------------Les
variations journalières sont bien plus limitées qu'à
Alger ou n'importe quelle station du littoral. Au moment où la
vigne débourre, fleurit et mûrit, ces variations sont particulièrement
faibles et d'une étonnante régularité ; seulement
4/10è de degré de variation diurne entre février
et juin, pour 3 degrés de différence à Alger.
-------------Enfin,
dernier facteur climatique qui influe directement sur la précocité
de la végétation, la température minima : elle est
en moyenne de 6°9 à l'extrême 4°, donc sans gelée
possible, tandis qu'à Alger la minima moyenne est de 4°2 et
parfois le thermomètre descend sous zéro.
-------------Cette
absence de gel, si remarquable, résulte de la saturation de l'air
en humidité, sur une côte exposée à l'ouest,
que les vents de terre n'atteignent pas, tandis qu'à l'est, Alger
reçoit les vents soufflant de la Mitidja et descendant des sommets
de l'Atlas.
-------------Très
favorisée par la température, cette région l'est
moins par les pluies : mais l'humidité excessive est néfaste
pour la vigne, vectrice de maladies, oïdium et mildiou, et les pluies
-trop fréquentes nuisent à la fructification, par la coulure
qu'elles entraînent.
-------------Deux
inconvénients climatiques cependant, la violence et la fréquence
des vents de mer, surtout au printemps, la possibilité de chutes
de grêle. Pour préserver les ceps qui bourgeonnent en mars,
alors que les vents du nord-ouest soufflent souvent avec furie, les colons
ont dû protéger les plantations par des haies vives de roseaux
et de cyprès et surtout des brise-vent en roseaux secs, abris parallèles
orientés nord-sud, tous les quatre à six rangs de vigne,
donnant au plateau cet aspect strié si particulier. Ces abris emmagasinent
en outre la chaleur propice à la maturité, tout en permettant
la circulation de l'air.
-------------Contre
les chutes de grêle, les tirs de canon ne sont pas toujours efficaces,
mais le versant ouest de la Bouzaréah n'est pas le plus exposé
et les chutes surviennent l'hiver, par là moins dangereuses pour
la vigne.
2) LES CONDITIONS GÉOGRAPHIQUE
-------------Si
le climat du village est favorable à la culture de la vigne et
des primeurs, la nature du sol s'y prête tout autant.
-------------Un bref rappel géologique l'explique.
-------------Trois époques sont représentées
sur le territoire de la commune : les âges primaire, tertiaire et
quaternaire.
------------ L'AGE
PRIMAIRE :
-------------Gneiss
et micaschistes composent le massif de la Bouzaréah. Imperméables,
peu propres à la culture, ces roches constituent l'essentiel de
la forêt de Baïnem et une partie est du plateau : elles forment
le sous-sol profond de la commune, d'autant plus profond que l'on s'éloigne
vers l'ouest, affleurant la mer au niveau des rochers du littoral. Leur
couleur bistre ou grisâtre dépend de la couleur du mica qui
les compose.
-------------D'origine
primaire aussi, le calcaire bleu, en trois ceintures fragmentées
entoure le massif de la Bouzaréah : près du sommet, à
mi-pente, et en bas, au bord de mer. Ces calcaires bleus, plus résistants
que les schistes, érigent leurs arêtes saillantes au-dessus
des roches environnantes : ce sont eux que l'on retrouve au Grand-Rocher,
sur le littoral de Saint-Cloud, au niveau des carrières Anglade
et Sintès, à l'est du village, réputées excellentes
pour la chaux qu'elles procurent.
-------------Fait
remarquable enfin, c'est la décomposition lente du feldspath entrant
dans la composition des gneiss en une argile rougie par des oxydes de
fer, qui est responsable de la coloration ocre-rouge du sol sablonneux
de surface du plateau.
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-------------L'AGE
TERTIAIRE
-------------II
est représenté par des marnes, dites sahéliennes,
argile de couleur bleu foncé (en couche très épaisse
au sud de la Bouzaréah). Cette argile, imperméable, forme
le sous-sol moyen de la région de Guyotville. Elle affleure dans
le lit de l'oued Béni-Messous.
-------------Son
rôle est fondamental pour la retenue des eaux d'infiltration qui
forment unenappe profonde, abondante, tant au plateau qu'en bordure de
mer, que vont puiser de nombreuses norias.
-------------L'AGE
QUATERNAIRE
-------------Il
correspond au terrain sablonneux de dunes très anciennes qui recouvre
les deux tiers de la commune et dépasse Chéragas. Selon
leur âge, ces dunes sont plus ou moins consolidées en profondeur,
cimentées par le calcaire entraîné par les eaux pluviales
en amas de tuf. En surface, le sol demeure sablonneux, d'une couleur ocre-rouge
dont nous connaissons l'origine.
-------------En
agronomie, ces terres sont recherchées pour la culture des primeurs
en raison de leur légèreté, de leur parfaite aération,
de leur culture facile, tout en restant fraîches et humides dans
les couches profondes.
--------------Ainsi,
climatologie et géologie ont désigné la région
de Guyotville comme le terrain d'élection des primeurs.
-------------Ces cultures ne pourront cependant trouver leur plein
essor qu'un peu plus tard, lorsque les communications faciles seront assurées
avec Alger et que des relations régulières avec la métropole
et l'étranger seront établies par des paquebots rapides
(puis des avions cargos).
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------------Ce fut chose faite en 1901, lors de l'inauguration
du petit train Alger - Koléa. Le Maréchal Soult avait vu
juste : cette voie littorale s'imposait, malgré les difficultés
de sa construction, les obstacles de la Pointe-Pescade et du Grand-Rocher,
l'étaiement du boulevard Pitolet surplombant la mer.
-------------Le petit train, à voie unique étroite,
cheminait sur 44 kilomètres et, partant de la rue
Waisse, à Alger,
mettait une heure pour atteindre le village, s'arrêtant place du
Gouvernement,
à la Pêcherie, à Bab-el-Oued, aux
Deux-Moulins, à la
Pointe-Pescade (tunnel), aux Bains Romains, à Villas-Bains
(Baïnem-Falaise), au Cap-Caxine,
à Guyotville-Gare (après avoir franchi le tunnel du Grand-Rocher),
puis Guyotville-Mairie. Les différentes étapes étaient
ensuite : les Dunes, La Trappe, Staouéli,
Sidi-Ferruch, Zéralda, Mazafran, Les Oliviers, Mitidja, Les Tuileries,
Koléa ; un embranchement à Mazafran, long de 12 kilomètres,
menait à Castiglione
par Douadéa et Fouka.
-------------Ce train qui joua un
rôle important dans le transport des primeurs était concurrencé,
pour le transport des passagers par la diligence de MM. Galliéro
et Orienti, traînée par trois chevaux ; la Patriote servait
alors d'écurie et l'abreuvoir se trouvait à l'emplacement
du monument aux morts. Diligence et chariots se frayaient le passage sur
un étroit chemin de terre entre la mer et le tunnel du Grand-Rocher.
-------------Quand le petit train
sera mis à la retraite en 1935, que la route sera goudronnée
et élargie par dynamitage du Grand-Rocher et de son tunnel, M.
Galliéro remplacera la diligence par une entreprise de cars, les
cars bleus, concurrencés par les cars rouges Cortès, avant
que les C.F.R.A.
ne rachètent les lignes. Quant aux transports des primeurs, ils
seront assurés par de nombreuses sociétés de camionnage,
Ballester, A.M.A.S...
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