les feuillets d'El-Djezaïr
Henri Klein

Étude générale des Rues - Places - Quartiers
Dénominations anciennes et nouvelles
sur site le 5-2-2009

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Voyant combien, en les élargissant, on avait livré, à l'envahissement du soleil, les anciennes voies si fraîches antérieurement en leur exiguïté, avec leurs saillies protectrices et leurs passages voûtés, on décida d'innover ici les portiques à arcades. Cette disposition particulière reçut bientôt la consécration administrative. Nous voyons, en effet, dans une lettre adressée le 11 janvier 1834, au Ministre par le baron Voirol, que celui-ci donnait son approbation à "la création de galeries dans les rues principales comme sur la Place du Gouvernement (Arch. du Gouvernement Général). Et l'on voulut aussi que les immeubles des principales artères présentassent un certain caractère d'unité architecturale."

Les propriétaires eurent donc à prendre connaissance de certaines prescriptions édictées à ce sujet, avant d'élever de nouvelles constructions.

On eut aussi à s'occuper de la question de l'éclairage duquel, sous les Deys, nul n'avait cure. Aussi, le soir, dans les ruelles enténébrées, l'insécurité était-elle grande.

Afin de protéger contre les agressions possibles les soldats, et de rendre plus facile la poursuite des malfaiteurs, le commandant de la Place, fit publier, le 11 juillet 1830, un ordre par lequel chaque habitant fut tenu d'éclairer à ses frais le devant de sa maison. L'Administration, ainsi qu'il a été dit, ne prit à sa charge que l'entretien de vingt falots disposés dans les rues principales ( Deux ans après, 193 nouveaux falots furent réclamés par l'Administration. (Rapport du baron Pichon).). En 1832, un arrêté du 30 mars confia à la police le Service de l'Eclairage et aussi celui du Nettoiement. En 1846, 120 réverbères (Système Bordet et Marcet) furent installés dans les rues Bab-Azoun, Bab-el-Oued, de la Marine et sur la Place du Gouvernement.

Pendant les quinze années qui suivirent, Alger ne connut que l'éclairage à l'huile.

Ce fut avec une vive joie qu'il vit en 1852 briller ses premiers becs de gaz.

La Rue de la Marine profita la première, en février, du nouveau mode d'éclairage. Puis, ce fut le tour de la Place du Gouvernement, des rues Bab-Azoun et Bab-el-Oued et, en décembre, de la rue de la Casbah ( L' Akhbar du 19 décembre 1852 nous apprend que l'installation des nouveaux réverbères causa un plaisir immense aux indigènes qui composèrent un chant célébrant cet événement. Les Juifs, de leur côté, firent entendre d'interminables hosannas.); les rues Philippe et d'Orléans bénéficièrent de l'innovation en 1853. Insensiblement les anciens lumignons qui, tant bien que mal, avaient jusqu'alors éclairé El-Djezaïr la nuit, disparurent des rues de ses quartiers européens et des ruelles de sa Casbah. Le gaz régna partout bientôt. Ce devint même, pour la partie la plus belle de la Cité, pour son Boulevard, une réelle parure.

Mais, depuis longtemps déjà, le gaz n'est plus seul à éclairer Alger. La fée Electricité y a, comme dans toutes les grandes villes, fait son apparition.

Des flots de blanche lumière se répandent maintenant en ses grandes artères.

Et l'on songea aussi à agrémenter d'ombre végétale, les points les plus ensoleillés de la ville : l'Esplanade Bab-el-Oued, que l'on borda de bellombras ( C'est au Consul d'Angleterre, St-John, que l'on doit l'introduction du bellombra en ce pays. St-John, déjà en fonctions à Alger avant la conquête, y exerça son ministère jusqu'en 1851.); l'Esplanade Bab-Azoun, que l'intendant civil Bresson para de mûriers en 1837 ( Esplanade devenue place Bresson, puis place de la République. Cette esplanade fut terminée en 1837. Le souvenir de Bresson laissé en reconnaissance au square, disparut naguère de cet intime jardin. On le désigna: square Briand.); la Place de Chartres (plus haut citée) où, autour de la fontaine (aujourd'hui au Square Nelson), des orangers furent plantés en 1847; la Place du Gouvernement que l'on commença à décorer d'arbres en1838, sans grand succès cependant, car pour des causes diverses, notamment le manque de terre végétale, périrent successivement les premiers sujets que s'était efforcée de faire croître là, l'Administration.

Une cause assez curieuse du manque de vitalité des ces arbres fut, paraît-il, la présence, parmi eux, de nombreux chats.

L'Akhbar du 30 décembre 1852 dit, en effet, que leur dépérissement était dû non seulement au manque de terre végétale, mais aussi aux chats attirés en ces lieux par les gargotes maltaises de la Place, et qui se livraient, parmi leurs branches, à la chasse aux oiseaux.

Le terreau, grâce auquel purent se développer enfin les arbres de la Place du Gouvernement, fut pris près du Fort-neuf, l'ancien Bordj-ez-Zoubia (le Fort des Immondices), autour duquel El-Djezaïr déversait ses ordures ainsi d'ailleurs qu'aux environs du Fort des Vingt-Quatre heures, situé dans le voisinage.

L'Akhbar du 9 novembre 1852
avait publié à ce sujet la note suivante :

"Nous nous empressons de faire savoir aux personnes qui auraient besoin de bonne terre végétale qu'elles en trouveront, à titre gratuit, au Fort des Vingt-Quatre Heures (qu'on démolit en ce moment). Comme deux godets sont installés, il n'y a qu'à placer les tombereaux dessous, et la terre se charge sans aucune main-d'oeuvre. Cette terre qui provient des immondices déposées il y a plus de trois siècles et aussi d'anciens cimetières, est de très bonne qualité. On s'en est servi sur la Place du Gouvernement pour emplir les trous destinés à recevoir de nouvelles plantations."

Notons qu'un petit square, dit "Square de la Régence" , fut aussi créé au fond de la Place du Gouvernement.

Sur nul autre point de la ville, les palmiers n'atteignirent la hauteur de ceux, originaires du Jardin Marengo, qui furent plantés en cet endroit. Ce fait s'explique par la présence des sources qui sourdent sous la Régence et dont s'inondent parfois les sous-sols de la Place.

Ce petit square reçut tout d'abord des bellombras; puis, en février 1845, avec une fontaine à vasque de la maison Lefèbvre, des orangers, des bambous. Seuls, quelques palmiers subsistent aujourd'hui.

Mais voyons de quelles appellations furent désignées, avant et après la conquête, les rues d'El-Djezaïr.

Tout d'abord, déconcertés par l'enchevêtrement que présentaient les voies étroites de l'ancienne cité, les nouveaux occupants de 1830 s'aidèrent pour s'y diriger de traits de peinture tracés sur les murs d'un certain nombre d'entr'elles.

Telle couleur renouvelée à travers ce labyrinthe conduisait au Service de l'Intendance, telle autre à celui des Finances, ainsi pour chaque Administration civile ou militaire. Il advint, par suite de ce procédé, que plusieurs couleurs se trouvèrent superposées en maintes ruelles. Le hasard fit de la sorte, en l'une d'elles, se rencontrer les couleurs nationales. Cette voie devint depuis la Rue des Trois-Couleurs.

Mais ce n'était là qu'un expédient. On prit bientôt le parti de donner à chacune d'elles une dénomination particulière, les anciennes désignations arabes étant tout à fait incompréhensibles pour les vainqueurs. Et ce fut certes là - nous le redisons - une chose très regrettable, car les rues d'Alger perdirent de ce fait, de très pittoresques dénominations, variant, à chaque tournant et dues à certaines particularités, certains édifices, certains souvenirs.

Un grand nombre de rues reçurent, à cette époque, des noms d'animaux, qui n'étaient autres que ceux portés par les gabares de la flotte de 1830 ( Alger fut alors, à ce propos, plaisamment dénommée: la Ville des Bêtes.).

Les autres rues reçurent des noms empruntés à la Mythologie, à l'Histoire, à la Géographie. Quelques uns, aux annales de la Cité, parmi lesquelles on puisa plus spécialement et plus sagement, il y a environ 25 ans.

Voici d'ailleurs, par ordre alphabétique, avec les primitives appellations arabes, les premiers noms donnés, au lendemain de l'occupation, aux rues et places de l'ancien Alger et à celles créées peu après dans les faubourgs (2). D'après les tables du général Pellet et de Berbrugger, d'après, aussi, d'autres travaux documentaires.