les feuillets d'El-Djezaïr
Henri Klein

Une physionomie populaire de l'ancien monde officiel
Le Colonel Marengo

sur site le 9-6-2009

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Elles ne furent certes pas rares, les personnalités administratives - civiles ou militaires - qui, en l'Alger des premières années françaises, où tant de choses étaient à créer, furent l'objet dans le public, d'une particulière sympathie reconnaissante.

Ne pouvant les étudier ici, collectivement, nous nous bornerons à un rapide regard sur l'individualité qui avait nom : Colonel Marengo, dont l'essai de monographie que nous avons publié jadis, fut exprimé en cette forme concise :

Marengo. Né à Casale (Piémont), le 8 janvier 1787. De son vrai nom : Cappone (Joseph). Engagé volontaire. Tambour à Marengo. Reçut à Friedland, de l'Empereur, le nom de Marengo en remplacement de celui qu'il avait porté jusqu'alors et que le souverain jugeait indigne du héros qu'il était. Fut capitaine adjudant-major à Saint-Cyr. Vint à Alger en 1833. Commanda le pénitencier du Fort-Neuf.

A la suite d'une injuste accusation, Marengo, qui n'était encore que commandant, fut le 5 septembre 1836, traduit en conseil de guerre avec un maréchal-des-logis et un brigadier de gendarmerie. L'innocence du colonel fut proclamée avec éclat. Après le verdict d'acquittement, le président du Conseil dit d'une voix émue et les yeux mouillés de larmes : " Commandant Marengo, je vous rends cette épée qu'on n'aurait jamais dû vous ôter ".
Il remplaça, provisoirement, le 20 septembre 1838, le colonel Tamnoy comme commandant de Place, titre qu'il reçut plus tard définitivement.

Admis à la retraite, le 30 mai 1848. Remplacé par le colonel Vandelinghen, il se retira à Saint-Ferdinand, où il acheta une maison de colon. Devint maire de Douéra et vice-président de la Chambre Consultative d'Agriculture. Fut nommé en 1854, inspecteur des Milices Algériennes.

Le colonel Marengo mourut à l'Hôtel de la Régence, à l'âge de 76 ans, le 9 décembre 1862.

L'établissement du Fort-Neuf dont Marengo fut de bonne heure, le directeur, était des plus défectueux. Il se trouvait dans le fossé même de la ville. Marengo en améliora les locaux. Il y avait là, mille condamnés et quatre compagnies de discipline.

Le colonel exerça une autorité toute paternelle sur ses hommes dont il s'efforça d'adoucir l'âme, et pour lesquels il institua dans la prison, des cours d'enseignement primaire.

Il employa ses hommes au défrichement d'un côteau voisin du fort, où fut créé le jardin qui porte son nom.Ce jardin Marengo (dont un mot a été dit précédemment) fit les délices des premiers habitants d'Alger. Le colonel le remit à l'autorité civile, le 22 juin 1847. La ville le reçut à son tour, le 6 juin 1848, et en assura l'entretien moyennant une dépense annuelle de 5.000 francs.

Le colonel avait voulu qu'une partie du jardin servît à améliorer l'ordinaire de ses hommes. Il y créa un jardin potager à l'entrée duquel il fit placer deux tables de bronze où on lisait :

Soulagement à l'infortune
Honte à qui l'en privera.

Les principales allées portaient jadis le nom de : Royale, de Nemours et d'Orléans. Le bosquet de la Reine, y a seul, conservé son ancien nom.

Devenu jardin d'enfants, cet attrayant bosquet a depuis quelque temps, perdu tout son pittoresque.

Marengo, avec cent condamnés, fonda les villages de Sainte-Amélie, de Saint-Ferdinand, le Marabout d'Aumale, la Consulaire ; puis créa Ies villages de Mahelma, de Fouka, et la Trappe qu'il édifia avec une compagnie du 2e bataillon d'Afrique et quelques ouvriers militaires.

De 1844 à 1846, il créa l'Orphelinat de Dély-Ibrahim et celui du Consulat de Danemark. On lui doit, à Sainte-Amélie, la conservation de la mosaïque romaine voisine de l'Eglise. Il fit défricher plus de 400 hectares pour les colons.

Marengo fut enterré à la Trappe. Son tombeau de marbre, où figurent des grenadiers et que flanquent quatre canons, a été décoré de pièces sculptées qui ne sont autre chose que les montants et la frise de la cheminée de la Mairie de Douéra (détail donné par le commandant Chaylard).

Tombeau de Marengo.
Tombeau de Marengo.
Collection B.Venis

Ce tombeau porte l'inscription suivante :

MARENGO,
Commandeur de la Légion d'Honneur
Chevalier de Saint-Louis
Maire de Douéra
V.-P. de la Chambre Consultative d'Agriculture d'Alger
Né à Casale (Piémont), le 8 janvier 1787
Décédé à Alger, le 9 décembre 1862
Fidèles à sa dernière volonté,
Sa femme et ses enfants
L'ont fait transporter au milieu
De ceux dont il a été l'ami
Et le bienfaiteur.

Suivent les noms des batailles auxquelles participa le Colonel, et des villages qu'il fonda près d'Alger.

Ajoutons que sa fille fut mariée à M. Papier, président de l'Académie d'Hippone.