les feuillets d'El-Djezaïr
Henri Klein

Palais d'été du gouverneur

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Palais d'Été de Mustapha-Pacha
- (Orphelinat Saint-Vincent-de-Paul, Mustapha Supérieur)

sur site le 8-5-2009

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Palais d'été du gouverneur

Cette magnifique résidence fut jadis la propriété de Mustapha el--Kheil ( La mère du Ministre était la dame Fatmah Turquia. Sa femme se nommait Hadja Hanifa bent Ahmed Khodja. Cette dernière habita plus tard Bouzaréah.), ministre des Haras du Dey, qui possédait en outre, la maison portant le n° 21 de la rue du Vinaigre (Salluste), qu'habitèrent des généraux français (maison habousée en 1829), et deux jardins qui furent englobés dans la Pépinière du Gouvernement (Jardin d'Essai).

Le tout fut séquestré, le propriétaire ayant émigré après les événements de 1830.

Les enfants de celui-ci étant revenus en 1839, on leur reconnut la propriété de ces biens pour lesquels "des rentes annuelles et perpétuelles" leur furent attribuées.

La valeur du Palais d'Été fut estimée 22.180 francs. Le Ministre de la Guerre, Duc de Dalmatie, spécifia au Gouverneur, dans sa lettre concernant ce palais, que l'intérêt de la somme qu'il représentait, soit 2.128 francs, serait seul payé aux héritiers.

La villa du Ministre du Dey comprenait deux corps de bâtiments. (L'un d'eux fut détruit en 1916 pour la réfection du palais).

Le plus grand (celui détruit), était pourvu ."d'une cour à carreaux hexagonaux, avec bassin à fond de briques, paré de carreaux vernis".

A u centre de celui-ci se trouvait "une colonne de marbre surmontée d'une vasque, également en marbre, avec jet d'eau".

Dans cette cour régnait : "en avant de la galerie et sur les côtés perpendiculaires à celle-ci, une treille de trois mètres de largeur, supportée par quarante-deux poteaux en bois peint".

L'état des lieux, établi en 1846, mentionne entre autres choses, dans la description du plus petit corps de bâtiment : "Un vestibule soutenu par quatre colonnes, une cour dallée de marbre, avec vingt-quatre colonnes torses en pierre, et une galerie à carreaux vernis très usés".

Le même état fait connaître que le jardin se composait d'un verger et de carrés de culture potagère.

Nous sommes loin, on le voit, du luxe du palais actuel et de la magnificence végétale qui l'entoure. Le 6 mai 1854, on annexa à ce domaine, la campagne dénommée : Djenan Hussein-Pacha, où sont aujourd'hui les membres du Cabinet militaire du Gouverneur ( Les campagnes situées en face du Palais d'Été, sur la droite de la route nationale, appartenaient aussi au Dey Hussein.)

Une partie de cette campagne servait dans les premiers temps de la conquête, de résidence au colonel des Chasseurs d'Afrique. L'autre partie était affectée au logement d'une section d'infanterie et d'une brigade de gendarmerie. Le 5 janvier 1850, cette dernière partie fut remise au clergé qui y établit une chapelle (Église Ste-Marie).

La maison de l'ancien ministre turc fut aménagée à l'européenne en 1846, et peu après, habitée par le duc d'Aumale, devenu gouverneur. Les premières transformations de l'immeuble coûtèrent, au Génie, 31.400 francs.

Nombreux furent les événements historiques dont ce Palais fut le théâtre. Ses plus grands souvenirs sont : la splendide soirée que donnèrent en ses salons et en ses jardins, au mois de mai 1865, le duc et la duchesse de Magenta, lors de la visite de l'empereur Napoléon III, et celles, non moins brillantes, qui eurent lieu dans le même cadre, en avril 1903, en l'honneur du Président Loubet; en avril 1922 et en mai 1930 pour les visites des Présidents Millerand et Doumergue.

Rappelons que les pièces artistiques du joli kiosque à colonnes de marbre qui ornait le parc du Palais, provenaient de l'ancien Lycée de la rue Bab Azoun. Elles furent transportées à Mustapha-Supérieur en 1874. Le kiosque disparut, à la transformation du palais, en 1916.

Rappelons d'autre part qu'en 1834, le Gouverneur Voirol avait comme maison de campagne, la villa Berneil, au quartier de Fontaine-Bleue. (Voir à : Banlieue - Route de Mustapha-Pacha).

Servirent plus tard, de résidences d'été, à des gouverneurs, les villas Olivier (El-Biar), Robe, Conquis et la villa dite "de Gouraya".

* *

Indications complémentaires

Les chefs de la Colonie furent :
Généraux en Chefs
De Bourmont, juillet 1830 - Clauzel, octobre 1830 - Berthezène, 1831 - Duc de Rovigo, 1831 - Voirol, 1833.

Gouverneurs généraux militaires

Général Drouet d'Erlon, 1834 - Maréchal Clauzel, 1835 - Général Damrémont, 1837 - Maréchal Valée, 1838 - Maréchal Bugeaud, 1841 - Général duc d'Aumale, 1847 - Général Cavaignac, 1848 - Général Changarnier, 1848 - Général Charon, 1849 - Général d'Hautpoul, 1850 - Maréchal Randon, 1851.

Ministres de l'Algérie :
Prince Napoléon puis Comte Chasseloup-Laubat (1858-62), avec les généraux de ,lac-Mahon, Guesvillers et de Martimprey - Maréchal Pélissier, 1862 - Maréchal de Mac-Mahon, 1864.

Gouverneurs civils
Henri Didier, 1870 (que l'investissement de Paris empêcha de rejoindre son poste) - Charles Dubouzey, 1870 - Alexis Lambert, 1871 (ces deux derniers avec le titre de commissaires civils). - Au titre civil : vice-amiral de Gueydon, 1871, et Général Chanzy, 1873. - Albert Grévy, 1879 - Tirman, 1881 - Cambon, 1891 - Lépine, 1897 - Laferrière, 1898 - Jonnart, 1901 - Révoil, 1901 - jonnart, 1903 - Lutaud, 1911 - Jonnart, 1918 - Abel, 1919 - Steeg, 1921 - Viollett e, 1925 - Bordes, 1927 - Carde, 1930. C'est, depuis février 1935, M. Le Beau.

Sous-Gouverneurs
Généraux de Martimprey, 1860 - Devaux, 1864 - de Ladmirault, 1865 - Baron Durrieu, 1866. - En 1913: Léon Perrier (secrétaire général).

Palais d'Été de Mustapha-Pacha
(Orphelinat Saint-Vincent-de-Paul, Mustapha Supérieur)

Ce Palais fut constrùit par Mustapha-Pacha, qui régna de 1798 à 1805.

Ses annexes et ses jardins s'étendaient jusqu'au Champ-de-Manoeuvre.

Mustapha-Pacha dont le nom fut donné à toute la banlieue Sud d'Alger reçu en donation, de son oncle Hassan-Pacha, d'abord la partie supérieure des terrains qui constituèrent ce domaine. "Celui-ci, dit un acte ancien, était situé quartier Tedjararat".

Mustapha reçut ensuite la partie inférieure, limitée par la Fontaine Hassan-Pacha, voisine du Champ-de-Manoeuvre; puis en 1802, l'espace occupé plus tard par le Camp des Chasseurs. Cette dernière partie, que limitait au couchant, le Behira (Le petit verger ) était connue jadis sous le nom de Rekka-ben-Fahria. Elle dépendait du représentant de l'administration de la Mecque, à qui Mustapha donna en échange un magasin situé au-dessus de la Caserne Dar-el-Ienkcheria-el-Kédima (rue Médée). Rekka-ben-Fahria qui se composait de deux parties : Rekkat-el-Sedjour et Rekkat-el-Toupenat, fut vendu en 1805, à Hadj Hamdan ben Osman Khodja, neveu de l'Amin Sekka : Hadj Mohammed.

Mustapha agrandit ce domaine par l'acquisition de plusieurs campagnes, au nombre desquelles se trouvait celle d'Aïn-Zerka (Fontaine Bleue), propriété d'un ancien agha des spahis ( Mutapha-Pacha, on l'a déjà vu, possédait aussi l'immeuble de notre actuelle Bibliothèque de la rue de l'État-Major, l'Hôtel de l'Intendance, la maison où réside le Général du Génie, rue des Lotophages.).

Les travaux que fit exécuter le prince pour l'adduction des eaux nécessaires à l'entretien de ses jardins, et les indemnités que celui-ci dut servir à l'État et à certains particuliers pour les canalisations qu'il emprunta à cette occasion, l'entraînèrent à une dépense de 1.000 dinars mahboub d'or (39.060 francs). Le Beylick reçut pour sa part 6.000 dinars (4Le Dey Mustapha avait le goût des grandes constructions. Il dota Alger de plusieurs monuments importants, il fit construire des casernes, des batteries, et fit agrandir le Fort Bab-Azoun, le Fort Neuf, le Fort-de-l'Eau et la Casbah.).

A la suite d'une révolution, le Dey périt assassiné. Ses biens furent alors confisqués par son successeur, Ahmed-Pacha, au profit de l'État. Ceux, constitués en habbous ( Une partie de ces biens avait été constituée en habbous, au profit de corporations religieuses, l'autre partie, au profit des enfants du Pacha et aussi de la deuxième femme de celui-ci : Aicha bent Abdallah.), devaient être rendus aux héritiers à leur majorité.

C'est ainsi que le Palais de Mustapha-Supérieur et celui de la rue de l'État Major (la bibliothèque actuelle) furent remis au fils aîné ( Ibrahim, décédé en 1846, à l'âge de 50 ans.) de Mustapha, lorsqu'il se maria.

Il fut procédé de même, pour les parts revenant aux autres enfants, à l'émancipation de ceux-ci.

Toutefois, le Palais devenu Hôtel de l'Intendance, ne fut jamais restitué, non plus que les jardins de Mustapha-Inférieur, bien qu'une partie des produits de ceux- ci fût régulièrement apportée, par ordre du Dey, aux héritiers dont on reconnaissait ainsi le droit de propriété.

Après les événements de 1830, le Gouvernement français, se substituant au Beylick, prit possession de ces biens, desquels les héritiers, en 1834, réclamèrent la restitution. Un long procès fut engagé à ce sujet.

Quant au Palais de Mustapha-Supérieur, qu'avait habité avant 1830 notre consul, M. Deval, il fut loué, par bail emphytéotique (pour une durée de 60 années), par Ibrahim ben Mustapha-Pacha, à MM. Joly et Cadet de Vaux, ce dernier commissaire du Roi près la Municipalité d'Alger.

Le loyer annuel fut fixé à 1.000 boudjous (1.800 francs). Une somme de dix mille francs fut en outre comptée au prince. M. Cadet de Vaux décéda bientôt. Sa veuve et M. Joly louèrent, le 1er juin 1832, le domaine à l'État qui le réclamait pour ses troupes. Celui-ci, en 1833, prit à son compte le bail consenti par Ben-Mustapha Pacha. Dix mille francs furent alors remis à titre d'indemnité aux anciens locataires.

Peu après le droit de possession de cet immeuble fut contesté au Sid Ibrahim ben Mustapha-Pacha. On prétendit que la famille de l'ancien Dey n'était nullement propriétaire de ce domaine devenu, affirmait-on, "bien du Beylick", après la mort de Mustapha.

On déclara que si cette famille avait habité ce palais dans la suite, elle n'avait pu le faire que grâce à la bienveillance du Dey Omar, lequel ne lui aurait délivré à ce sujet, qu'une "simple autorisation de résider".

C'est pourquoi en 1835 le Génie cessa de payer les échéances du loyer à la famille de Mustapha.

Ibrahim alors, attaqua le Génie en justice, affirmant en même temps, son droit de propriété auprès du Gouvernement.

Un long débat s'engagea sur ce point, mais l'affaire ne put s'éclaircir. Aussi, en 1837, sur l'avis du Directeur des Finances, paya-t-on à Ibrahim, l'arriéré des loyers. On reconnut en outre valable, le bail établi, mais on informa en même temps l'héritier de l'ancien Dey "que l'État réservait ses droits et qu'on allait s'occuper de prouver l'authenticité de la confiscation" (Charon).

L'Administration renonça bientôt aux recherches entreprises à ce sujet.

Les troupes ( Le 7è . régiment d'Infanterie légère, dont le loyer annuel fut de 1.800 francs. En 1830, fut à Mustapha-Pacha un hôpital militaire. (Voir à : Installation des troupes).) habitèrent jusqu'en octobre 1848 le Palais de Mustapha-Pacha ( La. pdrde du domaine qui faisait face e la campagne Yousouf (Yusuf), fut occupée par une brigade de Gendarmerie et par le Train des Équipages.).

Quelque temps avant le départ des soldats, ce domaine fut demandé pour des orphelins que l'Evêque Pavy avait installés dans l'ancien consulat de Danemark, au Télemly, où ces derniers ne pouvaient plus demeurer, l'Evêque se trouvant dans l'impossibilité de payer le loyer de leur asile.

La requête du clergé fut accueillie favorablement et, le 5 novembre de la même année, les orphelins étaient installés dans l'immeuble devenu vacant, sous la surveillance des Soeurs de Saint-Vincent de Paul ( Le Génie conserva toutefois, une partie de la propriété dont le loyer avait été porté en 1847, à 1.860 francs. L'autorité militaire prit un tiers de la location, soit : 620 francs. L'autorité civile eut à payer 1.240 francs.).

L'ancien Palais de Mustapha-Pacha est encore affecté à la même oeuvre de bienfaisance (La coquille de marbre qui servait de bénitier, en l'ancienne église de Mustapha, provient du Palais de Mustapha-Pacha. Elle fut donnée à ce temple le 25 janvier 1841.). Les magnifiques jardins faisant partie de ce domaine furent de bonne heure cédés à des particuliers. La superbe orangerie qui s'y trouvait fut, en 1845, concédée à un sieur Bazire. Un vaste terrain situé à l'Est du Palais fut, au même moment, loué à un sieur Ortigoza "pour essai de culture de cactus à cochenille".

En avril 1863, le département d'Alger acheta, pour 200.000 francs, la campagne du Dey Mustapha - Pacha et le palais de la rue de l'État-Major, devenu depuis Bibliothèque Nationale.

Le tombeau de Mustapha-Pacha se trouve, comme il a été dit, sous la coupole du Marabout Sidi Abd-er-Rahman.

Bien que regrettablement transformée par l'occupation militaire, cette villa s'offre encore en certaines parties, fort intéressante.

En une première cour, c'est un décor de colonnes torses en marbre, de carreaux bleus anciens, fleuris du traditionnel oeillet, auxquels s'associent de jolies pièces émaillées d'Urbino. En une autre - cour d'entrée autrefois - de superbes tilleuls, un beau porche à trois étages et deux galeries superposées dont les colonnes, à l'étage supérieur, furent malheureusement emprisonnées en des cloisons. Une troisième cour, cette dernière très vaste, a gardé l'édifice où, en arrière d'une triple rangée d'arceaux et sous un dôme orné du sceau de Salomon, le Dey donnait ses audiences. (On en fit un dortoir pour enfants). Et c'est ailleurs, dans le corps principal de la villa, un vestibule de jadis, jalonné de colonnettes jumelées, devenu oratoire. C'est aussi la grande chapelle de l'établissement à l'entrée de laquelle s'offre un bénitier formé d'une stèle funéraire en marbre que surmonte un turban creusé recélant l'eau sainte. (Ce turban, rappelons-le, indique que la stèle était dédiée soit à un savant, soit à un personnage princier).

Sur le cippe apparaît une inscription proclamant : "Il n'y a de Dieu que Dieu et Mohammed est son prophète". Ce bénitier appartenait autrefois à la chapelle de l'Evêché.