Les Cimetières
juifs
Les Juifs d'Alger avaient, avant 1830, trois
nécropoles, toutes situées au-delà des portes de
Bab-el-Oued. On retrouvait naguère encore, des pierres tombales
avec inscriptions, en certaines rues des quartiers Bab-el-Oued. Des inscriptions
provenant de ces cimetières figurent aussi sur les murs du Peñon.
Ces cimetières étaient : le cimetière Ribach,
au delà de la porte Bab-el-Oued;
le
cimetière Midrasch, au Sud
de celui-ci et près des collines;
le
cimetière Bacri, voisin du
précédent.
Cimetière Ribach
Le nom de ce cimetière a été
formé avec les initiales de chacun des noms d'un saint personnage
Juif, enterré là, en 1409. Ce personnage se nommait : Rabbi
Isaac Bar Chechet. On l'appela communément, dans la
suite, Barchichat.
A son époque, les Juifs, persécutés en Espagne, émigrèrent
aux pays barbaresques, s'ajoutant ainsi à la colonie hébraïque
qui existait déjà dans ces contrées, depuis des siècles.
Il y eut dès lors, ici, deux communautés israélites,
l'une espagnole, l'autre indigène ( II
existe en ce pays six familles reconnues d'origine espagnole. Ce sont
celles portant les noms de : Stora, Duran, Seror, Benhaïm, Oualid
et Ayache. Les Aboulker sont portugais, de même les Bensaïd,
les Enriqués.).
Le terrain de ce cimetière avait été concédé
aux Juifs, vers l'année 1287, par le roi de Tlemcen, de qui dépendait
Alger. Il est indiqué dans l'acte de concession que ce terrain
"est voisin de l'oued Kerich", ou oued
M'Khacel.
En 1844, par un arrêté du Gouverneur en date du 11 mars,
le cimetière fut exproprié pour la création des nouveaux
remparts.
14.830 mètres carrés furent pris ainsi, que l'État
paya au prix de 7.415 francs de rente annuelle.
Deux tombes toutefois, furent laissées en place, celles des deux
chefs de la communauté : Isaac Berfet
et Simon Duran qui demeurèrent
en la zone des remparts.
En 1862, on éleva à Barchichat, un édicule mauresque
que l'on voyait, il y a quelques années encore, à la sortie
des anciennes portes, dominant la route de Saint-
Eugène.
En 1866, la communauté juive fit placer en l'honneur de Simon Duran,
sur le mur d'enceinte, près du rivage, une plaque commémorative
en marbre. L'inscription donnait en arabe, en hébreu, en français,
le nom du défunt et la date sa mort : 1442.
Tant que ce mur fut intact, de multiples badigeonnages blancs furent appliqués
autour de cette plaque. Cet endroit était, pour nombre de femmes
juives, arabes et espagnoles, un lieu de pèlerinage.
En 1896, les restes des deux chefs religieux furent transportés
au cimetière israélite de Saint-Eugène.
Cimetière du
Midrasch
Le terrain de ce cimetière possédé
par la Grande Mosquée, fut acquis par la communauté israélite
en 1461, en échange d'un immeuble situé au bas de la rue
Socgemmah, qu'on dénommait Dar el far (maison de la souris).
En 1832, l'Administration française loua ce cimetière à
un sieur Marin. A la suite d'une réclamation de la communauté,
le cimetière fut rétrocédé à celle-ci.
En 1844, les habitants du faubourg Bab-el-Oued, voisins de ce cimetière,
protestèrent contre les inhumations qu'on continuait à faire
en ce lieu. Défense fut faite alors d'y procéder, défense
signifiée au chef de la nation juive, le 1er janvier 1845. Néanmoins,
malgré cette interdiction, on continua encore à inhumer
en cet endroit.
Bientôt, cependant, ce cimetière et une autre petite nécropole
voisine, furent partagés par l'Administration entre les sieurs
Marin et Couput. Des fermiers furent alors installés là,
qui y firent paître leurs troupeaux. Le Génie, quelque temps
après, traça en ces champs une route sur le passage de laquelle
disparurent de nombreuses tombes.
En 1867, une partie de ce cimetière fut sauvée. Le Consistoire,
en effet, acquit un lot où étaient enterrés plusieurs
rabbins. Cette parcelle fut entourée de murs et complantée
d'arbres. Elle est aujourd'hui, longée par les rues Suffren et
Montaigne.
En 1849, la place étant devenue insuffisante aux Israélites
pour leurs inhumations, un autre terrain leur fut donné sur le
territoire de la commune de Saint-Eugène (3 hectares 50 ares).
Cimetière Bacri
Le terrain de ce cimetière qui appartenait
à des Arabes, fut acquis en 1794 par Ben Zakheut (Bacri) (Ce
fut très tôt que les Juifs parurent en Afrique. Leur venue
résulta, on le sait de persécutions. Ils y vinrent, chassés
d'abord par les Romains et encore, par les Perses, les Sarrasins et les
Chrétiens. Ils y émigrèrent, chassés d'Italie
en 1342; des Pays-Bas en 1350; de France en 1403; d'Angleterre en 1422;
d'Espagne en 1462; et à d'autres époques.) et
par un autre israélite, en échange d'une campagne située
au "Fahs-Khandok-el-Khamik, hors de la Porte Neuve".
Ce champ sur les actes officiels, porte le nom de Beyrat-el-Annaba
(le jardin du Jujubier) et est désigné comme voisin de l'oued
El-Skaïm.
Il était aussi dénommé : Behrat-el-Aroudj (jardin
d'Aroudj) et Aïoun-Skhakna (les eaux chaudes).
Après la conquête, ce cimetière fut vendu à
un particulier. Un héritier de Bacri le réclama et réussit
à se le faire attribuer. Sous sa garde, le champ funéraire
demeura inviolé. Plus tard, un maraîcher en fit l'acquisition
et y fit construire une maison.Extrait de l'ouvrage du Rabbin Bloch
L'évocation qui vient d'être faite des noms de Bacri (altération
de Beker) et de Ben Zakheut (l'homme de haute taille) - comme on l'a vu
précédemment - donne lieu à une constatation sur
le caractère arabe de certains noms israélites, lesquels
sont assez nombreux.
Citons : Khalfoun, diminutif de Calife; Cherki, l'Oriental (Cherghi);
Gharbi, l'Occidental; Boumendil, l'homme au foulard; Tordjman, l'interprète;
El Baz, le faucon; Alban, le cassis; Zitoun, l'olivier; Ayoun, les fontaines;
Ayache, conservé à la vie, surnom donné chez les
musulmans, à un enfant dernier-né, demeuré seul survivant
(un anneau d'or à l'oreille le distingue ordinairement); Makhlouf,
gentil (nom propre maltais sous la forme, Mikalef); Bouchara, l'homme
à la mèche de cheveu; Guenoun, le lapin.
Disons maintenant que d'autres noms rappellent une origine, tels : Narboni,
Valensi, Tolédano, Veniziano, Morali (de Moral, nom de plusieurs
localités d'Espagne), Azoubib (nom hébreu de la ville d'Orange).
S'indiquent encore : Dreyfus, qui signifie originaire de Trèves;
Serfaty, Français; Aschkenadzi, Allemand. (Pour cette dernière
catégorie, voir Massoutie) ( Ce
fut très tôt que les Juifs parurent en Afrique. Leur venue
résulta, on le sait de persécutions. Ils y vinrent, chassés
d'abord par les Romains et encore, par les Perses, les Sarrasins et les
Chrétiens. Ils y émigrèrent, chassés d'Italie
en 1342; des Pays-Bas en 1350; de France en 1403; d'Angleterre en 1422;
d'Espagne en 1462; et à d'autres époques.).
Cimetière des Consuls
Cimetière des Esclaves
Au delà de l'esplanade Bab-el-Oued,
près de la mer, en un lieu que recouvrit plus tard le nouveau rempart,
se trouvait le cimetière des Consuls. On y transporta en 1830,
les restes d'Amédée de Bourmont, sur la tombe duquel fut
déposée la Croix de Saint-Louis, que venait de lui décerner
le roi (14 juillet 1830). Une colonne de marbre signala sa sépulture.
M. de Trélan, aide de camp du général de Bourmont,
tué au retour de l'expédition de Blidah, fut aussi inhumé
là, en 1830.
On y enterra également l'interprète Bracewitz, qui mourut
vingt jours après la prise d'Alger, des suites de l'émotion
qu'il ressentit lors de sa périlleuse mission auprès du
Dey, et aussi - dit-on - de chagrin, de voir si peu récompensés
ses hauts services.
Ce cimetière disparut en 1850,, sous les terre-pleins de la nouvelle
enceinte. En ce lieu furent également inhumés : le Général
Blanquefort, l'Intendant Militaire baron Bondurand, le Colonel du Génie
Lemercier, le Commandant du Génie Chambaud, le Capitaine d'Etat-Major
de Rospiée, le Lieutenant de Gendarmerie de Villiers, le Lieutenant
de Compagnie de Discipline Gandine. Les corps furent en 1845, transférés
au cimetière de Saint-Eugène, en un lieu qui fut dénommé
Carré des Consuls, les restes de plusieurs agents diplomatiques
ayant été transportés là.
En cet endroit se trouvait aussi le cimetière
des Esclaves.
Les Pères F. Comelin, de la Motte et J. Bernard nous renseignent
à ce sujet dans leur ouvrage intitulé : Voyage pour la Rédemption
des Captifs (1720). Ils rapportent en effet, que c'est à un capucin,
confesseur de Don Juan d'Autriche, qu'est due la pieuse fondation d'un
cimetière chrétien à Alger. Ce capucin était
au nombre des captifs de cette ville. L'archiduc envoya au pacha un trésor
pour sa rançon, mais le moine préféra faire servir
cet argent à l'achat d'un terrain qu'il destina à être
le champ de repos des chrétiens en esclavage. Le confesseur de
l'archiduc, qui ne recouvra jamais sa liberté, y fut enterré.
Le pacha avait défendu tout d'abord, que ce cimetière fût
entouré d'un mur de clôture. Un consul intervint et, sur
l'engagement pris par tous les agents diplomatiques d'Alger, de verser
ensemble au Trésor, la somme de mille francs, la construction du
mur fut autorisée.
Ce cimetière avait soixante-quatre mètres de longueur sur
trente-cinq de large.
On retira de là, lors des exhumations de 1845, des chaînes
de fer et divers autres objets. On y retrouva également une fosse
commune avec 1.300 squelettes que reçut le cimetière de
Saint-Eugène créé en 1836.
Ce cimetière avait été précédé
de celui du Choléra, ouvert chemin du Frais-
Vallon, lors de la grande épidémie de 1832, et
qui était devenu insuffisant. Un autre fut plus tard, route du
Ruisseau (supprimé en 1869), que remplaça dès
1861, la nécropole de Mustapha
(boulevard Bru), à laquelle en 1871, fut adjoint un Carré
Anglais.
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