L'expérience de la guerre
en abandonnant l'Algérie à ses propres ressources a montré
avec un relief saisissant le besoin de réforme de structure de
ce pays. Son industrialisation prudente et modérée est indispensable
pour deux raisons essentielles, l'une démographique, l'autre économique.
L'accroissement particulièrement rapide de la population risque
un jour de dépasser celui des moyens de subsistance et seule une
industrie, sinon puissante, du moins multiple pourra utiliser des milliers
de bras inoccupés, mobiliser une force de travail immense en puissance
et en inclure la valeur dans des produits échangeables, c'est-à-dire
finalement porter les subsistances au niveau des besoins. Seul un peuple
actif et tout entier voué au labeur agricole et industriel peut
devenir un acheteur intéressant.
Nombreux sont les pays qui nous ont donné l'exemple du passage
de l'économie agricole à l'économie complexe que
l'Algérie s'apprête à franchir d'une manière
mesurée avec des prolongements et des enchevêtrements de
ces systèmes.
Four des verreries de la Senia
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La guerre a démontré que l'Algérie
privée du bénéfice de ses exportations et livrée
à ses propres ressources est un pays pauvre, elle a cependant depuis
194o mis en uvre toute son ingéniosité pour parer
à sa disette.
La loi de substitution a joué : la fabrication du sucre de raisin
a été tentée non sans succès, l'extension
de culture de plantes oléagineuses a été poursuivie,
la sparterie grâce à l'abondance de la matière première
qu'elle utilise et à la dextérité ancestrale de la
main-d'uvre indigène dans ce domaine a accru sensiblement
sa production, 'la fabrication de conserves alimentaires a été
tentée souvent avec des moyens de fortune, la distillation de l'alcool
a été poussée, l'artisanat s'est développé,
une verrerie a été fondée à La Sénia,
et l'industrie du tissage a pris son essor notamment à Tlemcen
à partir des modestes ateliers de cette vieille cité industrieuse.
Si modestes que soient les résultats obtenus au cours d'une période
difficile ils sont un encouragement au dessein d'équiper industriellement
l'Algérie dans la mesure permise par les conditions et les aptitudes
naturelles.
L'administration algérienne sous l'impulsion de M. Yves Chataigneau,
Gouverneur général, a dressé un plan quinquennal
d'industrialisation dont une première série de projets sont
relatifs aux industries dérivant de l'agriculture ; création
d'une " chaîne du froid " qui drainera les fruits et les
viandes de l'intérieur vers la côte et les ports d'embarquement;
création d'usines à sucre dans les régions d'Affreville
et de Relizane,
d'industries de la conserve, de la pulperie, de jus de fruits, d'huileries,
de savonneries, d'usines de traitement du liège, du bois, de l'alfa,
du cuir et des textiles.
L'effort de l'Algérie dans le domaine des industries chimiques
portera particulièrement sur les industries de production à
destination agricole : accroissement de la production des usines existantes
d'acide sulfurique et superphosphates, engrais composés, acide
chlorhydrique et sulfate de cuivre, création d'une industrie de
l'anhydride sulfureux, des insecticides agricoles, de l'acide tartrique
et citrique, du sulfure de carbone, de trichlorethylène, traitement
des os (suif, colle, engrais, gélatine) fabrication d'extraits
tannants.
L'industrie lourde sera représentée par la fabrication de
soude, de carbonate de soude, de chlore, de produits chlorés, d'une
quantité de carbure de calcium limitée aux besoins essentiels
des temps de crise, la dépense d'énergie électrique
nécessaire à cette fabrication étant très
élevée.
La création, déjà étudiée en 1941,
d'une industrie de grosse métallurgie est de nouveau projetée
en vue de la production de la fonte et de l'acier à Bône,
c'est-à-dire à proximité des mines
de fer de l'Ouenza. Parallèlement, la distillation des
goudrons provenant de la fabrication du coke métallurgique permettra
une industrie de l'ammoniaque et du sulfate d'ammonium.
Des industries diverses projetées entrent dans une phase active
de réalisation. Sont dans ce cas : les verreries d'Afrique du Nord
(La Sénia) susceptibles de fabriquer 30 tonnes de verres creux
par jour, les faïenceries de la région de Berrouaghia.
Ces deux établissements doivent fonctionner incessamment.
D'une manière générale le plan quinquennal d'industrialisation
prévu coordonne les divers projets suggérés depuis
un certain temps par des industriels ou des groupements industriels métropolitains
ou algériens et suppose le libre exercice des initiatives privées.
Là où l'initiative privée ne suffira pas, le Gouvernement
général de l'Algérie y suppléera. Les conditions
les plus favorables sont offertes aux initiatives privées par des
allégements fiscaux, l'octroi de crédits, l'assouplissement
très sensible du formalisme administratif.
Conditionné par une électrification suffisante, par une
formation professionnelle adaptée aux besoins du pays, l'industrialisation
de l'Algérie qui s'annonce sous les meilleurs auspices pourra peut-être
bénéficier dans un avenir plus ou moins éloigné
de la captation de l'énergie solaire et calorifique si généreusement
dispensée par le ciel saharien.
En attendant les progrès de la science permettant de telles éventualités,
qui restent pour le moment dans le domaine de l'imagination et le secret
des laboratoires, l'Algérie travaille, s'équipe, et crée
avec les moyens mécaniques et humains actuels, des industries capables
d'améliorer la vie économique et sociale de ses populations.
( pas de nom d'auteur)
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