----------Les
problèmes de l'enseignement et de la formation professionnelle
agricoles en Algérie découlèrent de la nécessité
d'amener à une agriculture compétitive une masse rurale
composée de 1 650 000 agriculteurs et salariés, dont la
grande majorité ne possédait, en fait de qualification,
que des traditions ancestrales. (Les chiffres donnés dans ce paragraphe
datent de 1950.)
----------Cette
population agricole se partage approximativement
en 50.000 exploitants (dont 60
% de musulmans) utilisant des techniques évoluées assurant
la rentabilité de l'exploitation;
600.000 agriculteurs ou pasteurs
musulmans aux revenus des plus modestes, compte tenu des ambitions d'exploitation
et des procédés utilisés;
1.000.000 d'ouvriers agricoles
permanents ou saisonniers ainsi que d'aides familiaux.
----------L'évolution de la quasi totalité
de cette masse rurale vers une agriculture rentable répondait à
un double objectif
améliorer les conditions
d'existence de ces populations;
accroître la production,
non seulement pour satisfaire la consommation intérieure toujours
en augmentation par suite de l'évolution démographique du
pays, mais aussi augmenter les exportations, condition indispensable pour
équilibrer la balance commerciale extérieure régulièrement
déficitaire.
----------La
réalisation de ces objectifs était subordonnée à
la formation de cadres de différents niveaux, tant administratifs
que privés. Cette formation fut assurée par
l'Institut agricole d'Algérie,
devenu ensuite École nationale d'agriculture d'Alger en 1946;
les écoles régionales
d'agriculture;
les écoles pratiques d'agriculture;
les cours postscolaires et cours
complémentaires agricoles organisés par l'Éducation
nationale;
l'Institut ménager agricole
d'El-Biar;
les centres de formation professionnelle
agricole.
ENSEIGNEMENT AGRICOLE SUPÉRIEUR
----------Cet
enseignement, ouvert aux jeunes filles, a été dispensé
par l'Institut agricole d'Algérie (I.A.A.),
situé à Maison-Carrée, banlieue d'Alger, disposant
d'une exploitation annexe importante.
----------L'École
d'agriculture algérienne
créée en 1905 devenait, en 1920, l'Institut agricole d'Algérie
puis rejoignait en 1946 (loi du 22 mai 1946) ses glorieuses aînées
(Grignon, Montpellier, Rennes) au rang des écoles nationales d'agriculture
pour prendre en 1961 l'appellation d'École supérieure d'agronomie
d'Alger.
----------De
cette pépinière sont issus, en effet, la plupart des ingénieurs
des services agricoles, des travaux agricoles, qui ont constitué
l'ossature des différents services de la direction de l'Agriculture
et des Forêts, des adjoints techniques des sociétés
agricoles de prévoyance, véritables conseillers agricoles
auprès de ces organismes, dont l'action efficace dans l'amélioration
des conditions d'exploitation en milieu autochtone est à souligner,
et également des cadres des secteurs publics et privés de
l'agriculture algérienne, Office algérien d'action économique
et touristique (O.F.A.L.A.C.), coopératives, crédit agricole,
fabrication et commercialisation des engrais, des produits phytosanitaires,
pépinières, etc., ainsi que de nombreux exploitants conservant
avec l'I.A.A. des liens étroits et participant, sur leurs exploitations,
aux travaux de recherche et d'expérimentation entrepris par leur
école.
----------Une
remarque importante, le nombre très faible des musulmans ayant
choisi, après le baccalauréat, d'entreprendre des études
supérieures agricoles. L'attrait qu'exerçaient sur eux les
études en facultés de médecine, de pharmacie ou de
droit est un fait certain. http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis. Mais
il semble bien que l'obligation de suivre une préparation d'un
an au concours à l'I.A.A. et les aléas de ce concours les
aient également rebutés, alors que leur inscription en facultés
ne présentait aucun obstacle.
----------Aussi,
afin de rendre plus attractives les études supérieures agricoles,
fut créée en 1957, au sein de l'École nationale d'agriculture
d'Alger la Section d'agriculture africaine, aux conditions d'admission
moins difficiles, sur titres pour les bacheliers, sur concours de même
niveau pour les autres. Ce fut une réussite, puisque l'effectif
de la section s'élevait en 1960 à 93 élèves.
----------Le
but recherché était la formation des cadres des services
de l'agriculture et des services annexes :
ingénieurs des travaux
des Eaux et Forêts et ingénieurs des travaux de défense
et de restauration des sols;
ingénieurs des travaux
ruraux, de l'hydraulique et de l'équipement rural;
directeurs des organismes de
mutualité, de coopération et de crédit des sociétés
agricoles de prévoyance ;
assistants vétérinaires.
----------Malheureusement
l'action de l'Administration dans la formation d'une élite algérienne
au service de l'agriculture a pratiquement cessé le le, juillet
1962, en raison de l'insuffisance du personnel enseignant resté
sur place après l'indépendance.
ENSEIGNEMENT AGRICOLE DU SECOND
DEGRÉ
----------Il eut
pour objectif la formation des cadres moyens de l'agriculture.
----------Deux
types d'établissements le dispensaient :
les écoles régionales d'agriculture et les
écoles pratiques d'agriculture, homologues des unités
d'enseignement de même nature existant en métropole et ouvertes
aux élèves des deux communautés.
----------Les
écoles régionales de Philippeville, fondée en 1900
et de Sidi-Bel-Abbès, créée en 1930, recrutaient
parmi les titulaires du B.E.P.C. La scolarité s'étendait
sur trois ans. Des programmes d'enseignement général comparables
à ceux des seconde et première modernes et de sciences expérimentales
des lycées de l'Éducation nationale préparaient au
diplôme d'études agricoles du second degré, permettant
l'accès au concours d'ingénieurs des travaux agricoles.
----------Nombreux
furent les fonctionnaires de ce cadre et les adjoints techniques des sociétés
agricoles de prévoyance, formés par les écoles régionales,
qui, par leur aptitude à l'emploi et la compétence dont
ils firent preuve, honorèrent la valeur de l'enseignement dispensé
par ces deux établissements.
ÉCOLES PRATIQUES
D'AGRICULTURE
----------Leur objectif
était de donner une formation pratique solide, approfondie, spécifique
des spéculations agricoles dominantes de leur région.
----------Ainsi
celle de Guelma (1922) était plus particulièrement orientée
vers l'élevage bovin et les productions céréalières,
celle d'Aïn-Témouchent (1929) sur la viticulture et l'arboriculture
fruitière, agrumes notamment, celle de Mechtras vers l'oléiculture,
l'arboriculture fruitière, l'apiculture et la sériciculture,
celle du Jardin d'essai d'Alger (1918) vers l'horticulture,
celle de Tizi-Ouzou
(1957) vers la céréaliculture et l'arboriculture, celle
de Constantine (1960), vers la céréaliculture et l'élevage
ovin.
----------Un
programme de construction de nouveaux établissements aurait dû
accroître sensiblement l'effectif scolarisé bénéficiant
de la formation dispensée par les écoles pratiques d'agriculture
et permettre la scolarisation, à partir de 1963, de 1200 à
1 300 élèves.
----------Ainsi
l'École d'agriculture de Tlemcen, terminée en juillet 1962,
aurait dû ouvrir ses portes le 1 er octobre suivant.
----------D'autre
part, les acquisitions de terrain, y compris celui des exploitations annexées
et les projets définitifs de construction des écoles de
Sétif et d'Orléansville avaient été réalisés
à la même époque.
----------Il
a appartenu à la nouvelle administration algérienne de poursuivre
ou non la réalisation de ces projets.
----------Dans
l'organisation de l'enseignement agricole en Algérie, les écoles
pratiques d'agriculture jouèrent un rôle des plus utiles.
http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis. Elles assurèrent non seulement
la formation des cadres d'exécution de l'Administration et du secteur
privé, mais également celle de nombreux fils d'agriculteurs,
Européens et musulmans, qui surent mettre à profit, sur
l'exploitation familiale, l'enseignement acquis.
----------Il
ne paraît pas non plus inutile de souligner que les meilleurs élèves
de ces établissements, après contrôle de leurs connaissances
en enseignement général, pouvaient, s'ils désiraient
poursuivre leurs études, être admis en école régionale.
----------À
titre anecdotique, signalons la formule originale retenue pour doter l'École
d'agriculture de Constantine de deux promotions, lors de son ouverture
le 1 er octobre 1960. II fallait, pour cela, que les élèves
entrant en 2e année aient déjà suivi les cours de
1ère année dans un autre établissement. La charge
élevée des effectifs dans les cinq écoles d'agriculture
d'Algérie ne permettait pas de les y incorporer. Aussi, à
la demande de la direction de l'Agriculture et des Forêts du ministère
de l'Algérie, la direction de l'Enseignement du ministère
de l'Agriculture accepta de réserver pour ces élèves,
tous musulmans, au titre de l'année scolaire 1959-1960, deux places
dans vingt écoles d'agricultures métropolitaines.
----------Équipés
du trousseau réglementaire, ils rejoignirent leurs établissements
respectifs, accompagnés par un fonctionnaire du Service de l'enseignement,
de la formation professionnelle et de la recherche agricoles.
----------Dans
l'ensemble ce fut une réussite.
PARTICIPATION DE L'ÉDUCATION
NATIONALE à L'ENSEIGNEMENT AGRICOLE
----------C'est
au niveau de l'enseignement agricole du 1 er degré que son action
s'est essentiellement exercée et à deux niveaux : les cours
postscolaires agricoles et les cours complémentaires d'enseignement
agricole.
Cours postscolaires agricoles
----------Au
nombre de onze en 1960, ils constituèrent des classes de scolarité
prolongée à orientation agricole, annexées aux écoles
primaires rurales de moyenne importance, lorsque l'insuffisance de l'effectif
scolarisé ne justifiait pas la création d'un cours complémentaire
d'enseignement agricole.
----------S'adressant
à des élèves titulaires ou non du Certificat d'études
primaires et dont l'activité familiale s'exerçait en agriculture,
les cours postscolaires agricoles ont constitué incontestablement
un facteur de progrès dans le paysannat musulman.
|
------
|
Cours complémentaires
d'enseignement agricole
----------Au
nombre de vingt-sept et scolarisant environ un millier d'élèves
des deux communautés, ils étaient implantés dans
des centres ruraux à potentiel agricole développé
et se trouvaient annexés soit à des écoles primaires
importantes, plus de dix classes, soit à des établissements
d'enseignement technique. http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis. Recrutant
au niveau du Certificat d'études primaires, avec une scolarité
étalée sur trois ans, ils partageaient leur enseignement
entre un complément de culture générale suivant approximativement
les programmes de 5e, 4e et3e des cours complémentaires et une
formation agricole pratique, adaptée aux spéculations régionales,
complétée par un apprentissage en atelier.
----------Les
débouchés étaient variés : poursuite des études
dans les écoles d'agriculture, emplois de moniteur agricole dans
les sociétés agricoles de prévoyance, la Caisse d'accession
à la propriété et à l'exploitation rurale,
la défense et la restauration des sols, emplois également
dans le secteur privé et, plus simplement, participation aux travaux
de l'exploitation familiale en la faisant profiter des connaissances acquises.
L'ENSEIGNEMENT AGRICOLE
FÉMININ
----------Il a été
incontestablement le parent pauvre de l'enseignement agricole en Algérie,
même si l'on considère le niveau élevé de l'unique
établissement qui lui était consacré, l'Institut
ménager agricole d'El-Biar.
----------A
l'origine École ménagère agricole, créée
en 1918 au Jardin d'essai d'Alger aux fins d'assurer la formation ménagère
et fermière aussi bien des élèves normaliennes que
des jeunes filles du milieu rural, sa transformation en Institut ménager
agricole élargit sensiblement son champ d'action, en ajoutant à
la section familiale initiale deux nouvelles sections.
La section supérieure, recrutant au niveau du B.E.P.C. avec
un enseignement étalé sur deux ans, plus approfondi que
celui de la section familiale et la section spéciale
de préparation au monitorat d'État, recrutant au
niveau du baccalauréat avec un enseignement étalé
sur trois ans.
Institut
ménager agricole d'EL-Biar
Incubation artificielle
|
---------L'évolution
de la situation n'a pas permis à ces deux sections de répondre
entièrement aux besoins de formation en personnel, monitrices par
la section supérieure, professeurs adjoints par la section spéciale,
ces cadres étant destinés aux écoles ménagères
départementales, dont la construction était programmée
à Constantine, Bône, Bougie, Orléansville, Mostaganem,
Tlemcen. http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis. En revanche, la section
familiale et, dans une certaine mesure, la section supérieure,
ont parfaitement répondu à leur vocation de promotion culturelle
et sociale de la femme dans son foyer.
--------L'ambition
du projet, déjà arrêté, d'extension de l'enseignement
agricole féminin dans six nouveaux établissements décentralisés,
facilitant ainsi leur accès aux jeunes musulmanes, était
d'étendre davantage cette promotion de la femme en milieu traditionnel,
son influence au foyer étant très importante et sa propre
évolution conditionnant celle de la cellule
familiale.
---------L'expérience
aurait mérité d'être tentée. (Au cours de l'année
scolaire 1960-1961, la fréquentation des établissements
d'enseignement agricole de la direction de l'Agriculture et de l'Éducation
nationale, tous niveaux confrontés, était estimée
à 2600 élèves, dont 1 800 musulmans.)
FORMATION PROFESSIONNELLE
DES ADULTES
---------L'effort
déployé dans ce secteur a été considérable,
à partir du moment où la loi du 28 décembre 1959
sur la promotion sociale en Algérie et la création de la
Caisse d'équipement ont mis à la disposition des services
intéressés les moyens financiers indispensables à
la réalisation d'un vaste programme d'implantation des centres
de formation professionnelle agricole (C.F.P.A.) au sein même ou
à proximité immédiate des populations visées
par cette formation.
---------Un
commencement d'exécution avait déjà eu lieu dans
le passé, bien trop timide en raison des faibles moyens financiers
disponibles. http://perso.wanadoo.fr/bernard.venis. Ce fut, en 1939, l'institution
des centres professionnels ruraux, créés par les municipalités
à l'aide de subventions de l'Administration. Trop peu nombreux,
ils prouvèrent cependant par les résultats obtenus dans
leur rayon d'action, aussi bien la valeur de la formation pratique dispensée
que la nécessité d'étendre cette action à
l'ensemble du territoire.
---------D'autre
part, les directions départementales des services agricoles organisèrent
régulièrement des stages de formation d'ouvriers qualifiés
taille de la vigne, des arbres fruitiers, etc. Il en était de même
dans les écoles pratiques d'agriculture, l'école de Mechtras
s'étant spécialisée, par exemple, dans la formation
de tailleurs de l'olivier.
---------Mais
tout cela était encore insuffisant, compte tenu des besoins.
---------Dès
la mise en application de la loi du 28 décembre 1959, il fut nécessaire
d'établir un ordre prioritaire parmi les nombreux objectifs de
formation à réalisation immédiate.
---------En
premier lieu il fallait donner une formation homogène, afin d'assurer
une unité de doctrine en matière de développement
rural sur l'ensemble du territoire, des moniteurs réclamés
par les différents services en charge de ce développement
: service paysannat, centres sociaux, service de la formation des jeunes,
sections administratives spécialisées, le seul service du
paysannat chiffrant ses besoins à 2000 moniteurs.
---------Étaient
également à prévoir
les stages de perfectionnement
ou d'information des cadres déjà en fonction;
la formation d'ouvriers qualifiés;
et aussi importante, sinon plus,
dans cette hiérarchie de formation, celle accélérée
des petits exploitants du milieu traditionnel.
---------Seul
le premier objectif put être mis en uvre et poursuivi jusqu'en
juin 1962. Il ne s'agissait pas de faire des C.F.P.A. de nouvelles écoles
d'agriculture. Leur but était de donner aux futurs moniteurs possédant
un niveau d'instruction générale équivalent à
celui du Certificat d'études primaires, une formation accélérée,
ne dépassant pas quatre semaines, limitant l'étude des notions
théoriques à celle nécessaires à la compréhension
de l'enseignement pratique dispensé, formation non pas générale
mais adaptée à des actions très précises concernant
les spéculations agricoles de la région.
---------Le stage
précédant l'époque où d'importants travaux
saisonniers venaient à exécution dans la région,
le moniteur était ainsi immédiatement apte à conseiller
les agriculteurs sur la meilleure façon d'y procéder.
---------Dans
un deuxième stage, les moniteurs poursuivaient une formation portant
sur les opérations suivant celles précédemment effectuées
et à réaliser prochainement et ainsi de suite.
---------Cette
méthode s'avéra profitable aussi bien pour les moniteurs,
qui assimilèrent plus facilement les techniques et procédés
enseignés, que pour les agriculteurs suivis par le moniteur.
---------La loi
du 28 décembre 1959 avait fixé comme objectif à la
formation professionnelle agricole la création de 100 sections
de 25 élèves, réparties au nombre de 4 par C.F.P.A.,
soit 25 centres de formation professionnelle agricole, cela étalé
sur cinq ans.
---------En
juillet 1961, 15 C.F.P.A. avaient déjà ouvert leurs portes,
marquant ainsi une importante avance sur les prévisions quinquennales
et la Caisse d'équipement avait été sollicitée,
afin d'inscrire, au titre du programme de 1962, la totalité des
crédits nécessaires à l'achèvement des objectifs
fixés par la loi.
---------Telle
fut l'action, résumée ici succinctement, poursuivie par
l'Administration, afin d'organiser et développer l'enseignement
et la formation professionnelle agricoles en Algérie, cela avec
des moyens limités, tout au moins jusqu'en décembre 1959,
mais qui ne contribuèrent pas moins au développement de
l'agriculture algérienne, cela grâce à l'efficacité
des "hommes agricoles" formés dans les établissements
d'enseignement agricole de différents niveaux par un personnel
enseignant dont il convient ici de souligner la compétence, l'esprit
d'initiative et le dévouement.
Charles GRIESSINGER.
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