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-L'enseignement primaire en Algérie
-Une rentrée des classes

-Le ler octobre 1949 est une date importante dans la vie de l'école mixte, à classe unique du Corso (Alma). Ce jour-là, une seconde classe a été ouverte. A la cinquantaine d'élèves déjà inscrits sont venus s'ajouter une cinquantaine de garçons européens et musulmans et quelques filles européennes âgées de cinq à huit ans. (Pour les fillettes musulmanes l'opposition de la population autochtone était telle qu'après trois ans d'exercice, le directeur ne put obtenir que deux ou trois unités dans l'école et huit jeunes filles pour le cours ouvroir d'adulte.)
Le texte ci-dessous est extrait d'un numéro spécial de "l'Algérianiste", bulletin d'idées et d'information. - n°14 - 15 mai 1981.avec l'autorisation de la direction actuelle de la revue "l'Algérianiste"
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----------Le ler octobre 1949 est une date importante dans la vie de l'école mixte, à classe unique du Corso (Alma). Ce jour-là, une seconde classe a été ouverte. A la cinquantaine d'élèves déjà inscrits sont venus s'ajouter une cinquantaine de garçons européens et musulmans et quelques filles européennes âgées de cinq à huit ans. (Pour les fillettes musulmanes l'opposition de la population autochtone était telle qu'après trois ans d'exercice, le directeur ne put obtenir que deux ou trois unités dans l'école et huit jeunes filles pour le cours ouvroir d'adulte.)
----------Dès le départ, cette seconde classe pose quelques problèmes indépendants de l'apprentissage de la langue qui est l'objet même de l'enseignement. Les uns, naturels, sont vite réglés, tels, par exemple, l'obligation pour des élèves qui ne connaissaient d'autres moyens de s'asseoir que l'accroupissement en tailleur sur une natte, d'utiliser convenablement les bancs de l'école, ou la nécessité d'apprendre à des enfants l'utilisation des lieux d'aisance alors que, jusque-là, la nature leur a fourni suffisamment de buissons pour satisfaire décemment leurs besoins naturels.
----------Le premier gros problème, le maître le rencontre dès la rentrée des classes lorsque, registre d'appel en main, il essaie d'identifier ses élèves. Le nom patronymique est pratiquement inconnu et cela s'aggrave chez les jeunes musulmans par une pratique locale : à chaque maladie grave, pour tromper les djinns, on a changé le prénom de l'enfant. Aussi, pendant la première semaine, matin et soir, la classe commence par cette leçon : Je m'appelle Benturquia Mohammed, mon nom est Benturquia, mon prénom est Mohammed, etc.
----------Cela s'achève, le premier matin, par un de ces mots d'enfants qui sont si savoureux parce que naturels. Un tout petit, tout aussi naïf et timide qu'on peut l'être à cinq ans, lorsqu'on est le dernier d'une famille de cinq enfants. - " Comment t'appelles-tu ? "
----------- Pas de réponse. -
-----------Comment t'appelle ta maman?"
----------- Ma maman m'appelle mon petit sucre d'orge." ----------- " Mais encore, comment t'appellent tes soeurs ? " -
-----------Elles m'appellent " mon petit chou. "
----------Le directeur demande
-----------Ne t'appellerais-tu pas Grandvillemain, par hasard ? "
----------L'enfant répond alors : " Grandvillemain, oui, par hasard, non " !

 

----------Et c'est ainsi que va commencer cette promotion qui verra un petit Djillali de cinq ans, fils d'un fellah et ne sachant pas un mot de français, et une petite Bernadette du même âge, fille d'un maraîcher, se disputer la première place et le prix d'excellence pendant plusieurs années sans qu'il soit possible de les départager.
----------Second problème : parmi la quarantaine d'élèves musulmans qui viennent d'être recrutés, une vingtaine ont des plaques de teigne. Que faire ?
----------Il y a bien une circulaire rectorale qui indique qu'il ne faut pas les mettre à la porte de l'école jusqu'à guérison (les centres antiteigneux étant très rares cela reviendrait à exclure définitivement les élèves de l'école)
mais qu'il faut exiger que ces élèves aient le crâne rasé (chose facile à obtenir) afin de les badigeonner avec de l'alcool iodé. Mais cette circulaire oublie le principal. Qui fournira l'alcool ? La mairie ? La réponse est négative : pas de crédits prévus pour cet usage. Alors, que faire ?
----------La maîtresse de cette seconde classe émet une idée. Quand son père, qui est un chasseur, a des chiens teigneux, il les soigne avec de l'huile de vidange. Pour le directeur, c'est un cas de conscience. Peut-on soigner des enfants comme s'il s'agissait d'animaux sans attenter à leur dignité d'homme? Mais ne rien faire, n'est-ce pas pire ?
----------Aussi, dès le lundi matin, après une visite au garagiste du village, directeur et institutrice, armés d'un pinceau et d'une boîte de conserve contenant un peu d'huile de vidange, se mettent à badigeonner les crânes suspects qui viennent d'être rasés. A la récréation, on recommande aux enfants de rester tête nue au soleil. ----------Soleil, huile de vidange ? Les cas les plus rebelles n'ont pas résisté plus de trois semaines. Il n'y eut qu'un cas de récidive l'an suivant. Aussi, le 15 septembre de chaque année, le garagiste du village vit arriver le directeur de l'école qui quémandait un peu d'huile de vidange, pas trop sale, pour soigner les nouveaux venus qui en auraient besoin.