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-L'enseignement primaire en Algérie
-Un instituteur en Kabylie

---------Dans un article émouvant, publié dans le Bulletin de l'Enseignement des indigènes, de juillet 1908, M. Verdy nous conte ses premiers contacts avec la terre algérienne, la vie de son école de Taourirt-Mimoun qu'il inaugura en 1883 et dirigea jusqu'en 1906, école combien exemplaire qui donna les résultats suivants
Le texte ci-dessous est extrait d'un numéro spécial de "l'Algérianiste", bulletin d'idées et d'information. - n°14 - 15 mai 1981.avec l'autorisation de la direction actuelle de la revue "l'Algérianiste"
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---------Voici, entre mille, un exemple de ce que fut la vie toute simple mais pas toujours facile des instituteurs du bled.
---------Dans un article émouvant, publié dans le Bulletin de l'Enseignement des indigènes, de juillet 1908, M. Verdy nous conte ses premiers contacts avec la terre algérienne, la vie de son école de Taourirt-Mimoun qu'il inaugura en 1883 et dirigea jusqu'en 1906, école combien exemplaire qui donna les résultats suivants
---------- Nombre d'élèves ayant obtenu le certificat d'études primaires 115 ;
---------- Nombre d'élèves admis au cours normal d'indigènes de Mustapha et de Bouzaréa : 56 ;
---------Nombre d'anciens élèves actuellement instituteurs : 47
---------Entrés à la Médersa d'Alger : 4 ;
---------Elèves pourvus d'une bonne instruction primaire et actuellement cultivateurs ou se livrant à des industries diverses : 310.

---------M. Verdi continue son tableau en constatant : " Les élèves et les parents s'habillent mieux ; les vêtements sont tenus proprement, ils sont lavés chaque semaine et raccommodés toutes les fois que l'occasion s'en présente. (...) Presque tous nos écoliers ont des souliers et des bas (...) Les maisons sont mieux construites. (...) Des puits ont été creusés sur le modèle de celui que j'ai fait faire dans une propriété voisine de l'école. (...) Deux moulins, l'un à pétrole, l'autre à vapeur ont été introduits dans les villages. (...) Lu culture intelligente a succédé aux procédés routiniers d'autrefois... "

---------Il faudrait citer toute la lettre de M. Verdy. Cela ne peut se faire dans le cadre de cette revue. Aussi je vous en donne l'essentiel.

---------Après douze années d'exercice en métropole de son métier d'instituteur, M, Verdy quitte la France avec sa femme et ses trois enfants. C'est d'abord l'émerveillement (et la peur aussi) de la découverte de cette Algérie qui lui devra tant. Après un séjour, un stage plutôt, à Fort-National où il apprendra le berbère, les moeurs et coutumes kabyles et la médecine pratique, en 1882, il s'occupera de l'école d'Aïn-el-Hammam (aujourd'hui Michelet), " où il doit organiser une petite école dans une masure sans plafond, ni parquet, froide et humide... Je ne pouvais me plaindre de la maison que nous habitions, nous dit-il, c'était la meilleure du hameau... "

---------Enfin, son école, celle de Taourirt-Mimoun, située au milieu de la tribu des Beni-Yenni, est prête.
---------" Je ne commençai la classe que le 1er janvier 1883 car je n'avais à ma disposition ni tables, ni fournitures classiques,
---------A cette date, 65 élèves se présentèrent volontairement, sans pression d'aucune sorte. Plus tard, au mois de mars 1884, on put recruter une quarantaine d'autres élèves dans les villages de la 'tribu. A partir de ce moment, l'école fonctionna régulièrement, et la fréquentation fut toujours bonne. Aujourd'hui, nous avons 132 écoliers, tous très assidus.., venus tous d'un seul village. "
---------Les visiteurs se multiplient dans cette école. A noter toutefois " Les visiteurs de marque continuèrent d'affluer à l'école de Taourirt-Mimoun. Dans une de ces visites (...) M. Jules Ferry qui était là, interrogea en géographie. Il fit faire au jeune Azzam Ferhat, le tour de la terre. L'élève se tira fort bien d'affaire. Arrivé à Saïgon, il passa au Tonkin. " Le Tonkin, capitale Hanoi, vaste colonie française, conquête faite par M. Jules Ferry." A ces mots, deux larmes roulèrent sur les joues de M. Jules Ferry. Un silence religieux s'établit et l'émotion provoquée par cette simple phrase fut si forte que pas un de ces messieurs n'ajouta un mot. "
---------Mais cela est un des à-côté de la vie scolaire, l'essentiel n'est pas là.

 

---------Dans ce pays si peuplé et si cultivé qu'on n'y laisse pas un pouce de terre sans emploi, la gent turbulente des écoliers est heureuse de rencontrer un espace disponible où elle puisse jouer, un préau en hiver, une cour ombragée en été. Aussi, dès l'aurore, viennent-ils par groupes. A l'heure précise, au coup de sifflet du maître, les voici rangés. Ils entrent en chantant dans une salle spacieuse dont les murs sont tout un musée échantillons de bois et de minéraux, fleurs desséchées, outils, substances et produits de toute sorte, méthodiquement suspendus à des clous. Lorsque chacun est assis à sa place, les exercices commencent. Tantôt on écrit sur l'ardoise une phrase tracée au tableau noir et d'abord soigneusement expliquée ; alors les chéchias et les jeunes fronts se penchent sur les pupitres, et les crayons grincent entre les doigts encore malhabiles. Tantôt on exécute une dessin avec des bûchettes de roseaux ; alors les burnous se pressent et se tassent les uns contre les autres autour du camarade privilégié chargé de l'opération. Le plus souvent une conversation animée s'engage entre le maître et les enfants. Tout se dit en français, bien entendu, par une série méthodique de phrases très simples que l'élève interrogé doit trouver avec l'aide du maître et que la classe répète après lui.
---------" J'ouvre ma main droite", affirme Abdallah, en ouvrant sa main droite. " Tu ouvres ta main droite " réplique Omar à Abdallah. " Abdallah ouvre sa main droite" fait observer Yahia. " Nous ouvrons notre
main droite, vous ouvrez votre main droite ", etc., dit le choeur des voix sonores.
---------Et l'on apprend ainsi à conjuguer sans s'en apercevoir. Et par les fenêtres ouvertes, avec l'air pur et le soleil pénètrent les hirondelles qui, habituées à tous ces refrains, poussent de petits cris joyeux, en visitant leurs nids accrochés aux poutres du plafond.
---------" Quand le sens d'un mot vient à manquer, le musée scolaire est là prestement, le plus avisé, retroussant sa gandoura, enjambe les bancs et va décrocher l'objet dont le nom ne s'oubliera plus désormais. Il faut voir l'émulation peinte sur tous ces visages hâlés que l'impatience colore, le remous de toutes ces petites têtes carrées et solides, l'intelligence qui pétille dans tous ces yeux profonds...
---------" Le jardin de démonstration fut d'abord défoncé par des ouvriers, pendant que mon mulet charriait le terreau qui se trouve en abondance autour des villages. Je modifiai ainsi la nature du sol et avec mes élèves, nous commençâmes les exercices d'agriculture. Nous plantâmes des essences fruitières appropriées et des sauvageons qui nous greffâmes par la suite. Nous ensemençâmes chaque année le sol de blé, d'orge, de seigle, de pois, de lentilles, etc.
---------" Dans l'endroit le plus humide du jardin, nous avons créé une petite pépinière : de frênes, d'acacias, de cognassiers, dont nous utilisons et nous distribuons les plants.
---------" Enfin, chaque élève du cours moyen et du cours élémentaire a son petit jardin de deux mètres carrés environ.
---------"Chacun y sème les graines que je distribue, ainsi que celles qu'il peut se procurer : anis, pois chiche, coriandre, etc.
---------" Avec le temps, nous sommes parvenus à faire du champ stérile et improductif d'autrefois, le plus beau jardin de la tribu.
---------" Actuellement, le travail manuel consiste dans l'entretien des arbres, dans la surveillance des assolements. " (...)