La station maritime de l'Université d'Alger
et sa contributionaux recherches méditerranéennes
La Station maritime d'Alger a déjà plus
de soixante-cinq ans d'existence. Fondée en 1881 par le Docteur
Viguier, quand la ville ne possédait qu'une école de sciences,
elle est restée depuis lors dans le même bâtiment,
situé sur la jetée Nord, à la sortie de l'Amirauté.
Pendant les deux guerres, les services de la Marine ont occupé
les lieux actuellement, ils sont remis à neuf et contiennent l'équipement
de laboratoire indispensable. Douze chercheurs y poursuivent des investigations
variées, contribuant surtout à l'étude de la fertilité
méditerranéenne.
La station ne fait pas double emploi avec le
laboratoire de Castiglione, dépendant du Gouvernement
général et destiné surtout aux applications (recherches
sur les animaux de grande pêche, leur cycle et leur conservation).
L' Université d'Alger utilise la station pour l'enseignement (algues
et faune marines à l'usage des étudiants des Facultés)
et pour les travaux originaux sur la zoologie, la botanique et la biologie
marines, études souvent théoriques mais dont plusieurs conduisent
aussi au domaine des pêches Il convient d'ailleurs de dire dès
maintenant que, sur les 1.300 kilomètres de côtes algériennes,
deux laboratoires ne sont pas de trop, et qu'il en faudrait d'autres plus
loin du centre, notamment à Bône et en Oranie. Pour le moment,
il est essentiel d'assurer une collaboration efficace entre les divers
organismes s'occupant de la mer : Université, Commission des pêches,
Inscription maritime. Service hydrographique de la Marine, etc... L'étendue
de la région à parcourir et la rareté temporaire
du matériel spécialisé nécessitent évidemment
une telle entraide. Déjà, le Service hydrographique et l'Inscription
maritime ont mis à notre disposition des moyens dont nous ne saurions
trop les remercier.
L'exposé qui va suivre montrera combien les problèmes biologiques
particuliers à la Méditerranée sont encore peu élucidés.
La simple faune côtière d'Algérie reste plus mal connue
que celle de Provence, et il n'est pas surprenant que les fondateurs de
la Station, jusqu'en 1940, aient avant tout récolté les
animaux régionaux. Depuis cette date, plusieurs chercheurs ont
abordé des questions plus générales ou des techniques
océanographiques.
ÉTAT ACTUEL DES CONNAISSANCES SUR LA MÉDITERRANÉE.
De 1780 à 1840, les célèbres explorateurs de Saussure
et Dumont-d'Urville ont confirmé, sur les côtes algériennes,
une propriété fondamentale de la mer : température
pratiquement stable depuis 2.A mètres jusqu'aux plus grands fonds
: 13° à 13°3. Cet équilibre profond caractérise
l'originalité méditerranéenne par rapport aux océans
: ceux-ci ont généralement 9° vers 300 mètres
et moins de 2° au-dessous de 3 000. Près de certaines côtes,
par exemple celles du Sénégal, dans l'Atlantique, les eaux
froides profondes remontent fréquemment, d'où une fraîcheur
inattendue de la surface marine malgré l'air surchauffé
des tropiques.
Pareils apports des profondeurs fertilisent toute la mer, car les substances
nutritives de base, provenant de la décomposition des cadavres
(phosphates, nitrates, etc...) s'accumulent vers le fond. Ces échanges
de matière sont bien moindres en Méditerranée, non
seulement parce qu'il y a peu de différences de température
dans le sens vertical, mais aussi parce que le détroit de Gibraltar,
profond de 360 mètres, au maximum, arrête les eaux fertiles
des couches inférieures de l'océan. De plus, les courants
de marée, si intenses ailleurs, manquent pratiquement ici pour
brasser le Stock nutritif littoral.
Ces deux ensembles : zone côtière de moins de 500 mètres
de profondeur, et zone pélagique du large, doivent être étudiés
parallèlement, même et surtout en vue des pêches, une
foule d'animaux comestibles ayant leur cycle vital dans une de ces régions,
puis dans l'autre. Là encore est une cause de
pauvreté en organismes : une foule de poissons, tels que les Mérous
et les Rascasses, les Soles, etc..., doivent se poser sur le fond pour
leur métamorphose et meurent si les larves ne peuvent atteindre
la côte, ce qui arrive souvent en Méditerranée, où
les fonds moyens sont au-dessus de 2 000 mètres.
Au large, l'essentiel des connaissances provient des expéditions
danoises, dirigées par le célèbre océanographe
Johannes Schmidt, en 1909-10, 1922, 1928 et 1930. Comparant toute la Méditerranée
avec l'Atlantique, les savants scandinaves ont montré quantitativement
sa pauvreté ; la densité des animaux sur le fond, aussi
bien que leur nombre par mètre cube d'eau du large (plancton ou
être vivants qui flottent entre deux eaux), sont en moyenne trois
à dix fois plus faibles que les données correspondantes
pour l'océan. Et, dans cette mer pauvre, sans marées sensibles,
et par suit très transparente, la lumière utilisable par
les algues pour leurs synthèses pénètre jusqu'à
200 mètres et plus, d'où flore et faune, diminuant moins
quand la profondeur augmente, ce qui compense mal la rareté relative
des organismes.
Poussant plus loin l'analyse, les Danois rattachent cette fertilité
réduite au manque initial de phosphates : il y en a cinq à
vingt fois moins qu'ailleurs, et nous verrons plus loin que l'abondance
de vie dans telle ou telle région est, en gros, proportionnelle
à celle des phosphates.
Malgré le grand intérêt physique et biologique des
croisières de Schmidt, elles n'ont étudié qu'un réseau
assez lâche de stations du large, et ne renseignent guère
sur les courants méditerranéens. Ceux-ci restent donc assez
fort peu précisés. Les quelques expériences de Platania
(lancement de flotteurs dans le détroit de Gibraltar) ont démontré
que le flux d'eau principal se dirige d'Ouest en Est, apportant les éléments
atlantiques jusqu'à Tunis et même au golfe de Gabès.
Plus rares sont les courants atteignant, depuis Gibraltar, la Sardaigne,
la Sicile et les Baléares. J.N. Nielsen, de l'expédition
du " Thor ", a évalué à 59.000 kilomètres
cubes l'apport annuel d'eau atlantique ainsi fait, compensant l'évaporation
excessive de la Méditerranée occidentale et surtout orientale.
Inversement, un contre-courant profond compensateur déverse, de
250 à 400 mètres, les eaux moyennes de la Méditerranée
vers l'océan, augmentant légèrement la température
et la salinité de l'Atlantique jusqu'aux Açores.
En résumé, la Méditerranée reçoit une
masse considérable d'eaux de surface atlantiques, fertilisant surtout
l'Afrique du Nord et très peu les régions plus septentrionales,
mais elle perd par Gibraltar des eaux moyennes, c'est-à-dire un
stock non négligeable de phosphates et de nitrates. Tout cela est
à préciser par études saisonnières sur nos
côtes, les chercheurs scandinaves ayant simplement donné
des coups de sonde temporaires en des points fort éloignés
les uns des autres.
Quant aux investigations sur la faune côtière, accessible
aux pêches courantes, elles sont déjà largement commencées,
mais l'Algérie, par sa position et ses moyens, devrait y contribuer
encore plus, comme l'exposé suivant espère le montrer :
En France, les laboratoires de Banyuls, Villefranche, Sète et Monaco
ont connu beaucoup d'activité de 1900 à 1939. Aujourd'hui,
leurs bateaux sont détruits par la guerre, ou paralysés
par manque de crédits. Or, une station sans moyens de naviguer
est un organisme en chômage. Même situation pour les laboratoires
italiens de Naples et de Messine. L'Institut de Salammbô, en Tunisie,
publie des travaux fort utiles aux pêches de la Régence.
Un institut analogue est en voie de création au Maroc. L'Algérie
ne pourra prendre sa place dans cet effort que si elle dispose d'un navire
suffisant (100 à 200 tonneaux) pour explorer les côtes en
toute saison : ce pays où les abris sont rares, où la mer
est forte au moins trois jours sur quatre, a besoin d'une telle embarcation
pour progresser utilement.
De plus, les côtes algériennes longent exactement le grand
courant de provenance atlantique, déjà cité, apportant
vie et changement dans nos parages : elles sont la région idéale
pour définir les propriétés de ce courant et ses
variations avec le temps.
La description qualitative (liste des espèces) est pratiquement
très avancée pour certains points des rivages, mais il reste
entièrement à mesurer la quantité d'organismes au
large et les causes de ses fluctuations. Ces techniques, si avancées
dans les régions scandinaves, commencent à peine à
s'appliquer ici, malgré leur efficacité reconnue pour les
mers froides.
ORGANISATION DE LA STATION DE L'UNIVER SITE D'ALGER.
Les laboratoires et l'aquarium occupent un bâtiment
de style arabe, comprenant deux étages et un sous-sol, situé
à la sortie de l'Amirauté d'Alger, près du Rowing-Club
qui est le dernier édifice sur la jetée nord. Au total,
il y a dix-neuf pièces, ensemble déjà insuffisant
pour les collections et le nombre actuel de chercheurs, d'autant plus
que le mobilier et les installations scientifiques réclament souvent
une modernisation, retardée par les circonstances de guerre. Il
est à espérer, pour les années prochaines, une rapide
amélioration au point de vue bateaux, aquariums et instruments
de mesure : lors de la visite que M. l'Ambassadeur, gouverneur général
de l'Algérie, a bien voulu faire à la station, en décembre
1946, son attention a été attirée
sur ce point. I] est indispensable d'amener notre équipement océanographique
au niveau des organisations étrangères du même genre.
Pour cela, une aide substantielle est accordée par le Centre national
de la Recherche, mais uniquement en vue d'achats d'appareils : les installations
fixes (aquarium, collections) ainsi que les embarcations, relèvent
manifestement du budget algérien, et nos crédits de l'Université
suffisent à peine aux dépenses courantes de bibliothèque
et d'entretien.
Le sous-sol contient un atelier de mécanique, per mettant les réparations
courantes de moteurs et la construction d'instruments simples : dix bouteilles
pour prises d'eau de mer et divers appareils d'élevage ont pu être
fabriqués sur place, grâce à l'habileté de
M. Rabatel, mécanicien. La moitié du rez-de-chaussée
est occupée par la salle d'aquarium, où viennent manipuler
chaque semaine trente étudiants, de licence (certificat de zoologie
générale). Il n'entre pas dans le rôle de l'Université
de présenter un bel aquarium public, d'autant plus que des cartes
d'accès sont exigées pour entrer dans l'îlot de la
Marine. Un tel aquarium, fort bien installé, existe à la
station de Castiglione : ici, onze bacs de diverses largeurs suffisent
à l'entretien d'animaux communs pour les recherches et pour l'instruction
des étudiants. L'alimentation en eau courante laisse à désirer
: deux réservoirs, placés au second étage, reçoivent
de l'eau pompée à la sortie du port, du côté
sud de la jetée. Cette eau n'est pas assez pure pour conserver
longtemps vivants des animaux fragiles (Etoiles de mer, Coraux, Crustacés
profonds, etc.) : il faudrait prendre l'eau en mer libre, sur la face
nord de la jetée, mais pareil projet nécessitera des travaux
de protection des tuyaux fort coûteux, et n'a pu encore se réaliser.
Les collections tiennent une grande salle du rez- de-chaussée et
deux pièces au second. Les chercheurs y trouvent un ensemble assez
complet de poissons, mollusques et oursins de nos côtes ; les autres
groupes d'animaux demandent à être mieux récoltés.
La bibliothèque, au premier, contient environ trois mille volumes,
dont vingt-trois périodiques, niais, comme ailleurs, hélas,
en Algérie, cela est loin de représenter la documentation
de base pour nos recherches :
Il manque les expéditions étrangères les plus récentes
(" Météor " allemand, " Discovery II "
britannique, etc...) dont l'acquisition sera tôt ou tard nécessaire
pour l'océanographie régionale.
Enfin, outre une chambre de photographie, la plupart des douze autres
salles sont des laboratoires particuliers, bien éclairés,
munis de microscopes, étuves, centrifugeuses, etc. L'aménagement
devra être complété pour la réfrigération
et les pesées : il n'y a pas assez de balances de précision,
et nous installerons en 1948 une pièce à température
constante, en vue de cultures pures et de conservation d'espèces
délicates.
La station possède trois embarcations : un cotre de 3 tonneaux
2, le " Crisia " (nom d'un Bryozoaire commun), un canot à
moteur et un canot léger. Mû par un moteur à essence
de 20 CV, le " Crisia " permet toutes les pêches courantes
: notamment, pour les prises d'eau ou la capture de plancton au filet
fin, on peut descendre jusqu'à 2.000 mètres de profondeur.
Les canots servent surtout à prendre du matériel : Oursins,
Moules, etc.., en vue des travaux pratiques des Facultés.
Il ne faut pas oublier que ces bateaux travaillent, non seulement pour
le laboratoire de zoologie, mais pour tous les services de l'Université
ayant trait à la biologie : botanique, biologie générale,
P.C.B., divers laboratoires de la Faculté de Médecine, etc...
On conçoit donc que les nécessités d'enseignement
gênent souvent les vraies recherches marines. De plus, le "
Crisia " roule trop par mer forte, et l'on risque alors de casser
les précieux instruments (thermomètres spéciaux,
etc...) dont la perte arrêterait totalement notre programme océanographique
Des moyens d'investigation plus puissants, et résistant mieux à
une mer agitée, sont indispensables à l'exécution
de ce programme : par la houle moyenne qui règne sur nos côtes
trois jours sur quatre, un gros bateau permet de continuer les études
méditerranéennes. Déjà, l'Inscription maritime
arme, pour la surveillance des pêches, deux vedettes de 30 tonneaux,
et veut bien nous faire bénéficier de leurs sorties pour
étendre notre rayon d'action. Enfin, le Gouvernement Général
envisage fermement, pour cette année, l'achat d'un chalutier de
150 tonneaux, réservée aux recherches et au contrôle
des pêches ; la réalisation de ce projet est d'autant plus
nécessaire que les vedettes garde-pêche sont trop rapides
pour effectuer de bons travaux sur les fonds marins ; elles pourront servir
seulement aux prises d'eau et de plancton.
PERSONNEL
A des titres divers (fonctionnaires, boursiers de recherches, ou travailleurs
libres, dix-neuf personnes contribuent actuellement à l'activité
de la station : sur ce nombre, douze sont des chercheurs, dont deux opèrent
loin d'Alger, et sept sont des auxiliaires ou aides techniques ; chacun
mérite d'être cité, pour montrer combien de spécialités
variées doivent être réunies dans un laboratoire biologique.
Encore manque-t-il une branche très pourvue à l'étranger
: celle de la physique marine. D'une façon ou de l'autre, un jeune
physicien sera bientôt nécessaire pour étudier température,
salinité, courants méditerranéens : un grand bateau
prélèvera chaque année des milliers d'échantillons
d'eau, que les naturalistes de la station ne pourront doser eux-mêmes
sans perdre tout le temps nécessaire à l'examen des être
vivants Toute station américaine ou scandinave utilise un ou plusieurs
physiciens qualifiés.
Cette remarque, une fois faite, voici les travailleurs du laboratoire,
en commençant par le personnel enseignant des Facultés :
MM. :
F. BERNARD, directeur, professeur de zoologie générale étudie
surtout la fertilité marine : quantité d'organismes dans
l'eau, sels nutritifs, etc..., aidé dans cette tâche par
cinq autres chercheurs ;
Dr. Paul JESPERSEN, de Copenhague, professeur d'actualités scientifiques
à l'Université d'Alger pour 1947. Océanographe réputé,
le professeur JESPERSEN fait bénéficier la station de sa
longue expérience des croisières danoises ; il s'attache
plus particulièrement à la biologie des Sardines et des
Oiseaux migrateurs, et apporte des appareils inédits pour mesurer
la densité des petits animaux du large.
A. HOLLANDE, sous-directeur, maître de conférences de biologie
animale (P.C.B.). Spécialiste de protozoaires, contribue à
la connaissance des êtres marins microscopiques, si importants par
leur quantité et leur rôle dans la nutrition des animaux
comestibles ;
Dr. R. DIEUZEIDE, chef des travaux pratiques de zoologie, directeur de
la station de Castiglione qui a déjà fait l'objet du "
Document Algérien " n° 23, Série économique.
Le Dr. Dieuzeide s'occupe notamment des poissons de grande pêche
et de leur conservation.
T. CACHON, assistant, a commencé une thèse sur les migrations
verticales du plancton (distribution des êtres du large en fonction
des agents physico-chimiques).
M. FRANC, docteur ès sciences, professeur
au Lycée Bugeaud, fait des élevages de larves
de Mollusques, obtenant au laboratoire la métamorphose de ces larves
en déterminant ainsi l'espèce de ces éléments
communs du Plancton.
Mlle EUSTACHE, agrégée de l'Université, professeur
au Lycée Fromentin, élève des Copépodes,
petits Crustacés importants pour la nutrition des poissons, et
fait connaître la durée et les conditions de croissance de
plusieurs formes méditerranéennes de ce groupe ;
Mme LECAL, attachée de recherches du Centre national, est spécialisée
dans les Flagellés calcaires, êtres unicellulaires qui constituent
à eux seuls 80 p. 100 du stock vivant par litre d'eau de mer, et
sont avalés en masse par les jeunes pois sons et crustacés.
Le cycle de ces minuscules Protistes est donc essentiel pour comprendre
la fertilité méditerranéenne.
Mlle MILLARA, stagiaire de recherches du Centre national, poursuit, en
vue d'une thèse de doctorat, des études anatomiques et expérimentales
sur les antennes d'insectes Beaucoup reste mal connu dans les fonctions
de ces organes sensoriels : il y aura lieu d'examiner la perception des
ultrasons, qui joue probablement un rôle notable chez les êtres
aquatiques.
M. TROTTET, professeur au Lycée français de Tanger, effectue
au large de Tanger des prises d'eau parallèles à nos opérations
d'Alger : la biologie marine de cette région si proche de Gibraltar
sera très instructive pour la comparer avec la Méditerranée,
fournissant à M. Trottet un sujet de thèse encore inédit.
Mme ATHIAS-HENRIOT; diplômée d'études' supérieures,
fait une thèse sur la vitesse de locomotion et de multiplication
des animaux en fonction de la température du milieu. Ses résultats
auront des applications sur la fertilité marine, car la reproduction
des êtres et, par conséquent, la masse de matière
vivante nouvellement produite chaque jour, dépend largement de
la température et varie de vitesse de un à dix entre 5 et
+ 30°.
Mlle FREAH travaille à Tunis pour un diplôme d'études
supérieures, sous le contrôle de M. H. HELDT directeur de
la station de Salammbô, à propos des Mollusques marins de
Tunisie.
Mlles GANTES et ROMAN, au Maroc, préparent également des
diplômes sur les insectes régionaux.
M. VAISSIERE collabore avec le professeur JESPERSEN, l'aide à préparer
son cours et à examiner le contenu stomacal des Anchois et Sardines.
Mlle VENEROSO, dessinatrice du Centre national de la Recherche scientifique,
exécute des graphiques et des dessins d'animaux.
-
Mlle PEREZ, aide-technique subventionnée par l'Université
d'Alger, fait des préparations microscopiques et des collections
pour l'enseignement.
M. L. RABATEL, mécanicien de la station, répare
les moteurs des bateaux et surveille la bonne marche des installations
techniques des laboratoires. Mais l'activité de M. Rabatel est
particulièrement précieuse pour la construction d'appareils
océanographiques, notamment des bouteilles de profondeur et des
filets dont le fonctionnement est excellent.
M. DI VINCENZO, gardien et patron-pècheur, est un marin éprouvé,
sans cesse sur l'eau pour fournir des animaux à tous les chercheurs
et aux étudiants
M. G. PATALANO, garçon de laboratoire des Facultés, s'occupe
des travaux pratiques de licence et du P.C.B.
M. J. RIPOLL, marin auxiliaire, a la double tâche d'aider à
la pêche et d'entretenir les locaux de la station.
Le personnel de recherche changera, évidemment, peu à peu.
Comme dans tout laboratoire, le problème ardu est de procurer des
ressources matérielles convenables aux travailleurs. Les cinq postes
de fonctionnaires et les deux bourses du Centre national dont bénéficient
les chercheurs de la station ne suffisent pas à rétribuer
tout le monde, et, comme ailleurs, on risque de perdre des collaborateurs
compétents faute de pouvoir leur assurer un minimum de subvention.
TRAVAUX RÉALISES, PROGRAMME DE RECHERCHES.
Depuis 1941, la station de l'Université, malgré les difficultés
actuelles, a produit trente-deux publications, dont dix-sept sur la biologie
marine en Méditerranée et quinze sur d'autres sujets (Cytologie,
Protisologie, Vie des Fourmis, Sang des Insectes, Mission saharienne du
Fezzan, etc..). Plusieurs de ces imprimés ont paru dans le "
Bulletin de la Société d'Histoire naturelle d'Afrique du
Nord ou à la Société de Biologie. Leur liste se trouvera
dans le rapport annuel sur l'activité de la Faculté des
Sciences pour 1947.
On peut grouper les résultats déjà obtenus sous trois
rubriques, en se limitant ici aux recherches marines :
I. -
Fertilité marine globale. - Au moyen de prises d'eau
faites en 1946 et 1946, M. Bernard a publié un premier schéma
de la répartition verticale des sels nutritifs (phosphates et nitrates)
au large d'Alger, en fonction de la température et de la profondeur
(0 à 500 mètres). Parallèlement, la quantité
de plancton microscopique' (nombre de cellules par litre, et leur volume
total évalué en millimètres cubes) est mesurée
aux mêmes niveaux. Ces données initiales (techniques appliquées
pour la première fois en Afrique du Nord) montrent la stratification
de la mer en deux couches très distinctes : de 0 à 250 ou
300 mètres, couche fertile recevant des apports atlantiques, en
moyenne trois fois plus riche en phosphatés et en organismes que
les eaux méditerranéennes de France (Banyuls, large de Monaco).
Au-dessous de 300 mètres, couche pauvre, purement méditerranéenne,
cinq à dix fois moins peuplée que la précédente.
La limite exacte de ces couches varie avec les saisons et sera précisée
ultérieurement.
II. - Flagellés
calcaires. - Ces algues unicellulaires, brunes, font jusqu'à
95 p. 100 des êtres vivants par litre d'eau du large, et, aux époques
d'abondance, diminuent beaucoup à elles seules la pénétration
lumineuse en profondeur : d'où leur importance pour la biologie
du plancton. Grâce à Mme Lecal, on commence à préciser
leur distribution au large d'Alger, où quatorze espèces
nouvelles furent découvertes. La forme de loin la plus commune
est " Coccolithus fragilis ", être de deux centièmes
de millimètres de diamètre, dont le cycle en fonction de
la température, de la salinité et de l'éclairement,
a été résumé par M. Bernard au Conseil international
pour l'exploration de la mer (Congrès de Stockholm, août
1946).
III. - Biologie
animale. - MM Hollande et Cachon font des observations régulières
sur la composition du plancton et sur les parasites des animaux pêchés.
M. Franc achève une publication sur la métamorphose des
larves de Mollusques du large. Les nombreux travaux du Dr. Dieuzeide sont
rappelés dans le " Document Algérien ", série
économique, n° 23 (Station de Castiglione).
Et maintenant, qu'allons-nous faire dans l'avenir ? Tout dépendra
des moyens de navigation que l'Algérie pourra mettre à la
disposition des chercheurs : les vedettes rapides de 30 tonneaux de la
surveillance des pêches ne sont qu'un expédient provisoire,
fort utile, certes, mais impropre à divers travaux de longue haleine,
tels que dragage de la faune côtière. Seul le chalutier de
150 tonneaux, dont l'achat est prévu cette année par le
Gouvernement Général, permettra une exploration complète
des ressources marines, de Nemours à La Calle. N'oublions pas le
nombre dé régions algériennes fertiles que les pécheurs
négligent, faute de renseignements précis.
Un semblable navire pourra conduire parallèlement deux sortes de
recherches : production au large (quantité de plancton par mètre
cube d'eau, dont dépendent notamment les migrations des poissons
bleu), et production sur le fond (nature et densité de la faune
sur les fonds variés régionaux).
Pour ces deux ordres d'investigations, la connaissance des facteurs physiques
(courants, salinité, température, éclairement, etc..),
est indispensable. Là, des milliers de mesures, portant sur plusieurs
années, seront nécessaires pour avoir une base solide et
faire des prévisions en vue des pêches Les pays nordiques
ont déjà établi d'excellentes prévisions de
ce genre, en fonction de la météorologie de l'année
: vents, pluies, insolation. Il est parfaitement possible d'en faire autant
ici, d'autant plus que tous les organismes locaux s'intéressant
à la mer : Gouvernement Général, Commission supérieure
des pêches, Inscription maritime, stations d'Alger et dé
Castiglione sont d'accord pour commencer des explorations méthodiques.
Grâce à la compréhension de tous, une foule de résultats
directement utilisables pourront être obtenus dans quelques années
: carte des fonds, schéma des principaux courants, que les vents
répartissent très différemment d'une année
à l'autre. En plus des données applicables aux pêches,
ces travaux apportent des éléments nouveaux à la
Biologie et l'Océanographie général€ : mer sans
marées notables, sans dessalure fréquente par les pluies
et les fleuves, la Méditerranée offre un milieu plus simple
que celui des océans, et constitue une belle expérience
naturelle pour l'action du vent, de la lumière et des pluies sur
la fertilité au sein des eaux.
F. BERNARD,
Professeur de Zoologie générale à l'Université,
Directeur de la Station maritime d'Alger.
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