La station expérimentale
d'aquiculture et de pêche de Castiglione
Ecole de pêche (coll. B.Venis)
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En 1921, la Direction de l'Agriculture au Gouvernement
Général de l'Algérie décidait la création,
à 45 km à l'ouest d'Alger, à Castiglione,
d'un Laboratoire exclusivement consacré aux études de Biologie
appliquée à la pêche.
La grande richesse ichtyologique des eaux algériennes est représentée
par les espèces de poissons de surface dits " périodiques
" dont l'ensemble est désigné par les pêcheurs
sous le nom de Poisson bleu. Il était nécessaire de porter
ses efforts sur l'étude des Sardine, des Sardinelles, des Anchois
et aussi sur celle des Maquereaux*, des Bonites* et des Thons*. Il fallait
absolument intensifier la pêche de ces poissons et également
développer les moyens de les utiliser.
* Quelle manie de mettre des majuscules
à des noms communs! (le Site)
Le point choisi pour l'édification des bâtiments se justifiait
par l'existence de centres actifs de pêcheurs au poisson bleu (Chiffalo,
Bou-Haroun, Castiglione) et par la présence d'usine de conserves
dans cette région.
Il ne s'agissait point de copier servilement ce qui avait été
fait dans la Métropole, pas plus que de constituer une organisation
luxueuse et inutile.
ORGANISATION GENERALE DE LA STATION.
La Station Expérimentale d'Aquiculture et de Pêche comprend
un vaste bâtiment situé un peu en arrière du Domaine
maritime, à 40 mètres environ du bord de la mer, au milieu
d'un hectare de dunes actuellement consolidées par des plantations.
On y a installé des Laboratoires bien outillés, une bibliothèque
qui s'est enrichie beaucoup plus par voie d'échanges que par achats,
une salle de collection où sont conservés les échantillons
recueillis.
Dans les sous-sols, bien aérés et éclairés,
se trouvent deux grandes salles d'aquarium de capacités diverses,
allant de 1 m3 à 3 m3, où sont entretenus les habitants
de la faune marine et fluviatile régionale. Une série de
dix petits bacs à eau de mer permet de faire vivre et d'étudier
les animaux de faible taille ramenés par les dragages. Des bassins
d'eau douce servent à l'exposition soit de poissons d'ornement,
soit d'espèces qui habitent nos rivières d'Algérie.
Un atelier de mécanique avec tour, perceuse, meules, etc..., rend
possible, sur place, la réparation des pompes et des moteurs, la
confection d'instruments de recherches en mer ou d'expériences.
Il existe en outre une salle du froid avec machine frigorifique permettant
d'obtenir des températures de -25°, une verrerie richement
pourvue, une salle de triage. Le tout est complété par un
laboratoire de photographie.
L'eau de mer et l'eau douce sont refoulées par une Station de pompage
dans des cuves situées au sommet d'une tour de 15 mètres
de hauteur. Cette installation permet la distribution de l'eau sous pression
à tout l'établissement.
Une salaison expérimentale a été édifiée
en 1942, afin de poursuivre des recherches sur la conduite rationnelle
des opérations de conservation par le sel.
Un port-abri est utilisé comme garage pour les embarcations du
Laboratoire représentées par deux vedettes à moteur,
l'une de dix mètres, l'autre de cinq mètres. On y range
également les barques et les outils de pêche encombrants
: filets, nasses, dragues de toutes sortes.
L'AQUARIUM.
L'Aquarium constitue pour les chercheurs des Laboratoires un instrument
où ils peuvent observer et étudier les moeurs des animaux
marins. Mais il répond également à une nécessité
de vulgarisation scientifique.
Il est ouvert au public les jeudi et dimanche et connaît, principalement
aux beaux jours, une affluence de visiteurs qui témoigne de l'intérêt
que les Algériens portent aux choses de la mer.
On s'attache à y présenter, non pas les espèces rares,
mais bien les formes qui vivent dans les eaux du voisinage et qui, capturées
par les soins du Laboratoire, offrent l'attrait d'une faune régionale.
Des bacs de Labridès aux brillantes couleurs (Labres, Crénilabres,
Girelles) attirent tout d'abord les regards. Ce sont les habitants de
la Prairie de Posidonies qui est le " Jardin d'enfants ", selon
l'expression consacrée, où la plupart des poissons viennent
passer leur stade de jeunesse. Puis les Sparidès sont largement
représentés avec les Pagres, les Pageaux, les Sargues divers,
les Oblades, les Daurades, les Denti. Les Mérots de grande taille,
les Abadèches voraces sont mis à part, cependant que des
bassins sont consacrés aux Congres, aux Murènes, et que
d'autres contiennent des Pastenagues, des Raies, des Torpilles. D'autres
enfin, sont réservés aux Mulets dorés, aux Dactyloptères,
aux longues ailes azurées.
D'énormes Gastéropodes, des Tritons, des Langoustes, des
Cigales, des Homards, voisinent et font bon ménage avec les Rascasses
grises ou rouges, immobiles, mais aux aguets, qui se confondent par mimétisme
avec les rochers contre lesquels elles se plaquent étroitement.
Les grandes Tortues marines, les Caouannes, ont un grand bassin pour elles
seules.
Les poissons d'eau douce nés pour la plupart dans des bassins d'élevage
garnis de Nymphaea et situés à l'extérieur, sont
également représentés dans l'Aquarium. Signalons,
entre autres : les Truites arc-en-ciel du Barrage du Ghrib, les Tellia
apoda des eaux chaudes de Batna, les Tilapies de Zill, des Khandegs de
Touggourt, les Cyprinodon ibériques de Chellala, les Cyprinodon
rubanés du département de Constantine, etc...
Le rôle éducatif d'une semblable collection n'a pas échappé
aux membres de l'Enseignement qui organisent, de temps en temps, des visites
pour leurs élèves : École
Normale d'Instituteurs, Lycées,
Écoles communales d'Alger ou du département.
Les étudiants de nos Facultés y viennent en excursion dirigée,
pour compléter leur connaissance des animaux. Ils usent très
largement des ressources de la Station de Castiglione pour leurs travaux
pratiques.
LES TRAVAUX DE LABORATOIRES.
Le véritable travail de la Station est celui qui s'effectuesoit
en mer, soit au Laboratoire. Il est beaucoup moins connu du public ; il
ignore la réclame tapageuse.
Le poisson bleu.
La Station se trouvant dans un centre où les Clupéidés
et les Scombridés abondent, devait s'attacher aux recherches concernant
le poisson bleu.
L'étude de la Sardine et de la Sardinelle demeure une préoccupation
principale de ce Laboratoire. En dehors de ce que nous avaient appris
les travaux de Biologie se rapportant à la Sardine de la côte
méditerranéenne française, ou encore ceux des spécialistes
d'Espagne ou d'Italie, nous savions fort peu de choses au sujet du comportement
de ce poisson sur nos côtes algériennes.
Nous avons tout d'abord cherché à déterminer le type
de la race locale de Sardine, sa vitesse dé croissance et les modifications
survenues au cours de cette croissance, dans les proportions du corps
et dans le poids. Des méthodes biométriques et scalimétriques,
conformes à celles qui ont servi à l'étude des races
de Sardines des côtes de la Métropole et d'Espagne, ont été
employées.
On a donc examiné et mesuré un très grand nombre
de poissons, en échelonnant l'étude sur tous les mois de
l'année, afin d'établir une statistique concernant la taille,
le sexe, l'âge des sardines pêchées. Afin de tirer
parti des chiffres recueillis, on a employé la méthode de
la " statistique de variation ", en s'inspirant de publications
russes récentes et en s'adjoignant le précieux concours
d'un mathématicien rompu aux travaux du calcul des probabilités.
Les écailles de la Sardine algérienne, étant donné
le peu de rigueur de nos hivers, n'ont pu fournir les indications que
l'on attendait sur l'âge des poissons, par l'examen microscopique
direct. Il a fallu rechercher une autre méthode : celle de la lecture
des accidents de l'écaille grâce à la lumière
polarisée (d'après Savage) qui a donné d'importants
résultats.
En combinant ainsi l'étude des proportions du corps et celle de
la formule vertébrale, on est arrivé à montrer, pour
une région donnée, l'homogénéité de
la population sardinière.
A côté de cette étude scientifique, la partie pratique
ne fut pas négligée. Le Laboratoire s'est fortement attaché,
parfois au milieu de la désapprobation générale des
pêcheurs, des usiniers, des dirigeants, à démontrer
que la pêche au feu était le seul moyen d'intensifier la
pêche à la sardine, sans pour cela " détruire
les fonds, faire fuir le poisson à jamais " comme on l'en
a accusé. De nombreuses sorties, soit avec des lampes de surface,
soit avec des lampes électriques sous-marines, nous ont permis
d'affirmer que la pêche à l'aide d'un foyer lumineux était
absolument inoffensive lorsqu'elle était pratiquée par des
fonds suffisants pour ne pas attirer le poisson sédentaire.
Les Algériens n'ont certainement pas oublié les polémiques
perpétuelles de ces dernières années entre partisans
et détracteurs de la pêche au feu. Il aura fallu entrer dans
la période dure que nous vivons, pour que cesse, contre ce mode
de capture, une hostilité qui ne pouvait se justifier par des raisons
scientifiques.
La Station a étudié le fonctionnement d'un filet tournant,
de type américain, lé Ring-net. Pendant des années,
elle en a préconisé l'emploi pour suppléer au faible
rendement du filet de maille ou Sardinal, et pour remplacer l'engin si
destructeur qu'est le Lamparo.
Dans un travail d'ensemble récemment paru, la Station a résumé
ce qu'il fallait faire pour développer la pêche au poisson
bleu sur nos côtes, richesse à peine exploités, parce
que les habitudes routinières de nos marins viennent freiner toute
tentative d'innovation.
Des études ont été également faites sur le
Thon ; des recherches sur la biologie de l'Anchois et des Sardinelles,
ont permis d'amasser de fort nombreux documents.
La conserverie.
Le Laboratoire est souvent consulté par les usiniers de conserves
dé poissons sur les sujets les plus divers touchant à leur
industrie : préparations variées, huiles, stérilisation
surtout.
Des formules de conserves de Crevettes ont été fournies
par la Station et la préparation des Crevettes roses ou rouges
a été faite, selon ses recettes, dans certaines usines.
Par contre, le Service de la Répression des Fraudes fait souvent
appel au Laboratoire au sujet des conserves de poissons douteuses.
La standardisation
des conserves de poissons.
La Station de Castiglione a été chargée par l'OFALAC
des expertises de standardisation des conserves de poissons. Elle contrôle
également la stérilisation de ces produits.
L'idée d'utiliser ce que les fabriques de conserves ne peuvent
employer au moment des pêches trop abondantes, nous a guidés
vers des préparations temporaires de Sardines, permettant au poisson
de voyager pendant un certain temps. Cette idée des conserves temporaires
est à reprendre, au cas où l'intensification de la pêche
ne serait pas suivie par un développement concomitant de l'industrie
sardinière et permettrait ainsi d'expédier le trop-plein,
soit vers nos populations de l'intérieur, soit vers la Métropole.
Salaisons.
L'industrie des salaisons de poissons avait connu en Algérie un
développement important aux alentours de 1936. Pendant la guerre,
la pénurie d'emboîtages métalliques, la limitation
des quantités d'huilé allouées aux conserveurs amenèrent
une extension considérable de la conservation du poisson par le
sel.
La demande de produits ainsi préparés croissant de plus
en plus, le nombre des saleurs devint quelque peu inquiétant, d'autant
que la plupart d'entre eux n'étant pas du métier, mettaient
dans des emballages quelconques beaucoup de sel et très peu de
poisson.
La Station fut chargée de participer à l'élaboration
de textes organisant la profession, édictant certaines règles
de technique et préconisant des mesures élémentaires
d'hygiène.
En outre, grâce à la création d'une Salaison expérimentale,
on put suivre, au point de vue scientifique, la marche de la " maturation
" du poisson préparé selon la méthode sicilienne.
Cette maturation résulterait de fermentations que l'on fut conduit
à diriger. Les produits ne pouvant être exportés que
" finis ", on introduisait du nitrate de potasse dans les préparations
dites " anchoitées " afin de hâter la transformation
de la chair du poisson et l'on démontra que, grâce à
des microbes dénitrifiants se développant à une température
optima, on pouvait obtenir en 45 jours d'excellentes salaisons qui, normalement,
mettaient plusieurs mois à être terminées.
Un " Essai sur la Technique des Salaisons de Poissons " fut
publié par les soins du Gouvernement sous la signature du Docteur
Dieuzeide et de M. Novella ( Documents
et renseignements agricoles n° 80, 1942.).
Le
fumage du poisson.
Pendant la guerre, une industrie nouvelle se développait en Algérie,
celle du poisson fumé.
Les produits obtenus par des méthodes non appropriées à
notre pays, chaud et humide, furent, au début, de très mauvaise
conservation.
La Station ayant construit un four modèle et expérimental,
a mis au point une technique très sûre dont s'inspirèrent
les saurisseurs d'Algérie et même du Maroc.
Une publication du Gouvernement Général (Dr. R. Dieuzeide
et A. Mercier), " Le Fumage du Poisson ", contribua à
répandre les procédés de saurissage applicables à
nos régions.
Les huiles de
poissons.
L'Algérie, pendant les hostilités, manqua brusquement de
corps gras pour " nourrir " les cuirs destinés en particulier
à la bourrellerie. La Station s'occupa de l'extraction des huiles
des têtes et déchets de sardines inemployés dans les
usines de conserves de poissons et dans les salaisons
Elle organisa avec l'Office du Cuir, un système de collecte. Elle
détermina certains industriels à préparer ces huiles.
Par des essais expérimentaux, elle détermina le taux d'extraction.
Les produits résiduels déshuilés, puis desséchés,
ont fourni d'excellentes farines de poissons pour la volaille et pour
l'élevage des porcs. Les maisons d'engrais, qui manquaient d'azote
pour leurs produits, les utilisèrent également.
Enfin, la Station s'occupa des huiles de Thon et des huiles de Squales,
riches en vitamines, que le Laboratoire de Physique de la Faculté
de Médecine d'Alger étudia au point de vue de la détermination
de vitamines " A ".
ÉTUDES SUR LE FROID ET EXPÉRIENCES
DE CONGÉLATION DE POISSONS ET DE CRUSTACÉS.
Nous avons parlé plus haut de la pêche au feu, et nous avons
dit que les objections qu'on lui opposait n'avaient rien à voir
avec des précisions scientifiques. En effet, on lui reprochait
surtout de permettre de trop abondantes captures, ce qui faisait effondrer
les cours. L'usinier ayant sa fabrique engorgée, refusait le poisson
; le marché était saturé et on assistait à
des scènes inadmissibles et lamentables de rejet de poisson à
la mer. On concluait de la façon suivante : le poisson pris "
au feu " est inutilisable. On est obligé de le jeter à
l'eau. En réalité, il était simplement " inutilisé
".
A notre idée, le froid devait être le grand régulateur
du marché La Station fut équipée d'une machine frigorifique
qui nous permettait d'obtenir des froids atteignant 25° au-dessous
de zéro, et grâce à elle nous avons pu faire des expériences
fort intéressantes de congélation de sardines. Nous avons
également étudié l'action de la glace sèche
ou neige carbonique, grâce au concours des dirigeants de la Société
l'Air Liquide.
Les résultats furent très probants. Au bout l'un mois, des
sardines congelées à coeur et conservées en chambre
froide aux alentours de -8° purent être usinées, mises
en boîte, et il devint difficile, au point de vue organoleptique,
de les distinguer de celles qui, servant de témoins, avaient été
mises dans des boîtes à l'état frais.
L'usine pourrait, si un frigorifique important y était annexé,
acheter toute la production au moment des fortes pêches, et l'usinier,
peu à peu, donner ainsi à son personnel un travail régulier.
Ou bien, le pêcheur pourrait stocker son poisson dans des docks
frigorifiques coopératifs, et le vendre au fur et a mesure des
demandes.
Enfin, des essais timides de transport du pois son bleu à l'intérieur
de l'Algérie furent tentés, autrefois.
Le poisson congelé voyage fort bien, à la condition de prendre
quelques précautions élémentaires, et il serait ainsi
possible de le transporter sur les marchés arabes de l'Algérie
où il constituerait un apport précieux de matière
alimentaire.
Les Crevettes de nos côtes peuvent aussi se conserver (note
du site : ne pas confondre avec ce con servait , ce qui n'a rien à
voir ici !. Cette note juste pour savoir s'il y en a qui lisent ou si
je me casse le train pour rien.) par le froid, et faire l'objet
d'une exportation ; le seul obstacle à la réussite totale
est leur noircissement léger. On y remédié facilement
d'ailleurs en les acidifiant légèrement, par un peu de vinaigre
ou un jus de citron. On y pare également en les faisant cuire à
l'eau rapidement.
Malheureusement, le froid coûte cher et, comme nous le disions plus
haut, les installations pourraientêtre faites sous la forme Coopérative,
avec l'aide du Crédit Maritime.
LA RÉGLEMENTATION DES PÊCHES MARITIMES.
La Station de Castiglione représente le Laboratoire auquel s'adresse
l'Inscription Maritime chaque fois qu'un règlement concernant la
pêche doit être étudié.
On a beaucoup écrit sur la pisciculture et la piscifacturé
marine, en vue de repeupler les fonds, et on s'est aperçu que c'était
là un leurre. Ce qu'il faut surtout, c'est une surveillance sérieuse,
afin de faire appliquer des règlements qui, contrairement à
ce que croient beaucoup de pêcheurs, ont été édictés
après enquête minutieuse et expériences sérieuses.
Les recherches sont faites par nos soins, notre avis est celui que peuvent
donner des techniciens, reposant, non sur une idéologie, mais sur
des faits précis. Nous avons âprement défendu, dans
les Commissions consultatives des Pêches, notre point de vue. Parfois,
nos idées étaient partagées et admises. Parfois aussi,
nos propositions furent jugées inacceptables. L'avenir, le plus
souvent, démontre que nous avions raison.
C'est de tout ce travail que devait sortir la réglementation de
la Pêche en Algérie, en août 1936.
Mais un texte n'est jamais parfait. Dés dispositions de ce décret
sont à reprendre. C'est le rôle du Comité central
des Pêches maritimes algériennes, dans le bureau duquel la
Station est représentée par son Directeur.
ETUDES SUR LES POISSONS D'EAU DOUCE.
Une Station d'Aquiculture doit faire, en Algérie, l'impossible
pour démontrer que, dans nos eaux douces, il y a autre chose que
des Barbeaux.
Les Carpes sont répandues dans toute la Mitidja
où elles furent introduites vers le milieu du siècle dernier
et où elles s'y sont multipliées, Des sociétés
de pêche se sont développées dans le département
de Constantine et y ont introduit ce Cyprinidé.
Nous avons procédé à l'empoissonnement du Barrage
de l'Oued Fodda, où 600 Carpes prises dans le canal de déversement
du Lac Halloula au moment de son dessèchement, burent capturées
par les marins du Laboratoire et expédiées au Barrage. Elles
y ont parfaitement prospéré.
Une des belles réussites d'empoissonnement fut celui du Barrage
du Ghrib, où un Ingénieur du Service des Irrigations, resté
en étroit contact avec notre Laboratoire, éleva et répandit
la Truite arc-en-ciel.
Nous avons étudié la possibilité pour l'Algérie
de cultiver le poisson rouge, le Cyprin doré, si à la mode
dans ces dernières années et que l'étranger nous
envoyait. Le Laboratoire a fait construire une installation simple qui
permettrait aux petits propriétaires ayant de l'eau à leur
disposition, de réaliser d'intéressants bénéfices.
Nous avons protesté contre le fait que des Gambusia aient été
déversés un peu partout à la suite de l'intense propagande
faite par l'Institut Pasteur. Nous ne nions pas la valeur au point de
vue de la lutte antilarvaire contre les moustiques, de la diffusion de
ce petit poisson. Mais nous préférerions de beaucoup lui
voir substituer des Cyprinodons indigènes, tout aussi friands qu'eux
de larves de moustiques et qui né transforment pas, comme le font
les Gambusia, une eau, milieu essentiellement vivant, en un milieu putride,
où ils ne trouvent même plus de moyens d'existence au bout
de peu de temps.
C'est pourquoi nous avons facilement élevé les Cyprinodons
ibériques et rubanés que nous désirons répandre.
Malheureusement, les cours d'eau de la Mitidja sont très régulièrement,
vers le mois de septembre, soumis à rude épreuve par les
Caves et Distilleries de la région. Chaque année, malgré
les appels lancés par la Station, malgré les règlements
et les menaces des Services d'Hygiène, des quantités d'eaux
résiduaires contenant de l'acide sulfurique sont déversées
dans nos oueds. Et c'est chaque année le même désastre
: des tonnes de poissons flottant le ventre en l'air, s'échouant
sur les rives où, en pourrissant, ils rendent l'air irrespirable.
Dans ce domaine de la pêche fluviale, il y a beaucoup à faire
en Algérie. Aucune réglementation n'existe. Tout, ou à
peu près tout, est permis. Il y eut bien, sous notre pression,
une Commission de la Pêche fluviale qui fut
instituée, mais elle n'eut pas de lendemain, après une unique
séance préparatoire. Il serait bon que, là aussi,
on tente d'instaurer un régime de protection, que des sociétés
de pêche de la région constantinoise s'efforcent (sans grand
succès d'ailleurs) de réaliser.
LE CONTRÔLE MARITIME DES COQUILLAGES.
En 1938, la Station expérimentale d'Aquiculture et de Pêche
de Castiglione a vu s'étendre son activité du côté
du contrôle sanitaire des coquillages La forte épidémie
de fièvre typhoïde qui sévit durement en Algérie
durant l'été 1937 avait ému les Pouvoirs publics
désireux d'éviter le retour de semblable catastrophe. Les
coquillages et fruits de mer, consommés crus furent incriminés,
à juste titre d'ailleurs, par les hygiénistes, et un arrêté,
depuis long temps en gestation, en date du 16 mai 1938, chargeait la Station
du travail d'étude de salubrité des parcs à mollusques.
Ceci a conduit la Station à créer un Laboratoire de Bactériologie,
où sont effectuées les analyses, et à tracer un programme
de surveillance, cependant qu'il fallait parcourir la côte pour
déterminer des zones littorales salubres et insalubres. Malgré
diverses difficultés, le travail de classement des zones fut terminé
à la date du 1er octobre et fut approuvé sans aucune modification,
aussi bien par les Services de l'Inscription Maritime que par les Médecins
et les Commissions d'Hygiène des trois départements.
Dès lors, les établissements coquilliers devront être
installés en zone salubre protégée, et donneront
ainsi plus de garanties aux consommateurs.
Cette création du contrôle sanitaire ostréicole fut
faite sous l'égide de l'Inscription Maritime avec qui la Station
travaille en étroite collaboration.
INVENTAIRE DE LA FAUNE LOCALE ET TRAVAUX DIVERS
SUR LES ANIMAUX RECUEILLIS.
Les recherches de science pure (mais existe-t-il bien un départ
entre la science pure et la science appliquée ?) sont loin d'être
négligées. De nombreuses études sur le plancton ont
été publiées par nos soins. Cette manne, qui sert
de nourriture aux poissons, mérite d'être connue. Ce sont
des études patientes, des déterminations pénibles,
des pêches nombreuses au filet fin qui nous donnent un aperçu
d'ensemble sur les variations qualitatives et quantitatives du plancton.
La connaissance des animaux qui habitent telle ou telle zone du littoral,
la description des êtres qui vivent dans les divers fonds sous-marins,
les études ichtyologiques systématiques, sont autant de
sujets de recherches pour les travailleurs du Laboratoire.
C'est de ces travaux, qui paraissent, à première vue, du
domaine de la spéculation pure, que nous pouvons tirer des conclusions
d'ordre pratique.
L'activité d'un Laboratoire peut se mesurer à l'importance
de ses publications. Depuis 1926, le " Bulletin des Travaux de la
Station " a publié de nombreux mémoires sur des sujets
de biologie ou de pêche, extrêmement variés. Nous avons
voulu, avant tout, qu'il soit une publication algérienne. Il ne
cherche pas à se substituer aux périodiques scientifiques
de la Métropole.
C'est dans cette collection qu'il faudra puiser plus tard, pour connaître
l'évolution des travaux consacrés à la pêche
et à la mer, en Algérie.
Ainsi qu'on peut le voir par ce bref aperçu, la Station expérimentale
d'Aquiculture et de Pêche de Castiglione déploie son activité
dans les diverses branches qui touchent à la pêche maritime
et fluviale.
Sans négliger, tant s'en faut, les recherches scientifiques, elle
s'applique à des études pratiques, qui aboutiront certainement
un jour à modifier, à améliorer le rendement des
pêches faibles, non pas parce que le poisson est rare sur nos côtes,
mais parse que son exploitation n'est pas faite de façon disciplinée
et rationnelle.
Docteur R. DIEUZEIDE,
Directeur de la Station d'Aquiculture et de Pêche de Castiglione,
Inspecteur technique des Pêches en Algérie
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