Le Port d'Alger
LE SITE D'ALGER.
Le site d'Alger est géographiquement
médiocre et rien n'y appelait à priori la fondation d'une
capitale ou d'un port ; il n'y a là ni l'aboutissement d'une grande
voie fluviale, ni le débouché d'un arrière- pays
considérable, ni l'abri sûr qui invite à développer
une grande cité maritime.
Alger est situé au pied du massif de la Bouzaréa qui culmine
à 407 mètres, mais la configuration de la côte à
partir du Cap
Caxine, l'orientation Nord-Sud du port, ne lui assurent qu'une
protection naturelle aléatoire dans une baie ouverte aux courants
et à presque tous les vents.
L'histoire de la région d'Alger abonde d'ailleurs en catastrophes
maritimes : la plus célèbre est celle qui fit échouer
Charles-Quint devant Alger lorsque 150 bâtiments (le quart de sa
flotte) furent détruits dans la nuit du 25 au 26 octobre 1541.
Cette hypothèque d'ordre nautique a longtemps pesé et pèse
encore dans une certaine mesure sur le port d'Alger.
Le port d'Alger est devenu ce qu'il est en raison de sa situation centrale
sur la côte d'Afrique du Nord (situation qui a en outre l'avantage
d'être à mi-chemin entre les ports de l'Europe du Nord et
le Canal de Suez) et en raison du rôle joué par la ville
d'Alger ; il a commencé comme base principale d'opérations
de l'Armée d'Afrique, il s'est développé ensuite
parallèlement à la capitale politique de l'Algérie
et en fonction de nécessités économiques croissantes.
LES ORIGINES.
Alger ( Alger
est la corruption du nom arabe cl' " El-Djezaïr " (les
îles), sans doute à cause des rochers dont la réunion
constitue aujourd'hui l'îlot de l'Amirauté.) n'apparaît
réellement dans l'histoire qu'au XVIè siècle, lorsqu'elle
devint vassale de l'Espagne, ainsi que les principales villes de la côte.
Les Espagnols construisirent alors sur l'îlot situé en face
de la ville le Fort du Penon, mais leur domination fut de courte durée.
Le célèbre pirate Khaïr-Ed-Din Barberousse, qui était
à ce moment l'allié de François Ier, s'installa à
Alger et s'empara du Penon en 1529.
Ce fut lui qui fit construire aussitôt par des esclaves chrétiens
une jetée reliant le Pernon à la terre et un môle
qui constituèrent le premier port d'Alger.
Ce port dura jusqu'à la conquête et demeura le principal
repaire de la piraterie barbaresque, en dépit de ses imperfections
nautiques qui obligeaient les bâtiments à aller hiverner
à Bougie.
Alger abrita ainsi pendant trois siècles une curieuse association
de forbans, qui connut son apogée au début du XVIIè
siècle.
Les interventions contre Alger furent multiples, mais elles furent rarement
puissantes et elles n'obtinrent jamais que des résultats temporaires.
Il y eut, entre 1505 et 1830, 43 expéditions de quelque importance
contre le littoral algéro-tunisien, dont 19 furent dirigées
contre Alger. Les Espagnols tentèrent deux fois de reprendre pied
à Alger, en 1571, sous Charles-Quint, puis en 1775, et essuyèrent
chaque fois un échec complet.
Avant la conquête d'Alger, les Français avaient une situation
commerciale relativement privilégiée; cependant, les exactions,
les infidélités aux accords conclus nous amenèrent
à intervenir également et à faire au cours du XVII'
siècle, douze expéditions dont quatre contre Alger ; la
plus importante est celle que commanda Duquesne
en 1682, qui détruisit une cinquantaine de maisons ; c'est en représailles
que le Père Le Vacher, notre représentant à Alger,
fut attaché à la bouche d'un canon et que ses membres furent
jetés en défi à nos bâtiments en 1683.
Mais nos consuls d'Alger, établis depuis 1577, n'en furent pas
moins maintenus jusqu'à la conquête, laquelle eut, comme
on le sait, pour prétexte, le coup d'éventail que donna
le Dey Hussein à notre dernier représentant, M. Deval.
LE PORT D'ALGER
DE 1830 A 1870.
Le mérite de l'expédition d'Alger
revient à Charles X et à son Ministre de la Marine, le baron
d'Haussez ; ils surent triompher de nombreux obstacles, notamment de l'opposition
de l'Angleterre et de l'hostilité des chefs de la Marine qui réalisaient
mieux que tous autres les difficultés d'un débarquement
sur une côte inhospitalière.
L'expédition comprenant 38.500 hommes et environ 400 bâtiments,
sous le commandement du Général de Bourmont et de l'Amiral
Duperré.
Le débarquement se fit dans la baie de Sidi-Ferruch et aboutit
en 20 jours à la prise d'Alger, le 5 juillet 1830.
La darse des Turcs, en raison même de sa petitesse et de ses défauts
nautiques, convenait assez bien à des corsaires qui y trouvaient
un refuge inviolable ; elle ne pouvait convenir, même dans la plus
modeste mesure, aux besoins maritimes de la France.
Les projets et les travaux concernant le port d'Alger ont suivi les vicissitudes
de notre politique algérienne ; pendant les premières années,
lorsque le vent était à " l'occupation restreinte "",
il était évidemment difficile de prévoir et d'entreprendre
de grands travaux.
Le soulèvement d'Abd-el-Kader, en 1839, nous obligea à accroître
nos forces miliaires et, par suite, à envisager l'extension du
port qui était leur base principale d'opérations ; ce n'est
pourtant qu'en 1848, après de multiples tergiversations, qu'on
fut d'accord pour un plan définitif qui devait aboutir à
" l'ancien port " actuel.
C'est le Second Empire qui donna au port aussi bien qu'à la ville
d'Alger la physionomie qu'ils ont sensiblement gardé depuis ; cette
impulsion fut sanctionnée par la visite, en 1860, du couple impérial,
visite au cours de laquelle fut inaugurée, sous le nom de Boulevard
de l'Impératrice, la vaste avenue qui domine le port et qui est
une des beautés d'Alger.
Pendant toute cette période, le port d'Alger répondait surtout
à des besoins militaires. La Marine de guerre, en effet, ne fut
pas seulement le soutien indispensable de toutes les opérations,
elle resta pendant longtemps le lien quasi unique avec la Métropole
aussi bien qu'entre les villes de la côte, tant que les liaisons
terrestres entre ces dernières restèrent insuffisantes ou
dangereuses.
C'est ce qui explique qu'un premier projet de l'Ingénieur hydrographe
Lieussou ait prévu un important port de guerre au Sud de l'îlot
de l'Amirauté, le port de commerce étant rejeté au
Nord sans possibilité d'extension. Quant au projet final de 1848,
il prévoyait dans le Sud du port la construction d'établissements
pour la Marine, toujours dans le cadre de l'idée première
qui était de faire d'Alger un Toulon africain.
L'achèvement de la conquête, la mise en service en 1842,
de lignes de navigation normales, le développement du cabotage
privé, firent passer progressivement Alger du plan militaire sur
le plan commercial.
En 1857, il fut décidé qu'Alger ne serait qu'un port de
réparations et de ravitaillement ; l'évolution fut marquée
ensuite par la loi douanière de 1867 qui faisait de l'Algérie
un prolongement du territoire français et créait un courant
de transactions régulier, enfin en 1869 par l'ouverture du Canal
de Suez, qui allait développer le rôle d'Alger comme port
d'escale.
LE PORT D'ALGER
DE 1870 A LA GUERRE DE 1914-1918.
La guerre de 1870 interrompit l'essor du
port d'Alger dont les travaux ne purent être repris que vers 1879.
Il fallut d'abord diminuer le ressac qui restait parfois très violent,
et, jusqu'à la fin du XIXe siècle, on se préoccupa
surtout d'améliorer l'ancien port, d'abord en prolongeant et en
renforçant la jetée Nord, ensuite à partir de 1892
en rétrécissant la passe d'entrée, amélioration
qui devenait possible avec la raréfaction des naviresà voiles.
La mise en valeur progressive de l'Algérie, et notamment de la
plaine de la Mitidja dont Alger est le débouché naturel,
le développement énorme du nombre des bâtiments en
relâche, rendirent urgent le développement du port d'Alger
; le bassin de l'Agha, commencé en 1897, fut livré au commerce
dès 1912.
C'est pendant la période qui précéda la guerre de
1914 qu'Alger se développa de façon extraordinaire, presque
soudainement : la ville, qui avait 96.000 habitants en 1896, en comptait
206.000 en 1921.
Le trafic du port se développa parallèlement au développement
économique de l'Algérie et en particulier de la région
d'Alger.
Il faut aussi faire intervenir le cabotage qui, si ingrate que fut la
côte d'Algérie, y a toujours été et y demeure
une nécessité absolue, car on peut dire que les voies terrestres
le long de la côte y sont plus ingrates encore que les voies maritimes.
Il faut enfin signaler le rôle important d'Alger comme port de relâche
; ce rôle n'a cessé de croître avant 1914 ; aux avantages
de sa position géographique, Alger joint en effet celui d'une escale
agréable et celui d'une eau excellente.
Alger était en outre très fréquenté par les
compagnies de tourisme et servait de tête de ligne aux bâtiments
conduisant chaque année les pèlerinsà la Mecque.
LE PORT D'ALGER
DE 1914 A 1939.
Le port d'Alger n'a pas joué de rôle
essentiel au cours de la guerre 1914-1918 ; l'activité générale
du port a fortement diminué, et ce n'est que lentement qu'elle
a repris après 1918.
Avant même que soit achevé le bassin de l'Agha, on avait
projeté en 1913 l'extension du port d'Alger par la construction
d'un avant-port de 115 hectares et de deux nouveaux bassins dits de Mustapha
et du Hamma, l'un de 80, l'autre de 60 hectares, le second comportant
trois formes de radoub de 300, 200 et 150 mètres.
Ces projets, interrompus par la guerre, furent votés en 1921 et
la première pierre du bassin de Mustapha fut posée en 1922
par M. Millerand, Président de la République.
Conçu dans une période de prospérité, le programme
de 1921 dut être ramené à des proportions plus modestes
; on commença par le bassin de Mustapha, bassin qui, en 1939, était
déjà très avancé, puisqu'il n'y manquait que
le second môle ; on n'envisage plus d'autre part qu'une seule forme
de radoub supplémentaire, de 200 m., à construire au môle
Amiral-Mouchez, à côté des deux formes déjà
en service.
On dut entre temps, à la suite de violentes tempêtes en 1930
et 1931, renforcer la protection générale du port contre
les gros temps, et notamment prolonger la Jetée Nord ; grâce
à ces travaux, le ressac a considérablement diminué
dans le port.
D'autres améliorations ont été effectuées
entre les deux guerres: constructions d'un quai des combustibles sur la
jetée extérieure, agrandissement du môle Al-Djefna,
construction du môle de pêche, construction du " Môle
des Voyageurs " destiné à recevoir la nouvelle Gare
maritime, perfectionnement et multiplication de l'outillage, etc...
Enfin, l'extension du port vers le Sud-est a permis d'étendre les
terre-pleins dont l'insuffisance - due à la géographie -
était une cause de faiblesse pour l'ancien port d'Alger.
LE RÔLE
MILITAIRE DU PORT D'ALGER JUSQU'EN 1939.
Depuis 1871, le rôle militaire d'Alger
était bien atténué ; cantonnée dans le petit
coin vieillot de l'Amirauté, la Marine de guerre n'entretenait
plus qu'un modeste point d'appui pour petits bâtiments.
Mais le port d'Alger restait un des principaux points d'embarquement de
nos troupes d'Afrique vers la Métropole.
D'autre part, il était toujours prévu pour recevoir et ravitailler
éventuellement des bâtiments de guerre et il n'a jamais cessé
d'être fréquenté par eux, au cours de leurs croisières.
La plus importante manifestation de la Marine de guerre à Alger
fut la très belle Revue navale qui eut lieu le 10 mai 1930, à
l'occasion du Centenaire de l'Algérie.
La guerre de 1939 allait de nouveau remettre Alger dans l'ambiance guerrière
qu'elle n'avait plus connue pratiquement depuis 1830 et redonner à
la Marine à Alger, une importance éphémère
et inattendue.
LE PORT D'ALGER
PENDANT LA GUERRE DE 1939-1945.
Comme pendant la guerre de 1914-1918, le
port d'Alger ne joua d'abord qu'un rôle effacé.
C'est avec les événements du 8 novembre 1942 qu'Alger entre
véritablement dans l'histoire de la guerre et va y jouer pendant
deux ans un rôle prépondérant.
Dès le 9 novembre 1942, le port d'Alger, placé sous le commandement
britannique, entrait à nouveau dans l'effort de guerre allié,
avec un concours français qui s'est affirmé et accru progressivement.
D'importants débarquements de troupes et de matériel ont
eu lieu sans arrêt, avec des pointes lors des opérations
de Tunisie (janvier, février 1943), lors du débarquement
de Sicile (juin, juillet 1943), enfin lors du débarquement en France
(août, septembre 1944).
Les périodes les plus actives furent celles de février 1943,
où l'on vit une arrivée de 42 cargos le même jour,
et celle de juin-juillet 1943, au cours de laquelle on vit jusqu'à
210 bâtiments à la fois dans le port.
Les bassins de radoub et les ateliers de réparations ont fourni,
de leur côté, un travail considérable.
Les alliés ont surtout utilisé le môle Billiard (mole
n° 1 du bassin de Mustapha), qui avait été spécialement
étudié et construit, d'ailleurs, pour les mouvements de
troupes et de matériel de guerre.
Ils ont, en outre, surtout depuis 1944, utilisé largement Alger
comme port d'escale) ; l'importance exceptionnelle du port, comme point
de ravitaillement en eau (qualité et abondance) a été
mise de nouveau en relief.
L'effort français dans le port d'Alger, comme dans tous les ports
d'Afrique du Nord, a été spécialement méritoire
parce qu'il s'exerçait avec une main-d'uvre mal nourrie,
peu habillée, dont les cadres étaient réduits par
une mobilisation sévère, et avec un matériel usé
qu'il était difficile de réparer.
Il s'est surtout exercé en dépit des attaques aériennes
( 39 attaques dont 22 avec bombardement.)
et sous-marines de l'ennemi, en dépit de 3 grosses explosions qui
causèrent la mort de quelque 300 hommes (dont un tiers de civils)
et qui ont laissé dans le port ou dans la rade le témoignage
éloquent de dix épaves.
LA MARINE A ALGER
PENDANT LA GUERRE 1939-1945.
Alger, pendant toute la période qui
s'étend du 8 novembre 1942 à la libération de la
France, a joué plus ou moins un rôle de capitale et a été
le siège des diverses organisations qui ont finalement abouti au
Gouvernement provisoire de la République française.
Alger est devenu ainsi en même temps qu'une importante base militaire,
un important centre administratif et politique.
C'est dans ce cadre qu'à la fin de 1943 les Services du "
Commissariat à la Marine ", héritiers des " Forces
maritimes d'Afrique " dont la direction était à Casablanca,
et des " Forces navales françaises libres " dont la direction
était à Londres, se sont organisés à Alger
; ils y sont restés jusqu'à la réinstallation du
Ministère de la rue Royale, à l'automne de 1944.
Cette période de cohabitation avec l'état-major général
et les Services du Commissariat à la Marine fut pour la Marine
à Alger extrêmement active.
Son modeste établissement, devenu une véritable
" plaque tournante " de toute la Marine, a dû faire face
à un afflux continuel de personnel provoqué par la mobilisation,
par la création de nouvelles unités, par l'organisation
des Services féminins, enfin par la réception de nombreux
évadés.
Alger devint pendant cette période la base d'opérations
de nombreux navires qui ne lui étaient 4 pas affectés en
propre et la principale tête de ligne, notamment pour nos liaisons
avec l'Angleterre, avec l'A.O.F., et finalement avec la côte Sud
de France.
C'est d'Alger que sont parties les troupes qui, avec la reconquête
de la Corse, ont commencé la libération de la Métropole
; c'est ensuite la Marine à Alger qui a organisé les convois
et maintenu les liaisons indispensables.
L'automne de 1944 a vu la fin de la période que l'on peut dire
opérationnelle ; l'activité de la Marine à Alger
a alors changé de caractère :
Les questions de relève, de rapatriements, de permissions, les
débuts de démobilisation, toutes choses fort importantes
pour le moral du pays et la remise en place définitive de bien
des déracinés sont devenues essentielles.
Alger, pratiquement seule tête de ligne au moment de la reprise
des relations avec la Métropole, a assumé ainsi une charge
d'autant plus lourde que c'est la période au cours de laquelle
nous avions à recueillir dans divers domaines la succession des
Britanniques, et à retrouver ainsi quelque souveraineté.
LE RÔLE
D'ALGER COMME PORT AÉRONAVAL.
C'est la Marine qui a installé pendant la guerre
de 1914-1918 la base d'aéronautique de l'Agha.
Cette base vendue en 1920 à la Chambre de Commerce, a desservi
la ligne commerciale d'hydravions Alger-Marseille.
Au moment de la guerre de 1939, Alger était une des " Bases
de départ " de l'Aéronautique navale, avec un centre
de captifs.
Mais cette base de l'Agha s'était révélée
dès 1932 pleine de dangers et d'inconvénients.
La protection insuffisante de la baie d'Alger oblige les hydravions à
décoller ou à amerrir généralement à
l'intérieur du port ; l'accroissement des dimensions des appareils
utilisés, l'encombrement croissant du plan d'eau de Mustapha rendirent
la manuvre de plus en plus difficile et dangereuse ; l'existence
de la Base restreignait les possibilités d'amarrage des bâtiments
le long des quais voisins et empêchait l'extension prévue
des terre-pleins.
Aussi avait-on envisagé une autre base d'hydravions et examiné
à cet effet divers projets ; ces projets reposaient sur la prééminence
de l'hydravion et sur la nécessité de pouvoir appuyer une
flotte aérienne sur Alger, tant du fait de sa situation géographique
que de son importance administrative et militaire.
Cependant, dès 1938, on s'était orienté vers la solution
de l'emploi d'avions terrestres, et la ligne commerciale devait, à
partir du 1" janvier 1942, utiliser le terrain de Maison-Blanche.
La Marine avait d'ailleurs, dès 1925, prévu une base sur
ce terrain, et la première tranche de travaux était achevée
en 1929 lorsque la base fut cédée au Ministère de
l'Air.
La guerre a confirmé ces vues et l'aviation alliée, depuis
novembre 1942, n'a guère utilisé, à Alger, que des
appareils terrestres ; on peut dire qu'Alger n'est plus qu'occasionnellement
un point de relâche pour les hydravions qui utilisent normalement
les plans d'eau bien préférables d'Arzew et de Bizerte.
L'emprise alliée depuis 1942 et la future emprise commerciale sur
le terrain de Maison-Blanche ont amené le repli de l'aviation militaire
française d'Alger sur le terrain de Boufarik.
L'Aéronautique navale y a installé une petite base avec
un détachement de liaison, des appareils de servitude et des avions
de transport.
L'AVENIR DU PORT
D'ALGER.
A la fin d'une guerre qui fut dévastatrice pour
presque tous nos ports de la Métropole, Alger, comme les autres
ports de commerce de l'Afrique du Nord, a l'avantage immense d'être
à peu près intact. Encore ne faut-il pas oublier que son
exploitation intensive a épuisé les rechanges et usé
considérablement un matériel qu'il faut d'abord reconstituer
ou remettre en état.
La reconnaissance du port d'Alger dépendra ensuite de plusieurs
inconnues :
Comment se rétabliront les relations essentielles avec la Métropole
? A cet égard, la destruction des ports métropolitains peut
réagir sur l'Algérie.
Si le monopole du pavillon français, en vigueur depuis 1889, doit
être maintenu, ces relations seront essentiellement fonction de
la reconstruction, qui peut être longue, de notre Marine marchande.
Dans quelle mesure le trafic des voyageurs, si important jadis pour Alger,
sera-t-il perturbé par la mise en service de lignes aériennes
puissantes ?
Comment l'économie algérienne, largement perturbée
par la guerre, matériellement et moralement va-t-elle évoluer
? Dans quelle mesure sera-t-elle affectée par le nouveau statut
des indigènes, par le séjour et par l'interférence
des alliés en Afrique du Nord ?
Quand pourra-t-on établir à Alger la zone franche dont il
est question depuis longtemps et qui favoriserait le développement
de certaines industries, celles du tabac par exemple ? Cet établissement
est lié à la construction du deuxième môle
du bassin de Mustapha, c'est-à-dire à des travaux encore
lointains ( Mentionnons pour mémoire
la reprise possible des travaux du Transsaharien, qui intéressent
avant tout le port d'Oran.).
La Chambre de Commerce d'Alger, dans sa séance du 10 mai 1944,
a maintenu pour l'avenir le programme d'agrandissement interrompu par
la guerre mais en donnant la priorité aux travaux visant à
améliorer le port actuel : diminution du ressac, perfectionnement
de l'outillage et des installations, en particulier des installations
frigorifiques qui pourront favoriser l'exportation des primeurs.
Les événements de 1942 ont donné à Alger où
y ont accru certaines caractéristiques d'un port militaire : quelques
petits bâtiments y ont été basés normalement,
des écoles y ont été créés, une Direction
des constructions et armes navales s'y est développée.
Cet aspect survivra sans doute quelque temps car il nous faudra utiliser
au maximum les ressources qui nous restent en attendant la remise en état
de nos installations métropolitaines.
Cependant la situation acquise de la Marine à Bizerte, les projets
de Mers-el-Kébir et de Casablanca ramèneront probablement
la Marine - qui ne peut se disperser sans dommage - à reprendre
à Alger une situation analogue (2) à sa situation d'avant
guerre.
Mais la guerre a fait d'Alger, beaucoup plus qu'un port de guerre, un
" port en opérations " ; tout port de commerce devient
" port en opérations " dès l'instant qu'il se
trouve dans la zone-3 des armées ou qu'il participe activement
à des opérations militaires.
C'est sous cet aspect que la Marine se doit surtout d'envisager, en ce
qui la concerne, l'avenir du port d'Alger.
Au seuil d'un monde nouveau, alors que bien des facteurs anciens de la
prospérité d'Alger se trouvent perturbée, il est
bien difficile de conclure.
Il y a encore trop d'incertitudes, comme nous l'avons vu, pour que l'on
puisse essayer de sonder l'avenir ; il y a trop de besognes essentielles
qui s'imposent aujourd'hui pour spéculer sur celles qui pourront
s'imposer demain.
(2) Les principaux changements qui pourraient être entérinés
sent :
----- le maintien à Alger et non plus à Bizerte, de l'autorité
maritime la plus élevée en Afrique du Nord, pour qu'elle
soit placée auprès des plus hautes autorités civiles
et militaires correspondantes, et dans une situation centrale ;
----- le maintien d'une petite D.C.A.N., en liaison avec la construction
de la nouvelle forme de radoub de 200 m.
----- le maintien d'écoles, qui pourraient devenir indigènes,
au Cap Matifou.
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