Les statues d'Alger.
LE MARÉCHAL PELISSIER.
On l'avait surnommé le bourru bienfaisant. Il était de
caractère irritable ; mais il avait bon cur. Il avait aussi
de l'esprit, ce que beaucoup ne lui ont jamais pardonné.
Aimable, Jean-Jacques Pélissier est né à Maromme,
près de Rouen le 6 novembre 1794. Il sort de Saint-Cyr en 1815,
se bat en Espagne (1823), en Morée (1828) et débarque
à Sidi-Ferruch en 1830 comme capitaine.
On le voit, en 1840, chef d'État-major de la division d'Oran
; en 1842 sous-chef d'État-major général en Alger
; en 1846, Maréchal de Camp ; en 1850, divisionnaire.
Son action en Algérie est considérable et marquée
notamment par la prise de Laghouat en 1852. Il fut, quoique certains
en aient dit, un administrateur clairvoyant et énergique.
En 1855 on le retrouve en Crimée où il emporte Sébastopol.
L'Empereur lui accorde à ce moment le bâton de Maréchal
et le titre de Duc de Malakoff.
En 1860, le Maréchal Pélissier est nommé Gouverneur
Général de l'Algérie.
En 1851, alors qu'il assurait l'intérieur du Gouvernement Général,
le Maréchal Pélissier se met en campagne pour réprimer
l'insurrection des Issers. Il soumet les Flissas et les Maatkas, et,
afin de mieux assurer les positions acquises, il crée le poste
de Dra-el-Mizan. C'est au cours de cette campagne de Kabylie, qu'un
sergent-major de Zouaves, apercevant un village perché au sommet
d'un piton - et qu'il faut atteindre - s'écrie :
- Si le Père Éternel avait eu sac au dos quand il fit
ces montagnes, il ne les aurait sûrement pas façonnés
comme ça...
Ce sergent-major se nomme Duserre. Peu après cette campagne Duserre
rend ses galons et entre dans les ordres où il eut une brillante
carrière puisqu'il accéda aux plus hautes dignités
de l'Église, devint archevêque d'Alger et Primat d'Afrique.
J'ajoute en passant, que le caricaturiste Charlet, par je ne sais quel
concours de circonstances s'inspira des paroles du sergent-major Duserre
pour écrire la légende de l'une de ses scènes militaires.
Il fait dire, en effet, à Hutinet, fusilier de la 3°' du
2° du 43°, gravissant un raidillon avec armes et bagages : "
Quand il a fait les montagnes, le Père Éternel, bien sûr
que s'il avait pris l'sac sur le dos, y n'zaurait pas fait si hautes
! "
Je ne reviendrai pas ici sur la trop fameuse enfumade d'insurgés
indigènes des Ouled Riah, dans les Grottes du Dahra, par le colonel
Pélissier. On sait que cet incident souleva de violents débats
à la Chambre des Pairs, débats qui compromirent un moment
la carrière du Colonel. Busquet et Xavier Marmier se sont tout
particulièrement intéressés à la question.
Parmi les biographes du Maréchal il nous faut citer en premier
lieu Pierre Marbaud. - 1863 - (apologie quelque peu excessive notera
M. le recteur Tailliart). Il nous faut citer aussi Léonce Grandin
(1902).
Tous les algérois connaissent la sombre et assez malpropre Galerie
Malakoff qui s'ouvre à deux pas de la place du Gouvernement,
rue Bab-el-Oued. Elle eut autrefois un aspect plus digne, du temps où
le Tout-Alger gravitait autour du très sélect quartier
de la Préfecture.
On peut voir, au centre de cette galerie, un pilier de marbre portant
à sa partie supérieure une courte tige de fer, solidement
enchâssée. Sur ce socle reposait il y a une vingtaine d'années,
le buste en bronze du Maréchal Pélissier qu'encadraient
deux nymphes de fort belle apparence.
Ce buste, uvre du sculpteur Crank, fut érigé en
1862, sur l'initiative de M. Philippe Picon.
Qu'est devenu ce buste ? (d'ailleurs assez mauvais) . On l'ignore. Un
beau jour on ne le vit pas à sa place habituelle ; et bientôt
l'on n'y pensa plus...
Nous avons essayé de retrouver sa trace. Peine perdue. Nous avons
interrogé les vieux locataires des immeubles voisins. Même
ignorance tranquille. Un archaïque barbier indigène nous
a assuré entre deux barbes, qu'il ne connaissait pas monsieur
Pélissier...
Et nous avons tiré le rideau.
Ajouterons-nous crédit à cette petite histoire qui veut
qu'un concierge du passage ait donné asile au buste voyageur
?
Mme S... m'a toutefois affirmé l'avoir vu trôner un certain
temps sur l'une des cheminées de la loge...
Je rappelle que trois bustes, identiques, furent inaugurés dans
le même temps à Dély-Ibrahim, à Chéragas
et à Pélissier. Ceux-là, sont toujours à
leur place.
Le Maréchal mourut en Alger à la fin du mois de mai 1864.
Ses obsèques eurent lieu le 4 juin.
Le corps, après de très émouvantes cérémonies,
fut dirigé sur la France à bord du " Christophe Colomb
". Le 8 juin il entrait solennellement aux Invalides.