Alger - l'Algérie
         BREVES MONOGRAPHIES COMMUNALES
Les trois communes de la proche banlieue d'Alger
BIRMANDREIS (ou Bir Mourad Raïs)

Texte, illustrations : Georges Bouchet

mise sur site : mars 2008

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BIRMANDREIS (ou Bir Mourad Raïs)

La naissance du village français ne doit rien au plan Guyot de 1842. Elle lui est d'ailleurs bien antérieure. Il est né spontanément, en 1831, autour d'un fortin français surveillant la vallée de l'oued Kniss et protégeant Alger, qui était alors éloigné de 10km

Les premiers Européens établis là furent des Mahonnais et des Allemands du sud. Ces derniers sont arrivés à Birmandreis, Kouba ou Dély Ibrahim sans l’avoir vraiment souhaité ; pour l’explication de cette étrangeté  se reporter au chapitre Dély Ibrahim.

Seuls les Mahonnais possédaient les connaissances horticoles adaptées au climat  qui leur permirent de s’implanter durablement. Ils savaient creuser des puits, construire des norias, et pratiquer des cultures de légumes avec irrigation. Ils étaient assez proches d’Alger pour écouler leurs surplus sans difficulté. Pour réussir ces cultures d’huerta, ils creusèrent de nombreux puits équipés de norias à godets, comme à Mahon, que des mulets faisaient tourner. Pour protéger leurs bêtes du soleil africain ; ils leur mettaient des chapeaux kabyles améliorés avec deux trous pour laisser passer les oreilles.

Bien sûr, dans les années 1950 au plus tard, les mulets furent remplacés par des pompes électriques ; et l'on cessa d'entendre le léger cliquetis des chaînes à godets métalliques.

Quelques dates

1831 - premier peuplement européen toléré par l'armée.
1834 - Ouverture de la route descendant de la Colonne Voirol par la vallée de l'oued Kniss.
Cette route fut appelée par la suite, avenue du Général Reibell. Mais malgré ce nom d'avenue, il n'y eut jamais de maisons construites en bordure de cette voie trop encaissée.
1835 - Reconnaissance officielle de ce centre de peuplement européen.
Et rattachement de Birmandreis à la commune créée à Birkhadem.
1836 - Première naissance européenne enregistrée.
1941 - Création du Centre d'El Riath.
1947 - Arrivée de la ligne de trolleybus venant de la Grande poste, par La Redoute ; ligne I (lire i).
1951 - Installation du Service de l'Hydraulique.
1959 - Intégration de Birmandreis au 8è arrondissement du Grand Alger

Le  territoire communal


plan territoire communal
Le plan - 120 ko -

La géographie de la commune de Birmandreis est complexe. Si le site originel du village est un élargissement de la vallée de l’oued Kniss, le reste de la commune recouvre tout un ensemble de collines qui furent peu à peu grignotées par les lotissements de villas jusqu’aux années 1950, et par des immeubles ensuite. Seule la vallée de l’oued Kniss, trop encaissée à l’amont du village, n’a pas été occupée par des maisons.

Du côté d’Alger, le quartier de la Redoute fait la liaison avec la grande ville qu’il domine ; du côté de Draria et de Birkhadem il restait encore quelques fermes viticoles et quelques colons stricto sensu, en 1962.

Le village centre


centre de birmandreis

De quelque direction que l’on arrive il fallait contourner, sur deux côtés, cette fausse place « centrale » dont on ne pouvait pas faire le tour. A gauche de la photo, coincées contre un escarpement abrupt l’école, l’église, la mairie et la poste. On reconnaît avec difficulté le monument aux morts (vers la gauche) et le dôme en forme de kouba qui recouvre un puits fermé. On voit nettement la station du trolleybus des TA, ligne I, sur la place ; et sur la route à droite un autocar blidéen à l’arrêt en face d’un café et d’un marchand de f’taïrs (beignets arabes) servis tout brûlants et bien huileux, salés ou sucrés au choix : un vrai délice. Tous les bus allant au-delà vers Birkhadem, Blida, Djelfa ou Aïn Boucif s’arrêtaient à cet endroit.

Pas de grands immeubles au centre, des villas sur les collines  mais pas sur toutes : c’est un bon résumé des aspects de la commune avant la construction des HLM de la cité de la Concorde.

Birmandreis associe des quartiers disjoints  d’âge, d’aspects et de populations si différentes qu’il est indispensable de les survoler l’un après l’autre.

Les principaux quartiers

·         La Redoute  (ou El Mouradia) est sans doute le plus ancien. Rien ne distinguait, dans le paysage le passage de la commune de Birmandreis à celle d’Alger. La limite communale passait au milieu du chemin des crêtes et de la rue Abd el-Kader de telle sorte que le lycée Fromentin (voir) et l’église Sainte Anne (voir) se trouvaient à Alger. Par contre le bois de Boulogne était sur le territoire de Birmandreis.

La Redoute et le quartier contigu dit du Golf étaient des quartiers de rues étroites et sinueuses où les trolleybus de la ligne J avaient parfois du mal à se faufiler. Ce sont des maisons modestes du début du siècle, et des immeubles bas.

Pour rejoindre la place du village, en bas, il y avait une rue en pente très forte de 14% accessible aux voitures, aux trolleybus et aux cyclistes aux mollets bien musclés ; mais inaccessible aux cars.

·         La Colonne Voirol

C’est un carrefour, une petit place, une clinique et une modeste colonne commémorative qui rend hommage aux soldats du Génie Militaire qui ont travaillé là en 1833/1834.

la colonne voirol

Le toponyme Voirol perpétue le souvenir de Théophile Voirol, Lieutenant-général et Gouverneur intérimaire en 1833 et 1834. La colonne éponyme est à la gloire des régiments qui ont construit la route vers Birmandreis et Birkhadem.  Il n’y a même pas le nom de Voirol !. Elle fut élevée dès 1834, à l’achèvement des travaux.

Elle y était encore en 1962.

C’est Voirol qui avait décidé la construction de cette route vers Birkhadem où avait été établie, dès 1830, une assez grosse garnison pour protéger les abords d’Alger et éviter les mauvaises surprises

tableau de distances

Beaucoup plus tard, après 1900, on ajouta, presque en face de la colonne, un tableau des distances sur la route du sud, à partir de ce point zéro de nos pistes impériales vers le Sahara et le Soudan français.

Tamanrasset est encore en Algérie. Gao est au Soudan, sur le fleuve Niger qui est atteint par la piste, un peu avant, à Bourem.

.La clinique est celle des Orangers, installée dans un ancien hôtel appelé Villa des Orangers (voir). Elle se trouvait chemin Beaurepaire, à droite, en montant vers El Biar.

Il y avait aussi, presque en face de la colonne, une école primaire avec écrit en très grosses lettres « Commune de Birmandreis  Groupe scolaire ». Son dernier Directeur français fut Louis Cazayous, déjà rencontré à Bouzaréa.

Le lieu Colonne Voirol fut desservi par une ligne de tramway en 1903. Cette ligne fut supprimée sans être remplacée, car le trolleybus d’Hydra, ligne A, passa par là quand  le plateau d’Hydra fut assez bâti et peuplé, dans les années 1930. Pour atteindre Hydra il fallait traverser le talweg encaissé de l’oued Kniss, sur un pont en courbe. Suivons le trolleybus jusqu’à la place centrale d’Hydra.

·         Hydra

pont d'd'Hydra
Ci-dessus, le pont d’Hydra.
Ci-contre la place centrale d’Hydra avec
des immeubles bien blancs et à deux étages seulement.
Le terminus du trolleybus,  ligne A, venant de la Grande Poste, était sur cette place.
centre de Hydra

Sur le plateau d’Hydra il y avait, en 1830, un palais mauresque à un étage qui avait été la résidence du chef de la cavalerie du Dey. Ce « château d’Hydra » devint alors la résidence, pour quelques années du consulat de Suède. Il fut racheté par l’Etat à une date que j’ignore. En 1955/1958 il abrita l’Etat-Major de la 10è division parachutiste, celle de Massu et de la « bataille d ‘Alger ».

Le plateau d’Hydra devint, dans les années 1930 un quartier résidentiel très coté avec quelques immeubles bas et surtout de belles villas. C’était un quartier peuplé presque uniquement d’Européens, du moins jusqu’aux années 1950.

On se mit alors à construire, pour faire face à la demande de logements de grands immeubles tel l’immeuble « Shell » (15 étages) sur le chemin de Kaddous, ou la cité de la concorde du côté de Sidi Yahia. Ce dernier chantier est de 1958.

·         Le Mont Riant et Les Sources sont également des quartiers apparus dans les années 1930, mais de l’autre côté du village. Le Mont Riant se trouvait au-dessus de l’escarpement quasi vertical qui domine le ravin de la femme sauvage. Certaines maisons, ou du moins leur jardin, étaient au bord de l’abîme. Le lotissement des Sources était plus étendu et plus éloigné de la place centrale.

Ces deux quartiers étaient plus modestes que celui d’Hydra : des maisons sans recherche architecturale, des jardins plus petits, des rues plus étroites. Ces quartiers avaient une population mixte, européenne et musulmane.

Le Mont Riant n’a jamais bénéficié d’une ligne de bus ou de trolleybus. Pour les Sources il est possible que vers 1960 les bus de la ligne 14 qui reliaient la place du Gouvernement à Birkhadem, aient évité le centre de Birmandreis et fait un détour par les Sources. Cette ligne est indiquée sur une carte de cette époque ; elle rattrapait la route de Birkhadem au lotissement tout neuf dit des Castors.

·         Les Castors et les Anassers sont les derniers endroits de la commune bâtis du temps de la France. Les maisons des castors étaient ainsi appelées car c’étaient leurs futurs occupants qui les construisaient eux-mêmes, en s’aidant les uns les autres, et en ne faisant appel que le moins possible à des artisans. Ce lotissement se trouvait sur la route de Birkhadem.

Le plateau des Anassers était du côté de Kouba ; en 1962 il n’y avait encore que très peu de maisons. Je me souviens tout de même d’avoir acheté tout un service de table à un artisan céramiste qui s’était établi là, au sortir du service militaire, en bénéficiant des aides offertes par le Gouvernement Général aux soldats qui décidaient de rester  et de travailler en Algérie. Etrange paradoxe que ces aides à un moment où les autorités de Paris avaient  déjà programmé le « désengagement ».

Un coin de la commune restait encore agricole en 1962, avec des fermes et des plantations de vigne, de part et d’autre de la petite route qui menait à Kaddous et à Draria. Il apparaît nettement sur la carte.

Deux sites particuliers

·         Le Bois de Boulogne  est une forêt bien aménagée sur le mamelon qui sépare la Redoute et la Colonne Voirol. Il couvre 23ha et est planté surtout  de pins et d’eucalyptus Le guide bleu de 1950 recommandait la promenade dans les allées piétonnes qui traversaient ce bois. Il y avait aussi une piste carrossable.

·         El Riath est en bordure de la vallée de l’oued Kerma, dans le coin sud-ouest de la commune, tout près de Tixeraïne qui est un hameau de Birkhadem.

Ce lieu-dit est entré dans notre histoire sous Vichy, en 1941, avec la création d’une Ecole des Cadres. Le but était de former des personnels capables de diriger et occuper les « Chantiers de jeunesse » où étaient envoyés les jeunes que les accords d’armistice avec l’Allemagne ne permettaient pas d’enrôler dans l’armée. Ce substitut de service militaire a disparu après le débarquement américain du 8/11/1942.

Mais les locaux n’ont reçu une nouvelle affectation qu’en 1944 en devenant Centre Educatif ; le but étant désormais de former des animateurs culturels et d’accueillir des rencontres d’hommes de lettre ou d’artistes, ou bien encore de recevoir pour quelques jours des stagiaires.

Il y eut sûrement des activités de ce type ; j’ai trouvé la trace de stages de fin d’année offerts aux élèves-maîtres de Bouzaréa. Mais je suppose que les activités principales furent de servir de centre de vacances pour des enfants louveteaux ou scouts, et de centre de formation  de moniteurs de scoutisme et de colonies de vacances.

Je choisis, pour illustrer mon propos, la tenue à El Riath en 1954, de l’assemblée annuelle  des scouts de France du district d’Alger. Cette réunion fut clôturée  par un discours de l’Archevêque d’Alger Léon Etienne Duval.

Les dessertes des quartiers de Birmandreis par les transports en commun sont une chose assez compliquée : j’essaye de résumer, tout en complétant, ce qui a été déjà dit. Et tout ceci pour 1960/1962.

o Au village centre : deux terminus : celui du trolleybus I venu de la Grande Poste et celui d'une ------navette des cars blidéens vers Birkhadem
En face de la place s'arrêtent tous les cars blidéens allant vers le sud ou vers Saoula.
Ce sont des cars de marque Chausson et de couleur rouge
Il est possible que s'arrêtent encore quelques cars de la ligne 14 de la RSTA vers Birkhadem
o A Hydra se trouve le terminus du trolleybus A venu de la Grande Poste.
o A la Redoute le trolleybus J décrit une boucle dans la partie dépendant de Birmandreis
et le trolleybus I coupe au plus court pour atteindre le village d'origine par une rampe à 14%
o A la Colonne Voirol passent le trolleybus A et les bus de la toute nouvelle ligne 19 d'El Biar à
Kouba. Ces bus relient donc la Colonne au village et au plateau des Anassers
o Aux lotissements des Sources et des Castors passent sans doute les bus (ou quelques uns
des bus) 14 venus de la Place du Gouvernement et allant à Birkhadem.

Supplément sur un enfant du pays : Louis Althusser (1918-1990)        

Ce nom figure dans touts les encyclopédies et est apparu à la une de tous les journaux en novembre 1980. Selon vos préférences personnelles vous pouvez relever tel ou tel de ses mérites. Vous avez le choix entre les « mérites » que voici.

·         Le natif de Birmandreis. Louis y est né le 16 octobre 1918 dans une famille alsacienne et catholique. Le père était employé à la Compagnie algérienne de banque et a pas mal bourlingué en A.F.N. au gré des mutations. Il a fini sa carrière à Marseille. Autant que je puisse le deviner le fils ne s’est jamais intéressé à l’Algérie, et moins encore aux Français d’Algérie.

·         Le brillant élève du lycée du parc à Lyon. Il y  est élève en khâgne et est reçu au concours de Normal Sup. de la rue d’Ulm. Mais la mobilisation et son internement dans un stalag allemand l’écartent des études. Il retourne à L’ENS  en 1945 au sortir de la guerre et du stalag.

·         Le brillant étudiant. Il présente l’agrégation de philosophie et est reçu numéro 2 au concours de 1948.

·         Le professeur de Normale Sup. Reçu au concours en juin, il est nommé dès la rentrée d’octobre assistant à  l’ENS. Il passe ainsi en 3 mois du statut d’élève à celui d’enseignant. Son engagement politique du « bon côté » pour l’époque a dû, pour cette nomination hors norme, être aussi important que son excellent rang au concours. On lui attribue bientôt un appartement à l’ENS même, au rez-de-chaussée. Il y passa toute sa vie, jusqu’à son internement (provisoire) à l’hôpital, Sainte Anne.

·         Le marxiste. Il adhère à l’ENS dès 1948 et n’a jamais renié cet engagement de jeunesse

·         Le philosophe. On le considère comme l’un des maîtres du Structuralisme. Pour ceux qui, comme moi, n’ont pas d’idées bien structurées sur le Structuralisme, je recopie ces quelques lignes : est structuraliste toute pensée qui considère que le sujet humain est second par rapport aux structures économiques, ou ethnologiques, ou linguistiques, ou psychanalytiques.

·         L’étrangleur de son épouse qu’il tue ainsi le 16 novembre 1980 dans leur appartement de l’ENS, et dans un accès de folie passagère. On l’interna, mais on ne le jugea pas car, en vertu de l’article 64 du code pénal de l’époque, il fut déclaré irresponsable. Il bénéficia d’un non-lieu en février 1981 et quitta l’hôpital en 1983.

·         Le malade mental. Il aurait souffert de « trouble bipolaire ». Toute sa vie il alterna une vie normale de professeur avec des séjours dans divers établissements psychiatriques ; avant et après 1983. C’est d’ailleurs dans un tel établissement de soins qu’il mourut le 22 octobre 1990.