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DOUÉRA
Historiquement Douéra
est apparu bien avant la rédaction du plan Guyot. Mais le Comte
Guyot, responsable de la colonisation à Alger de 1838 à
1847, en parle très longuement dans son plan daté du 12
mars 1842. Ce centre, rattaché à la troisième ceinture
de protection d'Alger, est celui auquel il consacre le plus long paragraphe.
Il vaut la peine d'être reproduit intégralement ; puis commenté.
Douéra est sur le
territoire de l'ancienne tribu de ce nom ou sur la ferme de
Bordj el hamar vendue il y a quelques années et actuellement
possédée par Monsieur Locré.
Il a été créé par l'armée
sur ce point, un camp considérable et un hôpital
magnifique.
A peu de distance il s'est groupé un petit nombre de
maisons qui constituent le village provisoire de Douéra,
et sont bâties sur des terrains loués à
très haut prix à Monsieur Locré.
Aucune culture n'existe pour diverses raisons qu'il est inutile
d'expliquer ici et parmi lesquelles il faut placer la nature
du terrain. L'existence des établissements militaires
et du commencement du village en question, et la position
avantageuse de la localité traversée par la
route d'Alger à Blida, et centrale pour cette partie
du Sahel, a déterminé en 1840 la création
d'un chef-lieu du district de Douéra.
Les mêmes motifs m'engagent à proposer de l'y
maintenir. Seulement d'accord avec le Génie militaire
je propose de joindre les habitations au camp et de donner
à l'enceinte une extension telle qu'elle puisse contenir
250 familles. Le plan est préparé et va être
proposé à l'approbation ministérielle.
Mille hectares y seront joints. Ces terres sont généralement
couvertes de broussailles, il y a de fort bonnes parties et
presque tout le sol pourra être défriché.
L'exposition est saine, en plein nord, et préservée
des émanations de la plaine. Les eaux courantes sont
peu abondantes, mais on trouve l'eau à peu de profondeur
;des puits publics y suppléeront aux fontaines, et
à la rigueur des citernes pourraient être construites
sous les établissements.
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Ce texte confirme ce que les autres monographies du Sahel
nous ont déjà appris : à savoir qu'autour de chaque
camp militaire viennent s'agglutiner quelques commerçants, cabaretiers
ou charretiers. Un hameau se forme alors, sans plan d'ensemble. Guyot
évoque l'existence de ce centre civil, tout en précisant
pour 1842 " aucune culture n'existe " ; étrange
village dont je n'ai pu trouver une date de création incontestable.
Si la date de mai 1835 parfois évoquée
est vraisemblable pour le village spontané, elle est précoce
pour la commune et fausse pour l'installation de colons sensu stricto.
On peut imaginer, comme pour les centres voisins, une arrivée de
colons concessionnaires en 1842, 1843 ou 1844. Je n'ai trouvé nulle
part ailleurs le nom de Douéra associé à un chef-lieu
de district.
Guyot ne fournit pas d'explication suffisante pour l'origine
des terrains à coloniser en 1842. Il n'évoque aucune saisie
de terres à une tribu émigrée en 1839. Peut-on imaginer
un achat, comme dans la commune voisine de Baba Hassen, à "
un particulier qui, comprenant ses véritables intérêts,
sollicite l'administration de l'exproprier d'une partie de son domaine
" ? Pas impossible si l'on sait que la famille Nacef Khodja possédait
d'immenses propriétés à la fois dans le Sahel et
dans la Mitidja, et si l'on se souvient qu'encore en 1962, il subsistait
à Baba Hassen un grande ferme nommée Nacef Khodja. Pas impossible
; mais pas sûr non plus.
L'explication du toponyme Douéra n'est guère
crédible ; je préfère croire à une prononciation
approximative de Douïra ou Douïrat (petite maison ou petites
maisons). De la même façon la traduction de Bordj el hamar
(le fort rouge) donne à penser qu'ici, comme à Mahelma,
l'armée française a pris la suite d'un poste de surveillance
turc.
Il est vrai que Douéra est bien placé pour
y situer un poste d'observation des mouvements de cavaliers dans la plaine
; il est exact que jusqu'en 1845, Douéra fut sur la grande route
d'Alger à la Mitidja et à Blida (ensuite cette route par
El Biar et Dély Ibrahim fut détrônée par une
nouvelle plus commode par Birkhadem). La sécurité de cette
route était essentielle pour le développement de Boufarik,
au milieu de la plaine, où Drouet d'Erlon avait installé
en octobre 1834 un camp près
d'un souk et Tnine (marché du lundi), et où il avait même
favorisé l'établissement de colons dans une zone difficile
car paludéenne et constamment menacée par des incursions
hadjoutes (tribus maghzen restées fidèles aux Turcs). Des
indigènes leur vendaient assez volontiers des terres à un
prix bas. L'acheteur européen faisait un pari sur l'avenir en achetant
ces terrains inondables l'hiver, comme il aurait acheté un billet
de loterie : il y eut peu de gagnants. Le vendeur espérait que
l'acheteur dégoûté ou trop menacé finissant
par s'en aller, il récupérerait son bien tout en gardant
l'argent. Cela faillit d'ailleurs arriver à l'automne 1839. Comme
les Ouled Mendil avaient des terres dans la Mitidja et dans le Sahel du
côté de Douéra, on peut imaginer qu'eux aussi ont
été tentés par ces ventes.
Le camp de Douéra fut créé au plus
tard en 1834, et pourvu d'une grosse
garnison capable d'intervenir dans la plaine en soutien de celles de Boufarik
et d'Oued el- Alleug.
Douéra a donc une double histoire ; celle d'une
place militaire permanente de 1834 à 1962, et celle d'un village
apparu vers 1835, et ayant grandi suffisamment pour jouer un rôle
de chef-lieu local, sans en avoir le titre ; du moins sous la Monarchie
jusqu'en 1848.
Quelques
épisodes marquants de la place militaire
L'armée française n'a jamais quitté Douéra
de 1834 à 1962. Bien sûr ce ne furent pas toujours les mêmes
unités ; au début ce furent surtout des cavaliers, par la
suite plutôt des tirailleurs et à la fin apparurent des unités
plus spécialisées, comme les transmissions.
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o De
1834 à 1842 le camp de Douéra fut avec celui
de Birkhadem, l'un des deux camps principaux du Sahel pour la surveillance
et le soutien de nos postes avancés dans la Mitidja autour
de Boufarik et d'Oued el-Alleug.
A partir de l'arrivée des colons la Mitidja devint, pour le
Gouverneur Général, un ramassis de problèmes
que l'on peut ranger autour de trois dangers principaux : le Hadjoute,
le marécage et le moustique.
La garnison de Douéra ne fut concernée que par les Hadjoutes.
Cette tribu, jadis au service des Turcs contre exemption d'impôt,
avait d'abord estimé que les Français ne feraient que
passer. Quand elle s'aperçut que ces derniers allaient s'incruster,
elle devint une menace permanente pour les colons et pour les soldats
isolés. A l'automne 1839, lorsque Abd el-Kader proclama le
djihad, les Hadjoutes répondirent à son appel, brûlèrent
les fermes et massacrèrent les colons. Le 20 novembre 1839
un convoi fut attaqué près d'Oued el-Alleug : il y eut
105 tués et les Hadjoutes emportèrent 98 têtes.
Pour mieux apprécier la performance il convient de savoir que
la gloire du Hadjoute n'était éclatante que s'il avait
décapité et saisi le tête de sa victime sans descendre
de cheval. Il avait droit alors au titre envié de " sersour
". Le cheval est moins utilisé aujourd'hui, mais, avec
la guerre civile des années 1990, la décapitation a
connu un renouveau.
Clauzel ayant fait évacuer de force tous
les colons rescapés et tous les postes militaires sauf quatre,
le camp de Douéra fut aux premières loges (avec celui
de Koléa) pour intervenir en appui du camp de Boufarik, et
pour recueillir les rescapés. Il constitua une sorte de verrou
qui empêcha les Hadjoutes de soulever les tribus du Sahel,
à un moment où les villages du plan Guyot n'existaient
pas encore.
La victoire de Clauzel sur les Hadjoutes, dite de la Saint-Sylvestre,
le 31 décembre 1839, diminua le danger ; mais la pleine sécurité
dans la Mitidja, ne fut établie qu'en 1842.
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o De
1834 à 1845 la garnison de Douéra fut chargée,
avec celle de Dély Ibrahim, d'assurer la sécurité
sur la route principale reliant Alger à la Mitidja et au
sud. Ce rôle fut parfaitement rempli et a sûrement contribué
au maintien de la paix dans le Sahel à l'automne 1839. Des
tribus du Sahel ont " émigré " c'est-à-dire
rejoint les Hadjoutes, mais il y eut peu de troubles dans le Sahel,
hormis quelques assassinats de colons isolés du côté
de l'oued Kerma.
On se souvient que les terres de ces tribus furent ensuite séquestrées,
et qu'elles ont servi à la création de la majorité
des 22 villages du plan Guyot.
La bonne tenue du camp de Douéra a joué un rôle
décisif dans le bon enchaînement de
ces événements.
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o
En 1852
Douéra devint un camp déversoir,
ou de transit pour les Transportés
Une explication s'impose : on appelle officiellement " transportés
" les républicains éloignés de Paris pour
s'être opposés au coup d'Etat du Président de
la République, Louis Napoléon Bonaparte, à Paris,
le 2 décembre 1851.
Il y eut 9581 transportés. Douéra fut l'un des centres
d'hébergement provisoire et de tri des hommes. Le Gouverneur
Général Randon fut embarrassé par cet afflux
de personnes non condamnées mais qu'il fallait à la
fois surveiller, nourrir, loger et si possible occuper. Les premiers
bateaux à débarquer des transportés arrivèrent
à Alger en février 1852. Randon dut improviser, puis
il édicta, le 20 mars 1852, un règlement dont j'extrais
et résume quelques articles. |
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Extraits du règlement
du 20 mars 1852 sur les transportés en Algérie
Art.1 |
Les transportés seront divisés
en 3 catégories
- ceux à interner
- ceux admis dans les villages
- ceux autorisés à se livrer à
des exploitations particulières |
Art.2 |
Le changement de catégorie est
une décision du Gouverneur G. |
Art.6 |
Seront envoyés dans les villages
les transportés calmes et utiles à l'agriculture |
Art.7 |
Ils y travailleront en escouades de 20
hommes |
Art.16 |
Ils pourront participer à des travaux
de défrichement, assèchement
plantations et cultures |
Art.17 |
Ils seront payés à la tâche,
selon un prix fixé d'avance. Mais 70% du salaire
seront retenus par l'administration pour les dépenses
consenties (outils, nourriture, hébergement
) |
Art.18 |
Dimanche et jours fériés
seront consacrés à la religion et au repos |
Art.27 |
Ceux qui voudraient rester en Algérie
comme cultivateurs peuvent le demander et obtenir une
concession |
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Le camp de Douéra put héberger 400
ou 500 transportés dont la surveillance et l'orientation
furent confiées au Capitaine Monnier qui prit cette responsabilité
très au sérieux, trop au regard de beaucoup de transportés.
Les transportés admis dans les villages furent notamment
conduits à Birtouta, tout proche, ou près de Miliana,
à Aïn Sultan et à Aïn Benian (futur Vesoul
Benian). A noter que Birtouta venait d'être créé
le 15 décembre 1851
près du 4è blockhaus de la route d'Alger à
Blida par Birkhadem.
Il est probable que certains transportés qui acceptaient
de travailler, ont été employés sur des chantiers
de construction de routes.
A noter que le camp de Birkhadem reçut la même mission,
et que ses derniers clients
furent envoyés à Douéra.
Quant aux femmes elles furent confiées au couvent du Bon
Pasteur d'El Biar dont la clientèle habituelle était
celle des filles publiques.
Cet épisode de l'histoire de l'Algérie
et du camp de Douéra fut de courte durée : les
premières mesures de grâce intervinrent dès
mars 1852 ; d'autres furent prises en février
1863 et l'amnistie totale fut décrétée le 16
août 1859. Les transportés qui restèrent
volontairement en Algérie, comme colons, furent l'exception
qui confirme la règle. Je puis
tout de même, pour des raisons familiales, citer le cas d'un
transporté admis à Birtouta
et dont le fils monta ensuite à Baba Hassen pour s'y marier
; il s'appelait Lutinier.
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De
1852 à 1942 rien de très remarquable.
Le camp a été mieux aménagé avec en
1902 la construction des bâtiments des casernes
Damrémont et Bugeaud.
Il a hébergé, à partir de 1923,
le Centre d'Instruction des Transmissions.
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En
1944 de Lattre installe son Etat-Major
au château Holden
Le général de Lattre de Tassigny a réussi à
s'évader de sa prison de Riom le 3 septembre 1943, puis à
rejoindre Londres et enfin Alger où il arrive le 20 décembre
1943. Entre temps de Gaulle l'avait nommé le 11 novembre 1943
Général d'Armée. Il lui confie début 1944
le commandement en chef d'une armée à reconstruire,
la future première armée française alors appelée
armée B.
De Lattre s'installa dans une belle villa qui porte le nom de son
constructeur anglais, et qui est une annexe du camp de Douéra.
C'est là qu'il a étudié les plans des débarquements
à l'île d'Elbe, puis en Provence. Il était chef
de l'armée B, mais dépendait du Général
américain Patch qui commandait la VIIè armée
américaine.
Les soldats de de Lattre participèrent à la reprise
de l'île d'Elbe le 17 juin 1944 et au débarquement en
Provence, à Cavalaire et Saint Tropez, le 16 août 1944.
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En
1959 le bataillon de Joinville occupe le château
Holden. Ce bataillon regroupe des conscrits de haut niveau dans diverse
disciplines sportives et auxquels on permet ainsi de bénéficier
d'un service militaire adapté. Pour les sportifs envoyés
en Algérie, c'était donc à Douéra ; et
pour les conscrits musiciens au talent reconnu, c'était la
caserne d'Orléans , au-dessus de la casbah, à Alger.
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En
1962 le château Holden reçut des membres de
l'OAS en instance de transfert vers la prison de la rue de la santé
à Paris.
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En
1965 le château Holden reçut son dernier hôte
de marque, le Président Ahmed Ben Bella qui venait d'être
renversé et arrêté par son ministre de la Défense,
Houari Boumédiène le 19 juin 1965. |
La commune et l'administration
française
Le rôle et l'importance de la commune et du village de Douéra
ont pas mal évolué en 130 ans, mais Douéra est toujours
resté un centre mieux équipé que ses voisins. Il
serait exagéré de traiter ce village de capitale du Sahel
oriental, mais il est sûr que ce centre de colonisation a eu des
attributions et des équipements que ses voisins n'avaient pas.
D'ailleurs sa population était en 1954 plus nombreuse que celle
des autres communes du Sahel non rattrapées par la croissance de
la banlieue d'Alger.
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Jusqu'en
1848 Douéra est surtout habité par des militaires,
mais en raison de sa situation stratégique au-dessus de la
Mitidja centrale et de la salubrité du site il fut question
d'en faire un chef-lieu administratif. Le projet n'aboutit pas, mais
Douéra fut tout de même la résidence d'un commissaire
civil, une sorte d'auxiliaire de l'intendant de la province
d'Alger. La présence de ce commissaire civil signifiait que
les civils qui résidaient là échapperaient à
l'autorité militaire.
En effet le centre de colonisation ayant été officiellement
créé des colons vinrent en assez grand nombre; mais
cependant pas autant que ce qu'avait imaginé Guyot. En 1848
Quétin trouve le village florissant avec 57 familles (et non
250 comme annoncé par Guyot).
En 1843 le
rôle de Douéra est accru par l'inauguration de la ligne
télégraphique de Blida à
Alger. Par contre en 1845 la
nouvelle route d'Alger à Blida par Birkhadem diminue
beaucoup l'importance de la commune comme voie de transit pour les
gens et les
marchandises allant de la Mitidja centrale ou du sud, vers Alger.
Durant cette période l'institution la plus fréquentée
par les soldats et les colons, surtout ceux
de la plaine marécageuse toute proche, fut l'hôpital.
On avait renoncé à soigner sur place
les victimes de crises de paludisme de la région de Boufarik.
On les transportait à Douéra.
Il y avait aussi l'église Saint Antoine dont j'ignore la
date de construction, mais qui a dû être
bâtie assez vite car elle était prévue par le
plan Guyot de 1842.
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Après
1848 la loi du 9 décembre étendit à
l'Algérie la départementalisation. Les trois provinces
cédèrent la place à trois départements,
et Douéra y perdit son commissaire civil. La commune fut
intégrée à l'arrondissement de Blida, et non
à celui d'Alger.
En 1848 elle
était immense car quatre communes voisines étaient
des communes annexes qui ne devinrent CPE, communes de plein exercice,
que plus tard : Mahelma
en 1870, Baba
Hassen en 1875, Saint
Ferdinand en 1894 et Crescia
à une date que j'ignore. Seul le hameau de
Sainte Amélie, situé tout près de
la limite nord de la commune, est resté dépendant
de Douéra, alors qu'il est plus près de Mahelma.
Douéra a ainsi occupé une place à
part dans le Sahel oriental, en raison de sa grosse garnison et
des institutions et établissements qui n'existaient pas dans
les villages voisins. Les colons de ces villages venaient se faire
soigner ou faire leurs achats exceptionnels à Douéra.
A l'inverse des commerçants ambulants de Douéra allaient
à la recherche de leurs clients dans les villages les plus
proches, Crescia et Baba Hassen notamment, au moins jusqu'en 1939.
La photo ci-dessus associe à la vue de l'hôpital des
rangées de vigne qui sont comme un symbole de la culture
principale du Sahel non littoral.
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Quelques dates
1834 - |
Installation d'un camp militaire sur
la première route d'Alger à Blida |
1835 - |
Arrivée des premiers résidents
civils. Création d'une centre de peuplement européen
En 1835 ou plus tard, Douéra devient la résidence d'un
commissaire civil |
1839 - |
Saccage de la Mitidja par les Hadjoutes.
Douéra est un refuge pour certains rescapés |
1843 - |
Création du hameau de Sainte
Amélie
Inauguration de la ligne télégraphique Blida-Boufarik-Douéra-Alger |
1845 - |
Ouverture de la route directe Alger-Mitidja
par Birkhadem : Douéra est à l'écart de cette
route |
1848 - |
Douéra est rattaché à
l'arrondissement de Blida créé par la loi de départementalisation |
1852 - |
Le camp de Douéra devient "camp
déversoir " pour les transportés du coup d'état
du 2/12/1851 |
1870 - |
Mahelma échappe à la tutelle
de Douéra |
1875 - |
Baba Hassen échappe à
la tutelle de Douéra |
1894 - |
Saint Ferdinand échappe à
la tutelle de Douéra |
1902 - |
Inauguration des casernes Damrémont
et Bugeaud |
1923 - |
Ouverture du centre d'instruction des
transmissions du 19è corps d'armée |
1942 - |
Arrivée de soldats américains
en novembre |
1944 - |
De Lattre de Tassigny établit
son Etat-Major au château Holden (jusqu'en juin) |
1959 - |
Installation du bataillon de Joinville |
1965 - |
Ben Bella est interné au château
Holden après le coup d'état de Boumédiène
(19/6/1965) |
Le territoire communal
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Territoire communal
de Douéra
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Comme les territoires des communes voisines, celui de
Douéra est triple avec au nord un plateau en pente très
faible vers la mer, au sud une étroite bande de plaine et entre
les deux un versant parcouru par de nombreux talwegs d'oueds à
sec durant l'été. Ce schéma se retrouve d'ailleurs
dans tout le Sahel oriental ainsi que dans celui de Koléa au-delà
de la coupure du Mazafran.
Le plateau
C'est dans la commune de Douéra que ce plateau est entaillé
par le ravin le plus profond, celui de l'oued Ben Amar encaissé
d'une soixantaine de mètres.
En fait il scinde le plateau en deux ensembles : celui de Douéra
à l'est et celui de Sainte Amélie à l'ouest. Le plateau
où est situé le village de Douéra est le plus régulier
et le mieux mis en valeur par les colons. Il est presque entièrement
couvert de vignes, tant du côté de Crescia que du côté
de Baba Hassen. Celui où a été bâti le hameau
de Sainte Amélie est à peine plus entamé par les
branches amont de l'oued Mahelma.
L'occupation des sols par la vigne a laissé un peu plus de place
aux broussailles, mais guère plus. Il y a au sud de Sainte Amélie,
de l'autre côté de la route de Mahelma à Saint Ferdinand
un grand domaine, celui de l'haouch Scalladgi.
Les altitudes sont semblables à Douéra et à Sainte
Amélie : de l'ordre de 185m, et un peu plus hautes au sud de Douéra
dont le " signal " est à 232m.
La plaine
En face du Sahel de Douéra la route de ceinture nord de la Mitidja
s'écarte suffisamment du talus pour que la commune de Douéra
empiète d'un bon kilomètre sur la plaine de la Mitidja.
Cet espace était en 1939 drainé correctement et presque
entièrement occupé par des vignes et parsemé de fermes
de colons.
L'altitude de la plaine baisse de 44m en face des 4 chemins, à
28m à la limite avec Mahelma. Cette déclivité était
imperceptible au regard du passant, mais elle avait des conséquences
sur le risque inégal de submersion des champs en cas de pluies
violentes. Nous sommes là en limite des marais des Ouled Mendil
dont l'assèchement fut tardif ; les travaux débutèrent
en 1927.
Le versant
Il descend de 232m à moins de 50m en 2,5km, parfois moins. Il est
donc fortement érodé par une dizaine d'oueds qui en période
de pluies, faisaient déborder les marais des Ouled Mendil au-delà
des limites des communes voisines de Boufarik et de Birtouta. Sur les
pentes de ce versant les fermes de colons étaient l'exception et
les mechtas des douars la règle. Ces terres argileuses et pentues
avaient été laissées aux tribus indigènes
; elles n'étaient pas entièrement cultivées. Pourtant
les points noirs des mechtas sont, sur la carte, très nombreux.
On y remarque également l'emplacement de deux cimetières
musulmans et en bordure de la route, de plusieurs carrières. Sur
la carte j'ai repéré les cimetières musulmans , avec
seulement l'abréviation cim.
Le village centre
A vrai dire Douéra était plus qu'un village sans être
pour autant une ville, même petite.
Il a le plan en damier classique des villages de colonisation ; mais en
version élargie, avec dix rues parallèles et non 3, 4 ou
5 comme partout ailleurs. Cinq routes y convergeaient.
Il offrait surtout un éventail de services qui étaient utilisés
par les habitants des communes environnantes. Sans être exhaustif,
je tiens à souligner la présence de quelques institutions
absentes de la plupart des villages du Sahel :
Un temple
protestant, en plus de l'église (ici Saint Antoine) que l'on trouve
partout,
Une
gendarmerie et un pénitencier,
Une
société philharmonique,
Des
agences bancaires,
Une
grande salle de cinéma (et non un projecteur dans une salle des
fêtes)
Un hôtel
; du Palais Royal sous la Monarchie, de Strasbourg ensuite,
Des
médecins et une pharmacie ; et beaucoup d'établissements
de soins qui conféraient à Douéra
une place et un rôle importants dans le domaine de la santé
:
un solarium
ou centre de rééducation pour enfants,
un asile
de vieillards ensuite appelé hospice,
un sanatorium
qui a cédé la place après 1945 à celui de
Rivet situé sur le djebel Zérouéla,
un grand
hôpital.
Il n'est
pas impossible que les dimensions inhabituelles du cimetière, s'expliquent,
pour une part, par la présence de ce grand hôpital.
Ce rôle
médical a également été illustré par
le souvenir laissé par un docteur décédé en
1927, le docteur Babilée, dont le buste se trouvait en face de
la mairie.
On peut lire parfois que Douéra était la
" reine du Sahel ". Je crois qu'il ne faut pas exagérer
: ou alors il faudrait ajouter que la reine avait peu de courtisans, 5
ou 6 villages tout au plus car Alger était trop proche et réduisait
la zone d'influence de Douéra. Même Boufarik, à 13km,
faisait de l'ombre à Douéra. Pour un vrai théâtre,
pour le lycée et pour la gare, les gens de Douéra étaient
démunis et avaient le choix entre Alger à 20 km de routes
sinueuses et Boufarik à 13km au bout d'une longue ligne droite
à partir du carrefour des 4 chemins.
Une fois fini le temps des voitures à chevaux,
la desserte de Douéra a été assurée par les
cars de la société Seygfried, avant son rachat par les auto-cars
blidéens. Ce sont les mêmes sociétés qui desservirent
également le hameau de Sainte Amélie situé dans la
même commune, du côté de Mahelma.
Le hameau de Sainte Amélie
Ce centre a été créé en même temps que
Saint Ferdinand, en 1843, et par les
mêmes bâtisseurs. La décision fut prise par le Gouverneur
Général Bugeaud en personne qui connaissait les lieux pour
y avoir fréquenté un pavillon de chasse. Les maisons furent
construites par les condamnés militaires du Colonel Marengo, mais
peuplé par des colons civils. Malgré l'apport de quelques
familles suisses valaisanes en 1851
ce centre n'a jamais atteint les dimensions d'un vrai village. Il n'y
eut jamais qu'une école à classe unique.
Le prénom Amélie, ainsi que le prénom
Ferdinand, ont été choisis pour rendre hommage à
la famille royale. Ferdinand est le prénom du prince héritier
Ferdinand, duc d'Orléans mort accidentellement le 13 septembre
1842 à Neuilly sur Seine. Amélie est le deuxième
prénom de sa maman, Marie Amélie de Bourbon fille du roi
des Deux-Siciles et reine des Français depuis 1830.
Cet hommage pour lequel je n'ai trouvé aucune preuve décisive,
me paraît d'autant plus probable qu'à la même époque
la reine Amélie participait, pour un tiers, au financement de l'église
en construction à Boufarik, et dédiée à Saint
Ferdinand.
Ce hameau est le centre de peuplement européen
le plus modeste de tout le Sahel. Le guide Quétin croit y avoir
vu 50 familles vers 1848 : ce n'est pas crédible. Il n'y a que
deux rangées de maisons entre deux rues tracées un peu à
l'écart de la route de Mahelma. En 1939 le village n'avait pas
dépassé ces limites qui ressemblent à celles d'un
ancien fossé ou d'un ancien talus de protection. C'est ce qui explique
qu'il n'ait jamais été promu chef-lieu de commune.
Etrangement son nom très chrétien figure
encore sur les cartes et les photos satellitaires visibles sur des sites
algériens : il semble n'avoir pas été remplacé.
Suppléments sur les Ouled Mendil
Les Ouled Mendil sont la principale tribu arabe de Douéra et du
morceau de Mitidja attenant
et aussi
un marécage situé dans la plaine sur leur territoire d'avant
1830
et aussi
un hameau européen de 1851 qui a vite changé de nom
et enfin
un village prévu par Guyot en 1842, mais qui n'a jamais vu le jour.
Je commencerai par ce village.
Le projet de village abandonné
Le mieux est de recopier le texte du comte Guyot
Ouled Mendil est sur le
territoire d'une tribu émigrée en partie. Le
village pourrait être placé à cheval sur
la route d'Alger à Blida dans l'endroit même
où existe déjà un établissement
des ponts et chaussées. L'eau y est rare, mais dans
le cas où l'on en trouverait pas dans le voisinage
qui puisse être amenée, des puits et citernes
y suppléeraient. Il y a des carrières très
abondantes et dont l'exploitation pourrait devenir fort importante
pour les constructions des villages environnants ou pour celles
de la plaine. Les cultures seraient presque toutes dans la
Mitidja que la position domine de manière avantageuse
pour la défense tant de la localité même
et de la route, que d'une grande partie de la plaine.
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Ce texte semble presque décrire le cas de Douéra,
à ceci près que Douéra n'a que très peu de
terres cultivées dans la plaine. En fait ce village aurait fait
double emploi avec celui de Douéra qui est effectivement à
cheval sur la route d'Alger à Blida, celle d'avant 1845 bien sûr.
Quant à la plaine, c'était alors le domaine d'un marais
à géométrie variable selon les saisons et de fièvres
que l'on ne savait ni prévenir, ni vraiment guérir, malgré
les distributions de quinine.
Les terres confisquées aux tribus émigrées ont sûrement
été réunies à la commune créée
autour de Douéra pour celles situées en hauteur, et à
celles de Boufarik pour celles, à marécages saisonniers,
de la plaine.
La carte de 1930 confirme la présence de carrières exploitées
le long de la route descendant de Douéra vers la plaine.
Un hameau appelé Ouled Mendil en décembre
1851
Lorsque la route de Blida à Alger évita Douéra pour
passer par Birkhadem, en 1845, la route à protéger ne fut
plus celle qui traversait le Sahel, mais celle qui longeait le Sahel en
passant dans la plaine de la Mitidja. On renforça les blockhaus
qui s'échelonnaient sur cette route. Et en décembre
1851 un village fut créé auprès du 4è
blockhaus, Birtouta, et un hameau
créé au carrefour des deux routes de Blida, l'ancienne et
la nouvelle. Ce lieu fut appelé Ouled Mendil : mais cette dénomination
fut éphémère car l'habitude fut prise de dire
les 4 chemins ; à savoir vers Douéra, Birtouta,
Boufarik et le Mazafran. Ce hameau ne grandit jamais au point de devenir
un village et resta un lieu-dit de la commune de Boufarik. Les documents
algériens actuels ont gardé ce nom français malgré
l'existence théorique d'un nom arabe, celui de Tessala el Merdja
; (merdja signifiant marais)
Le marais des Ouled Mendil
Il était encore intact en 1926, et tout près
des fermes de Douéra situées dans la plaine. C'était
un foyer paludéen dangereux.
En été il ne subsistait qu'un marécage de 5ha environ,
d'autant plus infecté de moustiques que ses eaux n'avaient pas
de poissons. L'hiver il pouvait s'étendre sur 500ha. Il se trouvait
dans une cuvette fermée très peu profonde sur le seuil de
partage entre le Mazafran et l'Harrach. D'ailleurs en cas de débordement
les eaux se dirigeaient des deux côtés, vers l'Harrach par
l'oued Terro et vers le Mazafran par l'oued Tleta.
L'idée de supprimer ce dernier foyer d'infection de la commune
de Boufarik aurait été émise en 1911 par le Directeur
de l'Institut Pasteur d'Alger, le docteur Roux. Mais la guerre de 1914-1918
a retardé les travaux qui n'ont été possibles qu'après
que l'Institut Pasteur eut reçu une concession de 360ha pour y
créer deux fermes expérimentales. Ils ont commencé
en 1927 sous la direction des docteurs
Etienne et Edmond Sergent. Ils ont été précédés
par une campagne dite de " quininisation " des populations locales,
afin de supprimer les réservoirs humains d'hématozoaires.
Ensuite il s'est agi d'éliminer les eaux stagnantes en creusant
de modestes canaux de drainage, en approfondissant et en canalisant l'oued
Tléta et en colmatant quelques creux. On a aussi planté
des arbres, surtout des eucalyptus censés éloigner les moustiques.
Ce fut un succès. On a tout de même gardé une "
réserve " d'un quart d'hectare comme témoin de ce qu'avait
été la Mitidja en 1830. Par la suite on y a introduit des
gambusies, petits poissons d'eaux douces longs de 4 à 6cm, et grands
amateurs de larves de moustiques.
Dans les fermes expérimentales ont été
plantés orangers et citronniers.
La tribu des Ouled Mendil
Traditionnellement cette tribu possédait des terres dans la plaine
et dans le Sahel. Mais ses gourbis, puis ses maisons, ont toujours été
bâtis sur le territoire de Douéra.
Cette tribu est divisée en plusieurs fractions, dont trois sont
nommées sur la carte. Le cartographe n'était pas arabisant,
c'est sûr : sinon il n'aurait pas placé à la même
longitude les Ouled Mendil de l'est (les Chéraga, pluriel de Chergui)
et ceux de l'ouest (les Gharbia).
En réalité les Chéraga vivaient à
l'est de la route de Douéra aux quatre chemins, du côté
de Crescia et les Gharbia à l'ouest, du côté de Mahelma.
Le doute, s'il y en avait un, serait levé en regardant les vues
satellitaires figurant sur des sites algériens. Elles mentionnent
le nom Ouled Mendil Gharbia au bon endroit.
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