Alger - l'Algérie

         BREVES MONOGRAPHIES COMMUNALES
Les six communes de la deuxième ceinture du Fahs
 o      STAOUELI (ou Staouëli)  

Texte, illustrations : Georges Bouchet

mise sur site le 21-3-2008

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o      STAOUELI (ou Staouëli)

Historiquement c'est dans cette commune que tout a commencé le 14 juin vers 4h du matin quand les premières chaloupes de débarquement ont déposé les premiers soldats de la division Berthezène sur la plage ouest de Sidi Ferruch. Ce lieu était celui qu'avait conseillé, en 1808, le Commandant Boutin de retour de sa mission d'espionnage camouflée en visite à son proche parent Consul de France à Alger, avec l'intention affichée de profiter du joli mois de mai algérois pour se livrer à de belles parties de pêche en mer.
A 4h1/2 la division était à terre avec, dans le sac à dos, 5 jours de vivres.
A 51h1/2 la division Loverdo débarque à son tour et commence la mise en place d'une artillerie de campagne.
A 6h1/2 de Bourmont aborde en personne et s'installe sur des rochers, au pied d'une ancienne tour espagnole : la Torre Chica. Le drapeau blanc à fleur de lys est hissé au sommet de la tour où de Bourmont établit son QG. Les sapeurs, aidés par des soldats du duc des Cars, ont déjà entamé la mise en place d'une ligne fortifiée pour isoler la presqu'île du reste du territoire.

N'ayant pas du tout l'intention de recopier ou de résumer un des nombreux ouvrages qui racontent la campagne d'Alger jusqu'à la capitulation du Dey le 5 juillet, je préfère joindre deux documents :

plan retranchement
itinéraire
         • Le premier précise l'emplacement des retranchements qui barraient la base de la presqu'île. Il faut noter que cette ligne fortifiée fut utile peu de temps. Dès la prise d'Alger elle devint inutile et fut démantelée entre le 7 et le 29 juillet.
         • Le second indique l'itinéraire suivi par de Bourmont avec l'emplacement des trois victoires de :
Staouéli le 19 juin contre l'Agha Ibrahim, gendre du Dey Hussein,
Sidi Khalef le 24 juin, à 1km du futur Chéragas,
Beni Messous le 29 juin, au nord de Dély Ibrahim.

Quant à l'histoire de la colonisation civile, elle attendit les années 1840 : pas de peuplement européen spontané car on est trop loin d'Alger. Elle ne commença vraiment qu'avec les créations officielles annoncées par le plan Guyot du 12 mars 1842. Voici ce que l'on peut lire dans ce plan sur Sidi Ferruch (que Guyot appelle Sidi Feredj), puis sur Staouéli.

Sidi Feredj est célèbre pour le débarquement de l'armée en 1830 et trop connu pour qu'il soit besoin d'en faire la description. Les terres des environs paraissent être d'une fertilité douteuse, aussi c'est plutôt un village de pêcheurs, d'artisans qu'il s'agirait de créer ; on pourrait aussi y élever des bestiaux.
Mais c'est sous le rapport maritime surtout que ce point pourrait devenir intéressant. Il pourrait servir de refuge aux caboteurs allant à Cherchell : quelques travaux pourront suffire dans ce but


Le village de Staouéli ne saurait être mieux placé que dans l'enceinte du camp élevé par nous en 1830, et qui est encore à peu près intact. Le sol qui est légèrement couvert de broussailles pour une partie est susceptible d'une bonne production. En cet endroit même surgit une source abondante.

Guyot ne s'est pas trompé quant à la faible vocation agricole de la presqu'île, mais il a surestimé son avenir maritime. Un essai d'implantation de pêcheurs français à Sidi Ferruch en 1848, s'est soldé par un parfait échec, le troisième de ce genre sur les côtes du Sahel, après ceux de Guyotville et de Fouka (voir). Comme à Guyotville on avait décidé de confier l'installation des colons-pêcheurs à une entreprise recevant de l'Etat concessions et subventions : comme à Guyotville ce fut l'échec total.

Pourtant il y avait de quoi pêcher : des Italiens Napolitains ou Siciliens, arrivaient à la belle saison avec leurs embarcations, leurs filets, leurs provisions et leurs stocks de sel. Et ils rentraient au pays en fin de campagne à l'automne, avec leurs poissons salés. Ce sont eux qui finirent par s'établir à demeure, puis à demander leur naturalisation, surtout après que la loi du premier mars 1888 eut réservé aux seuls Français l'accès aux zones de pêche situées dans les eaux territoriales.

Déjà en 1857, dans son carnet de voyage, un botaniste courageux, Charles Troullard, notait " Sidi Ferruch est un petit village de pêcheurs Mahonnais et Napolitains dans une zone de broussailles à lentisques, palmier nains et diss. " Il regrettait que la construction du fort ait abouti à la destruction, inutile à ses yeux, de la Torre Chica et de la mosquée du Marabout " C'est un malheur qu'on aurait pu éviter ". Il est certain que la protection du patrimoine n'était pas encore à la mode. Le développement fut sans doute très lent car, dans le dictionnaire Fillias des communes, ville et villages d'Algérie, en 1878, Sidi Ferruch n'est crédité que de 69 habitants.

Le village de Staouéli, qui était prévu par le plan de 1842, ne fut officiellement créé que tardivement : le décret impérial de fondation de ce centre de peuplement n'a été signé que le 24 mars 1855. Mais il est sûr, que dès après 1843 (fondation de La Trappe) des Européens sont venus s'établir sur des terres situées entre la Trappe et la presqu'île, auprès de l'ancien camp de 1830.

Le décret de 1855 prévoit un centre modeste de 30 familles, sur 536ha, village compris. L'essor vint plus tard. Entre 1855 et 1887 Staouéli n'était qu'une annexe de Chéragas, à vocation uniquement agricole sur des terres sablonneuses et légères, correctes.

Quelques dates notables

1830 - 14 juin Débarquement français
1830 - 19 juin Victoire française à Staouéli
1847 - Début de construction du Fort de Sidi Ferruch
1848 - Echec du village de pêcheurs français envisagé à Sidi Ferruch
1855 - Décret de fondation de Staouéli dans la commune de Chéragas
1862 - Création du cimetière de Staouéli
1869 - Consécration de 2 églises, à Sidi Ferruch et à Staouéli
1877 - Ouverture d'une école à Staouéli
1887 - Staouéli devient CPE
1888 - Inauguration de la Mairie et du lavoir de Staouéli
1888 - 1er mars Loi interdisant l'accès aux eaux territoriales des pêcheurs étrangers
1889 - Inauguration du château d'eau et des égouts de Staouéli
1900 - Inauguration de la voie ferrée Alger-Koléa, avec halte à Staouéli
1930 - Inauguration, à Sidi Ferruch, d'un monument à l'occasion des cérémonies du centenaire
1935 - Suppression du trafic ferroviaire
1942 - 8 novembre Débarquement américain à Sidi Ferruch

porte entrée du fort
plaque  centenaire

Le texte du haut était apposé sur une plaque à la porte du fort

Le second a été placé sur le monument du centenaire.
Il est plus rassurant dans l'instant, que vraiment prémonitoire.

Difficile de dire lequel des deux textes est le plus modeste

Le territoire communal

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Le territoire communal  de Staouèli

Le territoire communal

Le territoire de la commune de Staouéli est un peu plus vaste que celui des communes plus proches d'Alger. Il forme approximativement un carré de 5km sur 5 : soit à peu près 2500ha. Avant 1905 et le départ de Zéralda il couvrait plus de 5000ha..

Trois paysages s'y distinguent nettement : les rivages du tombolo qui forme la presqu'île de Sidi Ferruch, la forêt du même nom et les espaces cultivés qui dominent.

         • La côte s'étire sur 8 km. Elle associe les rivages du tombolo proprement dit et les plages de sable de part et d'autre de la presqu'île ; à l'est la plage Moretti et au sud la plage des pins. L'extrémité nord du tombolo est formée de rochers qui surplombent la mer d'une douzaine de mètres. La côte est sinueuse, escarpée et sans plage. Au contraire les deux plages de sable fin sont presque rectilignes et adossées à de basses dunes fixées par la végétation ; avec quelques pins tout proches.

Pendant longtemps Sidi Ferruch n'a eu que peu d'activités et peu d'habitants permanents. Avant 1900 il n'y avait guère que des pêcheurs artisanaux qui traînaient leurs barques sur le sable de la plage Moretti, la mieux protégée contre les vents dominants d'ouest, et par son exposition à l'est, et par la pointe du Marabout.

Plus tard, mais à une date que je n'ai pu trouvée, la famille Capomaccio a aménagé un vivier qui est devenu un but dominical pour les amateurs de fruits de mer. On pouvait y acheter ou y déguster moules, huîtres, langoustes et oursins qui vivaient leurs derniers jours dans de grands bassins remplis d'eau de mer. Mais il n'y avait pas de conchyliculture : le vivier était alimenté par des élevages métropolitains.

Il y eut aussi, après 1930, un petit port de plaisance protégé par deux jetées.

Le développement de Sidi Ferruch est surtout dû au tourisme local balnéaire et dominical qui devint possible avec l'arrivée du train des CFRA en 1900 à Staouéli. Lorsque le train disparut, l'automobile avait pris le relais. Certains algérois ont bâti, un peu au-dessus de l'estran, à l'abri des tempêtes hivernales, de modestes cabanons, puis de belles villas. Elles n'étaient habitées qu'à la belle saison.

Les monuments de Sidi Ferruch n'ont pas eu de chance. La Torre Chica et la mosquée dite du Marabout ont été démolies par les Français ; et le monument du centenaire n'a pas survécu à l'indépendance malgré l'inscription de la plaque qu'il portait. Il subsiste quelques photos du monument du centenaire, mais aucune des deux autres.

         • La forêt de Sidi Ferruch est une forêt de pins. Elle n'est pas bien grande, un peu plus de 200ha sur la carte de 1935, mais elle était un des lieux de récréation favoris des Algérois. Elle était surveillée et entretenue par les Eaux et Forêts. Le dimanche, et les jours fériés, quand il faisait beau et chaud, elle était envahie par des familles qui venaient pique-niquer, prendre un bol d'air supposé pur et jouer à la pétanque Pour les fêtes de Pâques et de la Pentecôte, il y avait deux pics de fréquentation à cause des mangeurs de mounas. " L' air pur " sentait un peu les vapeurs d'essence, mais la mouna était meilleure que chez soi.

         • Les espaces cultivés couvraient les ¾ du territoire, entre l'oued bou Kara au nord et le ravin des voleurs au sud. Dans les années 1930 la vigne dominait encore. Par la suite, et surtout après 1945 et l'amélioration des conditions de transport, ce sont les cultures de primeurs qui ont pris le dessus. Cela a commencé avec les jardins dits de la Bridja (nom de l'oued qui passe au milieu de la commune), puis le maraîchage s'est étendu, avec ou sans irrigation. Les jeunes plants étaient protégés par des haies coupe-vents et des coussins de diss : les serres étaient l'exception. Les récoltes étaient, pour l'essentiel exportées en métropole et en Angleterre. Les tomates dominaient ; mais on cultivait aussi courgettes, poivrons, aubergines et haricots verts ; et aussi des pommes de terre. Partout des chemins de terre formaient un réseau serré qui desservait toutes les parcelles.

villas sur plage Moretti
Villas sur la plage de Moretti
barques de pêche
Barques de pêche sur la plage

Le village centre

Jamais un village centre n'a été si loin du centre de sa commune. Il est en effet presque coincé contre la limite formée par l'oued bou Kara dont le séparent les quelques dizaines de mètres, cent tout au plus, qui mettent les premières maisons à l'abri des crues de l'oued.

Le plan à damier avec place centrale est banal, ainsi qu'il apparaît sur cette photo aérienne de 1957 ou 1958. Pour vous repérer, sachez que le haut de la carte indique une direction proche de l'Ouest-Nord-Ouest.

vue aérienne

Après 1945 la particularité de Staouéli était d'héberger de nombreuses entreprises de conditionnement et de transports des légumes vers le port d'Alger. Il y en avait une quinzaine. Les légumes étaient rangés dans des cageots et des cagettes qu'il fallait fabriquer.

Ces activités fournissaient pas mal d'emplois, il est vrai en partie saisonniers, malgré la précocité des premières récoltes, dès la fin avril.

A Staouéli on trouvait aussi docteurs, pharmacie, mécaniciens et entreprise de maçonnerie.

La desserte de Staouéli, une fois passé le temps des diligences et des corricolos, fut assurée par les trains à vapeur des CFRA qui avaient leur terminus, soit à Koléa, soit à Castiglione (Bou Ismail). Cette voie étroite de 1,055 a fonctionné de 1900 à 1935. Elle avait été, sauf sur de rares tronçons, placée sur le bas-côté de la route (RN 11). Elle traversait le village au milieu de la rue centrale qui n'était que le prolongement de la RN 11. La voie était unique.

place de staouèli
Le fascicule Alger-Guide de 1960 mentionne, sans précision, que Staouéli était également desservi par des autobus des sociétés suivantes :Société des Transports R. et A. Roques
  Messageries du Littoral et Transports Mory
  Galiero Joseph
  Société des Routes Nord-Africaines
  RSTA ; ligne 13
Les autobus de l'entreprise Galiero et ceux de la ligne 13 allaient jusqu'à Sidi Ferruch qui s'appelle Sidi Fredj aujourd'hui.

Supplément halieutique
Tous les Algérois connaissaient des noms de ports de pêche proches ( Chiffalo, Bou Haroun, Castiglione, Tipasa…). Mais cette pléthore de noms ne doit pas faire illusion : elle cache le caractère marginal de cette activité tout au long des 1300km de côtes de l'Algérie. Tous ces ports de pêche sont bien petits ; même les plus grands sont petits et ont une faible production.

L'échec de Sidi Ferruch est emblématique d'une activité globalement médiocre. Cela s'explique aisément. Pour que la pêche se développe, il faut en abondance des poissons, des pêcheurs, des consommateurs et toute une chaîne technique efficace pour relier le bateau du pêcheur à l'étal du poissonnier. L'Algérie ne possédait que des échantillons de tout cela.

Physiquement les eaux de la Méditerranée sont trop salées.

Elles sont aussi trop chaudes, contrairement aux eaux de l'Atlantique qui, en face du Maroc, sont refroidies par des remontées d'eaux froides profondes (phénomène d'up welling des géographes).

La plate forme continentale est très étroite en Algérie où les isobathes sont très resserrées, contrairement au golfe de Gabès, peu profond.

Les conditions humaines étaient très médiocres avant 1830. Contrairement au Maroc Atlantique et à la Tunisie Orientale, il n'y avait en Algérie, ni pêcheurs, ni mangeurs de poissons. Je me souviens d'une aide ménagère de mes parents, musulmane et dévouée, qui voulait nettoyer les poissons, " animaux sales ", en les savonnant.

On a donc fait venir des pêcheurs bretons et sétois vers 1842-1848 : échec total, et pas seulement à Sidi Ferruch ou Guyotville. Plus tard des pêcheurs venus, sans qu'on les appelle, de Naples, de Sicile ou de Malte, ont mieux réussi. C'est à eux que l'on doit l'essentiel du développement de la filière poisson.

Pour ce qui est de la clientèle, c'était mieux grâce aux Européens vivant à proximité. Mais, même quand les transports furent rapides et performants les pêcheurs locaux n'ont pu fournir qu'une très faible part de la consommation.

Localement la pêche pouvait avoir une réelle importance, mais à l'échelle du territoire c'est une activité qui est restée quasi artisanale jusqu'au bout. L'Algérie a connu, en ce domaine des progrès moins sensibles que ceux de ses voisins mieux placés par rapport aux eaux poissonneuses, et riches d'une tradition absente en Algérie. Et les principaux ports de pêche étaient aussi les principaux ports de commerce : Alger, Oran, Bône, Philippeville, Nemours et Beni Saf. Les ports spécialisés dans la pêche sont tous restés très modestes. Bon an mal an, les 1000 bateaux de pêche immatriculés en Algérie, et les 5 000 pêcheurs débarquaient 20 à 25 000 tonnes de poisson. Durant la dernière année normale avant les événements, ce fut 22 100.

Pour les 2/3 il s'agissait de poissons bleus, c'est-à-dire de poissons migrateurs qui sont pêchés d'avril à octobre :sardines, allaches, anchois, maquereaux, thons et bonites dont les bancs passent près des côtes. Mais dès 1947 une publication du Gouvernement Général évoque l'épuisement des ressources !

Les poissons qui se vendaient le mieux, frais, étaient les poissons pêchés sur des fonds rocheux où on ne pouvait traîner de chalut, tels les rougets. La clientèle était exclusivement urbaine et européenne. C'était les poissons les plus chers et les plus prisés.

Environ un tiers du poisson pêche alimentait des conserveries locales ; essentiellement pour mettre en boîte sardines à l'huile et anchois au sel.

Le bilan des échanges extérieurs était déséquilibré à l'extrême : 6 fois plus d'importations que d'exportations en 1954 (soit 83% de la consommation); et 45 fois plus en 1959 du fait de l'insécurité qui avait désorganisé les transports (soit 97,8% de la consommation).

Comme affirmer n'est pas prouver, je joins la seule page, sur 248, consacrée à la pêche par l'ouvrage " Tableaux de l'Economie Algérienne " publié en 1960 par le Service de Statistique Générale de l'Algérie.

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Tableau

Tableau