|
Texte, illustrations
: Georges Bouchet
|
200 Ko |
o
STAOUELI (ou Staouëli)
Historiquement c'est
dans cette commune que tout a commencé le 14
juin vers 4h du matin quand les premières chaloupes
de débarquement ont déposé les premiers soldats de
la division Berthezène sur
la plage ouest de Sidi Ferruch. Ce
lieu était celui qu'avait conseillé, en 1808, le Commandant
Boutin de retour de sa mission d'espionnage camouflée en visite
à son proche parent Consul de France à Alger, avec l'intention
affichée de profiter du joli mois de mai algérois pour se
livrer à de belles parties de pêche en mer. N'ayant pas du tout l'intention de recopier ou de résumer un des nombreux ouvrages qui racontent la campagne d'Alger jusqu'à la capitulation du Dey le 5 juillet, je préfère joindre deux documents :
Quant à l'histoire de la colonisation civile, elle attendit les années 1840 : pas de peuplement européen spontané car on est trop loin d'Alger. Elle ne commença vraiment qu'avec les créations officielles annoncées par le plan Guyot du 12 mars 1842. Voici ce que l'on peut lire dans ce plan sur Sidi Ferruch (que Guyot appelle Sidi Feredj), puis sur Staouéli.
Guyot ne s'est pas trompé quant à la faible
vocation agricole de la presqu'île, mais il a surestimé son
avenir maritime. Un essai d'implantation de pêcheurs français
à Sidi Ferruch en 1848, s'est
soldé par un parfait échec, le troisième de ce genre
sur les côtes du Sahel, après ceux de Guyotville et de Fouka
(voir). Comme à Guyotville on avait décidé
de confier l'installation des colons-pêcheurs à une entreprise
recevant de l'Etat concessions et subventions : comme à Guyotville
ce fut l'échec total. Le village de Staouéli,
qui était prévu par le plan de 1842, ne fut officiellement
créé que tardivement : le décret impérial
de fondation de ce centre de peuplement n'a été signé
que le 24 mars 1855. Mais il est sûr, que dès après
1843 (fondation de La Trappe) des Européens sont venus s'établir
sur des terres situées entre la Trappe et la presqu'île,
auprès de l'ancien camp de 1830. Quelques dates notables
Le territoire communal Le territoire de la commune de Staouéli est un
peu plus vaste que celui des communes plus proches d'Alger. Il forme approximativement
un carré de 5km sur 5 : soit à peu près 2500ha. Avant
1905 et le départ de Zéralda il couvrait plus de 5000ha.. La côte s'étire sur 8 km. Elle associe les rivages du tombolo proprement dit et les plages de sable de part et d'autre de la presqu'île ; à l'est la plage Moretti et au sud la plage des pins. L'extrémité nord du tombolo est formée de rochers qui surplombent la mer d'une douzaine de mètres. La côte est sinueuse, escarpée et sans plage. Au contraire les deux plages de sable fin sont presque rectilignes et adossées à de basses dunes fixées par la végétation ; avec quelques pins tout proches. Pendant longtemps Sidi Ferruch n'a eu que peu d'activités
et peu d'habitants permanents. Avant 1900 il n'y avait guère que
des pêcheurs artisanaux qui traînaient leurs barques sur le
sable de la plage Moretti, la mieux protégée contre les
vents dominants d'ouest, et par son exposition à l'est, et par
la pointe du Marabout. Le développement de Sidi Ferruch est surtout dû au tourisme local balnéaire et dominical qui devint possible avec l'arrivée du train des CFRA en 1900 à Staouéli. Lorsque le train disparut, l'automobile avait pris le relais. Certains algérois ont bâti, un peu au-dessus de l'estran, à l'abri des tempêtes hivernales, de modestes cabanons, puis de belles villas. Elles n'étaient habitées qu'à la belle saison. Les monuments de Sidi Ferruch n'ont pas eu de chance. La Torre Chica et la mosquée dite du Marabout ont été démolies par les Français ; et le monument du centenaire n'a pas survécu à l'indépendance malgré l'inscription de la plaque qu'il portait. Il subsiste quelques photos du monument du centenaire, mais aucune des deux autres. La forêt de Sidi Ferruch est une forêt de pins. Elle n'est pas bien grande, un peu plus de 200ha sur la carte de 1935, mais elle était un des lieux de récréation favoris des Algérois. Elle était surveillée et entretenue par les Eaux et Forêts. Le dimanche, et les jours fériés, quand il faisait beau et chaud, elle était envahie par des familles qui venaient pique-niquer, prendre un bol d'air supposé pur et jouer à la pétanque Pour les fêtes de Pâques et de la Pentecôte, il y avait deux pics de fréquentation à cause des mangeurs de mounas. " L' air pur " sentait un peu les vapeurs d'essence, mais la mouna était meilleure que chez soi. Les espaces cultivés couvraient les ¾ du territoire, entre l'oued bou Kara au nord et le ravin des voleurs au sud. Dans les années 1930 la vigne dominait encore. Par la suite, et surtout après 1945 et l'amélioration des conditions de transport, ce sont les cultures de primeurs qui ont pris le dessus. Cela a commencé avec les jardins dits de la Bridja (nom de l'oued qui passe au milieu de la commune), puis le maraîchage s'est étendu, avec ou sans irrigation. Les jeunes plants étaient protégés par des haies coupe-vents et des coussins de diss : les serres étaient l'exception. Les récoltes étaient, pour l'essentiel exportées en métropole et en Angleterre. Les tomates dominaient ; mais on cultivait aussi courgettes, poivrons, aubergines et haricots verts ; et aussi des pommes de terre. Partout des chemins de terre formaient un réseau serré qui desservait toutes les parcelles.
Le village centre Jamais un village centre n'a été si loin
du centre de sa commune. Il est en effet presque coincé contre
la limite formée par l'oued bou Kara dont le séparent les
quelques dizaines de mètres, cent tout au plus, qui mettent les
premières maisons à l'abri des crues de l'oued.
Après 1945 la particularité de Staouéli
était d'héberger de nombreuses entreprises de conditionnement
et de transports des légumes vers le port d'Alger. Il y en avait
une quinzaine. Les légumes étaient rangés dans des
cageots et des cagettes qu'il fallait fabriquer. La desserte de Staouéli, une fois passé le temps des diligences et des corricolos, fut assurée par les trains à vapeur des CFRA qui avaient leur terminus, soit à Koléa, soit à Castiglione (Bou Ismail). Cette voie étroite de 1,055 a fonctionné de 1900 à 1935. Elle avait été, sauf sur de rares tronçons, placée sur le bas-côté de la route (RN 11). Elle traversait le village au milieu de la rue centrale qui n'était que le prolongement de la RN 11. La voie était unique.
Supplément halieutique L'échec de Sidi Ferruch est emblématique d'une activité globalement médiocre. Cela s'explique aisément. Pour que la pêche se développe, il faut en abondance des poissons, des pêcheurs, des consommateurs et toute une chaîne technique efficace pour relier le bateau du pêcheur à l'étal du poissonnier. L'Algérie ne possédait que des échantillons de tout cela. Physiquement les eaux
de la Méditerranée sont trop salées. Les conditions humaines étaient
très médiocres avant 1830. Contrairement au Maroc Atlantique
et à la Tunisie Orientale, il n'y avait en Algérie, ni pêcheurs,
ni mangeurs de poissons. Je me souviens d'une aide ménagère
de mes parents, musulmane et dévouée, qui voulait nettoyer
les poissons, " animaux sales ", en les savonnant. Localement la pêche pouvait avoir une réelle importance, mais à l'échelle du territoire c'est une activité qui est restée quasi artisanale jusqu'au bout. L'Algérie a connu, en ce domaine des progrès moins sensibles que ceux de ses voisins mieux placés par rapport aux eaux poissonneuses, et riches d'une tradition absente en Algérie. Et les principaux ports de pêche étaient aussi les principaux ports de commerce : Alger, Oran, Bône, Philippeville, Nemours et Beni Saf. Les ports spécialisés dans la pêche sont tous restés très modestes. Bon an mal an, les 1000 bateaux de pêche immatriculés en Algérie, et les 5 000 pêcheurs débarquaient 20 à 25 000 tonnes de poisson. Durant la dernière année normale avant les événements, ce fut 22 100. Pour les 2/3 il s'agissait de poissons bleus, c'est-à-dire
de poissons migrateurs qui sont pêchés d'avril à octobre
:sardines, allaches, anchois, maquereaux, thons et bonites dont les bancs
passent près des côtes. Mais dès 1947 une publication
du Gouvernement Général évoque l'épuisement
des ressources ! Environ un tiers du poisson pêche alimentait des
conserveries locales ; essentiellement pour mettre en boîte sardines
à l'huile et anchois au sel. Comme affirmer n'est pas prouver, je joins la seule page, sur 248, consacrée à la pêche par l'ouvrage " Tableaux de l'Economie Algérienne " publié en 1960 par le Service de Statistique Générale de l'Algérie. |