L'histoire mouvementée
de la statue
" La France " de Bourdelle
On la voyait sur la Façade du
musée national des beaux-arts à Alger, face au
jardin d'essais. Aujourd'hui, on peut l'admirer, lorsqu'on
pénètre dans le musée de l'école militaire
de Saint-Cyr Coëtquidan, mais elle n'a plus son légendaire
serpent. (Selon certaines sources, celui-ci serait exposé au Musée
de Saint Germain en Laye.
Merveilleusement mise en valeur, la " France " du sculpteur
Bourdelle, une oeuvre magnifique, se trouvait à Alger, face au
Jardin d'essais dont Montherlant disait " Ce n'est pas un jardin,
mais un parc, ce n'est pas un essai, c'est une réussite ".
Histoire de cette " France "
Madame Rhodia Dufet-Bourdelle, fille de l'artiste et conservateur du Musée
Bourdelle à Paris a bien voulu raconter l'histoire de " cette
France ".
Vers 1922, le gouvernement français avait décidé
d'élever un monument commémoratif de l'arrivée des
troupes américaines en France en 1917. Il devait être construit
à la pointe du Grave, sur l'estuaire de la Gironde, près
de Bordeaux. Deux architectes, messieurs Ventre et Damour avaient imaginé
d'ériger un phare devant lequel " La France " se tiendrait
scrutant l'horizon dans l'attente des troupes alliées.
Bartholomé, sculpteur renommé de l'époque, avait
été pressenti, mais devant l'urgence de la commande, il
demanda à son collègue Bourdelle d'exécuter l'oeuvre.
Dans un premier temps, ce dernier refusa, mais son confrère arriva
à le convaincre en lui présentant le travail comme un devoir
patriotique que l'artiste ne pouvait refuser.
Un projet colossal
Devant le musée national. En face, le jardin d'essais.
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La statue en bronze devait mesurer neuf mètres
de haut, trois mètres quarante de large et un mètre quarante
d'épaisseur. C'était une oeuvre d'envergure. Bourdelle avait
eu le génie de représenter la France en Pallas Athénée,
déesse de la guerre, entourée des serpents de la Sagesse.
Elle scrutait l'horizon en attendant les renforts. La déesse était
armée d'un bouclier et d'une lance garnie de branches d'olivier,
symbole de paix, car dans l'esprit de l'époque, la France, bien
qu'armée restait pacifique.
C'est la nièce du sculpteur, Fanny Bunand Sevastos, femme d'une
exceptionnelle beauté qui va servir de modèle, tandis que
Florence Bryant Colby, secrétaire de la famille Bourdelle posa
pour les bras. Quand elle demanda pourquoi des serpents entouraient la
France, on lui répondit en souriant : " Ils disent à
la France : Méfie-toi des Américains ! "
Plusieurs maquettes
Il existait donc en 1923 quelques maquettes dont on tira plusieurs exemplaires
en bronze.
La première fut employée par Bourdelle pour son monument
aux morts de la Guerre de 1914/18 à Montauban, ville natale du
sculpteur. L'ouvrage fut inauguré le 13 novembre 1932. La statue
se trouve actuellement sur l'esplanade du Cours Foucault.
Une deuxième épreuve servit à orner l'entrée
du Grand Palais, pendant l'exposition des arts décoratifs de 1925.
Elle fut ensuite entreposée au musée des marbres, attendant
l'hypothétique construction d'un palais des Arts Décoratifs
Modernes à Paris. C'est là que Maurice Petsche, maire de
Briançon et Sous-Secrétaire d'Etat aux Beaux-Arts, la découvrit
à l'abandon, gisant au sol, sans emploi.
Aussitôt, il prit contact avec la veuve du sculpteur et en fit l'acquisition
de la statue pour sa ville. Elle mesurait 4,55 m et fut placée
sur une terrasse au fort du Château ; le regard porté au-delà
des cimes des Alpes.
Mais " la nôtre ", celle du Jardin d'Essais qui
mesurait 9 mètres, fut d'abord placée en avril 1935 à
l'entrée de la foire d'Alger. Puis on la dressa sur les terrasses
du Musée de Beaux-Arts, où elle scrutait l'horizon face
à la Méditerranée. C'était l'exemplaire N°
3, fondu par Rudier. Elle avait été acquise par la ville
en 1935, grâce à l'intervention de M. Jean Alazard le dynamique
conservateur du musée qui avait su convaincre le maire d'Alger
d'acquérir Pceuvre de Bourdelle pour en orner le fronton de l'imposant
édifice construit en 1926.
Un peu plus tard, en 1938, à l'occasion d'une visite des souverains
anglais à Paris, un autre exemplaire de l'oeuvre fut placé
à la sortie de la gare du Bois de Boulogne pour " saluer"
leur arrivée à Paris. Nous n'avons pas pu savoir avec précision
quel était celui présenté. Il semblerait toutefois
que ce serait une copie en plâtre doré destinée à
orner le Palais de Tokyo qui deviendra par la suite Musée d'Art
Moderne.
A Tokyo
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Une quatrième épreuve tirée
du même modèle (fondue par Hohwiller) fut érigée
le 18 juin 1948. Elle était destinée à commémorer
l'appel du 18 juin. C'est le Général de Larminat (Le
général de Larminat, avait été nommé
par le Général de Gaulle, Président de la cour Militaire
de Justice en 1962. Il se suicida le 1° juillet 1962 plutôt
que de siéger en tant que tel. Il est enterré dans le petit
cimetière de Montain dans le Jura.), Président
de l'Association des Français Libres, qui la fit ériger
sur le parvis du Musée d'Art Moderne à Paris apposant sur
son socle une plaque à la mémoire des combattants de la
France Libre. Elle remplaçait l'épreuve de plâtre
doré, placée là pour l'exposition de 1937, dans l'attente
d'un " Apollon ", oeuvre de Charles Despiau qui n'était
pas encore terminée.
Cette même année, le Général de Larminat, toujours
à la recherche de lieux où il pourrait célébrer
la mémoire des FFL, avait trouvé que le socle de la statue
de Bourdelle à Alger pouvait très bien abriter, comme à
Paris une plaque de marbre à la gloire des Français Libres.
Elle devait aussi servir à commémorer la mort du colonel
Colonna d'Ornano tombé au Champ d'Honneur en 1941. On pouvait lire
le texte suivant. :
" Mère voici vos fils
qui se sont tant battus
Aux volontaires des Forces Françaises Libres morts
pour l'honneur et la Liberté de la France
18 juin 1940, 9 mai 1945 "
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Plus tard en 1951, pour rappeler ce même évènement,
l'administration des postes a émis un timbre. On voit sur la vignette,
en second plan, la statue de Bourdelle devant le musée des Beaux-Arts
d'Alger.
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Timbre 1er jour, collection
B.Venis
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L'attentat et le rapatriement
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Après l'attentat. Site:
Bernard Venis
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Symbole de la France, mais surtout du Gaullisme, du fait
de la dédicace de 1948, la statue fut plastiquée par l'OAS
un soir du 26 novembre 1961. Le socle fut entièrement pulvérisé
et la " France " fut disloquée.
Mais, les morceaux avaient été recueillis précieusement
et conservés dans un dépôt. Quelques mois plus tard,
des spécialistes jugèrent le monument réparable et
on alerta la famille Bourdelle.
Georges Gorse, alors ambassadeur de France à Alger, obtint rapidement
que le gouvernement algérien permette à la France de récupérer
la statue. C'est alors que l'administration française refusa de
prendre en charge les frais de transport. Elle estimait qu'elle était
destinée au Musée Bourdelle, propriété de
la ville de Paris et que c'était cette dernière qui devait
payer. Enfin, comme les négociations traînaient en longueur,
le général Lacomme, mit d'autorité la statue sur
un navire de la Marine Nationale et la transporta chez un fondeur pour
réparation. Trop endommagés, le socle où figuraient
les serpents, ainsi qu'une partie de la lance avec ses rameaux de feuilles
d'oliviers, ne purent être reconstitués.
On la plaça ensuite au musée du Souvenir à Coetquidan.
Mais, nouvel avatar, pour faire entrer la statue à l'intérieur
du bâtiment, il fallut scier la lance puis la ressouder pour mise
en place définitive.
Elle est là maintenant, dévisageant les groupes de visiteurs
qui se pressent à l'entrée du musée. Si vous passez
par-là, allez lui rendre visite. Cela lui fera plaisir.
Sources :
Alain AMATO, Monuments en exil Éditions de l'Atlanthrope, 1979.
Annie BARBERA, documentaliste au Musée BOURDELLE à Paris.
Service du Patrimoine, Mairie de Briançon. 21 JUIN 2010.
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