Ben-Aknoun
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II° QUELQUES LIEUX DE (MA)
MEMOIRE
C'est le moment de rendre un hommage appuyé à ce professeur et à cet artiste qui montait à Ben-Aknoun, de mon temps, pour deux élèves seulement. Aujourd'hui je m'en étonne. Il tenait à l'opéra les parties solistes d'alto et de viole d'amour. Après le lycée il m'a mis à l'alto sans abandonner le violon. L'autre élève, Eychenne, est je crois devenu professionnel ; moi pas. Mais je joue encore de l'alto en musique de chambre et en orchestre symphonique amateur. Je dois à cette formation musicale de longue durée les émotions les plus intenses et les plus durables. Merci à lui et à mes parents qui ont payé les cours et acheté les instruments Collin-Mezin de bonne qualité. C'est aussi là que je garais mon vélo
le lundi et le vendredi matin à partir de la 3° lorsque mes
parents m'eurent autorisé ce mode de transport qui me permettait
de rentrer chez moi le jeudi à midi. Tout au bout du hall d'entrée, juste avant de tourner à gauche pour atteindre la première cour, il y avait, à droite, la porte de l'intendance. C'est là que nous devions, en 1945/1946 seulement, déposer nos tickets de rationnement pour le pain. Et par la suite apporter les chèques de paiement de la pension lorsqu'ils n'étaient pas acheminés par la poste.
Comme vous le voyez il y avait trois tarifs. Il fallait ajouter à la pension proprement dite au moins trois suppléments :
Les paiements étaient trimestriels et exigibles
par avance. " Il est rappelé aux familles que les règlements
exigent que les frais scolaires soient payés d'avance au commencement
de chaque trimestre et sans avis de l'administration. En conséquence
aucun élève ne pourra être reçu à
la rentrée d'octobre quelque soit l'heure d'arrivée, s'il
n'a pas acquitté le trimestre. Présenter la quittance
du lycée ou le talon des chèques postaux. Pour les boursiers
la somme payée en trop par la famille sera aussitôt remboursée
". 2.
Dans la première cours dite alors
des sixièmes. Avant d'arriver aux salles de cours il fallait
passer devant les bureaux de la Direction et du Secrétariat.
Je ne suis jamais entré dans les bureaux du secrétariat
moins encore dans celui de Monsieur le Directeur. Il valait mieux n'être
jamais convoqué dans le bureau de Monsieur Batistelli
ou dans celui de son successeur Monsieur Thibault-Chambault.
Que le titre de Directeur ne vous surprenne pas : Ben-Aknoun n'étant
qu'une annexe de
Bugeaud, son Proviseur était celui du lycée
Bugeaud (Fresneau à ces dates-là). Au printemps 1950 les
deux classes de première furent conviées à se joindre
au convoi funèbre de Monsieur Batistelli qui fut inhumé
au cimetière d'El-Biar. Nous avons souvent le samedi après le déjeuner,
fait la chaîne devant la porte du secrétariat pour obtenir
le bulletin de sortie, après vérification rapide de nos
droits (autorisation des parents et pas d'inscription au registre des
colles de la semaine). 3.
Dans la cour numéro 2. Cette cour, ainsi que la première,
servait de cour de récréation grâce sans doute à
la présence de larges préaux pourvus de WC à la
turque, d'urinoirs et d'un point d'eau. Peut-être aussi parce
que c'est dans ces deux cours que s'ouvraient toutes les portes des
services de surveillance. La cour numéro 2 hébergeait
la surveillance générale. Il y avait deux surveillants
généraux. J'ai oublié l'aspect de Monsieur Brune
: mais je me souviens bien de la chevelure toute blanche et de la carrure
de Sari-Bey qui avait un comportement placide et rassurant. Il n'élevait
jamais la voix. Etait-il d'ascendance ottomane avec un nom pareil ?
Je l'ignore. Possible. Pour entrer et pour sortir de cette cour il fallait emprunter, dans le prolongement de la galerie couverte qui longeait le bâtiment principal, un couloir sombre aménagé au bas des cages d'escalier conduisant aux dortoirs. Entre les cours 2 et 3 une modeste " cantine " avait été prévue sous l'escalier. Fermé par une porte en temps normal, ce minuscule espace était ouvert durant les récréations de 10 heures pour 10 ou 15 minutes. Une fois la porte déverrouillée une tablette apparaissait ; relevée elle laissait entrer la cantinière, abaissée elle servait de comptoir. La cantine était tenue par la femme du concierge avec l'accord du Directeur et à condition que cela n'entraîne pas de retard en cours. On pouvait y acheter de menues fournitures scolaires (gommes, buvards, encre etc.) et quelques friandises. 4.
Dans les petites cours 3 et 4. Ce sont des cours presque jumelles
: petites, triangulaires, en impasse et fermées par un haut mur
; mais reliées l'une à l'autre par un couloir obscur.
En 1945/1951 ces cours hébergeaient les six " grandes "
classes de troisième, seconde et première, classiques
et modernes. 5.
Dans les cours 5 et 6. Ce sont les cours les moins connues :
on n'y allait que rarement et on n'y traînait jamais. C'était
des cours de transit essentiellement, encadrées sur deux côtés
par des bâtiments sans porte et sans galerie couverte : que des
fenêtres. Elles étaient interdites durant les récréations
sauf pour les filles dont la cour de récréation, à
l'abri des garçons, était la N° 6, la mieux isolée.
Les filles y avaient aussi leurs WC réservés ; et pas
à la turque j'imagine, sans avoir jamais vérifié
! Mais il n'y avait pas de préau ; par temps de pluie les demoiselles
étaient contraintes de se rendre en étude. On devait traverser
la 5 pour aller en classe de Sciences
naturelles (Monsieur Costa) ou de Physique-Chimie (Monsieur Guedj).
Elle desservait également une salle dont j'ignore l'affectation
et une très grande salle polyvalente appelée souvent salle
de cinéma. Je lui ai connu cependant d'autres usages. La salle de dessin
était vraiment grande avec, au fond, Monsieur Fredouille
qui s'ennuyait sur son estrade en regardant les dos de ses
élèves disposés en demi-cercle autour d'une sellette
sur laquelle était posé le plâtre à immortaliser.
Il lui arrivait d'en descendre, de l'estrade, mais rarement et pas pour
longtemps. Il dispensait de judicieux (je suppose) conseils aux élèves
capables d'en profiter. Je n'étais pas des leurs. Pour moi ce
professeur a droit a la médaille d'or de l'inutilité.
Je fus son pire élève et lui mon pire professeur. On ne
se gênait pas. On ne se parlait pas. En fait nous nous ignorions
superbement. Il notait peu. J'eus tout de même droit pour finir,
en troisième, à un 1 et à " extrêmement
faible". C'était bien vu. Le gymnase était classique avec les agrès de base : cordes à grimper et barres parallèles, plus deux paniers de basket et de quoi tendre un filet de volley. On pouvait aussi se suspendre aux barreaux d'une sorte d'échelle horizontale placée à 2m au-dessus du sol, et apprendre ainsi à avancer en se balançant, un peu comme un singe, en ne tenant chaque barreau que d'une seule main. Il y avait également une poutre d'équilibre et, je crois, un cheval d'arçon. En fait, le plus souvent les cours d'EPS se déroulaient sur le stade. On s'y rendait en sortant par le passage habituellement fermé situé au bout de la cour. Juste derrière le gymnase un bassin alimenté en eau courante a pu, très rarement, servir de piscine pour des séances de natation auxquels ne participaient que les volontaires.
1. Sur les logements de fonction des étages je ne sais rien et ne peux que dire qu'il y en avait sûrement au-dessus du hall d'entrée. Mais ça ne devait pas suffire pour tous les personnels assignés à résidence. On peut en imaginer d'autres dans le bâtiment séparant les cours 1 et 6. A noter que le logement du concierge était au rez-de-chaussée du bâtiment d'entrée et que, peut-être, il bénéficiait d'une petite cour privée attenante. Faute de certitude je ne l'ai pas cartographiée. 2. Les dortoirs étaient disposés sur deux étages entre les cours 2 et 3, 2 et 5, 5 et 4, 5 et 6. Ils étaient grands et sans aucune séparation interne. De sa chambre aménagée dans une sorte de boîte en verre située au bout de la salle des lits, le pion pouvait voir tous les lits, alignés face à face. Combien ? Quelque chose comme deux fois 25 : soit 50 par dortoir environ. Chaque pensionnaire avait accès à une moitié de meuble de rangement et avait une table de nuit. Il pouvait voir son surveillant en ombre chinoise derrière les rideaux translucides de sa " chambre ". Les lavabos étaient de l'autre côté du mur contre lequel était adossée la chambre du pion. Cette salle était, du moins dans les dortoirs donnant sur les cours 3 et 4, plus large que la salle des lits. Il ne s'agissait pas de vrais lavabos séparés, mais d'une sorte de long abreuvoir, au-dessus duquel courait un tuyau muni de robinets disposés à intervalles réguliers. Je ne sais plus si l'eau était chaude. J'en doute beaucoup. Par contre les dortoirs étaient chauffés très correctement. 3. L'infirmerie se trouvait dans le bâtiment séparant les cours 3 et 4, trop court pour qu'on y loge un dortoir comme les autres. Lorsqu'un élève devait suivre un traitement, c'est l'infirmière qui conservait pilules, cachets et flacons de gouttes : il fallait monter à l'étage (mais lequel ?) pour recevoir prendre ses médicaments aux heures convenues. L'infirmerie disposait de quelques lits bien sûr, pour des élèves souffrant de légères indispositions ou en cas d'accident. Daniel y est resté 3 nuits après qu'un coup de pied malencontreux lui eut abîmé une arcade sourcilière au cours d'une match de foot improvisé dans la cour N° 2. Les séjours étaient brefs ; en cas de problème sérieux le malade était rendu dès que possible à sa famille. 4.
Le sous-sol était de dimension plus limitée que
celle des étages. Il était situé sous le bâtiment
des cuisines. Nous y étions conduits, par le surveillant de service
au dortoir, au mieux une fois par semaine, pour aller prendre une douche.
Là, l'eau était chaude. Le chemin d'accès passait
sous le réfectoire du personnel. Je ne sais plus où se
trouvait la porte desservant l'escalier. Le plus probable est qu'elle
s'ouvrait dans le passage entre les cours 1 et 2. L'escalier empiétait
donc sur la salle que j'ai nommée SC 4 sur mon plan. A moins
que cette salle n'existât pas ?
C'est sur la piste qui entourait le terrain de football
que commençaient la plupart des séances d'Education physique.
Nous marchions tous en file indienne à l'écoute des commandements
du professeur : sautez, courez, marchez à quatre pattes, agenouillez-vous,
marchez etc. entrecoupés de fréquents " Respirez
", ce que nous aurions fait de toute façon sans qu'on nous
le commandât, c'est sûr. Le professeur parlait de "
méthode naturelle " ou d' " Hébertisme ".
Cet Hébertisme englobait aussi le grimper à la corde lisse
et la poutre d'équilibre (au gymnase) et au stade les sauts et
les courses de vitesse (100 m) et de demi-fond (1500 m). Toutes nos
performances étaient notées sur un calepin et servaient
à calculer la note qui figurerait sur le bulletin trimestriel.
Au véritable Hébertisme il ne manquait, à Ben-Aknoun,
que les deux natations sur l'eau et sous l'eau avec plongée. 2/
A l'extérieur du domaine du lycée. D'un côté,
à l'est il y avait la route d'Alger à la Mitidja par El-Biar
et Dély-Ibrahim. De l'autre côté s'étendaient,
en 1945, des vignobles jusqu'à l'oued Lekral, 700 mètres
à l'ouest du lycée. Cette route avait été la toute première tracée dès 1830 vers la Mitidja. Elle était alors la RN 1. Elle fut dès 1835 détrônée dans ce rôle par une voie plus directe passant par Birkhadem. Elle devint la RN 1a, puis la RN 36 qui avait son aboutissement aux 4 chemins de la Mitidja, en bas de Douéra. En 1945 un seul service de transport en commun : celui des trolleybus de la ligne 7 des C.F.R.A, , qui avaient leur terminus juste en face de l'allée conduisant au lycée. La rareté des voitures particulières après la guerre faisait de cette ligne la voie d'accès indispensable, et pour les maîtres et pour les élèves. Le 7 descendait à Alger jusqu'à la place du gouvernement par l'avenue De Bourmont et la rue Rovigo. Un autre chemin dit " chemin romain " offrait aux bons marcheurs un raccourci vers El-Biar, boulevard Gallieni où se trouvait le terminus d'un autre trolleybus, celui de la ligne E des T.A. qui descendait vers la grande poste par la rue Michelet. Ce chemin montait jusqu'au chemin de la Madeleine par lequel on pouvait se rendre à la Colonne Voirol, et au-delà à Birmandreis ou à Hydra. Du chemin de la Madeleine partait une route directe vers Birkhadem. Après le chemin de la Madeleine le chemin romain redescendait. Du lycée jusqu'au terminus de la ligne E, il fallait marcher environ une demi-heure pour un peu plus de 2km. Plus tard deux autres lignes des services de transport
en commun de la ville d'Alger desservirent le lycée : la ligne
de trolleybus 7 barré vers
la grande poste, mais par un autre itinéraire que celui de la
ligne E ; et la ligne de l'autobus N° 15
qui partait de Châteauneuf et rejoignait Chéragas par Dély-Ibrahim
et El-Achour. Cette dernière ligne ne permettait donc pas de
rejoindre le centre d'Alger, mais elle a dû servir à quelques
demi-pensionnaires provenant des villages traversés, filles comprises,
car ce lycée de garçons avait été ouvert
aux filles à partir de 1944 pour des raisons officielles de difficulté
de transport jusqu'aux lycées du centre d'Alger. Quand les transports
furent redevenus normaux, l'habitude de recevoir des filles s'était
imposée, ne dérangeait personne, et fut donc maintenue
; alors que partout ailleurs, sauf pour les classes préparatoires
de Bugeaud, la mixité resta interdite. |