MARIUS
GUSTAVE REYNAUD (1860 - 1935 )
par Marion Vidal-Bué
" Le port d'Alger "
(coll. part.).
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Marius Reynaud fut l'une des figures notoires
parmi les peintres de l'Algérie, à partir es années
1880 qui virent se développer une Ecole d'Alger particulièrement
brillante dans l'art du paysage.
Il naît à Marseille le 19 août 1860, répond
à sa vocation en suivant l'enseignemegt de l'Ecole des beaux-arts
de la ville, où il fait de très bonnes études sous
la direction de Dominique Magaud, et obtient son diplôme.
Après avoir reçu une récompense du jury à
l'exposition régionale de Marseille en 1879, et vu l'une de ses
premières toiles acquise par la ville pour son musée; il
est recommandé la même année au célèbre
peintre de batailles Edouard Detaille, chargé de réaliser
en collaboration avec Berne de Belcourt un grand panorama du Siège
de Belfort.
Reynaud ayant manifesté au sein de l'équipe beaucoup d'entrain
et d'habileté pour accomplir un travail considérable, Detaille
lui aurait proposé de rester avec lui à Paris, offre toutefois
déclinée par le Provençal amoureux du soleil'. (Informations
tirées de l'Afrique du Nord illustrée, numéro spécial
" Les grands peintres algériens ", citées par
John Franklin, revue Mémoire Vive, CDHA, 4e trimestre 2005, p.
6.)
Mais le jeune artiste doit répondre à la conscription, et
part en 1881 faire son service militaire à Alger. Il y trouve tout
de suite de quoi employer son talent, le médecin-chef de
l'hôpital militaire Maillot le chargeant de décorer
son cabinet de travail, ainsi que d'autres salles, de peintures illustrant
les sites et la vie quotidienne du Vieil Alger.
Du coup, Reynaud décide de se fixer à Alger, tout en faisant
des envois réguliers au Salon de Paris à partir de 1887.
Le Gouvernement général de l'Algérie acquiert au
Salon de 1889, une toile remarquée par la critique parisienne,
" L'Ancien Port des pirates d'Alger ".
" Pêcheurs tirant
une barque " (coll. part.).
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Ce sujet va devenir en quelque sorte son
cheval de bataille, le Marseillais se muant en chantre attitré
de la vieille darse de l'Amirauté, dont il excelle à rendre
les bâtiments blancs et les eaux calmes. Il multiplie les points
de vue pour les représenter sous les aspects changeants que leur
confèrent les différentes lumières du jour et du
soir, et déploie dans ses compositions parfaitement équilibrées,
une manière très virtuose, facilement identifiable par ses
larges touches de peinture appliquées dans une pâte généreuse
et des coloris chauds, qui lui vaut le surnom de " Ziem algérien
".
En vertu de ses qualités de peintre de marines, la Chambre de commerce
d'Alger le désigne en 1895 pour réaliser une toile importante,
" Le port de commerce d'Alger ", " oeuvre superbe qui fait
l'admiration des visiteurs admis à pénétrer dans
les salles du Palais Consulaire ".
A Paris, l'inspecteur général du Service de santé
s'adresse également à lui pour offrir une toile destinée
à décorer la salle d'honneur du Val-de-Grâce, et c'est
encore à lui que " désirant décorer splendidement
le Pavillon officiel de l'Algérie à l'Exposition Universelle
de 1900 ", le Gouvernement général commande un panneau
décoratif particulièrement apprécié: "
La Récolte des dattes à Biskra ".
Marius Reynaud a fait partie des membres fondateurs de la Société
des Artistes algériens et orientalistes, créée en
1897, a été élu dans son premier Comité, en
est devenu administrateur et membre du jury; c'est dire qu'il y a joui
d'une position éminente. Avec ses confrères et amis, il
participe à la grande Exposition de Carthage qui se tient à
Tunis en 1897 et met en lumière les meilleurs peintres d'Algérie;
il y obtient une nouvelle médaille.
Egalement membre de la Commission du Musée d'Alger qui veille au
développement de l'institution, et officier de l'Instruction publique
à partir de mars 1902, il est, pendant des années, l'un
des principaux animateurs de la vie artistique algéroise.
Commentant une exposition de Reynaud dans le magasin d'encadrement Cardin,
rue d'Isly, le dessinateur humoriste algérois Frac se réjouit
de la contemplation d'une série de ses excellentes marines, entre
autres des aperçus variés des criques de Saint-Eugène,
et bien sûr, de " resplendissantes et classiques " représentations
de l'Amirauté d'Alger, mais il apprécie aussi plusieurs
belles vues de Martigues, " la Venise provençale " et
annonce que le peintre part chercher de nouveaux thèmes en Hollande
et en Italie, à Venise en particulier.
La plupart du temps, en Algérie, c'est ce goût naturel de
l'eau, des baies et des ports, qui le motive, il se plaît à
animer ses décors miroitants en y intégrant des embarcations
de toutes sortes, cargos ou navires, balancelles accostées ou à
l'ancre, barques pointues halées sur la plage par de pittoresques
pêcheurs d'origine napolitaine, devant la silhouette protectrice
de Notre-Dame- d'Afrique ou près du Jardin d'Essai.
Cependant, en artiste complet, Reynaud ne s'est pas limité à
ce type unique de sujets maritimes et, parmi ses motifs les plus réussis,
on aime ses doux paysages d'Alger, qu'ils soient pris depuis l'est au
travers des pins du Bois des Arcades, cadre idéal pour les échappées
sur la ville et la mer, ou depuis l'ouest et Saint-Eugène, où
l'on voit encore, à l'époque, d'anciennes constructions
turques.
Les villas mauresques connaissent aussi ses faveurs, avec leurs lourdes
portes cloutées entourées d'arcs de pierre sculptée,
à demi dissimulées sous les fleurs exubérantes, glycines
ou bougainvilliers. Les fontaines et les bassins rutilent sous le soleil
ou animent la paix des tonnelles, les effets d'ombre et de lumière
se multiplient sous les arbres des allées, l'harmonie règne
dans ses toiles où s'exprime une nature sensible à la poésie.
Vers Notre-Dame d'Afrique "
(coll. part.).
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S'il est un habile professionnel, bon dessinateur,
bon coloriste, excellent portraitiste à l'occasion, il ne recherche
pas les effets forcés, il reste mesuré, fidèle à
la réalité et manifeste dans toutes ses oeuvres la plus
grande probité artistique, élément important de leur
indéniable séduction.
Marius Reynaud meurt à Alger le 11 décembre 1935, regretté
par les amateurs de peinture comme par ses confrères de la Société
des Artistes algériens et orientalistes, qui organisent une rétrospective
de ses oeuvres dans le cadre de leur 36e Salon, en 1936.
Deux paysages d'Alger (une " Amirauté " et une "
Vue de la baie d'Alger ") ont figuré dans l'exposition "
L'Orient des Provençaux " organisée à Marseille
par le musée des Beaux-Arts et le musée Cantini en 1982-1983,
elles sont reproduites, en pages 162-163, du catalogue " Les Orientalistes
provençaux ".
Deux toiles bien représentatives de l'art du peintre de marines
avaient été acquises par le très éclairé
conservateur Jean Alazard pour le Musée national des beaux-arts,
et figuraient dans le catalogue de 1936: une " Amirauté au
clair de lune ", acquise en 1921, qui a disparue des collections
et une " Amirauté d'Alger ", acquise en 1935, dédicacée
à " à l'ami Chataud " (2
11 s'agit bien entendu du peintre Alfred Chataud, autre père fondateur
de l'École d'Alger avec ses fines représentations de la
vie arabe.), toujours présente au catalogue de l'actuel
musée.
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