J'ai trouvé cette monographie
de l'Amirauté d'Alger, après sa mort, dans les papiers de
mon père, le capitaine de frégate Marcel Costagliola, qui
y fut en service de novembre 1939 à avril 1941 comme commandant
de l'école des mousses indigènes et chef du 1er bureau,
puis de fin 1945 à 1947 comme chef du 2e bureau. Je n'en connais
pas l'auteur. J'espère qu'un lecteur érudit me permettra
de rendre à César ce qui est à Jules et de signer
et de dater cette oeuvre dont je ne sais pas si elle a été
publiée. Je n'ai pas touché au texte sauf à remplacer
" ère chrétienne " par " ère grégorienne
", l'ère julienne n'étant pas tellement moins chrétienne.
Il s'agit en fait de l'histoire de l'Amirauté avant la conquête
d'Alger par l'armée et la marine françaises en 1830. Il
n'y avait aucun plan ni croquis joints à cette monographie. J'ai
tâché de remédier à cette carence.(
Jacques Castagliola)
L Amirauté entre dans l'histoire d'Alger à partir de l'occupation
du " Peñon " par les Espagnols au début du xvle
siècle. Depuis, jusqu'à la prise d'Alger par l'armée
française en 1830, c'est-à-dire pendant trois siècles,
l'histoire de l'Amirauté est intimement liée à celle
de la ville d'Alger, dont elle était, pour ainsi dire, le coeur;
c'est là que se préparaient les expéditions des corsaires
et que ceux-ci amenaient leurs riches prises: navires, esclaves et marchandises,
qui faisaient la fortune de la ville et qui contribuaient à maintenir
la puissance des Turcs, maîtres des lieux. Aussi, tous les renseignements
historiques intéressant l'Amirauté sont-ils disséminés
dans de nombreux ouvrages et études relatifs à la ville
d'Alger et à la domination turque dans l'Afrique du Nord. Il existe
bien quelques monographies et quelques articles de revues concernant les
faits particuliers dont l'Amirauté a été le théâtre,
mais il n'a été publié aucun travail d'ensemble sur
cette partie importante de l'ancienne Alger. C'est pour combler cette
lacune que nous avons réuni dans la présente notice les
faits intéressants concernant le vieux port turc et les établissements
élevés sur les îlots dont il est formé.
Le Peñon d'Alger
avant l'occupation turque
Jusqu'au début du xvie siècle,
le port d'Alger était constitué par un abri naturel formé
de petits îlots et une ligne de rochers qui s'étendaient
entre les îlots et la terre ferme. Ce massif rocheux était
appelé El-Djezaïr (Les îles), d'où la ville prit
son nom.
En 1505, les Espagnols avaient pris le fort de Mers el-Kébir; en
1509, le cardinal Ximenès s'emparait d'Oran. Le 6 janvier 1510,
le comte Pedro Navarro prenait Bougie au nom du roi d'Espagne.
Le 31 janvier de cette même année, une députation
de notables d'Alger, venue par mer à Bougie, signait avec Pedro
Navarro un traité qui reconnaissait l'indépendance et l'autonomie
de la ville d'Alger qui, depuis 50 ans, avait répudié la
souveraineté des rois de Tlemcen, et déclarait celle-ci
vassale de l'Espagne. En même temps, les Algérois concédaient
au roi d'Espagne l'îlot de Stofla, la principale des petites îles,
pour y construire un fort et y tenir garnison. Aussitôt, Pedro Navarro
construisit la forteresse qui prit le nom de Peñon de l'Argel et
y installa une garnison de deux cents hommes (Peñon
est un augmentatif du mot espagnol pena (rocher).).
Le Peñonétait bordé par la mer à l'ouest et
entouré ailleurs par les canaux qui le séparaient des îlots
voisins. Le plus grand de ces îlots situé au sud et au sud-
est, paraît avoir reçu quelques constructions espagnoles.
La citadelle espagnole se composait de deux ouvrages qui menaçaient
la ville et tenaient ses habitants en respect.
Pendant dix-neuf ans, les Espagnols occupèrent le Peñon
dans des conditions parfois difficiles par suite de l'incurie du gouvernement
espagnol et de l'hostilité des habitants d'Alger; souvent on y
manquait de vivres et de poudre et il fallait faire venir des Baléares
l'eau douce nécessaire à la garnison.
Les Algériens, qui avaient d'abord bien accueilli les Espagnols,
ne tardèrent pas à s'irriter de la présence des chrétiens;
ils refusaient de fournir des vivres aux habitants de la forteresse et
les empêchaient de prendre de l'eau aux fontaines de la ville.
En 1516, le roi Ferdinand étant mort, les gens d'Alger espèrent,
à la faveur des troubles que devait créer le règlement
de sa succession, se soustraire à la domination des Espagnols.
Le Perron était comme une épine dans le coeur et ils appelèrent
à leur secours le corsaire Aroudj qui était célèbre
par ses exploits contre les chrétiens.
Aroudj s'empressa de répondre à l'appel des Algériens.
Il attaqua la forteresse espagnole mais, à cause de la faiblesse
de son artillerie, il ne lui causa aucun dommage notable et, au bout de
vingt jours, il dut abandonner son entreprise sans avoir obtenu le moindre
résultat. Au mois de mai 1529, Kheir ed Dine, qui avait remplacé
son frère Aroudj comme souverain d'Alger, trouva le moment propice
pour se débarrasser de la garnison espagnole du Perron dont l'existence
était à la fois pour lui une humiliation et une gêne.
La garnison était placée sous le commandement d'un vieux
capitaine, Don Martin de Vargas, qui avait en vain demandé en Espagne
des secours et des munitions qui ne lui parvinrent pas à temps.
Kheir ed Dine envoya un officier au gouverneur le sommer de se rendre
et lui offrir une capitulation honorable. Il le menaçait en même
temps de passer la garnison au fil de l'épée s'il s'obstinait
à vouloir se défendre.
La réponse de Vargas fut qu'il était Espagnol, que les menaces
d'un petit vicéroi n'étaient point capables de lui fairetrahir
son devoir et qu'il serait ravi d'ée attaqué pour donner
des preuves de ses sentiments.
Kheir ed Dine canonna la forteresse jour et nuit; bientôt les munitions
des Espagnols furent épuisées et la garnison se trouva dans
l'impossibilité de répondre à l'attaque; au bout
de vingt jours, une brèche était praticable et le 27mai
au point du jour, les Turcs donnaient l'assaut. La résistance fut
héroïque et l'ennemi ne put entrer dans la place qu'après
un jour de lutte désespérée. Tous les hommes de la
garnison étaient morts ou blessés; Don Martin de Vargas,
tout ensanglanté, l'épée à la main, soutint
la lutte jusqu'au bout; finalement il tomba vivant aux mains des vainqueurs,
ainsi que l'alcade des tours, 90 soldats et 25 femmes et enfants.
Les prisonniers furent distribués comme esclaves entre les soldats
et les " raïs "; Don Martin de Vargas, d'abord traité
avec distinction par Kheir ed Dine, ayant refusé de renoncer à
sa patrie et à sa religion, fut condamné à la bastonnade
et mourut sous les coups.
Parmi les femmes captives, deux furent épousées par leurs
maîtres, l'une devint la belle-mère de Ramdane Pacha qui
fut gouverneur d'Alger, et l'autre la belle- mère du roi de Fez
et de Marrakech, Abd-el-Mélec Abou-Mérouane.
L'îlot de la Marine
pendant la domination turque
Aiusitôt maître du Peñon,
Kheir ed Dine fitJémolir l'enceinte crénelée du fort
et 'châtiments; il ne conserva qu'un bastion servant de batterie
du côté du large et me tour sur laquelle il installa un fanal.
Au-dessus de la porte d'entrée de cette tour, on voit encore un
écusson en pierre sur lequel apparaissent avoir été
sculptées, et grattées depuis, les armes d'Espagne. Les
débris de démolition fient employés à relier
entre eux les petits écueils qui formaient une ligne presque droite
entre l'îlot du fort et la côte; ce fut l'origine du môle
qui a conservé le nom Kheir ed Dine. Ce travail fut achevé
avec des pierres arrachées aux constructions romaines de Fusgunium
(Matifou) d'une part, et prises à des carrières voisines
d'autre part. En même temps, une partie des anaux qui entouraient
les îlots furent carriblés et l'ensemble du groupe rocheux
devint une presqu'île. Ces travaux auxquels furent employés
tous les esclaves chrétiens durèrent trois ans.
La date du 27 mai 1529 marque ce que le regretté colonel Rin, appelait
un des tournants de l'histoire de l'Algérie; elle fut le point
de départ de l'ère d'Alger. À partir de ce moment,
les corsaires musulmans possédant un port sûr et bien défendu
contre les Chrétiens, firent de la course une vaste entreprise
politique et commerciale; ils purent impunément ravager les côtes
et les îles de la Méditerranée, capturer les navires
chrétiens jusque dans l'océan et tenir tête aux flottes
les plus puissantes des nations européennes. En 1532, Kheir ed
Dine avait fait construire un mur sur le terre- plein réunissant
la ville à l'îlot; il était moins élevé
que les fortifications et avait été établi surtout
pour amortir l'assaut des vagues qui, par mauvais temps, empêchaient
la circulation sur le môle et causaient des avaries aux bâtiments
qui y étaient amarrés.
Les successeurs du vainqueur du Perion complétèrent son
oeuvre par l'exécution de travaux de défense militaire et
de défense contre la mer.
Hassan, successeur immédiat de Kheir ed Dine, établit sur
les îles les premières batteries: ces batteries étaient
simplement posées sur le sol sans aucun abri qui les recouvrit.
Pour célébrer l'achèvement des fortifications du
port, en 1542, un Vénitien fondit une grosse pièce d'artillerie
à laquelle on donna le nom de " Baba Merzoug " (Père
fortuné) et qui devint célèbre plus tard sous le
nom de " la Consulaire ".
Vers 1560, Salah Raïs suréleva la jetée et construisit
une chaussée maçonnée qu'il défendit au nord
contre la mer par un amoncellement d'enrochements.
En 1573, le pacha Arab fit enceindre l'îlot d'un parapet. Il fit
aussi construire deux tours, l'une pour recevoir un fanal indiquant aux
navigateurs l'entrée du port, l'autre pour servir d'abri à
la garde chargée de surveiller le port et les navires au mouillage.
Le port restait ouvert au sud; on fit défense en enrochements sur
les rochers et le banc sableux qui prolongeaient les îles au sud-ouest,
ce fut le grand môle.
À la fin du )(vie siècle, des roches partant de terre et
faisant face au grand môle furent réunies par des blocs de
pierre et formèrent la base du môle actuel de la Santé;
ces travaux furent achevés au début du xve siècle.
À l'extrémité de cet ouvrage, on fixait la lourde
chaîne, supportée par des bouées, qui servait à
fermer le port.
Le port turc avait ainsi la forme d'un croissant ouvert au sud et dont
les deux cornes étaient représentées par le grand
môle à l'est et le môle de la Santé à
l'ouest; c'est aujourd'hui la partie du port d'Alger appelée la
darse.
L'îlot situé au nord de la tour du phare resta isolé
jusqu'au règne d'Hussein Pacha, dernier dey d'Alger, qui fit combler
le canal qui le séparait du Perion. Pour la construction des grands
navires, les Turcs transformèrent en chantier la plage de l'îlot
sud où se trouve aujourd'hui la cale des torpilleurs.
L'alimentation en eau douce se faisait par un réservoir où
l'on avait détourné avant 1700 les eaux d'une source située
près du Fort-l'Empereur (probablement Bir-Traria).
Des magasins existaient sur l'îlot au début du xvinE siècle;
ils servaient à abriter le matériel d'armement des vaisseaux
et les marchandises des prises. Les dernières constructions élevées
sur le môle de Kheir ed Dine du côté de la mer furent
achevées au commencement du xixE siècle, ainsi qu'en témoigne
une inscription turque placée contre le mur d'un local qui, après
1830, a longtemps servi de chapelle à l'Amirauté. Nous reproduisons
la traduction de cette inscription, et de toutes celles qui intéressent
l'Amirauté, mentionnées ci-après telles qu'elles
ont été données par le docteur Gabriel Colin, professeur
d'arabe au lycée d'Alger, dans son ouvrage Corpus des inscriptions
arabes et turques de l'Algérie, Paris, 1901. Les inscriptions étant
classées dans l'ouvrage de M. Colin d'après leur date et
portant un numéro, nous rappelons pour chacune d'elles ce numéro
d'ordre afin de permettre au lecteur de se référer au texte
original et aux commentaires du savant traducteur.
L'inscription de l'ancienne chapelle de l'Amirauté porte le n°
136 du Corpus: " Par ordre émanant du maître et seigneur
El-Hadj-Ali pacha et grâce à sa haute sollicitude, les sept
magasins ont été achevés. Qu'il soit à l'abri
de l'infortune de ce monde perfide et en un mot, qu'on se souvienne de
lui que pour le bénir. Il s'est proposé pour la conservation
des approvisionnements de la flotte de la guerre sainte. Qu'il soit délivré
à jamais dans les deux mondes de l'affliction que cause l'épouvante.
Que ses ennemis malveillants en ce monde périssable soient toujours
abattus. Dans les questions d'équité, sa parole, son zèle
et ses efforts tiennent toujours le premier rang. Que la pensée
de celui qui est la justice même soit réjouie par les délices
du Paradis. Puisse-t-il être agréé par la vérité
et obtenir un rang élevé. Année 1229 ".
L'année 1229 de l'hégire correspond aux aimées 1813
et 1814 du calendrier grégorien.
Ces magasins ont conservé en partie
leur destination primitive et ont été transformés
en partie pour les marins de la Défense mobile.
Le pavillon de l'Amiral (Amiral: émir
de la mer.) n'a été terminé que sous le
règne d'Hussein Pacha, dernier dey d'Alger. Une inscription turque
placée au-dessus de la voûte ouvrant sur la rampe qui suit
la jetée Kheir ed Dine relate la construction de cet édifice.
Elle porte le n° 160 du Corpus: " Le gouverneur sultan d'Alger
a fait cette construction, Hussein Pacha, mine de miséricorde,
a donné ses soins à cet édifice. Dieu désire
sans cesse la guerre sainte de ses intentions pures comme la perle. Que
la vérité rende son étendard toujours victorieux.
Il a donné à ce bâtiment des bases quadrangulaires
avec des arceaux reliés les uns aux autres. Désirant qu'elle
reste comme un monument, cet homme généreux a établi
cette construction dont les fenêtres sont opposées à
la mer, dont le dôme s'élève au faîte du ciel;
c'est la demeure des amiraux, champions de la guerre sainte et conquérante.
Un modèle nouveau ayant été créé, on
a édifié ce pavillon que la langue ne saurait décrire
et dont le plan est une oeuvre d'art au-dessus de toutes les louanges.
Énonce sa date: de quelle belle chose Dieu a voulu la vérité,
rendu son achèvement. Année 1242 ". L'année
1242 de l'hégire correspond aux années 1826 et 1827 du calendrier
grégorien.
État des fortifications
du port d'Alger en 1830
Au moment de la prise d'Alger par les Français
en 1830, l'îlot de l'Amirauté était défendu
du côté de la mer par une ligne de batterie continue depuis
son extrémité nord jusqu'à la pointe du grand môle
au sud. Les batteries étaient superposées sur deux ou trois
étages, la Consulaire était isolée entre deux batteries,
à l'angle du grand môle et de l'îlot sud.
La tour du phare, appelée par les indigènes Bordj-el-Fénard
comptait quatre étages, et un total de soixante et une embrasures,
mais son armement ordinaire n'était que de cinquante-cinq pièces,
dont une quarantaine de plus gros calibre. Cette tour renferme une citerne
d'une capacité de 750 tonnes au- dessus de laquelle est une vaste
salle voûtée qui était le quartier général
des canonniers turcs et le lieu de leurs réunions.
Les fortifications de l'îlot de la marine vues du large avec leur
haute muraille baignée par la mer, crénelée au sommet,
et les gueules des nombreuses pièces d'artillerie apparaissant
aux embrasures, présentaient un aspect formidable.
Forts des parties du nord et de l'est
À l'extrémité nord de
l'îlot s'élevait la batterie appelée Bordj Ras Amar-el-Kédime
(fort du cap d'Amar l'ancien) qui avait vingt-cinq canons de 18, sept
mortiers de gros calibres et vingt-huit embrasures, plus une rangée
de mortiers vers la pleine mer.
(note du site: voir
Feuillets d'El-Djezair sur ce site,
ici)
Il y avait en outre vingt-cinq embrasures armées de vingt-cinq
grosses pièces. Au sud de ce fort, un parapet de quarante-deux
mètres abritait une triple rangée de mortiers dont le total
s'élevait à dix- huit; cette batterie de mortiers occupait
une partie de l'emplacement des voûtes dont l'une conduit aux bains
de l'amiral. Cette partie des fortifications resta isolée, formant
une île jusqu'au jour où Hussein Pacha, comme il a été
dit plus haut, y fit établir une batterie qui reliait les mortiers
de Ras Amar-el-Kédime à la tour du phare et prit le nom
de bordj Ras Amar-el-Khédidj (fort du cap Amar le neuf). Elle avait
trente-quatre pièces sur deux étages, l'intérieur
casematé.
Du nord au sud, la défense se continuait par le Bordj el-Djédid
(fort neuf) qui aurait eu dix-huit embrasures supérieures et neuf
basses, au total vingt et une pièces. Il avait été
construit sous Mohamed ben Osmane Pacha, au XVIIIe siècle.
Une inscription turque, aujourd'hui conservée à l'arsenal
de l'artillerie à Mustapha, qui était autrefois placée
au- dessus de l'entrée du fort, fait mention de sa construction.
Elle porte le n° 96 du Corpus : " A la louange de Celui dans
l'Empire de qui rien ne survient qu'il n'ait voulu et prédestiné,
la construction du fort a été achevée selon les ordres
et dispositions de Mohamed Pacha, que sa pieuse mémoire dure autant
que le Soleil et la Lune tourneront devant leur zodiaque. Les fondations
en ont été bien cimentées et le bâtiment crépi
rendu agréable à Dieu et solide. Au bonheur, en raison de
son utilité générale, il l'a institué comme
un monument. Que la miséricorde de la vérité mette
en évidence un zèle digne d'éloges et une oeuvre
méritoire; que le Seigneur de bonne nouvelle intercède en
sa faveur au jour du jugement dernier. Que sa boisson soit du vin scellé
et son eau l'onde de Kawter. Son défenseur, son protecteur dit:
c'est le Dieu très grand. Que ses ennemis irréligieux semblables
à la poussière de la terre soient vaincus et anéantis
puisque, grâce à sa libéralité ont été
installés des canons qui ne mangent pas du miel. Dis: Dieu garde
la date du fort illustre. Année 1187 ".
L'année 1187 de l'hégire correspond aux années 1773-1774
du calendrier grégorien.
Faisant suite à ce fort, Hussein Pacha fit construire la batterie
mâbine (du milieu) qui fut spécialement affectée aux
saluts à rendre aux navires, étrangers au commencement du
XIXe siècle.
Il existe deux inscriptions turques relatives à cette batterie.
L'une se trouve sur un pilier placé dans la voûte conduisant
aux bains de l'amiral, sans que l'on puisse expliquer sa présence
en ce lieu assez éloigné de la batterie et séparé
d'elle par le fort Djedid.
Cette inscription porte le n° 155 du Corpus: " Ie me mets
auprès de Dieu à l'abri de Satan le lapidé. Au nom
de Dieu le Clément, le Miséricordieux, en lui est l'assistance.
Dans la voie de Dieu en vue de la guerre sainte, il a inauguré
une construction dans la partie médiale; il a donné une
muraille, la mâbine redoutable comme un lion. Que Dieu bénisse
son constructeur, les stratagèmes qu'il projette préparant
la prospérité; que la vérité fasse triompher
son drapeau, il a tiré vengeance des infidèles. Nous demandons
à Dieu la protection qui fait la force de l'Islam, la victoire
reste au faible qui marche à la guerre sainte avec la miséricorde
de Dieu. Ô mon maître, pardonne aussi pour cela à un
humble serviteur. Dieu enclin à l'assistance est entré dans
la meilleure partie de sa date. Ô mon Dieu le meilleur des protecteurs
fais-nous triompher de la troupe des infidèles. Et Dieu t'apportera
une aide puissante. Ce que Dieu a voulu arrive. En l'année 1239
".
Cette inscription ne mentionne pas le nom d'Hussein, mais cette lacune
est comblée par la seconde inscription qui complète la première
et se trouve placée au-dessus de la porte d'entrée d'un
magasin faisant face à la cale des torpilleurs et d'où part
un conduit souterrain; on arrivait à la batterie Mâbine.
La seconde inscription porte le n° 157 du Corpus. Elle se compose
de deux parties, l'une formant marge autour de l'autre formant corps:
En marge: " Quelle belle chose Dieu a voulu. Le Bordj Mâbine
a pris un bel aspect.
Ô Clément, Ô Miséricordieux, je me mets auprès
de Dieu qui entend tout et qui sait tout, à l'abri de Satan le
maudit, le lapidé; c'est en Dieu qu'est l'assistance, c'est lui
qui est le meilleur protecteur. Au nom de Dieu le Clément, le Miséricordieux.
Il n'y a pas de victoire que grâce à Dieu le Puissant, le
Sage, et Dieu t'apportera une aide puissante. En l'année 1239
".
En corps: " En un jour béni, son constructeur a
posé ses fondements. Grâces soient rendues, le maître
a produit l'achèvement de sa prospérité. Après
avoir appliqué ses efforts à le terminer, Hussein Pacha
a prononcé avec joie son nom: Bordj Mâbine. Ce vizir, mine
de générosité en manifestant sa bienveillante bonté,
a augmenté les appuis du peuple musulman. (Le fort), tel un dragon
à sept têtes répand le feu de tous côtés.
(Le Pacha) a garni ses murailles de canons qui ne mangent pas du miel.
Il veut le salut, c'est chose faite. Quant à ses ennemis irréligieux,
qu'ils augmentent l'abondance de leurs lamentations et de leurs cris de
détresse. Ô mon Dieu, fais cette grâce que la dignité
d'Hussein Pacha s'accroisse et que, sous peu, il prenne de force à
ses ennemis, ce qu'il désire ".
L'an 1239 de l'hégire correspond aux années 1823 et 1824
du calendrier grégorien.
Cette batterie dominait en arrière le Bordj Es-Sârdin lui
formant un troisième étage de feux à dix-huit embrasures:
quatre au nord, treize à l'est et une au sud-est. En dedans, du
côté de la ville, se trouvait le quai nord-sud, formant un
des côtés du port où avait été établi
le chantier de construction de navires. La ligne de défense se
continuait par le Bordj Es-Sârdin construit au xviie siècle,
qui avait trente-deux pièces sur deux étages dont l'intérieur
était casematé. L'entrée du port était un
peu en avant de la voûte sud.
Une inscription turque qui surmontait la porte d'entrée du fort
a été placée et fixée sur le mur d'un magasin
de l'artillerie situé à l'est de la tour du phare. Elle
porte le n° 38 du Corpus et comprend deux parties, l'une relative
à la construction du fort, l'autre concernant sa restauration un
siècle plus tard:
N° 1: " Ô sultan Mohamed Kane Razy, par ta haute
justice, une batterie importante a été ajoutée à
la fortification d'Alger. Celui qui a continué sa construction
est Ahmed Pacha. L'armée victorieuse l'a entreprise avec zèle
et courage. Elle a été heureusement achevée. Jurmy
a prononcé pour elle une date. Frappe des coups qui atteignent
leur but. Bravo belle batterie. Par les soins de l'humble Ibrahim ben
Moussa l'an mille septante-sept. 1077 ".
N° 2: " Celui qui a restauré cette batterie
pour dompter l'ennemi est le victorieux Mohamed Pacha ben Osmane, l'homme
heureux et brave. Elle sera devant l'ennemi un bâtiment solide comme
la barrière d'Alexandrie. Que le Dieu Créateur lui donne
une large récompense. De Dieu, on lui donne une date: son feu fait
périr le mécréant comme les flammes ardentes. An
mil cent nonante, année de la restauration. 1190 ". Les
aimées 1077 et 1190 de l'hégire correspondent respectivement
aux aimées 1666-1667 et 1776-1777 de l'ère grégorienne.
La table de marbre sur laquelle est gravée cette inscription présente
de chaque côté, sculptée en relief, une mosquée
à minarets et deux ifs; chacun de ces arbres porte à son
sommet un oiseau faisant face à celui de l'arbre opposé.
Il faut voir dans cette représentation l'oiseau que le mythe persan
désigne sous le nom de chêbavis et qui, perché sur
un arbre, est censé répéter continuellement: "
Yahacq, Yahacq... (Ô Vérité, ô Vérité...)
". C'est un indice du mysticisme des derviches dans l'Odjaque d'Alger.
Au-dessus de l'inscription on voit également en relief deux poissons
se faisant face et deux navires à voiles. Enfin, dominant le tout,
un lion, également sculpté en relief, tient une sphère
entre ses pattes antérieures. C'est à cause de la présence
des poissons au-dessus de l'inscription que l'on donna au fort le nom
de Fort des Sardines.
(À suivre)
|
Histoire de l'Amirauté d'Alger
(suite) *
Jacques Costagliola
Deuxième partie
La Consulaire
La voûte située au coude formé par
la jetée qui se dirige vers la ville au sud-ouest, abritait dans
une embrasure ouverte vers l'est, l'énorme canon appelé
" Baba Merzoug " ou la Consulaire.
Au-dessus de cette voûte, une batterie sans nom reliait le Bordj
Es-Sardine au Bordj El-Gouème ; elle avait sept embrasures.
Cette voûte n'est pas très ancienne et pendant longtemps,
la Consulaire resta à découvert sur un emplacement vide
entre les forts Es-Sardine et ElGouème.
La Consulaire a été ainsi dénommée à
la suite du supplice infligé au père Levacher, consul de
France, en 1683. Ce religieux fut attaché à la bouche du
canon et ses membres mutilés par la décharge de la pièce,
vinrent tomber près des vaisseaux français qui bombardaient
la ville.
Cette grosse pièce d'artillerie, actuellement élevée
sur un socle dans l'arsenal de la Marine à Brest où elle
fut transportée après la prise d'Alger, mesurait vingt pieds
cinq pouces et six lignes de longueur, soit 6,25 m; sa portée était
de 2 500 toises, soit 4 872 m. Elle était pointée vers l'est
et servie par les meilleurs artilleurs de la Régence. C'était
pour l'époque, une pièce formidable et un des meilleurs
éléments de la défense du port. L'histoire du père
Levacher et de sa fin tragique, épisode barbare de la lutte séculaire
soutenue par les corsaires d'Alger contre la chrétienté,
mérite à tous égards de retenir l'attention car s'il
est une manifestation de la cruauté des Barbaresques, il fut aussi
la conséquence de l'entêtement et de la maladresse du lieutenant-général
des armées navales Duquesne. Le père Levacher était
un vieux missionnaire, vicaire apostolique habitant le pays depuis plus
de vingt-cinq ans. Il avait été chargé du consulat
de France en 1675, bien qu'il eût allégué son grand
âge et de nombreuses infirmités, pour décliner ces
fonctions dont l'exercice lui était rendu difficile par le mauvais
état de sa santé, il avait été maintenu dans
sa charge. La vénération qu'il inspirait aux Turcs par sa
haute vertu, sa profonde connaissance du pays et de la langue le mettaient
en mesure de soutenir au mieux les intérêts qui lui étaient
confiés. Il faisait tous ses efforts pour maintenir la paix entre
la France et la Régence, mais ses conseils ne furent pas écoutés
à la cour de France et une expédition contre Alger fut décidée.
A la fin d'août 1682, Duquesne avait commencé à bombarder
la ville d'Alger où le feu des galiotes avait causé de grands
dégâts.
Le 4 septembre, le père Levacher (note
du webmaster .- voir mon site http://levacher-dupuch.fr,
la rue Levacher où j'habitais.)fut envoyé
en parlementaire demander la paix à l'amiral; Duquesne refusa de
répondre au consul, déclarant qu'il ne voulait traiter qu'avec
les délégués du Divan et continua le feu jusqu'au
12. À cette date, la mer devenant mauvaise, Duquesne partit avec
ses galiotes laissant une partie de la flotte croiser devant Alger pendant
l'hiver. Il revint en juin 1683 et commença de nouveau à
bombarder la ville le 26 de ce mois. Le 28, le dey envoya à bord
du bâtiment amiral, le " Saint-Esprit ", un parlementaire
accompagné du père Levacher. L'amiral se montra cruel pour
le consul qui méritait plus d'égards tant par son âge
que par sa fonction. Après l'avoir traité durement, il termina
par ces mots: " Vous êtes plus turc que chrétien
"
- " Je suis prêtre ", répondit simplement
le vieillard.
L'amiral réclama d'abord la mise en liberté de tous les
captifs français.
Cette condition fut exécutée rapidement. Duquesne demanda
alors aux envoyés du dey, un million et demi de livres à
titre d'indemnités. Le dey sollicita un délai de quelques
jours pour réunir cette somme; entre-temps, il envoya des otages
parmi lesquels se trouvait Mezzo Morto, dit Hadj Hussein, renégat
génois, chef des raïs.
Les exigences de Duquesne avaient profondément ému la ville,
et deux partis s'étaient formés, l'un qui voulait la paix,
l'autre qui réclamait la guerre; ce dernier était appuyé
par la Taïffe des raïs.
Mezzo Morto supplia Duquesne de le débarquer, disant qu'il en ferait
plus en une heure que Baba Hassem, le dey, en quinze jours. L'amiral le
crut et le laissa descendre à terre. Aussitôt Mezzo Morto
s'entoura des raïs, marcha à leur tête sur la Jénina,
fit massacrer le dey, arbora le drapeau rouge et ouvrit le feu de toutes
les batteries sur l'escadre française. Il fit dire à Duquesne
que s'il envoyait encore des bombes sur la ville, des chrétiens
seraient mis à la bouche des canons. Cela se passait le 22 juillet.
Le bombardement reprit et la menace du dey fut exécutée.
C'était le 29 juillet.
Au plus fort du feu, une bande de forcenés se dirigea sur le consulat
de France, saccagea la maison et s'empara de la personne du consul en
poussant des cris de mort; comme le père Levacher ne pouvait pas
marcher, on l'emporta assis sur une chaise et on le dirigea vers le môle.
Là, il fut attaché à la bouche de la grosse pièce
dite " Baba Merzoug ", et les débris pantelants
de la malheureuse victime furent avec la mitraille lancés sur les
vaisseaux de Duquesne; vingt résidents français partagèrent
le sort du consul.
En juillet 1686, lors du bombardement d'Alger par l'escadre du maréchal
d'Estrées, le successeur du père Levacher, M. Piolle, fut
conduit au môle pour y subir le même supplice, mais il avait
été si cruellement frappé le long de la route, qu'il
expira avant d'arriver à la batterie; quarante-deux Français
furent successivement attachés au canon. Le maréchal riposta
en faisant pendre autant de Turcs qu'il y avait eu de victimes mises au
canon.
Rappelons qu'à cette époque, la voûte n'existait
pas et que, la Consulaire étant à découvert, on pouvait
très distinctement des vaisseaux français, voir tous les
détails de ces scènes barbares. Il
n'est que juste d'accorder notre pitié aux innocentes victimes
de ces conflits sanglants et d'honorer la mémoire des hommes courageux
qui ont supporté d'aussi horribles tortures pour demeurer fidèles
à leur patrie et à leur foi. On souhaiterait voir ici un
monument commémoratif pour signaler à la postérité
le nom et le martyre du père Levacher et de ses compagnons d'infortune.
La chambre sanglante
C'est dans cette partie de l'Amirauté que se trouve
le local désigné dans ces derniers temps sous le nom de
" chambre sanglante "; c'est une pièce obscure, voûtée,
ouvrant par une fenêtre grillagée et une porte pleine sur
un escalier enfoui dans la maçonnerie et qui aboutit sous la voûte
du coude.
À l'époque de sa construction, cet escalier était
à découvert et la chambre recevait l'air et la lumière
directement de l'extérieur. Il s'est formé, au sujet de
ce local, une légende que nous ne devons pas laisser s'accréditer.
Dans le numéro de la Revue Nord-Africaine,
portant la date du 18 mars 1906, M. Fritz Müller a donné une
description impressionnante de la chambre sanglante de l'Amirauté,
accompagnée d'un croquis de cette salle. Cet artiste signale de
nombreuses empreintes de mains et d'avant-bras appliquées sur le
mur et sur le pilier central supportant les voûtes de la chambre
et il considère ces taches comme faites de sang humain. Pour lui,
cette chambre sanglante est la salle des exécutions capitales ordonnées
par les raïs et par le Bacbachi chargés d'administrer les
bagnes de la marine.
En réalité, l'opinion de M. Müller n'est pas fondée
et son affirmation qu'il s'agit de sang humain est controuvée par
l'observation. En 1905, nous avons procédé à l'examen
méthodique de la matière consistante de ces taches et nous
avons pu nous rendre compte tout d'abord qu'il ne s'agissait point de
sang d'homme ni d'animal. Nous avons pu ensuite caractériser nettement
la nature de cette substance qui se rattache aux hydrocarbures de la série
aromatique et nous avons conclu qu'il s'agissait tout simplement de goudron.
Il convient donc d'attribuer l'origine de ces empreintes, d'ailleurs de
date récente et postérieure à 1830, aux marins maures
employés à la direction du port et chargés des travaux
de goudronnage des ancres et chaînes des bâtiments et des
corps-morts de la marine. Ces indigènes, soit pour se débarrasser
de l'excès de matières qui les gênait au cours de
leur travail, soit suivant une superstition pour conjurer le mauvais sort
ou s'attirer la protection divine, ont frotté ou appliqué
leurs mains enduites de goudron liquide sur les murs de la salle qui leur
servait de dépôt ou de remise et laissé ainsi des
traces persistantes de leur présence. Du reste, aucun document,
aucune tradition ne mentionne un événement tragique en ce
lieu.
Les anciens maîtres d'Alger ont à répondre devant
l'histoire d'un assez grand nombre d'actes de cruauté d'une authenticité
bien établie et il est vraiment inutile de charger encore leur
mémoire, d'atrocités nouvelles et imaginaires.
Forts du Sud - fin de
la description des fortifications
Sur la jetée sud-ouest, faisant suite à
la voûte du coude, se trouve le Bordj ElGouème (fort des
câbles), ainsi nommé parce que la corderie de la marine était
établie au rez-de-chaussée; il y avait dix-sept embrasures
hautes et treize basses, au total trente- deux bouches à feu. Il
a été achevé au début du XIX e siècle.
Une inscription turque se trouve aujourd'hui au musée d'Alger et
qui figurait autrefois au-dessus de l'entrée du fort, mentionne
ces travaux. Elle porte le n° 141 du Corpus: " Bien qu'elle
fût devenue fort ancienne, la vigie était indispensable.
Dieu soit loué. Elle est maintenant achevée et a reçu
une organisation. À l'origine, la vigie n'avait que deux canons,
c'était peu. A présent, elle est devenue un fort à
six canons, c'est la sécurité. Son constructeur est Omar
Pacha, compatriote de celui qui fit la conquête. Puisse-t-elle durer
tant que dureront les mondes jusqu'au jour de la résurrection.
Ô hommes de garde, observez bien qui aborde ce rivage. Artilleurs
qui êtes du nombre, donnez vos soins aux canons. Ali, si le moment
est venu, dis: " C'est en toi qu'est sa date ". Elle a été
achevée en l'an mil deux cent trente et un. 1231 ".
L'an 1231 de l'hégire correspond aux années 1815 et 1816
du calendrier grégorien. Il résulte de cette inscription
que Bordj El-Gouème, dont la construction est bien antérieure
à cette époque, avait englobé l'ancienne vigie construite
par Arab Ahmed en 1573. C'était une petite tour signalée
par Hédo vers 1580 comme peu importante et ne contenant pas d'artillerie.
Le père Dan, en 1634, décrit également une petite
tour où l'on faisait la garde à l'entrée du port;
il ne dit pas qu'elle fut armée de canons. A la suite, se trouvait
le Bordj El-Hadj-Ali, du nom de son dernier restaurateur et plus connu
sous le nom de Bordj El-Moul (fort de l'extrémité du môle),
à cause de sa situation. Il avait dix-neuf embrasures à
deux étages, l'inférieur casematé. Construit au commencement
du XVIe siècle, il a été restauré et remanié
à diverses époques. Plusieurs inscriptions arabes mentionnent
ces travaux. L'une portée sur le mur extérieur porte le
n° 46 du Corpus: " Louange à Dieu, la construction
de ce fort a été achevée par l'entreprise de l'illustre
maître Mohamed Arab ben Mohamed, fils du maître Ali (que Dieu
pardonne ses péchés et voile son imperfection) dans le mois
de rebitani de l'an 1115 ".
L'an 1115 de l'hégire correspond aux années 1703 et 1704
du calendrier grégorien. Ces travaux ont été terminés
sous le règne du dey Hadji Mustapha. Une seconde inscription placée
aussi sur le mur extérieur, porte le n° 47 du Corpus: "
Louange à Dieu. La construction de ce fort de surveillance a été
achevée par les soins du respectable et illustre maître Mohamed
Arab, fils de Mohamed fils du maître Ali. Que Dieu pardonne ses
péchés et voile son imperfection de sa grâce dans
le mois de rebitani de l'an 1120. 1120 ".
L'an 1120 de l'hégire correspond aux années 1708 et 1709
du calendrier grégorien.
Il s'agit de travaux de modifications partielles effectuées sous
le règne du dey Mohamed Bactacha.
Une troisième inscription placée au- dessus de la porte
d'entrée du fort, porte le n° 52 du Corpus: " Fort
extraordinaire qui triomphera des ennemis du maître. Le défenseur
dont les flancs jetteront les dommages dans les entrailles de quiconque
est voué à la ruine. La construction en a été
achevée par sa grâce et le bonheur de son étoile se
manifeste sous le règne du maître dont les actions sont toujours
louables, le seigneur Pacha Ali ben Hussein le victorieux dans le mois
de chabane (dont les mérites sont sans cesse proclamés)
de l'en vingt-quatre et ajoute: " afin de voir mil et après
lui cent. Ô mon Dieu, fais triompher l'entreprise ". 1124 ".
L'an 1124 de l'hégire correspond aux années 1712 et 1713
du calendrier grégorien.
Enfin, au-dessous de celle-ci, une dernière inscription arabe,
reproduite de chaque côté de l'entrée du fort et divisée
en deux parties, porte le n° 53 du Corpus: " Il n'y a de divinité
que Dieu le Roi, la Vérité. L'évident Mohamed est
le prophète de Dieu ".
Dans le vestibule à l'entrée du fort on voit encore les
râteliers d'armes, où les soldats turcs plaçaient
leurs fusils et des peintures décoratives qui paraissent l'oeuvre
de quelque esclave chrétien.
Au-dessus de la porte d'entrée de ce fort, connue sous le nom de
" porte des lions " et qui se trouve au fond d'une voûte,
on remarque un dessin d'allure héraldique où l'on a cru
voir les armoiries d'Alger; mais il ne s'agit que de la fantaisie d'un
captif chrétien car les Turcs n'ont jamais eu d'armoiries. Ils
n'ont adopté comme signe distinctif de leur souveraineté,
que le croissant devenu l'emblème de l'Islam depuis la prise de
Constantinople en 1453.
Un ouvrage additionnel complétant le fort du môle, présentait
deux embrasures casematées basses et deux embrasures supérieures;
il avait été construit après l'expédition
de Lord Exmouth (1816). Au total, la défense de l'îlot de
la marine comprenait 295 pièces, presque toutes du plus gros calibre
et dont la moitié à peu près était dans les
casemates, ce qui constituait pour l'époque un armement considérable.
Bien que n'ayant que trois hectares de superficie, le port si puissamment
défendu a pu abriter jusqu'à quarante navires. Sa passe
était fermée chaque soir par une chaîne et deux bateaux
veillaient au dehors.
Édifices civils
En dehors des établissements militaires, il existait
à l'Amirauté une fontaine ornementale et deux édifices
religieux, un marabout et une mosquée. La fontaine située
auprès du pavillon de l'amiral existe encore; elle a été
construite par Ali Pacha qui fut dey d'Alger de 1754 à 1766. Elle
porte une inscription turque qui figure sous le n° 86 du Corpus: "
Ali Pacha ayant examiné parfaitement ce monde périssable
a songé à gagner son salut par l'emploi de ses richesses
tout en élevant une construction. Il a fait couler ces fontaines
qui donnent la vie et en même temps la pureté. Puisse-t-il
être admis sans jugement au plus haut du paradis. An 1178 ".
L'an 1178 de l'hégire correspond aux années 1764 et 1765
du calendrier grégorien.
Au commencement duXVIIIè siècle, Laugier de Tassy signale
la présence, à cet endroit, d'un édifice carré
au milieu duquel se trouvait une cour entourée d'une balustrade
et ornée de quatre fontaines. L'amiral et les officiers de marine
y tenaient tous les jours leurs assemblées.
Sur les côtés de l'édifice, un banc de pierre couvert
d'une natte, c'est là que, suivant la tradition, les captifs étaient
débarqués à leur arrivée. En attendant d'être
conduits chez le dey et au " badestan " (marché
aux esclaves), ils demeuraient exposés à la curiosité
et aux injures de la foule. Cet édifice, dont on ne reconnaît
pas les traces, a été remplacé par le pavillon de
l'amiral au commencement du XIXè siècle. Le marabout qui
se trouve auprès de la voûte du coude est consacré
à Sidi- Brahim El Robérini El-Bahri. Les restes de ce saint
personnage auraient été inhumés en cet endroit avant
la construction des batteries dans lesquelles le monument est encastré.
Ce Sidi-Brahim serait le fils d'un marabout célèbre qui
a son tombeau à
Cherchell où sa famille, les Robérini, a joué
un rôle politique important au moment de l'occupation française.
Sidi-Brahim serait venu à Alger par la mer, c'est pourquoi on lui
a donné le surnom d'El-Bahri (le marin). Il est l'objet d'un culte
particulier de la part des marins musulmans d'Alger. Chaque année,
de nombreux pèlerins se rendant à Cherchell, viennent en
procession avant leur départ faire une visite au tombeau de Sidi-Brahim
à l'Amirauté.
Ce monument était autrefois plus considérable et empiétait
sur une partie de la route; il était surmonté d'une "
quouba " dont un segment subsiste encore sous l'arceau de
la voûte des remparts. Lors du remaniement des constructions, l'alignement
a entraîné la mutilation du marabout qui n'en continue pas
moins à recevoir la visite de nombreux fidèles, surtout
de femmes mauresques.
L'eau de la darse tient du voisinage du marabout des propriétés
particulières, on voit à certains jours, les femmes indigènes
venir en grand nombre sur la cale qui s'étend devant le marabout,
s'y livrer à des ablutions rituelles et puiser de l'eau de mer
pour en remplir les récipients qu'elles emportent chez elles.
Dans un acte de l'an 1104 de l'hégire (1692-1693 du calendrier
grégorien), on trouve signalée une mosquée du port,
exclusivement fréquentée par les gens de mer. D'après
Delvoux, cette mosquée n'avait pas de minaret et aurait été
située à l'est du pavillon de l'amiral. Actuellement, aucune
construction existant à cet endroit paraît répondre
à cette indication. D'autre part, dans les magasins dont l'entrée
est surmontée d'une inscription concernant la batterie Mâbine
et par où on accède à cette batterie, on voit un
escalier conduisant à un minaret qui s'élève au-dessus
du magasin au nord de l'atelier des torpilleurs, bien qu'on ne trouve
pas, dans la vaste salle où s'ouvre cet escalier, de trace de "
mirab "; la tradition conservée par les marins indigènes
y place l'ancienne mosquée de la marine.
Nous devons signaler en terminant, un certain nombre d'inscriptions de
provenances diverses qui se trouvent placées sur les murs de deux
magasins appartenant à l'artillerie située à l'ouest
et à l'est de la tour du phare sur la plate-forme du Peiion. Sur
le magasin de l'ouest est une inscription arabe qui porte le n° 83
du Corpus: " À la gloire du défenseur du fort, a
été achevée cette citadelle de la guerre sainte excellente
et élevée sous le règne du prince le plus fortuné,
orgueil des rois éminents, Ahmed, au commencement du mois de joumadataniya
de cent et après lui huit avant lesquels mille ans se sont écoulés
depuis l'émigration du prophète, le meilleur des envoyés.
1108 ".
L'année 1108 de l'hégire correspond aux années 1696
et 1697 du calendrier grégorien.
On n'a pu déterminer l'édifice d'où provient cette
inscription; c'est en 1845, après l'explosion de la poudrerie de
l'Amirauté, qu'elle a été placée sur le magasin
qu'on voit aujourd'hui. Sur le mur du magasin de l'est se trouve d'abord
la belle inscription provenant du fort des sardines; en outre, on y voit
de nombreuses inscriptions arabes provenant des tombes de Babel-Oued,
des tables funéraires hébraïques et des inscriptions
turques d'origine indéterminée, mentionnant l'aménagement
ou la restauration des chambres de janissaires.
Enfin, nous devons relater une inscription espagnole portant la date de
1777 et qui provient probablement d'un des forts d'Oran. Elle aurait été
apportée ici après la seconde prise de cette ville par les
Algériens en 1792.
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