| Les premières 
        lignes aériennes au Sahara Le Sahara, 
        troisième plus grand désert du monde après les déserts 
        polaires, était, au XIXè siècle, " un continent 
        ignoré " des Européens. Pour y voir naître un 
        siècle plus tard des lignes aériennes, il faudra une logistique 
        à terre, avec notamment des cartes et bien sûr, des machines 
        volantes et des hommes.
 Premières explorations du Sahara
 
 Seule l'école juive de cartographie des Baléares avait dressé, 
        au XIV° siècle un atlas de pistes des caravanes, par des récits 
        recueillis, comme celui de l'explorateur berbère Ibn Battuta. Juste 
        avant 1830 arrive le temps des explorateurs européens ; au Sud, 
        René Caillé sera le premier à entrer à Tombouctou 
        et à en revenir vivant ! Parti du Sénégal par le 
        fleuve, il y cherchait un foyer intellectuel et religieux réputé 
        mais hélas, il ignorait sa destruction par le sultan de Marrakech 
        en 1592 ; il ne trouva que ruines et le sort pitoyable des esclaves noirs 
        ; il repartira déçu pour Tanger via le Sahara, avec une 
        livraison d'esclaves maltraités. A cette époque, le major 
        anglais Laing parti de Tripoli y trouva la mort et l'Allemand Barth, plus 
        tard, explora aussi la région ; son récit de voyage inspirera 
        Jules Verne pour " Cinq semaines en ballon " ; au XIXe siècle, 
        l'avenir dans les airs semblait passer par la montgolfière.
 
 A l'Ouest, l'Allemand Lenz, conseillé par le rabbin Mardochée 
        qui aida aussi le père de Foucauld dans son exploration, fut en 
        1880 le premier Européen à entrer à Tindouf. Il fut 
        suivi 7 ans plus tard de Camille Douls, explorant la partie peuplée 
        de Maures avec lesquels il vivra ; leurs récits et leurs relevés 
        topographiques furent bien utiles à la ligne Latécoère 
        Casa-Saint Louis. A l'Est, Duveyrier, après un passage à 
        Laghouat et Ghardaïa, sera en 1860 le premier Européen à 
        El Goléa, puis à Ghadamès, où il vivra avec 
        les Touareg ; il prépara comme le fit avec succès Charles 
        de Foucauld pendant 12 ans, un dictionnaire Franco-Touareg. Ainsi on commença 
        à avoir des cartes de pistes, des relevés, des récits 
        fort utiles pour les machines volantes qui arriveront en Afrique du Nord, 
        cinquante ans plus tard !
 
 Premiers essais en vol
 
 Louis Mouillard, né en 1834, se retrouve à exploiter, à 
        20 ans, la ferme de son père (à l'origine, marchand de tissus 
        à Lyon) à Baba Ali près d'Alger ; étudiant 
        les vols d'oiseaux, il monte un planeur qui " volera " 40 minutes 
        en 1865 ; c'est une première en Afrique. Il écrit " 
        l'Empire de l'air ", encyclopédie qui inspirera les frères 
        Wright, Capazza, Fabre et Clément Ader ; à tel point que 
        ce dernier en 1882 ira voir voler les vautours en Algérie, avant 
        de construire son " Avion " à moteur en 1890. A Marseille, 
        Louis Capazza né avec " Cinq semaines en ballon " en 
        1886, un siècle après Montgolfier, tente une première 
        liaison en ballon Marseille La Plaine - Corse, avec Fondère ; son 
        ami Livrelli ten tera le vol vers l'Afrique, en vain. Enfin, en novembre 
        1906 sur la pelouse de Bagatelle à Paris, Santos Dumont vole en 
        avion à moteur, devant témoins, sur une distance de 220m 
        (à une vitesse de 41km/h, à 6m du sol), 3 ans après 
        les essais des frères Wright ; le 25 juillet 1909 c'est Blériot 
        qui franchit la Manche.
 
        
          |  Rallye aérien Algérie 
              - Grand Erg.
 |  Premières 
        traversées Algérie-Sahara
 Selon la précieuse documentation de Pierre Jarrige, " l'aviation 
        en Afrique du Nord ", auquel nous nous référerons souvent, 
        l'Algérie suit ; en octobre 1909 est créé l'Aéro-Club 
        d'Alger (celui d'Oran quelques mois plus tard) ; deux garagistes, René 
        Métrot et J. Marcé aménagent un aérodrome 
        au Caroubier, " l'Hippodrome d'Alger ". Ils commandent un biplan 
        Voisin livré par bateau et le 18 novembre, Métrot fait son 
        premier vol sur le sol algérois et africain. Les choses vont aller 
        vite ; à peine quatre ans plus tard, Roland Garros, à 25 
        ans, effectue en septembre 1913 la première traversée aérienne 
        sans escale de la Méditerranée, Saint-Raphaël - Bizerte 
        sur un Morane-Saulnier en 7h53 ; un an avant, une première escadrille 
        militaire d'avions amenés par bateau jusqu'à Alger s'est 
        installée à Biskra ; elle volera jusqu'à Touggourt 
        et Ouargla.
 
 En 1910 Henri Fabre fait voler le premier hydravion sur l'étang 
        de Berre. Dès 1914, la Marine disposait de 8 hydravions, d'un centre 
        école à Saint Raphaël ; l'aviation a connu un extraordinaire 
        développement à titre militaire pendant la Grande Guerre. 
        Et en 1917 elle avait plus de 50 centres d'hydravions notamment en Algérie. 
        L'école d'aviation créée à Istres en 1917, 
        avait 500 avions en 1918, la Marine avait une trentaine de ballons dirigeables, 
        fabriqués à Paris. Certains étaient arrivés 
        à Aubagne ( via Lyon Bron ) puis via Minorque, à Baraki, 
        près d'Alger; le premier vol AubagneBaraki aura lieu en novembre 
        1917 en 10h30. Ce n'est qu'en 1919 qu'on aura la première traversée 
        aérienne directe Marseille-Alger en hydravion par Roger et Coli 
        ; une deuxième escadrille s'installera en 1919 à Ouargla 
        et volera jusqu'à In Salah. En 1917, un ingénieur de 34 
        ans, Pierre Latécoère décroche à Toulouse 
        un marché de l'armée pour son entreprise, la fabrication 
        en sous-traitance de 1000 avions Salmson et de Breguet 14 à moteur 
        Renault. La guerre finie, Latécoère, face à l'important 
        parc d'avions devenus inutiles, rêve de lignes civiles de courrier 
        comme Toulouse - Buenos Aires. Appuyé par Lyautey, il propose dès 
        1919 un premier tronçon des lignes Latécoère Toulouse 
        - Perpignan - Barcelone - Casablanca-Rabat, de courrier pour l'instant, 
        prolongé en 1925 vers Dakar avec des pilotes comme Daurat, Mermoz 
        puis Saint Exupéry. Celui-ci en poste au Cap Juby, au Sahara espagnol 
        en 1926, immortalisera cette aventure deux ans plus tard dans " Courrier 
        Sud " et en gardera une trace dans toute son oeuvre jusqu'au " 
        Petit Prince " ; la première liaison Latécoère 
        Marseille-Alger via Barcelone est ouverte en 1923.
 
 Le général Laperrine, lui, rêve d'un raid autos avions 
        d'Alger vers Tombouctou - Dakar : le 27 décembre 1919 un convoi 
        d'autos Renault et autres, part de Touggourt 
        et arrive un mois plus tard à Tamanrasset.
 
 Début 1920, des Breguet 16 doivent les rejoindre d'Alger ; c'est 
        un échec partiel. Celui de Laperrine sera accidenté et le 
        général sera enterré à Tamanrasset à 
        côté du Père de Foucauld, assassiné en 1916 
        ; les autres avions atteindront Tombouctou. Un raid est loin d'être 
        l'amorce d'une ligne aérienne ; quoique l'un des participants, 
        Jean Dagnaux, âgé de 27 ans, mutilé de la guerre avec 
        une jambe de bois, créera après un raid réussi France- 
        Madagascar, la Compagnie Transafricaine d'Aviation qui deviendra plus 
        tard Air Afrique.
 
 Mais dès 1922 une société, " le Réseau 
        Aérien Transafricain ", exploite une première ligne, 
        pour peu de temps, Alger-Sétif-Biskra en 3 heures ( au lieu des 
        18 en train ) amenant, dans un des hôtels de la Transat des touristes 
        dits d'hivernage tels que W. Churchill et des artistes venus de métropole 
        comme Matisse, Gide ou Dinet. Lena Bernstein, née à Leipzig 
        en 1906, installée à Alger avec ses parents, après 
        un Istres-Alexandrie en 1929, tentera un Paris-Bassorah en 1932 qui finira 
        à Biskra. En 1926 Lyautey, président du Comité Français 
        de propagande aéronautique, veut introduire l'aviation dans la 
        vie normale du pays. Il y a alors en France cinq compagnies dont Latécoère 
        et sa filiale France - Algérie, en tout, près de 300 avions 
        et hydravions dont la moitié Latécoère. L'État 
        apporte une aide annuelle de 21 millions à la ligne Toulouse-Dakar 
        et six autres pour aller jusqu'en Amérique du Sud ; l'aide est 
        insuffisante, Latécoère vendra ses lignes à M. Bouilloux-Lafont 
        et ainsi naîtra l'Aéropostale, plus importante Compagnie 
        du monde en 1927.
 
 Plus tard, il y aura une " Croisière noire " aérienne, 
        avec l'escadre Vuillemin partie d'Istres avec 28 avions Potez 25, en novembre 
        1933 vers Rabat, Colomb-Béchar, 
        Adrar, Bidon 5, Gao, survolant la piste des caravanes et au delà 
        vers Dakar et l'AOF avec retour par Adrar, El 
        Goléa, Touggourt, Tunis, Alger.
 
 La Transsaharienne
 
 Après le succès de la mission Citroën en 1923, à 
        laquelle ont aussi participé Georges et René Estienne, Gaston 
        Gradis, industriel, fonde la Compagnie Générale Transsaharienne 
        ( CGT ) dont le général Estienne, le père de Georges 
        et René, est président. Le but de la CGT est de reconnaître 
        et d'équiper, fusse avec des bidons, une route transsaharienne 
        devant convenir plus tard à l'établissement d'une ligne 
        aérienne : Colomb Béchar-Reggan ( la nationale 6 aujourd'hui 
        ) jusqu'à Gao, au Soudan.
 
 Le réseau de radio et de postes de ravitaillement permet de créer, 
        le 17 octobre 1934, le premier service postal aérien régulier 
        ( d'autres tenteront une ligne d'Ouargla vers Djanet ). En 1935, La CGT 
        assure de Colomb-Béchar à Gao et Niamey, avec prolongement 
        sur Cotonou, un service aérien bimensuel qui survole constamment, 
        après escale nocturne à Reggan la piste balisée sur 
        les 1.300 km séparant cette oasis de Gao. Cette piste, au long 
        de laquelle on peut atterrir sans difficulté, permet aux avions 
        de traverser la région désertique avec la certitude de recevoir 
        des secours en cas de panne. Le tarif des passages est de 3.850 francs 
        de Colomb Béchar à Gao, 75 % plus cher que le bus. Il est 
        accordé une franchise de bagages de 10 kg contre 30 en autocar, 
        mais en deux jours au lieu de cinq.
 
 De l'Algérie au Congo
 
 Suite à la crise économique des années 30, Air France 
        naît en 1933 de l'union de compagnies aériennes, dont Aéropostale 
        qui a déposé son bilan. Jean Mermoz en sera le chef pilote 
        ; D. Daurat créera la postale, " la Bleue " ; 
        Air France reprend une ligne quotidienne avec passagers, Marseille-Alger.
 
 La compagnie de Jean Dagnaux prend le nom d'Air Afrique ; la ligne Alger-Brazzaville 
        est ouverte pour la poste en 1934, avec un Bloch 120. Six mois plus tard, 
        elle est ouverte aux passagers. Fin 1935, la liaison est faite avec Tananarive, 
        le rêve de Jean Dagnaux est accompli ! De son côté, 
        la Sabena parvient à ouvrir en 1935 une ligne vers le Congo belge, 
        passant par Oran, afin de ne pas concurrencer Air Afrique qui assure la 
        correspondance d'Air France à Alger. Un départ a lieu toutes 
        les semaines dans chaque sens. Il est assuré alternativement par 
        la Régie Française Air- Afrique et par la Société 
        belge Sabena.
 
 Dans le sens Europe-Congo, l'horaire français comporte un départ 
        le samedi d'Alger, arrivée à Gao le lendemain (au lieu d'une 
        semaine par bus), à Niamey et Zinder le lundi. Dans le même 
        sens, l'horaire belge comporte un départ le vendredi de Bruxelles, 
        avec escale le même jour à Marseille et Alicante, arrivée 
        à Oran le vendredi. Départ d'Oran le samedi, arrivée 
        à Gao et Niamey le dimanche et à Zinder le lundi.
 Avec le développement d'Air Afrique et de la Sabena, la CGT abandonne 
        les vols au départ d'Alger et d'Oran, seule subsiste la ligne Reggan-Gao 
        cédée à l'Aéro-maritime, filiale de la compagnie 
        maritime des Chargeurs Réunis, en juin 1935 ; cette dernière 
        exploitera, en complément d'Air Afrique, un Niamey Cotonou au Dahomey, 
        en attendant un Dakar-Cotonou en 1937.
 
 Côté transport aérien, à l'inverse de la CGT, 
        la SATT tient à la disposition des touristes qui désirent 
        traverser rapidement le Sahara des avions particuliers à 2 ou 3 
        places. Au Sud d'El Goléa, le tarif est de 3,40 frs le kilomètre 
        parcouru pour les avions à deux places et de 3,90 frs pour ceux 
        à trois places. Ce tarif comporte en plus une immobilisation de 
        200 francs par jour, quel que soit le nombre de kilomètres parcourus.
 Mais en 1939, la guerre arrive. A la déclaration de guerre, Jean 
        Dagnaux a repris du service ; il sera abattu dès 1940. La Régie 
        Air Afrique est démantelée début 1941 et la ligne 
        d'Alger à Niamey continuera jusqu'au débarquement de 42, 
        depuis Marseille, sous le numéro AF 271.
 Civils et militaires avaient créé avec leur enthousiasme 
        pour les échanges et la communication, avec leur sueur, leur sang 
        et leurs larmes, de manière indélébile ces outils 
        et méthodes de rapprochement des hommes dans le désert.
 Jean-Pierre Marciano  Bibliographie sommaire- J'ai vu naître l'aviation : d'H. Fabre ; Guirimand, 1980
 - L'Aéropostale de B Heimermann ; Arthaud, 2010
 - L'exploration du Sahara de J-M Durou ; Actes Sud, 1993
 - Aviation-Algérie. P. Jarrige
 - Musée Air France ; Musée de l'Air, Revue Icare.
 - Guide du tourisme en Afrique Occidentale, 1935, publié par le 
        Gouvernement Général
 
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