Cette ligne de chemin de fer du désert 
        est mentionnée sous quatre noms dans les ouvrages et les articles 
        qui l'évoquent ou l'étudient.
        
        On peut ainsi trouver : 
        ----------------------le Transsaharien ; 
        nom le plus ancien,
        ----------------------le Méditerranée- 
        Niger ; nom officiel apparu en 1940,
        ----------------------le Mer- Niger également 
        dans les années 1940,
        ----------------------le M.N.ou le MN pour 
        abréger. 
        Quatre noms pour une voie qui n'a jamais été 
          posée, sinon sur un petit bout sans avenir, c'est beaucoup ! 
          Il est vrai, qu'en compensation on en avait beaucoup parlé, 60 
          ans durant, avant de poser les rails sur un tronçon de 275 km 
          aujourd'hui abandonné. L'histoire du Transsaharien est celle 
          d'un rêve grandiose, mais qui a échoué parce qu'on 
          s'y est pris trop tard.
                     I/ 
          Pré-histoire d'une illusion 
          
          L'idée serait apparue dès le Second Empire, après 
          qu'un traité eut été passé, le 26 novembre 
          1862, entre le Gouverneur Général de l'Algérie, 
          le Maréchal de France et Duc de Malakoff Amable Pélissier, 
          et une tribu de Touaregs Azdjer ( tribu de l'est par opposition aux 
          tribus Ahaggar ou Hoggar du centre). Ce traité de Ghadamès 
          (ville libyenne ) avait été négocié par 
          la mission de Polignac. Il autorisait n'importe quel Targui (un Targui, 
          des Touaregs) à commercer librement en Algérie et au Soudan 
          français. En échange les Touaregs s'engageaient à 
          faciliter le passage de négociants français ou indigènes.
          
          En vérité ils n'ont vu passer aucun négociant avec 
          qui négocier un péage et une protection, mais des explorateurs 
          et des militaires .Ils auraient été fort déçus.
                                         A/ 
          Premier épisode: 1874-1884
          
          En 1874 un explorateur grand connaisseur du grand sud algérien, 
          Soleillet, pose officiellement la question de la création 
          d'une voie ferrée à travers le Sahara pour relier l'Algérie 
          et le Soudan français.
          
          En 1878 son collègue Gazeau de Vautilbaut promeut 
          cette idée en publiant 4 brochures et en faisant à travers 
          la France, 24 conférences ; sans succès apparent. Pourtant 
          l'année suivante l'idée est reprise par un ingénieur 
          des Ponts & Chaussées, Maître-Devallon qui obtient 
          un ordre de mission pour étudier le tracé. En 1879 
          Maître-Devallon se rend en Algérie, va jusqu'à Laghouat 
          ou à peine plus au sud. Il rapporte de ce voyage limité 
          à l'une des portes du désert, un volumineux rapport dont 
          il ressort que la construction est à la fois souhaitable et possible. 
          Il réussit à convaincre le Ministre des Travaux Publics 
          Freycinet qui prépare et publie cette même année 
          le plan de développement des réseaux ferrés métropolitain 
          et algérien qui porte son nom. En décembre 1879 Freycinet 
          obtient du Parlement le vote des crédits nécessaires à 
          l'envoi au Sahara, de 4 missions devant reconnaître les 5 itinéraires 
          envisagés. Freycinet crée aussi une " Commission 
          Supérieure du Transsaharien " qui sera chargée d'étudier 
          les comptes rendus.
        La mission Pouyanne est chargée du tracé 
          oranais. Pouyanne ne va pas au delà de Colomb-Béchar.
          
          La mission Soleillet est responsable d'un tracé mauritanien 
          des plus improbables, car il ne peut, à cette date se rendre 
          dans des régions où l'influence française est nulle, 
          et grande l'insécurité. 
          
          La mission Choisy doit étudier deux tracés pour 
          El-Goléa, l'un par Laghouat, l'autre par Touggourt Il accomplit 
          parfaitement cette double mission eu un seul voyage ; aller par Ghardaïa 
          et retour par Ouargla.
          
          La mission dévolue à Flatters est de reconnaître 
          l'itinéraire oriental par la vallée de l'Igharghar. Si 
          l'histoire a retenu son nom mieux que celui de ses collègues, 
          c'est à cause du dénouement tragique de son second voyage. 
          La première fois il quitta Ouargla le 5 mars 1880 avec 39 hommes. 
          Il avait rendez-vous avec l'Aménokal (chef) des Touaregs Ahaggar. 
          Il attendit 5 jours ; puis craignant de manquer de vivres, et se sentant 
          peut-être menacé, il partit. Il semblerait que l'Aménokal 
          soit arrivé le lendemain du départ de Flatters, et qu'il 
          en aurait été très vexé. Flatters arriva 
          à Ouargla le 17 mai et en repartit le 4 décembre avec 
          une escorte plus fournie : 93 hommes, dont 8 Français, 7 guides, 
          78 tirailleurs , et 280 animaux. Flatters ignorait que les Touaregs 
          Azdjer et les Touaregs Ahaggar ligués contre lui, étaient 
          venus avec 600 hommes.. Arrivé au puits de Tadjemout, dans l'Immidir 
          à mi chemin d'In Salah et de Tamanrasset, il tomba dans un guet-apens 
          où il périt avec son Etat-Major français. Le reste 
          de la troupe chercha son salut dans une fuite éperdue dont ne 
          sortirent vivants que 21 hommes. 
          
          Ce désastre entraîna une pause de 20 ans. La Commission 
          Supérieure fut dissoute en 1884.
        
          
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     Cette 
                  carte représente les 5 itinéraires qui furent 
                  effectivement reconnus à des dates diverses.Il n'indique pas le tracé par Tindouf 
                  et la Mauritanie qui eût été impossible 
                  avant 1934.
 Le tracé finalement adopté est 
                  celui qui passe par Adrar et Reggan, et qui part de Nemours
 Le petit tronçon d' Aïn Témouchent 
                  à Oran n'a jamais été construit.
 Tous les itinéraires convergent vers 
                  In-Tassit au Soudan.
 Commentaire:  1 Il y a une petite contradiction 
                  entre cette carte et celle de Devallon, ci-dessous, qui mélange 
                  2 itinéraires. C'est lui qui a raison. L'itinéraire 
                  par Djelfa est absurde. L'antenne Affreville-Boghari est reprise 
                  en ce moment en tant que projet de voie normale rapide entre 
                  Bou-Medfa , Médéa et Djelfa;
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                                         B/ 
          Deuxième épisode: 1912-1914
          
          En 1912 la présence française au Sahara a beaucoup 
          progressé. In Salah est conquis en 1899 ; et dans la foulée 
          toutes les oasis du Tidikelt, du Gourara, du Touat et de la vallée 
          de la Saoura.
          
          Mais, plus au sud , les Touaregs demeurent hostiles, et à cause 
          du souvenir de Flatters, on surévalue leur puissance. L'obstacle 
          est levé par le combat de Tit quand, le 7 mai 1902, le Lieutenant 
          Cottenest et ses goumiers Chaamba ralliés de la veille, battent 
          les Touaregs. La tribu des Chaamba forme alors une sorte de parti de 
          la France. C'est parmi eux que se recrutaient les Méharistes 
          des Compagnies créées par Laperrine en 1902 également.
        En 1911, c'est Djanet (futur Fort Flatters) qui 
          est occupé, en profitant de ce que la garnison turque de l'oasis 
          libyenne de Ghât, est bloquée par la guerre italo-turque.
        En 1912, la sécurité est suffisante 
          pour tenter de nouvelles reconnaissances de tracé. Le nouveau 
          Ministre Berthelot évoque même un futur Alger-Le Cap : 
          quand on rêve, on peut tout se permettre, y compris de passer 
          chez les Belges et les Anglais. Il met sur pied deux missions de reconnaissance 
          ; celle du capitaine Nieger vers le Tchad par le Niger, et celle de 
          Maître-Devallon vers le Soudan par El Goléa. Maître-Devallon 
          s'adonna à sa tâche avec passion.
          
          Mais la guerre de 1914 renvoya à plus tard les décisions 
          d'ouverture d'un éventuel chantier.
                                        C/ 
          Troisième épisode: 1928-1929
          
          Après la guerre, et surtout après 1927, plusieurs organisateurs 
          d'expéditions automobiles ont eu le souci d'évaluer la 
          " faisabibilité " d'une voie ferrée près 
          des pistes qu'il parcouraient. Parfois même, tels les frères 
          Estienne, ils étaient mandatés pour ce faire.
          
          En 1927, un député, Monsieur de Warren, dépose 
          un nouveau projet de loi. Il est suivi par le Ministre des Travaux Publics, 
          André Tardieu, qui fait voter la loi du 7 juillet 1928 créant 
          un " Organisme d'Etudes " spécial, dont la direction 
          est confiée à Maûtre-Devallon promu Inspecteur Général 
          des Ponts & Chaussées. Après un an d'études 
          sérieuses Maître -Devallon conclut qu'il faut construire 
          le Transsaharien. Mais l'arrivée de la crise de 1929 en France, 
          fin 1931, plus l'opposition des Ministres des Finances et du parti radical-socialiste 
          très influent, font ajourner une fois encore l'ouverture d'un 
          chantier.
                                     D/ 
          1939: le projet sort enfin des oubliettes.
          
          Pourquoi est-ce en 1939 que les conclusions de Maître-Devallon 
          entraînent enfin la décision du Ministre des Travaux Publics 
          de Monzie d'engager le début des travaux au Maroc ? Je l'ignore. 
          Sur Internet on trouve un texte, une carte et un slogan qui résument 
          les arguments et les propositions de l'Inspecteur Général 
          : " il faut supprimer le Sahara ". Pourquoi ? Pour des raisons 
          stratégiques, morales et économiques.
                  - 
          Le transsaharien sera l'épine dorsale de notre Empire africain. 
          " Si on faufile un Empire avec des routes, 
          on ne le coud qu'avec le chemin de fer ". Pensait-il 
          au Turksib des soviétiques ? C'est probable. Ce transsaharien 
          permettrait de transporter en toute hâte, vers un front européen, 
          les régiments sénégalais de notre " force 
          noire ". Il serait un élément important pour notre 
          défense nationale.
                    - Le Transsaharien 
          accroîtra notre prestige tant auprès des puissances étrangères, 
          qu'auprès des populations locales. De plus, en facilitant le 
          transport des médecins et des infirmières, il permettrait 
          le doublement de la population de l'AOF et du Sahara en 25 ans.
                    - Le Transsaharien 
          assurerait la prospérité économique de plusieurs 
          régions. A vrai dire un seul projet en cours hante les esprits 
          à l'époque ; celui de l'essor de la culture du coton dans 
          le delta mort du fleuve Niger en aval de Segou.. En 1932 a été 
          créé dans ce but, l'Office du Niger. Les travaux de construction 
          du barrage de Markala (ou de Sansanding) ont débuté en 
          1934. Ils ne seront terminés qu'en 1947. A l'origine on escomptait 
          irriguer 900 000ha ; il y en a aujourd'hui 60 000.
          
          Maitre-Devallon affirmait qu'il suffirait d'un trafic de 300 000 tonnes, 
          pour assurer la rentabilité du Transsaharien. En ajoutant au 
          coton les phosphates de la vallée du Tilemsi près d'In 
          Tassit, on atteindrait ce tonnage annuel aisément.
        
                       II/ 
          Histoire d'un échec.
                                      A/Les 
          préliminaires. 
          
                  - 
          Le choix du tracé a été fait par Maître-Devallon. 
          Sur sa carte, que je reproduis sur la page suivante, apparaissent les 
          seules deux voies possibles, à son avis ; la voie constantinoise 
          qui part de Philippeville, et la voie oranaise qui part de Nemours. 
          La voie oranaise est la meilleure ; en réalité il faudrait 
          dire l' orano-marocaine, car la voie ne reprend pas le chemin de fer 
          à voie étroite de Colomb-Béchar, mais le chemin 
          de fer normal d'Oujda à Colomb-Béchar. En effet on doit 
          construire, non pas un tortillard, mais un chemin de fer capable de 
          supporter des trains lourds.
        La voie oranaise a l'avantage d'être plus courte 
          et de ne pas nécessiter la mise à voie normale de la section 
          Biskra-Touggourt. Même si les deux propositions figurent sur sa 
          carte, ainsi qu'une option Biskra-Bougie par M'Sila, l'auteur prend 
          nettement parti en faveur de la traversée du Maroc oriental.
          
          Ce tracé oriental a aussi l'énorme avantage de ne nécessiter 
          qu'un petit nombre d'ouvrages d'art. Au sud d'Adrar on pourra presque 
          poser la voie sur le reg du Tanezrouft, avec de très longues 
          lignes droites : les terrassements y seront réduits à 
          presque rien. Vous aurez remarqué qu'à In Tassit le Transsaharien 
          se divise en deux branches qui, toutes deux, atteignent le fleuve Niger, 
          à Segou au Soudan, ou à Gao au Niger, avec terminus à 
          Niamey. Segou est à 2285 km de Colomb-Béchar, et Niamey 
          à 2480.
        
          
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  Le 
                  transsaharien
 Commentaires: L'option Biskra -Bougie est 
                  en voie de réalisation d'Ain-M'Lilla à Bordj Bou 
                  Arréridj par M'Sila
 
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                  - 
          Le choix du port sur la Méditerranée est logique, 
          dès lors qu'on ignore les frontières entre territoires 
          d'un même Empire. Les politiciens de Paris avaient d'abord songé 
          à Oran, port bien équipé. Mais la géographie, 
          le bon sens et Maître-Devallon imposèrent Nemours( Ghazaouet). 
          Le port n'était pas grand, mais extensible et desservi par une 
          voie ferrée normale depuis 1936.
          
                    - Le 
          choix du point kilométrique zéro. Techniquement le 
          PK zéro est le PK 289 de la ligne Oujda Colomb-Béchar. 
          Mais comme ce point est situé en plein désert, dans une 
          zone inhabitée, les trains du Transsaharien, appelé officiellement 
          Méditerranée-Niger, se formaient 50km plus au nord, dans 
          la gare de Tendrara qui possédait les installations indispensables. 
          Les trains devaient s'arrêter au PK zéro et demander par 
          radio le droit de manuvrer l'aiguillage bloqué par une 
          serrure.
        
          
            |  |  |  Voici 
                le PK zéro. Pour Colomb-Béchar prendre
 à gauche ; pour Bou-Arfa à droite.
 | 
        
                  - 
          Le choix d'une date de naissance symbolique. 
          C'est le 23 mars 1941 qui s'impose, avec la promulgation de la loi qui 
          autorise la construction d'une voie normale " Méditerranée-Niger 
          " de Bou-Arfa à Segou et Niamey.
          
          Bien sûr cette date théorique est fausse puisque les travaux 
          ont commencé en 1939 sous les ordres du Général 
          Noguès, commandant en chef des troupes d'Afrique du nord, fort 
          de l'approbation de de Monzie, Ministre des Travaux Publics, d'août 
          1938 à juin 1940. Mais elle est symboliquement très forte 
          puisque c'est ainsi " Vichy " qui passe aux actes et Pétain 
          qui promulgue la loi. 
        Ce n'était peut-être pas le meilleur moment 
          pour se lancer dans une entreprise coûteuse et d'aussi longue 
          haleine. Mais, paradoxalement, ce moment est justifié, aux yeux 
          de ses partisans, par le désir de rendre à la France une 
          part de son prestige englouti dans la défaite de mai-juin 1940. 
          Certains font aussi valoir que c'est un acte de résistance, car 
          en déplaçant tant de matériel et de personnels 
          spécialisés en Algérie, on les soustrait au risque 
          d'éventuelles exigences de l'occupant allemand. Cet argument 
          n'est pas dénué de pertinence. A la même date on 
          camouflait, en Algérie, du matériel militaire dans les 
          mines du Zaccar près de Miliana., avec succès. Ce matériel 
          a effectivement échappé aux investigations de la Commission 
          d'Armistice italo-allemande qui travaillait à Alger, en civil. 
          Accessoirement, c'est cette loi de mars 1941 qui rend officielle l'appellation 
          " Méditerranée-Niger ".
        
                                       B/ 
          Les étapes de la construction: 1940-1948
          
                    - Avant 
          la loi du 23 mars 1941 les travaux concernaient seulement la section 
          marocaine.
          
          La France manquait de tout, et notamment d'acier pour fabriquer des 
          rails. Il fallut recourir à des rails récupérés 
          sur des voies déclassées de la zone libre, à des 
          dates diverses. Ce matériel était hétéroclite 
          ; on réussit néanmoins à le rendre compatible.
          
          Pour diminuer le nombre de rails à poser, on choisit en janvier 
          1940, pour le premier tronçon de Bou-Arfa à la plaine 
          de Tamlelt, une solution d'urgence, courte (8 km), mais en pente très 
          forte (35 mm) ; trop forte pour des convois lourds. 
        Le tronçon Oujda-Bou-Arfa avait été 
          ouvert en février 1931. Et la voie Zoudj el Beghal-Nemours en 
          mars 1936. 
                  - 
          Après la loi du 23 mars 1941
          En 1941-1942 le chantier avance très vite, dès le mois 
          d'avril, sur les hautes plaines steppiques où les obstacles sont 
          faciles à contourner. A l'exception des courbes dues à 
          l'obligation de contourner les djebels dominant la plaine de l'oued 
          Guir, la voie est tracée presque en ligne droite.
          
          Le tronçon Bou-Arfa-Colomb-Béchar est inauguré 
          le 8 décembre en présence du Secrétaire d'Etat 
          aux Communications, Jean Berthelot, et d'un détachement de goumiers 
          marocains.
          
          On enchaîne aussitôt par la pose d'une voie de raccordement 
          au bassin houiller de Kenadsa ; et par les travaux de terrassement vers 
          Abadla, au sud de Colomb-Béchar.
        
          
            | 
                 L'autorail 
                De Dietrich pour l'inauguration du 8 décembre 1941 à Tiguer-Zaguine
 .
                L'endroit de la photo est le point où le secrétaire 
                d'Etat a fait semblant de visser la dernière éclisse | 
        
        Le lendemain du 8 novembre 1942 tout est bloqué 
          à cause du débarquement américain.
          
          Les troupes françaises d'Algérie et du Maroc entrent en 
          guerre aux côtés des alliés ; tout le matériel 
          et tous les personnels sont appelés à travailler ailleurs, 
          et notamment sur la voie Ouled-Rahmoun-Tébessa qui assurait
          l'essentiel des transports de munitions de carburants et de soldats 
          vers le front de Tunisie.
        En 1946 les travaux reprennent sur deux sections. 
          
          La déviation de Foum Defla remplace la rampe de 35 mm par une 
          rampe de 6 mm au prix d'un détour de 20 km, et d'un pont à 
          7 arches.
          
          Et la voie progresse au sud de Colomb-Béchar, sur 90km, jusqu'à 
          Abadla.
          
          Les 2 chantiers sont achevés en 1948.
        
           
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                  | 
                 Le 
                viaduc de la déviation de Foum Defla 
 | 
           
            | 
 
                
                  | La carte est là pour bien situer, 
                    du nord au sud : - la gare de Tendrara où se formaient les trains ;
 - le PK zéro à la bifurcation ;
 - la gare et la mine de Bou-Arfa ;
 - la rampe de 35mmm abandonnée en 1948.
 |  
 | 
          
            |  Une des 
                4 locomotives prussiennes reçues par la France après 1918, au titre des dommages de guerre.
 Elle a circulé sur les voies du M.N. jusqu'en 1958
 
 | 
        
        Au sud de Colomb-Béchar, la voie s'éloigne 
          de la piste qui suit la vallée de la Saoura pour être à 
          l'abri des crues violentes ( comme en septembre 1959) de cet oued desséché 
          la plupart du temps. Lorsque Abadla est atteint en 1948, personne n'imagine 
          que ce terminus provisoire sera définitif. D'autant moins que 
          les études préparatoires sont terminées dès 
          décembre 1947 pour les 2080 kilomètres qui séparent 
          Colomb-Béchar de Gao.
          
          D'ailleurs les travaux de piquetage et de terrassements continuent jusqu'à 
          400km au sud de Colomb-Béchar. Dans les ouvrages publiés 
          en 1949-1950 on considère le prolongement de la ligne jusqu'au 
          Soudan comme une certitude. On publie même le tracé précis 
          de la voie jusqu'au Touat. La carte ci jointe concerne l'arrivée 
          sur Kerzaz avec le tracé adopté dans l'immédiat 
          pour franchir la chaîne d'Ougarta, et un possible tunnel à 
          creuser plus tard, sous le col de la vipère.
        
          
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                 le col 
                de la vipère. | 
        
        
        
        
        
        
        
        
        Alors, pourquoi cet arrêt définitif ? Je 
          n'en sais rien. J'ai trouvé la trace, en 1953, d'un vote de l'assemblée 
          (consultative) de l'Union Française, demandant la reprise d'urgence 
          des travaux sur 525 km jusqu'à Adrar.
          Je n'ai trouvé nulle trace, par contre, d'une décision 
          officielle de renoncement au projet.
        
                                       C/ 
          L'exploitation: 1940-1942
          
          La gestion du M.N. est confiée par la loi 18 juillet 1941, à 
          " l'Administration des Chemins de Fer de la Méditerranée 
          au Niger ". Cette administration est, sinon internationale, du 
          moins domiciliée en Algérie et au Maroc.
          A Alger est basée la Direction Générale.
          A Oujda se trouve la Direction technique.
          A Colomb-Béchar on aménage l'atelier et le dépôt 
          principal.
                  - 
          Le matériel
          On commence, en 1940, avec des locomotives et des wagons usagés 
          et récupérés au hasard des disponibilités 
          des réseaux algériens et français de la zone libre 
          ; lesquels réseaux ne donnent que du matériel déjà 
          ancien. Dans ces régions pauvres en eau, il eût été 
          logique de choisir le Diesel. Mais d'une part ce matériel était 
          trop précieux pour s'en débarrasser, d'autre part l'AFN 
          manquait dramatiquement de produits pétroliers. C'est l'époque 
          où les autobus roulent au " gazogène " fourni 
          par la combustion de charbon de bois. Les premières locomotives 
          fournies au M.N. avaient fait la guerre de 1914-1918. Elles étaient 
          toutes à vapeur : les Pershing étaient américaines, 
          les 040-G8 étaient prussiennes.
          
          La traction Diesel-électrique ne fit son apparition sur cette 
          ligne qu'en mai 1947. Les 4 dernières locomotives Diesel-électriques 
          achetées neuves, furent livrées en 1956.
        
          
            | 
                 La photo 
                est celle d'un train mixte pour Abadla. La voiture unique est 
                une 3ème classe à portes latérales. | 
        
        Pour les voyageurs 3 autorails De Dietrich " presque 
          neufs " furent mis en circulation dès juillet 1941, quand 
          il y avait du carburant. La pénurie de carburant ne permit pas 
          de services réguliers avant la fin de 1942, à condition 
          que les Américains acceptent de céder les quantités 
          souhaitées.
        Le parc de wagons de marchandises comportait essentiellement 
          des wagons tombereaux de 30 tonnes de charge utile pour le transport 
          du charbon et du minerai de manganèse.
          
          Pour les voyageurs, outre les autorails, il y avait de très vieilles 
          voitures des 3 classes alors en service sur tous les réseaux 
          français. Il n'y avait que deux voitures de 1ère classe, 
          plus un wagon-lits et salon du PLM, des voitures de 2ème classe 
          " normales " avec couloir entre les compartiments, et des 
          voitures de 3ème classe à portes latérales.
        
                  - 
          Les transports de marchandises.
        
          
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                  | Dans le sens sud-nord le trafic est charbonnier 
                à plus de 80%, à partir des trois centres d'extraction 
                de Kenadsa, Béchar-Djedid et Ksi-Ksou. Dans l'autre sens 
                le trafic est plus diversifié, même si les carburants 
                sont importants. Les statistiques soulignent des augmentations 
                de volume importantes en pourcentage, mais faibles en valeur absolue. 
                
 ------------ En 1948 203 000t
 ------------En 1955 484 000t
 ------------En 1957 plus de 500 000t, 
                dont 110 000 du nord au sud.
 
 Les trains ayant une charge de 900 à 1000 tonnes, cela 
                signifie qu'il y avait un train ou deux par jour. Et que dans 
                le sens du nord au sud les wagons tombereaux circulaient à 
                vide.
 
 Le développement du centre d'essais spatiaux de Hammaguir 
                a un peu dopé le trafic nord- sud vers la fin des années 
                d'exploitation.
 | 
        
        La carte montre, à l'évidence, que ce 
          chemin de fer aurait pu connaître de gros trafics miniers, si 
          tous les embranchements proposés avaient été réalisés. 
          A Guettara il y a du manganèse, et non du charbon comme indiqué 
          par erreur sur la carte. 
                  - 
          Les services voyageurs
          D'Oujda à Colomb-Béchar il n'y eut, en 1940 et 1941 que 
          des services irréguliers à cause de la pénurie 
          de carburant pour les autorails. C'était, au mieux, une liaison 
          hebdomadaire de bout en bout, dans chaque sens.
          Vers 1950 il y eut deux autorails par jour, et une ou plusieurs voitures 
          voyageurs accrochées à un train mixte quotidien.
        Entre Colomb-Béchar et Abadla, ainsi que vers 
          les sites d'extraction du charbon, il y avait soit un train mixte, soit 
          un autorail de ramassage des ouvriers. Il est précisé 
          que, si les autorails de ramassage étaient quotidiens, les trains 
          mixtes " circulèrent parfois à la demande ".
        
          
            | 
                
  Voici 
                  l'autorail De Dietrich qui assurait le ramassage quotidien des 
                  ouvriers du site de Ksi-Ksou ; le plus éloigné 
                  de Colmb-Béchar.
 | 
        
        
                                   D/Dix 
          ans d'agonie.
          
          La maladie mortelle du M.N. ne fut pas d'ordre économique, mais 
          de nature politique.
          Les premières difficultés et les premiers renoncements 
          sont apparus au Maroc, avec les troubles liés à la déposition 
          du sultan Mohamed V, que la France exila à Madagascar, où 
          il fut installé, avec sa famille élargie, dans le bel 
          hôtel des Thermes qui domine la ville d'Antsirabé.
          Les services d'autorail sont suspendus en 1956, et jamais rétablis.
          
          Puis la frontière avec le Maroc est fermée à une 
          date qui est, au plus tard, 1963. Les services réguliers avaient 
          été désorganisés bien avant, à cause 
          de la montée de l'insécurité dans le sud-Oranais 
          tout proche, dès 1955. Aujourd'hui la voie est carrément 
          abandonnée de Bou-Arfa à Colomb-Béchar. Et au sud 
          de Tendrara, il ne circule que des trains de marchandises.
        En tant qu'institution le Méditerranée-Niger 
          est dissous lors de l'accession à l'indépendance de l'Algérie, 
          en juillet 1962. Les voies posées en Algérie demeurent, 
          mais ne sont plus utilisées depuis la fermeture des houillères 
          du sud-Oranais. Elles ont disparu de la carte officielle diffusée 
          en 2006 sur le site de la SNTF ( la SNCF algérienne).
        Apparemment, sur les 275 km de lignes construites, il 
          ne reste que des rails inutiles. La construction fut partielle, l'échec 
          est total.
        Que dire de ce fiasco ?
          Devrait-on penser " Gare aux chimériques qui rêvent 
          de gares impossibles ? ". Je ne le crois pas, car le Transsaharien 
          eût été techniquement facile à construire 
          et financièrement supportable pour la France. Certes la rentabilité 
          n'était pas assurée. Mais c'est la majorité des 
          voies métropolitaines et algériennes (à l'exception 
          des lignes minières ) qui n'est pas rentable. On ne les a pourtant 
          pas toutes supprimées.
        Il aurait fallu poser ces quelques 3000 km de rails 
          au bon moment. Quand le rêve est né, vers 1870, c'était 
          trop tôt car le territoire à traverser n'était ni 
          reconnu, ni sûr. Ce rêve impérial supposait un Empire 
          en bonne santé, voire triomphant. Ce fut le cas avant 1914 et 
          après 1918, dans l'euphorie d'une victoire qui ajoutait à 
          notre Empire africain le Cameroun et le Togo.
        Pourquoi ne l'a-t-on pas fait alors ? Il y avait comme 
          presque toujours, d'autres priorités dictées par des visions 
          à court terme. Il n'empêche: quelle apothéose auraient 
          connu les fêtes du Centenaire de l'Algérie si le Transsaharien 
          avait atteint Segou avant mai 1930 ! Le Président Doumergue aurait 
          pu prendre place dans une voiture pour le Soudan, au lieu de s'asseoir 
          dans l'express de Blida. Et quel coup de pouce aurait été 
          donné aux projets en panne, comme celui de la culture du coton 
          dans le delta mort du Niger à l'aval de Segou, ou celui de la 
          mise en exploitation des phosphates de la vallée du Tilemsi, 
          près d'In -Tassit. 
        Bien sûr je rêve. Mais ce rêve ne 
          coûtera rien aux contribuables ; il coûtera juste un peu 
          du temps de Bernard Venis auquel je dis ici mes remerciements pour l'accueil 
          qu'il a réservé à ma prose, et mon admiration pour 
          ses compétences informatiques.
        Lorsque le projet du Transsaharien fut enfin mis sur 
          de vrais rails, la bonne heure avait fui. C'était l'heure d'un 
          désastre national aussi accompli que celui de 1814, et porteur 
          d'une décolonisation qui, avec le morcellement politique qui 
          s'ensuivit, sonna le glas d'une entreprise qui ignorait les frontières.