| Les transports au Saharadu temps de la présence française en Algérie
 Lorsque l'on évoque le Sahara, un certain nombre de clichés 
        apparaissent qui viennent immédiatement à l'esprit : " 
        l'immensité ",
 les mirages ", " la caravane qui passe ", " les grands 
        raids ", " le pétrole et Hassi Messaoud ", et un 
        certain nombre de noms évocateurs : Ghardaïa, El Goléa, 
        In Salah, Tamanrasset, Touggourt, Ouargla, Colomb Béchar, Timimoun, 
        Adrar...
 
 Mais sait-on que la connaissance complète du Sahara ne date que 
        d'un siècle. En 1959, avec la mission Berliet Ténéré, 
        d'importantes découvertes furent faites tant sur le plan de l'exploration 
        de tracés de routes que sur le plan scientifique, avec une foison 
        de renseignements sur les différentes périodes du néolithique 
        à nos jours.
 
 Géographie et histoire
 
 Le Sahara s'étend de la côte atlantique jusqu'aux bords de 
        la Mer Rouge, représentant une surface de 8 millions de km2. Le 
        Sahara français atteint 4.300.000 km2, soit quatre fois la surface 
        de la France métropolitaine, avec une population d'environ un million 
        d'habitants.
 
 Le Sahara algérien, couvre du nord au sud : de l'Atlas saharien, 
        passant par les grands ergs pour finir au Tanezrouft, et d'est en ouest 
        : du Grand Erg oriental avec le massif du Hoggar et le Tassili des Ajjer, 
        le Gourara et le Tidikelt, et le Grand Erg Occidental.
 
 La nature des sols varie énormément allant de sols rocailleux 
        aux sables et aux montagnes déchiquetées, comme dans le 
        Hoggar, dont l'un des sommets culmine à plus de 3.000 m.
 
 Dans la partie centrale, l'eau est un élément vital, sans 
        cette denrée rare, il y est impossible de survivre. La lecture 
        de certains raids des missions françaises montre combien il fallait 
        connaître les points d'eau pour traverser le Sahara.
 
 Du nord au sud la population est variée; 
        la majorité des habitants est d'origine berbère. Au Nord, 
        la région du Mzab, avec comme capitale Ghardaïa, est un groupe 
        ethnique arabo-berbère, les Mozabites; ce sont des commerçants 
        nés. Au centre, les Touareg forment une population en tribu, sont 
        nomades et se déplacent au gré des pâturages pour 
        la nourriture de leurs troupeaux, moutons et dromadaires. Ils sont guerriers 
        par excellence et, avant la présence française, opéraient 
        des rezzous (attaque rapide et inattendue 
        par une bande armée) sur les caravanes qui circulaient 
        sur leurs territoires.
 
        
          |  La Panhard et Levassor des frères 
              de Crawhez,
 1ère voiture à pénétrer le M'Zab.
 |  Les Touareg sont grands, leur teint est mat, 
        ils ont de petites mains mais une forte musculature, ce sont des guerriers. 
        Ils sont de religion musulmane, mais ne jeûnent pas, ne font pas 
        régulièrement leurs ablutions, ne saignent pas les animaux, 
        la langue parlée est le Tamâheq.
 Plus on va vers le Sud, plus la population touareg est nombreuse, car 
        l'eau est plus abondante, bénéficiant des pluies du Sahel 
        ; certaines tribus se sont même sédentarisées.
 
 La pénétration au Sahara date du milieu du XIXe siècle 
        à la suite de la conquête du nord de l'Algérie, l'implantation 
        française dans les oasis en limite de l'Atlas saharien, celles-ci 
        devant être reliées aux possessions françaises en 
        Afrique subsaharienne, au Sénégal et au Golfe de Guinée.
 Un certain nombre de grands noms marque cette conquête avec des 
        échecs retentissants et des massacres de missions comme celle du 
        colo?
 nel Flatters qui ralentirent la pénétration. Mais au demeurant, 
        grâce à des initiatives heureuses comme la mise sur pied 
        des Compagnies Sahariennes de Méharistes par le commandant Laperrine, 
        une grande partie du Sahara en 1904 était sous les couleurs françaises.
 
 Au départ, ce sont des individus entreprenants qui explorèrent 
        le Sahara. On peut citer en tout premier le Major Gordon Laing qui disparut 
        au cours de sa mission au début du XIXe siècle ; puis un 
        Français René Caillé, qui fut le premier européen 
        à pénétrer dans Tombouctou, grâce à 
        un subterfuge, se faisant passer pour un musulman. Il réussit ensuite 
        à traverser le Sahara pour arriver jusqu'au sud marocain. Il faut 
        citer également un anglais Henri Barth, un français Henri 
        Duveyrier, premier européen à se rendre à l'oasis 
        d'El Goléa, un allemand Gerhard Rohlfs, appelé le " 
        marathonien des pistes ", deux autres allemands Gustav Nachtigal 
        et Erwin Von Bary, enfin un marchand juif, Mardoché Abi Serour, 
        qui organisa, à son bénéfice, une liaison quasi permanente 
        entre Tombouctou et le Maroc. Dans cette liste, il ne faut pas oublier 
        l'explorateur Camille Douls qui se consacra surtout à la connaissance 
        du Sahara occidental. Mais la conquête du Sahara français 
        est l'oeuvre essentielle de l'Armée française avec des figures 
        d'officiers comme le Capitaine Pein, qui conquit In Salah, le lieutenant 
        Cottenest qui alla à la conquête du Hoggar. S'ensuivirent 
        celles du Niger, du Tchad et de la Mauritanie. Tous ces territoires furent 
        acquis par des pénétrations à dos de chameaux. Beaucoup 
        plus tard vinrent l'exploration motorisée et l'organisation de 
        grands raids routiers ou aériens.
 
 Les différents modes de transport
 
 On distingue quatre modes de transports au Sahara : à l'origine 
        les caravanes chamelières, suivies par l'automobile, le train et 
        l'avion, éventuellement un cinquième, occasionnel, la marche 
        à pieds. Ce type de déplacement, pratiqué par les 
        Touareg ou par les militaires, était dû à des incidents 
        exceptionnels comme la perte d'animaux ou les conséquences de rezzous 
        ne laissant aux survivants aucun autre moyen (certains ont fait plus de 
        500 km).
 
 Les caravanes chamelières À l'origine, le seul mode de transport 
        au Sahara était le dromadaire. Des caravanes sillonnaient du sud 
        au nord cette immensité, apportant au nord des denrées indispensables, 
        comme le sel, le mil ou les tissus. Ces caravanes, de plusieurs centaines 
        de dromadaires, partaient des limites des contrées subsahariennes, 
        notamment de la boucle du Niger et du lac Tchad, pour traverser, à 
        leurs risques et périls, des paysages parfois lunaires, emmenant 
        souvent avec eux leur famille.
 
 Certaines tribus touareg contrôlaient les déplacements sur 
        ces pistes avec des villes relais. Deux grands axes caravaniers parcouraient 
        le Sahara depuis l'Aïr, le premier reliant l'empire du Mali au Fezzan 
        et à l'Égypte, le second le pays haoussa ( nord ouest du 
        Nigéria ) au sud algérien et à la Tripolitaine. A 
        partir du XVe siècle, le négoce caravanier transsaharien 
        connut une période d'activité accrue qui s'estompa peu à 
        peu à partir du XVIIe siècle, pour disparaître après 
        la guerre de 1914-1918. Les caravanes chamelières ont été 
        le seul moyen de locomotion fiable pour toutes les entreprises individuelles 
        ou militaires devant traverser le désert, jusqu'au début 
        du XXe siècle.
 
 Les transports routiers
 
 Le développement des transports routiers s'est fait à partir 
        des grandes villes situées à la frontière de l'Atlas 
        saharien. Les points de départ des axes routiers s'égrènent 
        d'est en ouest :
 Biskra, El Oued, Touggourt, Edjelè, Alger, avec la branche Ouargla, 
        Hassi Messaoud, Fort Flatters et la branche Laghouat, Ghardaïa, El 
        Goléa, In Salah et Tamanrasset, enfin Oran Colomb-Béchar, 
        Beni Abbès, Timimoun, Adrar, Ouallen et Bidon V.
 
 Laghouat a été occupée en 1852, Touggourt en 1854, 
        Ghardaïa avait son autonomie en 1853. La pénétration 
        française fut freinée par l'hostilité des Touareg 
        et des Anglais ; l'obstacle anglais, tout symbolique, fut levé 
        par la Convention du 5 août 1890 par laquelle le Royaume Uni reconnaissait 
        la zone d'influence française au sud de ses possessions méditerranéennes 
        jusqu'à la ligne allant de Say sur le Niger à Barroua.
 La route du Hoggar est ouverte en 1899 par la difficile conquête 
        d'In Salah aussitôt suivie par les occupations du Tidikelt, du Gourara, 
        du Touat et de la Saoura.
 
 Il faut voir ces pénétrations comme de grands axes, bien 
        jalonnés et permettant une libre circulation des individus avec 
        leurs dromadaires, sous la protection des militaires qui assuraient la 
        sécurité territoriale.
 
 Les premiers essais de véhicules à moteur datent de 1901 
        par trois frères belges, Pierre, Jean et Joseph de Crawhez, qui 
        atteignent Ghardaïa le 14 février 1901. En 1908, Gaston Liegeard 
        équipe une Peugeot de 28 CV avec de grandes bandes et va de Biskra 
        à Touggourt en parcourant 450 km. Ce sont les premiers essais routiers 
        suivis d'autres comme les raids organisés par les constructeurs 
        automobiles, Renault et Citroën.
 Le Commandant Pein fera en 1909 une liaison Alger Ouargla en motocyclette, 
        mais ne pourra aller au-delà, le sable l'en empêchant. La 
        première guerre mondiale incitera les militaires à se motoriser 
        et en 1920, trente-deux camionnettes partent de Ouargla à Tamanrasset 
        ; seules neuf y arriveront.
 
 A cette époque il n'y avait que des pistes balisées, elles 
        étaient souvent recouvertes de sable, créant des problèmes 
        d'orientation.
 
 Les civils prennent le relais des militaires en créant les premières 
        " croisières " et de nombreux raids. L'invention de la 
        chenille permit le démarrage de ces expéditions, relayées 
        très rapidement par la roue et le pneu.
 
 En 1922-1923, Georges-Marie Haardt et Louis Audouin-Dubreuil réussissent 
        la première traversée automobile du Sahara de Touggourt 
        à Tombouctou par Tamanrasset sur autos chenilles Citroen.
 
         
          |  Car Pullman RENAULT (voyageurs 
              et marchandises)
 |  En 1923, la mission Gradis-Estienne, toujours 
        sur autos chenilles Citroën, part de Beni-Ounif de Figuig, au nord 
        de Colomb-Béchar, passe par Adrar pour atteindre le Tessalit par 
        le Tanezrouft et en 1924, Citroën organise la Croisière Noire, 
        mission d'Alger à Gao par Adrar, pour atteindre Le Cap et Madagascar. 
        Mais la concurrence Renault arrive en utilisant non plus les chenilles 
        mais des voitures à 6 roues dont 2 jumelées de chaque côté 
        à l'avant du véhicule. La mission Schwob comble en 5 jours 
        le trajet Colomb-Béchar Bourem au nord du Mali. Elle sera suivie 
        par le raid du Capitaine Delingette et sa femme sur une Renault 6 roues 
        de 10 CV d'Oran au Cap. D'autres missions s'organisèrent, nombreuses 
        et variées :
 - Mission Sahara Niger de 1926, organisée par le Gouvernement Général 
        de l'Algérie, avec des véhicules 6 roues Berliet et Renault
 
 - Nouvelle mission Estienne, cette fois-ci sur Renault, qui prépare 
        l'ouverture d'un service Algérie-Soudan en jalonnant la piste de 
        fûts d'eau et d'essence enterrés dans le sable tous les 50km 
        et repérés au sol par des bidons numérotés. 
        La star du bidon fut le bidon n°5, Bidon V, appelé à 
        un avenir quasi mythique en tant qu'étape à la porte du 
        Tanezrouft
 
 - Mission Delahaye du Prince Sixte de Bourbon Parme en 1929
 
 - Mission Laffly (constructeur automobile) en 1930, à prétention 
        scientifique, d'Alger à Fort Flatters, par In Salah, Bidon V et 
        Tamanrasset, avec des véhicules à moteur diesel.
 
 Les militaires ne furent pas en reste, ils organisèrent de leur 
        côté des raids motorisés, comme la mission en mars 
        1933 de Wauthier Bréard, d'Alger Tamanrasset Bilma, oasis au nord 
        est du Niger.
 
 Ces diverses missions ouvrirent la voie à la constitution de socié- 
        tés de transports. Plusieurs compagnies vont se partager l'exploitation 
        de lignes, avec services réguliers de marchandises et de population, 
        notamment de touristes fortunés. Deux de cel- les-ci émergent 
        :
 
 - la CGT ou Compagnie Générale Transsaha- rienne, dirigée 
        par Georges Estienne en 1927 ; un vrai décollage en 1930 avec une 
        quarantaine de véhicules Renault, cars couchettes et limou- sines 
        destinés à une clientèle fortunée, propo- 
        sant chaque année trente voyages aller-retour de Colomb-Béchar 
        à Gao sur le Niger. " Les pistes sont considérées 
        comme excellentes de Colomb-Béchar à Beni-Abbès et 
        comme amé- liorées de Laghouat à Tamanrasset et de 
        Touggourt à Fort Flatters ".
 
 - la SATT, Société Africaine de Transports Tropicaux ( le 
        A au départ voulant dire Algérienne ), créée 
        par le Gouvernement Géné- ral de l'Algérie, avec 
        comme axe central Alger
 
 Tamanrasset et au- delà, sans concur- rence avec la CGT. Dès 
        1937, cette société s'équipe de cars Pullman Renault 
        à l'allure aérodynamique. En 1939, elle ouvre une nouvelle 
        ligne à l'écart de l'axe central : Ouargla Fort Flatters 
        Djanet. La guerre de 1939-1945 perturbe les liaisons mais dès la 
        fin de celle-ci, la SATT, après le rachat de la CGT, a un quasi-monopole 
        des lignes sahariennes.
 
 Toutefois, l'évolution économique et politique, à 
        partir de 1954, va changer les transports : de liaison essentiellement 
        de petites marchandises et transport de personnes, ce sont les transports 
        de marchandises lourdes destinées à la recher- che pétrolière 
        qui vont jouer sur deux aspects : - d'une part l'évolution du réseau 
        routier : en 1945, eut lieu le premier grand programme d'in- frastructure 
        routière pour le Sahara, avec l'en- robage des routes; mais la 
        découverte du gaz et du pétrole à Hassi'Rmel, au 
        sud de Laghouat, Hassi Messaoud près d'Ouargla et d'Edjelé 
        à la frontière libyenne, nécessitera le perfectionne- 
        ment du réseau desservant les oasis tout en créant, de toutes 
        pièces, un nouveau réseau capable de relier les puits, mis 
        en production, aux grands axes routiers.
 
 - d'autre part le matériel à transporter, étant d'un 
        volume important et d'un poids considérable, a incité les 
        constructeurs à créer des véhicules susceptibles 
        de répondre aux exigences des sociétés pétrolières 
        et de recherches sismiques. Les sociétés Willème, 
        Renault, Berliet, et même les constructeurs allemands et européens 
        se sont concurrencés, apportant des innovations dans le domaine 
        des transports de charges lourdes au Sahara.
 
 Les transports ferroviaires
 
         
          |  L'un des deux premiers fourgons 
              automoteurs en essai sur Biskra-Touggourt.
 |  On peut distinguer quatre grandes voies de 
        pénétration :
 1) la pénétrante de Colomb-Béchar 
        pour laquelle deux tracés ont existé : le premier 
        à partir du port d'Arzew 
        sur la Méditerranée, en passant par Méchéria 
        dans le sud oranais, avec un écartement de ligne de 1,055 m, le 
        second partant de Nemours 
        pour atteindre Oujda au Maroc puis au sud Bou-Arfa, Colomb-Béchar 
        pour finir à Abadla, le tronçon du Maroc ayant un écartement 
        normal. Cette pénétrante transportera des voyageurs pendant 
        un certain temps mais surtout des marchandises et le minerai de Khenadza. 
        Des dérivations seront faites pour desservir les gares de Krafallah 
        et Modzbah pour le transport de l'alfa.
 
 2) La deuxième pénétrante est celle de Blida 
        à Djelfa, 
        273 km, à écartement de voie de 1,055 m, ouverte dès 
        1892 mais n'atteignant Boghari qu'en 1912 et enfin Djelfa en 1921 ; elle 
        devait se prolonger jusqu'à Laghouat et Ghardaïa, 
        mais ce ne fut qu'un voeu pieux. La construction de cette ligne nécessita 
        de nombreux ouvrages d'art, la partie la plus haute culminant à 
        1164 m à Ben Chicao.
 
 3) Le troisième axe concerne la ligne Biskra 
        Touggourt, 
        217 km, qui s'enfonce le plus dans le vrai désert par la dépression 
        de l'oued Rhir.
 Cette ligne a eu deux vies différentes : la première date 
        de la fin de sa construction en 1914 jusqu'en 1958. L'écartement 
        des voies est de 1 m. Le trafic à l'origine est essentiellement 
        celui du transport des dattes, mais à celui des marchandises s'ajoutera 
        le tourisme avec des wagons peints en blanc, ce train sera alors surnommé 
        " le train blanc ". Puis entre mars et décembre 1957, 
        fut construite, sur le même trajet, la ligne avec un écartement 
        normal de 1,435 m afin de permettre le transport des marchandises de la 
        recherche pétrolière.
 
 4) Le dernier tronçon est celui de Tébessa- Djebel Onk, 
        95 km, ouvert en 1966, voie normale de 1,435m. La construction commencée 
        en 1960 s'est terminée après l'indépendance, elle 
        fut destinée essentiellement au transport du phosphate.
 
 Toutes ces pénétrantes, outre la voie principale, auront 
        des dérivations pour atteindre des centres de production comme 
        sur la ligne Biskra Touggourt, la dérivation d'El-Oued et celle 
        de Tolga.
 
 Les transports aériens
 
 C'est la dernière composante de cet article sur les moyens de transport 
        au Sahara; dans ce même Mémoire Vive, le professeur Jean-Pierre 
        Marciano nous expose la création des premières lignes aériennes 
        au Sahara. Se référer en conséquence à son 
        article.
 Bernard Vigna Note du site: Voir 
        sur ce site |