
          
          Alger inconnu.
          L'ancien Consulat de France sous les Turcs. =
        A côté de 
          la prison romaine dont nous avons parlé dans un dernier article 
          se trouvait à l'époque de la conquête, un palais 
          désigné sous le nom de 
          Dar-Souf encombré de marchandises, notamment de laines 
          produits de tributs dus par les arabes de l'intérieur à 
          la Régence.
          
          C'était dans ce palais mauresque que résidait depuis près 
          de trois siècles les Consuls de France, et, c'est là que 
          furent enlevés de cette maison les Pères lazaristes, Consuls 
          de France Jean Le Vacher et Montmasson pour être conduits à 
          la bouche du canon " La Consulaire " pour y être martyrisés
          
          Ce palais fut construit par les Turcs de la fin du XVI" siècle 
          sur l'emplacement d'un souk marché, sur lequel donnaient les 
          fenêtres grillagées de l'ancienne prison romaine utilisée 
          par les turcs dès leur prise de possession d'El-Djezaïr, 
          ainsi que l'attestent deux plans de la fin du XVIe siècle, l'un 
          daté de 1572 et l'autre de 1579.
          
          L'entrée principale était dans la rue de l'Intendance. 
          La porte située en face était celle de l'église 
          paroissiale; celle du palais ou du Consulat se trouvait à main 
          gauche, donnait entrée dans la Squifa ou salon de réception 
          qui était très grande et servait en même temps les 
          jours de fête aux fidèles de l'église ; car, des 
          ouvertures avaient été aménagées à 
          cet effet. A l'extrémité de la Squifa se voient des pièces 
          de canon dont l'une très ancienne en cuivre cerclé peut 
          remonter au moins au XVIe siècle.
          
          Toute cette partie de la Squifa était tapissée de faïences 
          siciliennes et hollandaises de Delft dont beaucoup hélas ont 
          disparu. Il reste cependant un panneau complet dans la squifa qui donne 
          une idée de ce qu'était la décoration de l'entrée 
          principale ; le dessus des arcs surbaissés est en plâtre 
          vermicelle décoration assez rare de style andalous des palais 
          de la ville d'Alger ; les colonnettes de séparation sont en marbre 
          blanc, torsadées. Avant de franchir la porte en marbre donnant 
          accès dans les escaliers, l'on remarque en place les supports 
          de la cloche qui appelait les Lazaristes aux offices.
          
          Contrairement à la coutume, le patio se trouve au premier étage 
          entouré d'une galerie. Chose singulière toutes les colonnes 
          en marbre ont disparu et ont été remplacées par 
          des colonnes en fonte ; on ne sait à quelle époque, pour 
          quel motif, et ce qu'elles sont devenues ; il en est de même des 
          faïences qui ont été remplacées par des peintures 
          imitant la faïence, il en manque quelques milliers.
          
          C'était le palais le plus riche en décoration en faïences 
          hollandaises de Delft, il n'en reste malheureusement que quelques types; 
          et, chose singulière c'est le seul palais mauresque où 
          l'on rencontre des sujets religieux tels que : des anges, des scènes 
          en Delft représentant l'Espérance et la Charité. 
          Cadeaux d'esclaves hollandais ayant pu revoir leur pays, grâce 
          aux rachats fait par les religieux lazaristes. Ce que l'on voit rarement, 
          ce sont les plafonds des escaliers, en bois de thuya, sculptés 
          et moulurés avec beaucoup d'art, d'élégance et 
          de style.
          
          C'est dans cette demeure fastueuse que résida le premier consul 
          civil de Chevalier d'Arvieux en 1674. Le Père Jean Le Vacher 
          se plaignait à Colbert des ennuis que lui créait ce consul 
          ; car, il était d'un caractère peu facile ; il me traitait 
          dit-il de Turc à Maure, ce qui fit que Colbert rappela le Chevalier 
          d'Arvieux en France. Quelque temps après, sous prétexte 
          que le Père Le Vacher faisait des signaux à la flotte 
          française sur la terrasse où il n'y avait simplement que 
          du linge étendu, des énergumènes emportèrent 
          le Consul Le Vacher sur leurs épaules et le conduisirent sur 
          le môle pour être attaché à la pièce 
          de canon " La Consulaire ". Pendant quelque temps, après 
          ce fait, le Consulat de France fut transféré dans une 
          maison voisine du tombeau de Ouli-Dada derrière la mosquée 
          des Ketchaoua. En 1686 le Consul Piolle ayant été incarcéré, 
          le Père Montmasson recueillit dans la maison de la rue de l'Intendance 
          les sceaux de la Chancellerie. En 1715 les missionnaires avaient encore 
          en louage cette maison, plus une petite, celle où actuellement 
          sont installés les bureaux de l'Intendance militaire. Après 
          la révolution, en l'année 1808, sur les plans du capitaine 
          Boutin, le Consulat de France était situé rue du 14 juin 
          dans la maison occupée par le général commandant 
          le Génie, dans le pâté de maisons mauresques, boulevard 
          Amiral-Pierre. Au moment de la prise d'Alger en 1830, il était 
          situé dans la 
          rue Jean-Bart à l'encoignure de la rue Volland.
          
          C'était au Consulat de France que furent conservés tous 
          les actes concernant les Français sous la Régence, actes 
          de naissances, de mariages et de décès. C'était 
          là aussi qu'étaient secourus les esclaves appartenant 
          à n'importe quelle nation, française où étrangère. 
          Il y eut à toute époque la Maison Consulaire et la Maison 
          Vicariale, elles ne faisaient en somme qu'un tout et quand le Consulat 
          fut détaché, la Maison Vicariale resta rue de l'Intendance 
          où était l'Église paroissiale, où se célébrait 
          le culte catholique.
          
          En dehors du Consulat comme tous les autres Consulats étrangers, 
          le Consul de France avait sa maison de campagne située à 
          demi-hauteur de la Bouzaréa dans la Vallée 
          des Consuls, près du Consulat d'Angleterre et de celui 
          des Etats-Unis.