Après l'indépendance, alors
que le pouvoir FLN et ALN occupait les différents postes, mon père
a été enlevé, à l' arrivée sur les
lieux de son travail, à l' Institut PASTEUR, le 17 Août au
matin, par des hommes en armes au volant d' une peugeot noire.
A cette époque à Pasteur, il y avait les horaires d' été.
Les agents travaillaient de 7h à 13h. Cela nous permettait de passer
l' après-midi à la plage du bateau cassé, à
Fort
de l' eau.
Le cabacest ( contraction franco-espagnole du panier de pique-nique )
était préparé par maman; ainsi nous ne perdions pas
de temps. Nous habitions à Maison-Carrée
pas très loin du carrefour Retour de la chasse, à proximité
de la biscuiterie LU.
Mais, revenons à nos moutons...
Ce même jour vers 9h30, le téléphone sonne...je décroche...car
j' étais seul à la maison depuis la mi-juillet. En effet,
mes parents, ma sur, mon frèreétaient partis par le
KAIROUAN avec la voiture ( Peugeot 203 ), en vacances en Franceà
Champagnole dans le Jura.
Pourquoi étais-je resté seul, à Maison-Carrée
?
Un élevage de 100 volailles et une trentaine de porcs à
soigner... à presque 18 ans, je suis du 14-12-44, 82 kg pour 1,80
m, j' aurais mangé du lion, alors du cochon...
Suite aux événements de cette période d' enlèvements
et d' assassinats, et aux articles parus dans la presse en métropole,
mon père décida de rentrer seul par avion ( BREGUET 2 ponts
) pour juger sur place de la situation qu' il trouva dramatique. Il prit
la décision qu' il fallait partir.
Il reprit donc son travail ce 17 au matin, pensant pouvoir régulariser
son départ...
...Une voix féminine se disant du personnel de Pasteur, m' apprend
que mon père a été embarqué manu militari
par des hommes armés, civils et militaires.
Bien sûr, au bord des larmes, j' ai mis une demie heure pour reprendre
mes esprits. Faut dire que depuis l' indépendance, c' était
chose courante cette escalade de tuerie
FLN ou OAS.
Par téléphone, j' appelais mes grands-parents maternels
qui demeuraient à Douaouda-Marine, à 2h de voiture, pour
les prévenir. Il arriva à Maison-Carrée vers 13h30,
au volant de sa 403 camionnette ( il était métayer dans
une ferme entre le domaine LA TRAPPE et STAOUELI
).
Après quelques explications de ma part, mon grand-père pense
qu' il serait raisonnable de rencontrer un responsable FLN car il connait
très bien les musulmans, parle couramment l' arabe et le Kabyle.
Dans notre quartier, beaucoup de maisons étaient occupées
par des " arabes ", c' était le cas de nos voisins. De
plus, trois mois auparavant,leur fille de 7 ans, s' était cassée
le bras en tombant d' une caisse qu' elle avait escaladée. Sa mère
était venue à la maison demander de l' aide car son mari
était absent. C' est mon père qui les avait emmenées
à l' hôpital de la ville oû l' enfant fut plâtré.
Le soir, le père était venu témoigner sa gratitude
à mes parents.
Sitôt le plan de recherche établi, nous nous rendons chez
les voisins. Mon grand-père explique le pourqoi de notre visite,
la femme lui répond qu' il n' est
pas là mais, qu' elle l' avertira dès qu'il rentrera vers
18h...peu après l' heure prévue, le voisin est devant notre
porte.
Topo rapide de la situation par le grand-père, petit sourire du
voisin qui lui apprend qu' il ne pouvait pas mieux tomber. je suis le
Chef ( Cdt ) de la willaya de Maison-Carrée lui annonce-t- il avec
fierté. Si votre gendre n' a rien à reprocher, je vais le
retrouver.
Ses recherches ont duré toute la nuit. Pour nous, elle fut très
longue.
Le lendemain matin, il nous avisa que mon père serait libéré
en fin de matinée.C' est vers 12h que mon grand-père le
récupèrera au commissariat central d' Alger.
Il avait perdu 4 kgs pendant la nuit. Il avait subi la question façon
" parachutiste " baignoire,gégène,coups mais,
il était vivant.
Après avoir rapatrié ( déjà ) les grands-parents
sur Maison-Carrée, vendu en gros les volailles au marché,
cédé les porcs à l' armée française;
nous avons embarqué le 22 Août sur le PRESIDENT DE CAZALET
pour Marseille.
Pour en revenir au Chef...
Voici ses explications sur les évènements et l' enlèvement
précédent l' arrestation de mon père.
Un employé musulman de Pasteur a éte abattu par l' OAS du
Ruisseau. Cet homme travaillait au garage de Pasteur. La vengeance s'
est retournée contre le chauffeur de direction qui a été
enlevé, abattu puis jeté sur le macadam dans le centre ville
d' El-biar. Un autre conducteur et un mécanicien, ont échappé
de justesse au même sort.
Le lien avec mon père, c'est qu' il était ami d' enfance
avec le mécano, donc très bon copain.
Mon père lui, se trouvait à Champagnole lors du meurtre.
c' est cela qui l' a sauvé, quand le Chef l' a retrouvé
au commissariat du Ruisseau.
Il a fait comprendre aux tortionnaires, qu' il fallait arrêter la
torture, et le remettre au autorités du commissariat central.
Après avoir eu droit à un complément d' interrogatoire,
il a été libéré en fin de matinée avec
une interdiction de quitter le territoire algérien.
L' embarquement pour les grands-parents et moi même a eu lieu légalement.
Pour mon père, son neveu travaillant à la Cie maritime,
l' a fait transité par la passerelle réservée à
l' équipage.
Avant notre départ de Maison-Carrée, mon père est
allé voir le Chef, pour lui signaler que nous partions.
Il l' a encore chaudement remercié et lui a remis dans la main,
les clés de la maison, en lui disant les portes sont ouvertes.
Cet homme avait les larmes aux eux.
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