Alger, Algérie : vos souvenirs
La page de Alain Saorine

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mise sur site le 27-2-2007

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Après l'indépendance, alors que le pouvoir FLN et ALN occupait les différents postes, mon père a été enlevé, à l' arrivée sur les lieux de son travail, à l' Institut PASTEUR, le 17 Août au matin, par des hommes en armes au volant d' une peugeot noire.

A cette époque à Pasteur, il y avait les horaires d' été. Les agents travaillaient de 7h à 13h. Cela nous permettait de passer l' après-midi à la plage du bateau cassé, à Fort de l' eau.

Le cabacest ( contraction franco-espagnole du panier de pique-nique ) était préparé par maman; ainsi nous ne perdions pas de temps. Nous habitions à Maison-Carrée pas très loin du carrefour Retour de la chasse, à proximité de la biscuiterie LU.
Mais, revenons à nos moutons...

Ce même jour vers 9h30, le téléphone sonne...je décroche...car j' étais seul à la maison depuis la mi-juillet. En effet, mes parents, ma sœur, mon frèreétaient partis par le KAIROUAN avec la voiture ( Peugeot 203 ), en vacances en Franceà Champagnole dans le Jura.

Pourquoi étais-je resté seul, à Maison-Carrée ?

Un élevage de 100 volailles et une trentaine de porcs à soigner... à presque 18 ans, je suis du 14-12-44, 82 kg pour 1,80 m, j' aurais mangé du lion, alors du cochon...

Suite aux événements de cette période d' enlèvements et d' assassinats, et aux articles parus dans la presse en métropole, mon père décida de rentrer seul par avion ( BREGUET 2 ponts ) pour juger sur place de la situation qu' il trouva dramatique. Il prit la décision qu' il fallait partir.

Il reprit donc son travail ce 17 au matin, pensant pouvoir régulariser son départ...

...Une voix féminine se disant du personnel de Pasteur, m' apprend que mon père a été embarqué manu militari par des hommes armés, civils et militaires.

Bien sûr, au bord des larmes, j' ai mis une demie heure pour reprendre mes esprits. Faut dire que depuis l' indépendance, c' était chose courante cette escalade de tuerie
FLN ou OAS.

Par téléphone, j' appelais mes grands-parents maternels qui demeuraient à Douaouda-Marine, à 2h de voiture, pour les prévenir. Il arriva à Maison-Carrée vers 13h30, au volant de sa 403 camionnette ( il était métayer dans une ferme entre le domaine LA TRAPPE et STAOUELI ).

Après quelques explications de ma part, mon grand-père pense qu' il serait raisonnable de rencontrer un responsable FLN car il connait très bien les musulmans, parle couramment l' arabe et le Kabyle.

Dans notre quartier, beaucoup de maisons étaient occupées par des " arabes ", c' était le cas de nos voisins. De plus, trois mois auparavant,leur fille de 7 ans, s' était cassée le bras en tombant d' une caisse qu' elle avait escaladée. Sa mère était venue à la maison demander de l' aide car son mari était absent. C' est mon père qui les avait emmenées à l' hôpital de la ville oû l' enfant fut plâtré. Le soir, le père était venu témoigner sa gratitude à mes parents.

Sitôt le plan de recherche établi, nous nous rendons chez les voisins. Mon grand-père explique le pourqoi de notre visite, la femme lui répond qu' il n' e
st pas là mais, qu' elle l' avertira dès qu'il rentrera vers 18h...peu après l' heure prévue, le voisin est devant notre porte.

Topo rapide de la situation par le grand-père, petit sourire du voisin qui lui apprend qu' il ne pouvait pas mieux tomber. je suis le Chef ( Cdt ) de la willaya de Maison-Carrée lui annonce-t- il avec fierté. Si votre gendre n' a rien à reprocher, je vais le retrouver.

Ses recherches ont duré toute la nuit. Pour nous, elle fut très longue.

Le lendemain matin, il nous avisa que mon père serait libéré en fin de matinée.C' est vers 12h que mon grand-père le récupèrera au commissariat central d' Alger.

Il avait perdu 4 kgs pendant la nuit. Il avait subi la question façon " parachutiste " baignoire,gégène,coups mais, il était vivant.

Après avoir rapatrié ( déjà ) les grands-parents sur Maison-Carrée, vendu en gros les volailles au marché, cédé les porcs à l' armée française; nous avons embarqué le 22 Août sur le PRESIDENT DE CAZALET pour Marseille.

Pour en revenir au Chef...

Voici ses explications sur les évènements et l' enlèvement précédent l' arrestation de mon père.

Un employé musulman de Pasteur a éte abattu par l' OAS du Ruisseau. Cet homme travaillait au garage de Pasteur. La vengeance s' est retournée contre le chauffeur de direction qui a été enlevé, abattu puis jeté sur le macadam dans le centre ville d' El-biar. Un autre conducteur et un mécanicien, ont échappé de justesse au même sort.

Le lien avec mon père, c'est qu' il était ami d' enfance avec le mécano, donc très bon copain.
Mon père lui, se trouvait à Champagnole lors du meurtre. c' est cela qui l' a sauvé, quand le Chef l' a retrouvé au commissariat du Ruisseau.

Il a fait comprendre aux tortionnaires, qu' il fallait arrêter la torture, et le remettre au autorités du commissariat central.

Après avoir eu droit à un complément d' interrogatoire, il a été libéré en fin de matinée avec une interdiction de quitter le territoire algérien.

L' embarquement pour les grands-parents et moi même a eu lieu légalement. Pour mon père, son neveu travaillant à la Cie maritime, l' a fait transité par la passerelle réservée à l' équipage.

Avant notre départ de Maison-Carrée, mon père est allé voir le Chef, pour lui signaler que nous partions.

Il l' a encore chaudement remercié et lui a remis dans la main, les clés de la maison, en lui disant les portes sont ouvertes. Cet homme avait les larmes aux eux.

Sur le site dans le paragraphe relatif aux disparus d'Algérie, le nom de mon Père y est inscrit à tort. Mon Père est décédé le 25 Avril 1986 à 7 h 05 sur la RN 20 à PIERRE BUFFIERES près de LIMOGES, dans un accident de voiture, dû à la fumée de la décharge d'ordures à laquelle il avait été mis le feu, ce qui a provoqué un terrible carambolage.

J'ai regardé quelques photos de votre Famille et j'ai vu que votre Père avait été spahi.

En avril 1964, j'ai également appartenu au 1er Spahis. Appelé du contingent 64 1B, j'ai fait mes classes à ORANGE au 11ème Cuirassiers. A l'époque le régiment a été rapatrié d'Algérie, nous avons donc été incorporés à cette unité. Un peu plus tard, le 2ème Chasseurs est arrivé au mois de juillet de la même année. De ces trois régiments a été crée le 9ème Hussards à COULOMMIERS (Seine et Marne) ce régiment est toujours à PROVINS (Seine et Marne).

Mon Père lui était de la classe 39, incorporé dans l'aviation à la défense aérienne à BARAKI, il me semble que c'était tout près de l'aérodrome de Maison Blanche. A la déclaration de la guerre, il a été maintenu dans les camps de jeunesse. En 1943, lors de la création du 1er régiment de parachutistes avec quelques copains dont le mécano ils se sont portés volontaires pour la durée de la guerre "débarquement en Sicile, Italie, campagne de France, en terminant par les Vosges et l'Alsace" il fut libéré après l'Armistice de Mai 1945.