Circulation
... Tout à coup une auto surgissait
derrière le tramway à une vitesse de (iO kilomètres
à à l'heure.
Rue Sadi-Carnot une auto aa renversé violemment un passant.
La victime est dans le coma.
Le même tramway écrase deux personnes.
(Les journaux d'Alger).
Depuis la guerre surtout,
les métropoles en sont là : accroissement considérable
de la population, nombre formidable des autos, etc. On essaye de lutter,
mais toutes les grandes villes n'ont pas la chance de posséder
une organisation aussi parfaite que la police parisienne !
Alger ne faillit pas à la règle et l'essor pris par la
capitale nord-africaine depuis dix ans n'a pas été sans
entraîner de multiples problèmes dont le plus difficile
à résoudre, le plus complexe, est sans contredit celui
de la circulation.
Les accidents - nombreux - relatés ces jours-ci par la presse
locale sont suffisamment éloquents pour qu'il faille agir rapidement.
La tâche de ceux que la question intéresse particulièrement
n'est pas aisée, certes, mais si l'on veut guérir le mal,
il faut au plus tôt le soigner, autrement dit prendre de sérieuses
dispositions pour parer à une situation qui menace, à
l'approche des grandes manifestations du Centenaire, de devenir très
grave sinon désespérée.
En somme qu'a-t-on fait jusqu'ici pour faciliter la circulation algéroise
et décongestionner la ville ? On a doublé les voies du
tramway dans les rue Bab-el-Oued et Bab-Azoun; on a raccourci - qu'on
me pardonne la vulgarité du terme - la place du Gouvernement;
on a appliqué le sens unique dans certaines rues. C'est à
peu près tout.
Nos édiles - dont je me plais à reconnaître ici
les efforts méritoires - devraient suivre de très près
les travaux effectués en collaboration par la municipalité
et la police parisiennes. Ils devraient mettre en vigueur - dans la
mesure du possible et en apportant éventuellement les modifications
indispensables - les méthodes employées à Paris.
A cet effet, une délégation pourrait effectuer le déplacement,
aller étudier sur place les dites méthodes.
Les Anglais et les Américains - qui sont éblouis par la
parfaite organisation de la police parisienne -n'opèrent-ils
pas ainsi ? Et, ma foi, nous Algériens, n'avons-nous point droit
à une initiative identique, plus minutieuse même ?
En janvier, Paris va, paraît-il, nous envoyer deux cents agents
qui viendront grossir les rangs de notre police et éduquer leurs
camarades algérois. Puisse cette heureuse nouvelle ne pas émaner
d'un cerveau par trop imaginatif. Alors, un grand pas sera fait.
Il ne faut pas, cependant, se reposer sur des possibilités ou
des promesses.
Je ne fais qu'être l'interprète de nombreux Algérois
et d'Étrangers amis de notre belle cité en prétendant
que - parmi les mesures qui doivent être prises dans le plus bref
délai - il faut prévoir notamment :
1" La suppression totale des tramways électriques et l'établissement
de lignes d'autobus;
2" L'organisation méthodique de la circulation aux carrefours
les plus encombrés et sur les
places;
3" L'interdiction au public de stationner sur les trottoirs des
grandes artères (l'inviter par de larges panneaux à tenir
sa droite) ;
4" Une sévère réglementation de la vitesse
des autos ;"
Les tramways électriques n'ont plus raison d'être à
notre époque et surtout dans une ville aussi importante qu'Alger.
Ils ne sont plus d'aucune utilité bien au contraire ! Longs,
trop longs, ne pouvant se garer, lents à se déplacer,
ils occasionnent - aux heures d'affluence - les pires embouteillages.
C'est ainsi qu'à midi, on reste quelquefois dix minutes, souvent
même un quart d'heure à l'arrêt pour ne voir arriver
qu'un convoi surchargé à outrance. Du monde partout, sur
les marchepieds, sur les tampons. Les essieux crient... les contrôleurs
aussi, mais la volonté de la masse est indomptable. " Donnez-nous
le moyen de rentrer chez nous, disent les uns, et nous descendons ".
- " Nous avons faim ", hurlent les autres.
La midinette, le saute-ruisseau craignent de se faire admonester en
arrivant trop en retard au logis. Ils grimpent n'importe où et
s'agrippent, comme des chats, aux montants des baladeuses.
Les accidents ? Ils sont courants, souvent mortels.
Cet état de chose durera tant que le mode de transport n'aura
pas été modifié. Le règne du tramway, de
ce bon vieux tramway d'autrefois doit cesser. Il nous faut des autobus,
et bientôt.
Je me suis toujours étonné de ce que la circulation ne
soit pas mieux organisée à Alger. Le bâton blanc
du sergent de ville doit jouer un rôle primordial, celui d'arrêter
une auto - par exemple - pour laisser passer une maman et son précieux
fardeau, un vieillard, un infirme ; de faire activer la circulation
- sur les places et aux carrefours - dans un sens en l'interrompant
dans l'autre et vice-versa, etc....
Enfin, il est surprenant qu'on n'ait pris encore aucune mesure contre
ces gens qui " font salon dans la rue " (rue d'Isly et devant
le Café Glacier plus particulièrement) : pour les éviter,
le piéton est obligé de descendre sur la chaussée,
s'exposant ainsi à plus d'un danger.
Quant à la vitesse des autos, elle n'est pas suffisamment surveillée
et je sais certains snobs qui n'hésitent pas - pour se faire
admirer - à piquer quelques " pointes " en pleine ville.
Ce n'est pas surtout l'existence de ces pauvres hères, de ces
faibles d'esprit ou de ces parasites démoniaques - à votre
choix - qui m'intéresse, mais bien celle de mes chers concitoyens,
et je demande à la police d'être impitoyable pour ces "
fous du volant ".
En février dernier, par une de ces soirées d'hiver africain
tiède et lumineuse, Henry de Montherlant me déclara franchement
qu'il n'aimait plus Alger. Et me montrant l'immense baie qui somnolait
paisiblement sous les étoiles :
C'est pourtant dommage! soupira-t-il. Je n'essayai pas d'analyser l'état
d'âme de l'auteur des Bestiaires, mais je crus deviner sa pensée
: El-Djezaïr eut pu devenir la ville la plus pittoresque, la plus
romantique du monde... On en a fait une grande capitale européenne
!
Soit. Mais alors qu'on la libère rapidement de cet empirisme
désuet dans lequel elle patauge et qu'on l'organise rationnellement,
comme une vraie métropole !