La question de l'eau à
Alger
En nous décidant à
traiter ici cette question, si importante pour notre ville, nous n'avons
pas l'intention de l'envisager du point de vue technique qui n'est pas
notre affaire.
Il nous suffira de l'examiner en " Français moyen ".
Suivant un truisme malheureusement vrai, l'Algérie ne possède
pas un régime d'eau abondant. Alger ne manque pas à la règle
: elle n'a pas à proximité un beau fleuve ou de grandes
sources faciles à utiliser par simple gravité.
Toutefois, le sous-sol de la région contient des nappes aquifères
intéressantes, mais dont l'exploitation ne peut être assurée
que par des moyens techniques aussi puissants que difficiles à
établir.
Le bassin de l'Harrach se divise en deux parties, l'une actuellement exploitée,
dans les trois nappes aquifères superposées qu'elle renferme;
l'autre, vers Baba-Ali, qui constitue la réserve de l'avenir.
C'est la première que nous avons visitée tout récemment,
et dont nous nous occuperons aujourd'hui.
Le nombre des puits creusés est imposant et, parmi eux, il en est
qui sont taris.
D'autre part, l'émergence n'étant pas suffisante, il a fallu
doter la plupart d'entre eux d'un système de pompage amélioré
par l'adoption d'un " Émulseur ", que l'on voit dans
notre figure n° 1. Ce système envoie dans la masse liquide
un jet d'air comprimé, qui forme avec l'eau une " émulsion
", dont la légèreté assure l'ascension plus
rapide et un bouillonnement consécutif en surface : le débit
du puits est ainsi notablement accru.
Ceci constitue le premier stade.
Il a fallu ensuite collecter les débits divers : c'est à
quoi répondent les hydromètres de Baraki et de l'Harrach,
qui ont en même temps le pouvoir de faciliter la mesure des débits
individuels.
Pour assurer l'évacuation de l'eau extraite du sol, il a été
établi jadis une longue conduite souterraine de 400 mm de diamètre
et aboutissant aux usines de refoulement. C'est le deuxième stade,
en pleine évolution, puisque, actuellement, le Service des eaux
fait établir, dans une tranchée de 3 mètres de profondeur
et sur une longueur de 7.200 mètres, une canalisation de 900 mm
de diamètre, destinée à suppléer à
l'insuffisance de la canalisation de 400 mm dont l'utilisation continuera
d'ailleurs.
Viennent ensuite les usines de refoulement de l'Harrach. L'une est thermique,
l'autre électrique; leur visite en est intéressante au plus
haut point.
A proximité, vient d'être construit un immense bassin-réservoir
de 10.000 mètres cubes, dont notre photo n° 7 montre l'un des
quatre compartiments. C'est le troisième stade.
Enfin, l'eau refoulée par les usines va au bassin de Kouba, qui
contient 2.200 mètres cubes; on y assure la javellisation par un
procédé très simple : un compteur Recorder suit automatiquement
la circulation et l'enregistre et, par les indications précises
qu'il donne, il permet le dosage du liquide javellisant à envoyer
dans la masse.
Après quoi, l'eau passe à travers quatre canalisations dont
le diamètre varie entre 200 et 400 mm et descend en siphon dans
le bassin du Télemlv, dit de distribution. Ce mouvement est assuré
par la différence d'altitude des deux bassins : 115 mètres
à Kouba et 85 au Télemly.
C'est le quatrième stade.
En résumé, toute cette organisation donne journellement
les volumes respectifs ci-après :
Baraki
.4,000 mètre
cubes
Puits privés
.5.800
Domaine de la ville
.8.200
dont le total est de
..18.000 mètre cubes
Il convient de rappeler, en outre, les diverses exploitations complémentaires
utilisées par le Service des eaux :
Ravin-de-la-Femme-Sauvage
...2.500
m3
Sources de l'Aïn - Zboudja à Ben-Aknoun
.800
Source du Palais d'Eté
..400
Source de Monte-Mario, dotée d'une canalisation en tunnel de 1.100
mètres, avec puits d'aération de 100 mètres
.
400
Source de Notre - Dame - d'Afrique,
Pour mémoire dont le total porte à 23.000 mètres
le cube fourni journellement à la ville.
D'autre part, dès que la canalisation de 900 millimètres
sera mise en service, c'est-à-dire dès la fin de l'année
en cours, le débit sera porté à près de 27.000
mètres cubes.
Enfin, lorsqu'aura été été posée la
canalisation de refoulement prévue à 500 mm de diamètre,
comme supplément aux quatre déjà existantes, le débit
journalier atteindra aisément 32.000 mètres cubes par jour.
D'où il résultera qu'à ce moment la ville disposera
de 143 litres d'eau potable par habitant et par jour.
Cette énumération fastidieuse et pourtant nécessaire
est malheureusement bien peu faite pour donner au profane une idée
assez exacte du labeur formidable qui incombe au personnel du Service
des eaux. C'est surtout ce que nous voudrions dégager ici.
Déjà, par nos photographies n" 2, 3 et 4, on peut se
rendre compte de l'importance des travaux en cours. Ajoutons que toute
la région est excessivement malsaine et que le paludisme y règne
en maître despotique.
Passons maintenant à l'anecdote, qui est souvent la meilleure démonstration
de la vérité.
Un jour, le débit baisse dangereusement; la situation est grave.
Il faut aviser, par n'importe quel moyen, le chef du service choisit le
plus sûr ; le puits 18 est tari ; on le réveillera. Un émulseur
est installé au plus vite et... 1.500 mètres cubes sont
gagnés.
La propriété Solari a des puits taris. Sur sollicitation
du Service des eaux, la même opération est pratiquée
: 1.500 mètres cubes surgissent, la crise est évitée.
Comme cela paraît simple ?
Le moment est venu d'opérer les raccordements des diverses conduites
pour utiliser le nouveau bassin-réservoir : il faut aller vite
et le travail sera très dur. Qu'importe ! le personnel se met à
l'uvre, travaille quatre jours et quatre nuits sans désemparer,
et c'est fait.
Le dévouement prodigué par ce personnel dans les conditions
d'hygiène déplorables et cependant impossibles à
éviter est tel que le chef de cet important service estime qu'il
mérite une consécration : par la voie d'une note de service
qui trouve sa place au tableau d'honneur du groupement, il exprime à
tous ses subordonnés ses hautes félicitations.
Un autre jour vient où l'on constate une importante déperdition
dans la distribution,
On cherche sans succès, on découvre enfin que la canalisation
d'eau s'est fendue dans sa génératrice inférieure,
exactement à son passage au-dessus du radier d'un égout.
Évidemment, ce fut une question d'heures pour réparer le
dommage, mais l'alerte fut chaude : elle est symptomatique des émotions
continuelles à la merci desquelles est placé le Service
des eaux.
Et c'est pourquoi nous croyons à notre tour faire acte utile en
exprimant le désir que le public veuille bien, non pas tresser
au personnel du service des couronnes, mais mieux l'aider dans la lutte
qu'il poursuit inlassablement contre les éléments.
Combien d'immeubles à Alger qui accusent une déperdition
continue d'eau, par suite du mauvais fonctionnement des systèmes
de fermeture ? Combien de fontaines publiques qui donnent inconsidérément
un débit ininterrompu, par suite de la maladresse ou de la brutalité
des usagers ?
Tel qui est accessible au respect du pain, professe pour l'eau la plus
sereine indifférence. Pourtant n'est-elle pas aussi précieuse
que le pain ?
Supposons arrêtée cette déperdition ? C'est peut-être
2.000 mètres cubes d'eau qui restent disponibles, d'où facilités
pour le service intéressé et économie pour tous.
Puisse notre modeste intervention donner, dans cet ordre d'idées,
quelques résultats !
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