L'EAU
LA QUESTION DES EAUX A ALGER

LA QUESTION DES EAUX A ALGER

Alger manque d'eau. Voilà une bien triste et bien pénible constatation. Mais ce qui est plus triste et plus pénible encore c'est de songer que, tous les ans, à pareille époque, il faut pousser le même cri d'alarme, c'est de penser que rien n'a été l'ait de vraiment sérieux pour empêcher à jamais le retour d'une telle éventualité.

Dès les premiers feux de l'été, l'eau s'absente. Peut-être pourrions-nous nous écrier comme dans l'Oiseau bleu, de Maeterlinck : " L'eau est indisposée ".

Ce qui est malheureusement trop certain c'est qu'elle abandonne réservoirs et bornes-fontaines, comme si elle obéissait, dès les premières chaleurs, à un mystérieux mot d'ordre.

Ce sont alors des récriminations amères. Seuls les porteurs d'eau se réjouissent, qui, eux, tirent profit de la situation, au grand désespoir d'une population altérée.

On écrit à la presse. La Municipalité essaie de se justifier et répond. Elle répond, ma foi, fort bien. Car si notre bonne ville manque d'eau, les sources de l'Hôtel de Ville ne manquent pas, elles, d'eau bénite...

" Patientez, déclare le chef de nos édiles dans ses subtiles exhortations, patientez... jusqu'à l'année prochaine ! C'est la sécheresse qui est cause de tout le mal. Que voulez-vous, il n'a pas assez plu. Et puis, nous avons eu des accidents, plaignez-nous, nous sommes vraiment bien à plaindre. Il y a aussi l'électricité qui s'est bien mal conduit envers nous. Toutes les forces de la nature nous sont hostiles. Mais soyez bien tranquilles. L'année prochaine, vous serez plus heureux. Vous verrez ça. En attendant, lavez-vous le moins possible, buvez pur votre vin et ménagez l'eau, cette pauvre personne qui n'en peut mais... Quant à nous, nous allons faire appel aux sourciers et aux hydrologues, et évoquer les ombres des aquilèges disparus. "

Et après avoir prononcé quelques formules cabalistiques où l'on surprend, comme aux lèvres des médecins de Molière, de mystérieuses paroles : Baraka ou Baraki, destinées, sans doute, à conjurer les mauvais esprits qui président à la sécheresse et déchaînent les épidémies, la Municipalité, contrite et malheureuse, retourne à ses profonds travaux.

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Afrique du nord illustrée du 31-7-1920 - Transmis par Francis Rambert
mis sur site : avril 2019

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Sur ce site:
HYGIÈNE et PROPRETÉ DE LA VILLE D'ALGER - Echo d'Alger - 1930
L'alimentation d'Alger en eau potable - Echo d'Alger du 11-7-1933 -
Comment Alger est alimentée en précieux liquide





LA QUESTION DES EAUX A ALGER

Alger manque d'eau. Voilà une bien triste et bien pénible constatation. Mais ce qui est plus triste et plus pénible encore c'est de songer que, tous les ans, à pareille époque, il faut pousser le même cri d'alarme, c'est de penser que rien n'a été l'ait de vraiment sérieux pour empêcher à jamais le retour d'une telle éventualité.
Dès les premiers feux de l'été, l'eau s'absente. Peut-être pourrions-nous nous écrier comme dans l'Oiseau bleu, de Maeterlinck : " L'eau est indisposée ".

Ce qui est malheureusement trop certain c'est qu'elle abandonne réservoirs et bornes-fontaines, comme si elle obéissait, dès les premières chaleurs, à un mystérieux mot d'ordre.

Ce sont alors des récriminations amères. Seuls les porteurs d'eau se réjouissent, qui, eux, tirent profit de la situation, au grand désespoir d'une population altérée.
On écrit à la presse. La Municipalité essaie de se justifier et répond. Elle répond, ma foi, fort bien. Car si notre bonne ville manque d'eau, les sources de l'Hôtel de Ville ne manquent pas, elles, d'eau bénite...

" Patientez, déclare le chef de nos édiles dans ses subtiles exhortations, patientez... jusqu'à l'année prochaine ! C'est la sécheresse qui est cause de tout le mal. Que voulez-vous, il n'a pas assez plu. Et puis, nous avons eu des accidents, plaignez-nous, nous sommes vraiment bien à plaindre. Il y a aussi l'électricité qui s'est bien mal conduit envers nous. Toutes les forces de la nature nous sont hostiles. Mais soyez bien tranquilles. L'année prochaine, vous serez plus heureux. Vous verrez ça. En attendant, lavez-vous le moins possible, buvez pur votre vin et ménagez l'eau, cette pauvre personne qui n'en peut mais... Quant à nous, nous allons faire appel aux sourciers et aux hydrologues, et évoquer les ombres des aquilèges disparus. "

Et après avoir prononcé quelques formules cabalistiques où l'on surprend, comme aux lèvres des médecins de Molière, de mystérieuses paroles : Baraka ou Baraki, destinées, sans doute, à conjurer les mauvais esprits qui président à la sécheresse et déchaînent les épidémies, la Municipalité, contrite et malheureuse, retourne à ses profonds travaux.

Ne la dérangeons plus, je vous prie, et confiants dans le pouvoir magique de la baguette de coudrier, relisons, avant de nous mettre nous-mêmes en quête des eaux qui se dérobent, les conseils et les avis de Pline, de Vitruve ou de Palladins.

Mais trêve de plaisanteries. Et n'allons pas pleurer sur les ruines de l'aqueduc romain qui alimentait la vieille Icosium ou sur les citernes de cette nymphée dont, le plan ci-contre du XVIème siècle nous montre l'imposant monument.

Un des hommes qui se sont le plus soucié de cette importante question des eaux à Alger est M. Henri Murat, le distingué ingénieur dont les travaux sont bien connus.
M. Henri Murat, dans une série d'articles, a donné d'après des documents officiels, l'état de l'alimentation d'Alger en eau potable, aux diverses époques de son histoire.
Il a complété par des recherches personnelles tout à fait remarquables les études de ses nombreux prédécesseurs, qui, ingénieurs et hydrologues, se sont occupés de l'alimentation d'Alger en eau potable : les Dessoliers, les Aymard, les Godfernaux et autres dont les projets sont couverts, aujourd'hui, d'une antique et très vénérable poussière...

Il ressort de la lecture de ces longs rapports demeurés inefficaces que la bonne volonté fit moins défaut que ce précieux élément dont, nous en sommes à déplorer aujourd'hui encore les regrettables absences.

Certes, projets et rapports abondent. Ce qui abonde moins, c'est l'eau. On a beaucoup compté sur l'Harrach pour obtenir enfin la solution du problème.

Malheureusement, les divers projets se rattachant à cette combinaison exigent l'emploi de machines élévatoires.

D'autre part, en 1875, déjà, l'Inspecteur général des Mines concluait en ces termes, à ce sujet :
" L'inconvénient le plus grave du projet est que l'on n'est pas sûr d'avoir sur ce point, une quantité suffisante d'eau pour l'alimentation complète d'Alger et de la banlieue. On avait cru à la présence d'une nappe souterraine considérable, s'écoulant par la coupure de l'Harrach. Il résulte des études du Service des Mines que cette nappe n'a qu'une faible importance; il n'est donc pas prouvé que l'on puisse trouver à la seconde 500 à 400 litres d'eau potable aux usines de Maison-Carrée. "
Après maintes expériences, M. Henri Murat, en est arrivé à conclure qu'aux environs du Hamiz, à des points judicieusement choisis, il est facile d'obtenir la quantité d'eau potable nécessaire à l'alimentation de la ville d'Alger.

Les eaux dont il est question se trouvent aux environs immédiats de la rivière le Hamiz, rivière qui a environ 38 kilomètres de longueur jusqu'à son embouchure. Le Hamiz coule du Nord-Ouest au Sud-Est et est alimenté par plusieurs oueds sans grande importance.

" Si, dit M. Mural, nous comptons sa superficie, nous arriverons au chiffre de 192 kilomètres carrés, si nous prenons le chiffre de 0 m 88 d'eau de pluie qui tombe dans ce bassin, chiffre équivalent à celui du bassin de la Mitidja, cela nous donnera le chiffre de cent soixante-huit millions de mètres cubes d'eau annuel pour ce bassin, si nous admettons qu'il n'en arrive dans la plaine où nous avons fait nos travaux, il nous restera le chiffre respectable de quatre-vingt-huit millions de mètres cubes annuels. "
M. Henri Murat, conclut que sur le débit total de deux mètres à la seconde ou de deux cent mille mètres cubes par jour, on pourrait prélever les trente mille mètres cubes nécessaires à l'alimentation de la ville.

La rivière du Hamiz, d'autre part, n'a pas les inconvénients de l'Harrach, trop près du Sahel, et a, par contre, l'avantage de posséder un bassin de sable filtrant d'une superficie de douze kilomètres carrés.

Depuis que ce projet a été déposé par M. Henri Murat, de nouveaux sondages ont été exécutés, notamment en 1916.

Ces sondages ont donné, tout d'abord, d'excellents, - même de surprenants résultats. Cependant personne n'a songé à rechercher d'où venaient les eaux et comment s'opérait leur jaillissement.

Or, ces eaux ne sont que des eaux de surface, alimentées par le bassin de l'Harrach et dont le débit varie inévitablement.

En 1910, à un certain point de son cours, un jaugeage a donné 334 litres à la seconde et pendant une année de sécheresse, au même point, on n'a obtenu que 116 litres, ce qui établit une différence appréciable de 218 litres par seconde.

Dans les nappes ascendantes, les variations se font encore sentir davantage. Enfin, il y a un plus grave danger, c'est le risque de contamination par ces eaux presque superficielles, car elles arrivent à leur point d'infiltration chargées de toutes les impuretés que peuvent entraîner et contenir des eaux de ruissellement.

Que compte-t-on faire pour résoudre enfin un problème posé depuis tant et tant d'années et dont la solution apparaît chaque jour plus impérieuse, plus inévitable ?...
Les épidémies sont fréquentes en Algérie, mais c'est surtout aux premiers brasiers de l'Été que s'allume et s'alimente leur feu dangereux et soudain.

Le typhus plus particulièrement exerce ses ravages dans notre population.

Rien n'est plus nécessaire, plus indispensable que l'eau pour combattre cette redoutable épidémie et enrayer ses terribles effets.

Il est vraiment surprenant et navrant de constater l'indifférence avec laquelle on accueille dans les sphères officielles les doléances de la population.

Des exhortations à la patience ne suffisent plus.

De graves désordres se soin déjà produits.

A Tiaret, les incidents se multiplient journellement autour des minces filets d'eau coulant des fontaines et un service d'ordre a dû être établi à la fontaine du Figuier, la plus abondante de la ville.

A la prison civile, pendant la nuit, les prisonniers réclamaient à boire à grands cris en cognant, violemment contre les portes.

Il fallut tirer de son sommeil le fontainier municipal.

Les propriétaires se sont résolus à faire creuser des puits.

Un tel état de choses est profondément regrettable et ne saurait se prolonger sans provoquer de l'effervescence et une irritation tout à fait légitime.

Enfin, il est difficile d'admettre que seule une certaine partie de la ville soit lésée. Il nous revient, en effet, que jamais on ne s'est plaint à Mustapha du manque d'eau dont souffrent plus particulièrement les quartiers du boulevard Général-Farre, de Bab-el-Oued, ou des tournants Rovigo.

La population d'Alger s'est accrue dans de considérables proportions.

Il n'est, pas compréhensible que l'on s'en tienne aujourd'hui encore aux maigres moyens de fortune qui président à son alimentation en eau potable.

Il y va de sa santé.

La Municipalité, qui a charge d'âmes, ne saurait, je pense l'oublier.