L'article paru dans votre
estimé journal sous le titre " Qu'en pensez- vous " (voir
cet article) pose nettement le problème de la circulation
dans les principales artères de notre cité, question captivante
s'il en est pour tous ceux qui méditent, non sans anxiété,
sur le moyen de palier l'embouteillage qui va bondissant chaque jour vers
l'inévitable étouffement.
Pour qui circule journellement en ville aux heures de pointe, il n'est
certes plus question de savoir qui, de l'automobile ou du tramway est
le plus gênant, chacun empiétant sur le domaine de l'autre,
la première circulant devant l'autre, afin d'éviter le stoppage
aux arrêts, obligeant ainsi l'organe de transport public à
suivre lentement et par saccades la file d'autos.
Ce qu'il importe d'obtenir, c'est précisément d'assurer
à chacun sa voie et d'éviter ainsi toute gêne réciproque.
Que faire ? entendons-nous de toute part, " Métro ? - Chaussées
aériennes? - Autostrades? "
La première solution, le métro souvent cité, n'est
ni en rapport avec le chiffre de la population ni avec la topographie
des lieux qui exigerait des tentacules ascensionnelles trop importantes.
La deuxième que suggère l'initiateur de la question, qui
consiste à édifier un radier supérieur doublant la
chaussée, sorte d'autostrade duquel seraient exclus piétons
et tramways.
Sans vouloir critiquer la solution envisagée, il apparaît
toutefois qu'un tel procédé absorberait une dépense
considérable pour n'assurer somme toute qu'une piste roulante rapide
où les excès de vitesse ne seraient pas exclus, pas plus
que les risques encourus par les piétons cheminant sur les trottoirs.
Il est également à craindre que ce projet soit vivement
combattu par les riverains, commerçants ou occupants des immeubles,
quelque peu privés de bout par la plateforme aérienne coiffant
la chaussée et exposés de jour comme de nuit aux vombrissements
des moteurs accélérés, aux vues plongeantes ainsi
créées, enfin aux accidents multiples.
Une autre solution semble devoir remédier aux inconvénients
signalés, elle apparaît du moins plus pratique dans le sens
de la circulation continue et non accélérée, puisqu'en
somme les trajets circuités dont le développement se poursuit,
sont les seuls qui puissent permettre d'assurer les courants rapides de
la périphérie algéroise vers chacune des extrémités
de la ville.
Les figures ci-contre exhibent le système proposé, lequel
consiste à superposer les deux voies de tramways dont l'une semi-souterraine
tout en demeurant aérée et éclairée, l'autre
aérienne, solution qui offre l'avantage de réduire de 2
m. 50 l'encombrement axial de la chaussée.
A noter que cet encombrement ne prive personne puisque du même coup
il assure un trottoir central continu et abrité aux piétons,
tout en divisant la chaussée en deux circuits à sens unique
pour les véhicules, diminuant ainsi au maximum les risques d'accidents.
Les stations de tramways, situées pour la plupart aux grands carrefours,
peuvent disposer de refuges circulaires proportionnés à
l'intensité du trafic, ainsi que de passages souterrains comme
au carrefour Saint-Saëns, par exemple. Des passages cloutés
peuvent être multipliés.
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La voie courant entre ces
stations, à profil restreint, demeure naturellement inaccessible
aux piétons comme dans le métro, une fermeture par portillons
à tourniquet interdisant tout passage sur la voie avant ou après
le stationnement du tramway.
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L'aération du tunnel
de circulation pour la voie inférieure est assurée d'une
manière presque continue par des grilles lanternées, tandis
que l'éclairage nocturne y peut être largement diffusé
en voie courante comme dans les stations.
La voie supérieure, constituée par un tablier métallique
de dimension réduite s'appuyant sur des potelets tous les 6 mètres
et bordé de chaque côté de lisses tubulaires de sécurité
pour l'entretien de la voie.
La rotation dans les stations est assurée par les chicanes judicieusement
disposées à cet effet, tandis que les cabines de perception
assurent une surveillance continue et par suite favorable à la
circulation et au trafic.
Le réemploi des rails et le maintien des fils conducteurs aériens
sont des facteurs d'économie appréciables.
Pour conclure, le procédé ne paraît devoir nuire à
aucun, l'étroitesse de nos artères ne permettant pas une
réalisation plus radicale et en rapport avec l'évolution
de notre Cité.
Il semble enfin utile de préciser de quelle façon pourrait
s'opérer la réalisation des travaux.
1°/Infrastructure.
- La perforation du tunnel est exécutée complètement
par blindage annulaire, à l'avancement, en procédant par
tronçons et alternativement d'une extrémité vers
l'autre du réseau considéré, celui des T.A. par exemple.
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L'action s'y poursuit de
1 vers 6 en même temps que de 11 vers 6, point de soudure des deux
tronçons.
Durant cette phase, les trams continuent à circuler sur les voies
actuelles.
2°
Superstructure. - Dès l'achèvement du tunnel et des
stations souterraines, les trams peuvent emprunter la voie inférieure,
les croisements étant assurés à chaque station pour
la circulation réglementée dans les deux sens.
Pendant ce même temps, il est procédé à l'exécution
de la voie supérieure dite aérienne, les éléments
métalliques préparés et transportés sur lorrys
par rails permettant un montage rapide et continu.
Ainsi peuvent se réaliser les travaux dans le moindre temps et
sans interruption de la circulation.
L'avis de M. Ferrier Ingénieur
Nous dirons tout d'abord que l'idée de l'édification de
chaussées aériennes n'est pas nouvelle - elle fut lancée,
il y a quelques années par M. Le Corbusier, croyons-nous.
Certes, cette solution faciliterait la circulation des automobiles, surtout
de ceux traversant Alger dans toute sa longueur, mais : qui construira
ces chaussées aériennes ? La ville, nous ne le croyons pas,
pour bien des raisons. Une société qui percevrait un droit
de passage, dans ce cas la perception de ce droit retardera la circulation,
occasionnera même parfois des embouteillages.
Que fait-on des plantations et de l'esthétique de nos principales
et belles artères.
Qui sera responsable des accidents : chûte d'une auto sur le trottoir
latéral, causant la mort de paisibles promeneurs et brisant les
vitrines.
Et surtout qui paiera les fortes indemnités, qu'à juste
raison, ne manqueront pas de réclamer les propriétaires
riverains. Il n'est pas douteux, en effet, que la valeur locative des
premier et deuxième étages, pour le moins, diminuera sensiblement.
Nous pensons que cette solution n'est pas plus rentable que celle d'un
métro et, qu'au surplus, elle causera bien des ennuis et déboires
à la ville, aux commerçants, aux piétons et aux propriétaires
riverains.
Au surplus, il faudra que les travaux soient déclarés d'utilité
publique. Vous voyez d'ici le nombre de dépositions défavorables
reçues par le Commissaire-enquêteur. Enfin, croyez-vous qu'un
Conseil municipal prendra la responsabilité de donner un avis favorable.
Mais revenons au Métro. A notre humble avis, l'exploitation d'un
métro Maison-Carrée-Saint-Eugène avec bretelle sur
le carrefour Galiéni serait rentable à condition que la
dépense d'exploitation ne comprenne pas l'amortissement, en X années,
des frais de construction. Il est certain, par ailleurs, que la Ville
d'Alger ne pourra jamais supporter l'énorme dépense de premier
établissement. Alors ? Eh bien nous disons que cette dépense
devrait être couverte, pour moitié, par la Colonie, pour
un quart par le Département, le dernier quart étant amorti,
dans une proportion à déterminer, par les Communes d'Alger,
de Saint-Eugène, d'Hussein-Dey et de Maison-Carrée. Ce métro,
ne l'oublions pas, servira à tous les habitants du Département,
voire même de l'Algérie. Peut-être pourrait-on reprendre,
sous cet angle, la question de sa construction.
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