Les transports
en commun à Alger
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Le projet de tramway électrique de Bab-el-Oued à Bouzaréa
Vers le milieu des années 1890, dans une ville
en pleine expansion comme Alger, le besoin de moyens de transports
en commun modernes s'imposait. Seul existait alors le réseau à vapeur
à voie étroite (substitué en traction électrique sur la portion
des
Deux-Moulins à
Maison-Carrée en octobre 1898) des C.F.R.A. (Chemins
de fer sur route d'Algérie) établi en 1892 et reliant
Castiglione à Ain-Taya
avec traversée de la ville d'Alger par les boulevards surplombant
le port. Il y eut alors profusion de projets : Tramway à traction
mécanique de l'Hôpital du Dey à la Colonne Voirol (présenté en 1896
par M. Dalaise au nom de la Société Thomson-Houston), précurseur
de la ligne des T.A. (Tramways Algériens) , Tramway électrique d'Alger
à El-Biar par le Boulevard Gambetta (présenté en 1896 par MM . Mollard
et Dulac), Tramway électrique d'Alger à El-Biar par les tournants
Rovigo, avec prolongement jusqu'à Ben-Aknoun (présenté en 1897 par
M. Dalaise) qui servira de base à l'établissement de la ligne des
T.M.S (Tramways et Messageries du Sahel), Tramway à crémaillère
(système Strub) entre l'église anglicane et Saint-Raphaël (présenté
en 1910 par M. Bonessio).
Dans ce but, la commune d'Alger décidait, le 14 janvier 1896, qu'un engagement annuel correspondant à celui de Bouzaréa serait demandé à la Ville d'Alger à titre de garantie éventuelle d'intérêt pour la construction du chemin de fer par Bab-el-Oued et Notre Dame d'Afrique et que le maximum de cet engagement annuel, fixé à 5.000 francs pour Bouzaréa, serait de 15.000 francs pour Alger, et qu'il serait proposé d'ouvrir un concours. Ce concours fut donc ouvert à la fin du mois d'août 1896, par les soins des maires d'Alger et Bouzaréa. Le Conseil municipal de Saint-Eugène décida, le 21 octobre 1896, de rejoindre le Syndicat intercommunal Alger-Bouzaréa pour l'installation et exploitation d'une voie ferrée d'Alger à Bouzaréa, passant par l'Ermitage, accédant à la plateforme de la Basilique de N.-D. d'Afrique, pour parvenir à la Bouzaréa.
Mais imposait comme condition sine qua non les deux arrêts prévus au projet : celui dit « arrêt des cimetières » et celui de la Basilique de N.-D. D'Afrique, ce dernier arrêt étant une station avec gare-abri, et se réservait le droit de demander l'établissement d'un embranchement qui bifurquerait à N.-D. d'Afrique pour desservir la Vallée des Consuls jusqu'au fortin Duperré et au-delà si besoin était.
Le délai accordé aux concurrents pour la présentation de leurs projets et études, en ce qui concernait le tracé, le mode de traction ainsi que les conditions financières et autres de l'exploitation, expirait le 31 août. L'ouverture des dossiers contenant les propositions adressées par divers concurrents, eut lieu le 18 septembre. Il y avait trois propositions émanant, l'une de M. Sartor, l'autre de M. Dalaise et la troisième de MM. Mollard et Dulac, ingénieurs administrateurs de la Cie Fourvières-Ouest Lyonnais, représentés à Alger par M. Sandoz, ingénieur des Arts et Manufactures. Lors de la séance du 23 janvier 1897, la conférence intercommunale avait à examiner le rapport contenant ces propositions et décider des suites à y donner, Proposition n°1 présentée par M. J. Sartor père Construction et exploitation, au moyen de locomotives mixtes, système à crémaillère Riggenbach, du chemin de fer d'Alger à Bouzaréa. La ligne se raccorderait d'une part, au futur chemin de fer électrique de la Colonne Voirol à l'Hôpital du Dey (Faubourg Bab-el-Oued), longerait le chemin de ronde de l'Hôpital du Dey, côté ouest, jusqu'au pied de la colline de Notre-Dame d'Afrique, d'autre part, à la ligne du chemin de fer sur routes par les bords de la mer, d'Alger à Saint-Eugène, au quartier dit « la Consolation », longerait le chemin de ronde de l'Hôpital du Dey, partie nord, jusqu'au pied de la colline de Notre-Dame d'Afrique.
En face de l'angle formé par le mur de clôture de l'Hôpital du Dey, devant la propriété Oualid, la voie ferrée gravirait les pentes de la colline de Notre-Dame d'Afrique à travers les propriétés Oualid et Santelli, desservirait le plateau de la Basilique, contournerait le monastère des Carmélites.
La voie ferrée se développerait sur les flancs de la montagne de la Bouzaréa pour revenir vers Alger en rejoignant le chemin du fort de Sidi-Ben-Nour et le marabout du même nom, au village de la Bouzaréa. Le terminus de ligne serait l'École Normale.
L'étendue de la ligne serait d'environ 7,5 km, y compris les voies d'évitement, et divisée en sept sections, avec stations, gares ou arrêts : station à Bab-el-Oued, station à la Consolation, gare, avec ateliers, au pied de Notre-Dame d'Afrique, arrêt à l'Ermitage, station près de la Basilique, à l'entrée de la Vallée des Consuls, station au marabout de Sidi-Ben-Nour, arrêt à l'Observatoire, station au village de la Bouzaréa, gare près de l'École Normale.
Le devis pour les trois premières sections s'élèverait à 500.000 francs 1ère section du quartier Bab-el-Oued, jusqu'au pied de la colline de Notre-Dame d'Afrique ; 2ème section du quartier de la Consolation, jusqu'au pied de la colline de Notre-Dame d'Afrique; 3ème section du pied de la colline de Notre-Dame d'Afrique, jusqu'à l'entrée de la Vallée des Consuls.
Le matériel roulant compris dans le devis des 3 premières sections, se composerait de 2 locomotives mixtes, 5 wagons à voyageurs, dont 2 de 50 places et 3 de 32 places, avec frein à chaque wagon, 2 wagons de marchandises dont l'un pourrait servir au transport des voitures hippomobiles suspendues avec leur équipage, etc. Pour les sections 4, 5, 6, 7, c'est à dire à partir de la Vallée des Consuls jusqu'à l'École Normale, le soussigné s'engageait à en présenter les études définitives dans un délai de 4 mois avec le complément du matériel roulant. La ligne entière serait exploitée avec quatre trains montants, et quatre trains descendants d'Alger-Bouzaréa, et trois trains montants et trois trains descendants, affectés spécialement au service du quartier de la Vallée des Consuls En ce qui concernait la proposition Sartor, plusieurs membres de la Conférence faisaient remarquer justement qu'elle ne répondait pas au but poursuivi par les communes. La demande de M. Sartor n'avait donc pas été retenue, considérant que le projet n'était accompagné d'aucune étude faite sur le terrain et que sur les sept sections du trajet, trois seulement avaient fait l'objet d'une évaluation approximative alors que la troisième section s'arrêtait à la Vallée des Consuls, c'est-à-dire en un point où les grandes difficultés de la montée à Bouzaréa étaient bien loin d'être vaincues sans que soit donnée la preuve qu'elles pourraient l'être. Proposition n°2 présentée par M. Dalaise Cette proposition modifiait avec avantage le tracé dans le but de desservir le quartier de N.-D. d'Afrique avec un système de traction mixte (comme dans l'étude présentée le 2 mai 1895) qualifié par M. Dalaise de système hydro-électrique sur lequel il refusait de donner des explications plus complètes avant d'avoir été admis en principe comme concessionnaire. Mais il faisait connaître que son nouveau tracé se prolongerait à simple adhérence jusqu'à N.-D. d'Afrique, et qu'à partir d'un point voisin de la Basilique, les grandes déclivités seraient franchies par le moyen d'une crémaillère hydraulique et à contre-poids. Le passage de la voie électrique au funiculaire, soit à la montée, soit à la descente, se ferait d'une manière entièrement automatique et sans aucune manipulation des objets transportés, mais sans indications plus précises sur ce changement de voie. Après avoir examiné cette proposition, il était décidé qu'il ne pourrait être possible de reprendre les négociations avec M. Dalaise que si aucun autre projet n'était présenté renfermant la même adhésion aux conditions du programme, mais plus complet au point de vue du tracé, de l'étude technique, et du système de traction, et plus approfondi sous le rapport de l'exploitation et du trafic. Proposition n°3 présenté par M. Sandoz Le dossier d'avant-projet de tramway à traction électrique étudié comprenait un plan d'ensemble, un profil en long, un plan général du tracé et de ses abords et un mémoire descriptif, donnant les détails sur les conditions d'établissement de la ligne avec un tarif à appliquer aux transports des voyageurs et marchandises. En raison de la demande du Conseil municipal de St-Eugène, sur la possibilité de desservir la Vallée des Consuls, une étude sommaire d'un tracé avait été réalisée dont les pièces étaient jointes au dossier « Variantes passant par la Vallée des Consuls », comportant en annexe un extrait de carte, un plan d'ensemble du tracé paraissant le plus convenable, un profil en long du tracé et une notice explicative.
Le tracé était modifié par rapport au projet primitif du comité local d'études de Bouzaréa car il desservirait directement N.-D. d'Afrique, et non par un embranchement particulier avec une augmentation très faible de 200 mètres du développement total. La tête de ligne serait conservée à l'angle sud de l'hôpital du Dey, au carrefour formé par le chemin de ronde et le chemin vicinal n°2, dit d'Alger aux Consulats, c'est-à-dire à proximité du terminus du tramway Colonne Voirol - Hôpital du Dey.
Après avoir suivi le chemin de ronde de l'hôpital, le tracé longerait la limite de la propriété Oualid en se dirigeant vers le pied du coteau de N.-D. d'Afrique et arriverait sur le plateau de la Basilique au moyen d'un premier plan automoteur dont la pente serait de 26 % sur une distance horizontale de 315 mètres. A partir de ce point, la ligne fonctionnerait à simple adhérence en empruntant la chaussée du chemin vicinal de la Vallée des Consuls jusqu'au point culminant du coteau, devant l'entrée du couvent des Carmélites.
Après une légère inclinaison à gauche, le tracé se situerait sur le haut du talus du chemin jusqu'auprès de la maison de santé du Docteur Rouby, puis, faisant un coude brusque, il se dirigerait sur Sidi-ben-Nour au moyen d'un deuxième plan automoteur dont la pente serait de de 28 % sur un distance horizontale de 490 mètres.
Après un nouveau changement de direction, un troisième plan automoteur dont la pente serait de 15 % s'élèverait jusqu'au niveau de l'Observatoire sur une distance de 300 mètres.
A partir de ce point, la ligne fonctionnerait à simple adhérence jusqu'à l'École Normale, d'abord, en suivant le côté droit du chemin vicinal n°1 jusqu'à l'entrée du village de Bouzaréa, puis l'axe de la chaussée dans la traversée du village ; elle passerait le long de la place pour y former un stationnement et s'engagerait enfin dans le chemin vicinal n° 6, dont elle suivrait l'accotement de droite jusqu'au terminus devant l'École Normale.
Le développement de la ligne serait de 4 kilomètres jusqu'au village de Bouzaréa et de 5 kilomètres jusqu'à l'École Normale. Il serait prévu 7 arrêts : tète de ligne avec stationnement de l'Hôpital du Dey, arrêt des cimetières d'Alger, arrêt de N.-D. d'Afrique, desservant la Vallée des Consuls, arrêt de Sidi-ben-Nour (Mosquée et Marabout), arrêt de l'Observatoire, avec croisement, arrêt de Bouzaréa, arrêt de l'École Normale.
Le projet différait du projet primitif par le système de traction, l'électricité étant substitué à celui de la vapeur. Les voitures circuleraient à simple adhérence sur une longueur de 3.895 mètres c'est-à-dire sur les 4/5 environ du parcours total. Sur les trois sections entre la base du coteau de N.-D. d'Afrique et la basilique, entre la maison de santé du docteur Rouby et Sidi-ben-Nour et entre Sidi-ben-Nour et l'Observatoire, qui forment une longueur totale de 1.105 mètres, le mode de traction employé, était désigné sous le nom de plan automoteur dont le principe consisterait à gravir les fortes rampes en faisant éprouver aux voitures la vitesse d'un câble sans fin, parallèle aux rails, animé d'un mouvement continu sous l'action de l'énergie électrique d'une usine placée à l'une des extrémités de la rampe à franchir. Chaque voiture serait munie en son milieu d'un « gripp » qui, au moment de l'arrivée au point d'accrochage, aurait ses mâchoires ouvertes, et celles-ci viendraient alors enserrer progressivement le câble, les deux mâchoires se rapprocheraient automatiquement et le câble entraînerait alors le véhicule. A l'extrémité de la rampe, le véhicule abandonnerait le câble pour continuer son parcours sur la voie à simple adhérence. Par l'emploi de ce système, les mêmes véhicules pourraient parcourir le trajet total d'une seule traite, les voyageurs n'ayant à subir aucun changement de voiture ni les marchandises aucune manutention.
L'écartement de la voie serait de l,055 m permettant le raccordement soit avec la ligne électrique du tramway Colonne Voirol – Hôpital du Dey, soit avec la ligne des chemins de fer départementaux.
La vitesse maxima des trains serait de 18 kilomètres à l'heure, arrêts compris, soit environ 25 minutes pour le trajet de l'Hôpital du Dey à l'École Normale.
L'exploitation serait assurée par six trains montants et six trains descendants par jour, chaque train pouvant être composé soit d'une seule voiture automobile, soit de cette voiture avec remorque. En outre, il y avait dans ce projet une clause injustifiée et qui fut donc rejetée d'emblée, demandant que la commune de Bouzaréa accorde le monopole de l'exploitation de toutes les carrières de pierre pouvant exister dans les terrains communaux traversés par la ligne.
A la suite de ces présentations, les délégués de la Commission intercommunale décidaient donc, à l'unanimité, de retenir la proposition de MM. Mollard et Dulac et qu'il n'y avait pas lieu et s'arrêter aux propositions de M. Sartor et de M. Dalaise et, le 19 février 1897, décidait que les communes d'Alger, de Bouzaréa et de Saint-Eugène se constitueraient en Syndicat intercommunal qui demanderaient la concession d'une ligne de tramway à traction électrique d'Alger à l'École Normale de Bouzaréa passant par Notre-Dame d'Afrique avec la faculté de rétrocéder cette ligne à MM. Mollard et Dulac.
Mais après plusieurs années pendant lesquelles le concessionnaire n'avait pas commencé les travaux de construction du tramway d'Alger à Bouzaréa, le Gouverneur Général avait proclamé, le 13 avril 1905, la déchéance de M. Sandoz de la concession de la construction et de l'exploitation de la ligne de tramway d'Alger à Bouzaréa par Notre-Dame d'Afrique. Il n'était pas précisé les raisons pour lesquelles le concessionnaire n'avait pas été entrepris ces travaux, mais il est très probable que ce projet était entré en concurrence avec les deux autres projet développés à la même époque, concernant la création des lignes Hôpital du Dey – Colonne Voirol et Place du Gouvernement – El-Biar par les tournants Rovigo dont les tracés desservaient des zones à forte densité de population et donc potentiellement plus rentables, d'autant que MM. Mollard, Dulac et Dalaise avaient été concurremment parties prenantes dans certains de ces projets.
Après cette déchéance de M. Sandoz, le syndicat intercommunal avait donc ouvert le projet à de nouvelles offres et reçu plusieurs propositions qui n'aboutirent pas. A la suite d'un appel adressé au public, le syndicat s'était saisi d'une demande de M. Croisé, propriétaire à Bouzaréa, en vue d'obtenir la retrocession dans les mêmes conditions que M. Sandoz. Le Syndicat intercommunal donnait donc, le 26 octobre 1906, un avis favorable à la rétrocession de la ligne à M. Croisé qui accepterait le cahier des charges et le traité de rétrocession qui avaient été imposés à M. Sandoz. Il était notamment spécifié que les communes syndiquées devaient s'engager, pendant une période de 15 ans à partir de la mise en exploitation de la ligne, à participer à la garantie d'intérêts pour une somme totale de 21.000 francs réparties au prorata soit 15.000 francs pour Alger, 5.000 francs pour Bouzaréa et 1.000 francs pour Saint-Eugène.
L'exécution du projet de tramway électrique d'Alger à Bouzaréa par Notre-Dame d'Afrique n'ayant plus aucune chance d'aboutir, M. Croisé décida de récupérer, en septembre 1905, les terrains qui avaient été réservés en vue de son tracé, réserve qui donnait une forme anormale à la configuration de certaines parcelles ou empêchait leur extension ou leur jonction avec la route existante de Bouzaréa au fort de Sidi Ben Nour.
Finalement, le 22 novembre 1907, la municipalité d'Alger, considérant M. Croisé ne présentait pas de garanties financières suffisantes, décidait de ne pas lui rétrocéder la concession de la ligne, mettant définitivement un point final au projet de ligne de chemin de fer de Bab-el-Oued à Bouzaréa.
Peu de temps après, en janvier 1908, le Maire d'Alger fut saisi d'une proposition de Mme Veuve Gonniaud relative à un projet d'établissement d'une ligne reliant l'avenue de la Bouzaréa à Notre-Dame d'Afrique au moyen d'un tramway et d'un funiculaire. Après que la commission intercommunale eut donné un avis favorable à cette proposition, le Conseil municipal de la Ville d'Alger adoptait les conclusions de ce rapport en décembre 1909.
Mais on n'entendra plus jamais parler de projet de desserte, par tramway électrique, de Bouzaréa par N.-D. d'Afrique. En effet, depuis 1904, le tramway électrique des T.M.S. desservait Châteauneuf par les tournants Rovigo avec correspondance pour Bouzaréa par autobus et, en 1945, les C.F.R.A. avaient crée la ligne Place de la Régence - Bouzaréa, desservie par des trolleybus CS60 Vetra,
Francis Rambert, mai 2013 Sources L'essentiel des informations provient des numéros du Bulletin Municipal Officiel de la Ville d'Alger entre 1897 et 1934 : - Annexe au Bulletin Municipal Officiel
du 20 février 1897 : séance du 29 janvier 1897 - du site Internet " Air de
France, Bouzaréah et environs " : http://rambert.francis.free.fr/environs/bouzareah/bouza_pages/lambert/origine_vceleste.htm
Extraits de l'acte de rétrocession à M. Croisé des terrains réservés en vue du tracé du chemin de fer électrique |