CHAPITRE V
RÉSULTATS FINANCIERS
I. Les économies réalisées
par la voie de 1 m 10
Nous avons vu, ( 2è partie,chapitre I) que l'État concède
la construction et l'exploitation des chemins de fer algériens
à des Compagnies auxquelles il garantit :
1° L'intérêt du capital
de construction à un taux déterminé et qui a varié
de 6 à 4, 85 pour 100 ;
2° Les frais d'exploitation calculés
suivant un barême, qui a varié, comme nous l'avons indiqué,
selon les lignes.
Tant que le montant de ces deux garanties cumulées n'est pas atteint
par la recette, l'État doit, chaque année, payer la différence.
A la vérité, les Compagnies doivent rembourser ces avances
à l'État, dans l'avenir (!), lorsque la recette permettra
de réaliser des bénéfices suffisants. Mais ce n'est
guère là, pour l'État, qu'une fiche de consolation
toute platonique, en Algerie ; puisque c'est à grand'peine si l'on
pourra arriver à ce remboursement sur les grands réseaux
français, où le trafic est cependant tout différent.
Pour obtenir l'ensemble des résultats financiers fournis, soit
par la voie de Ina,45, soit par la voie de 1'11,10, il suffira, dans l'un
et l'autre cas, de cumuler les charges de la construction et celles de
l'exploitation, et d'en comparer le total à la recette correspondante.
La comparaison des pertes et bénéfices fournis par les deux
voies, pour une même recette, donnera la mesure exacte des avantages
financiers de la voie étroite.
Afin de rendre l'appréciation aussi facile que possible, nous avons
calculé, tant pour la voie de 1 m,45 que pour celle de 1 m 10,
tous les résultats correspondants aux diverses recettes brutes,
variant de 5,000 à 21,000 francs par kilomètre, et nous
les avons groupés dans le tableau comparatif (voir le. tableau.
la fin du. mémoire.
La colonne 4 contient les différences kilométriques variant
de 5,000 à 21,000 francs.
Les colonnes 2 à 6 sont relatives à la voie large :
La colonne 2 donne le montant des intérêts annuels et kilométriques
garantis par l'État, sur les dépenses de la construction.
Nous avons vu (tableau de la page 36) qu'établi à voie large,
le réseau algérien de 6,000 kilomètres rassortirait,
en moyenne, à 196,25'0 francs par kilomètre. D'autre part,
on a pu voir (page 18 et suivantes) que l'État avait garanti les
intérêts de ce capital à un taux variant de 6 pour
100 à 4,85 pour 100. Pour rester dans les limites les plus faibles,
nous avons adapté, à tout l'ensemble des dépenses,
le taux le plus bas de 4,85 pour 100. En conséquence, ce sont les
intérêts de 196,250 francs calculés à 4,85
pour 100, soit 9,520 francs, que nous avons porté dans la colonne
2 ;
La colonne 3 contient les frais d'exploitation, garantis pour la voie
large, tels qu'ils ressortent du tableau de la page 54 (colonne 2) ;
Les charges totales garanties par kilomètre, portées dans
la colonne 4, sont naturellement le total des sommes correspondantes des
colonnes 2 et 3 ;
Enfin, la différence de la charge totale (colonne 4), avec la recette
kilométrique (colonne 1), donne la perte (colonne 5) ou le bénéfice
(colonne 6).
Nous avons procédé identiquement de la même façon
pour obtenir les résultats portés dans les colonnes 7, 8,
9, 40 et 11, relatives à la voie de 1m,10.
Et maintenant, pour passer de ces données kilométriques
aux résultats d'ensemble sur un réseau de 6,000 kilomètres,
il suffit de multiplier par 6,000 les pertes et bénéfices
kilométriques, soit de la voie large, soit de la voie étroite.
Enfin, la comparaison des sommes ainsi portées dans les colonnes
12, 13 14 et 15, nous donne les économies annuelles réalisées
par la voie de 1 m 10 (contenues dans la colonne 16), correspondant à
chacune des recettes kilométriques de 5,000 à 21,000 francs
inscrites dans la colonne 1.
Le tableau n° 1, à la fin du mémoire, nous montre, en
ce qui concerne la voie large que :
1° Pour les faibles recettes de 5,000, 6,000
ou 7,000 francs, les pertes kilométriques ( colonne 5) , c'est-à-dire
les insuffisances que l'État paye par an
et par kilomètre, varient entre les chiffres énormes de
10,000 à 12,000 francs, ce qui porte à 60 et 72 millions
( colonne 12), l'annuité à payer par le Trésor pour
un réseau de 6,000 kilomètres;
2° Pour une recette kilométrique de
9,000 francs (celle du réseau algérien en 4 880 voir tableau,
page 17), la perte par kilomètre est de 8,100 francs, ce qui porte
à 48 millions l'annuité à verser par le Trésor
;
3° Pour une recette moyenne de 12,000 francs,
les insuffisances seraient de 33 millions à payer chaque année
;
4° Pour une recette moyenne de 15,000 francs,
l'annuité à verser par le Trésor serait encore d'environ
19 millions ;
5° Pour une recette moyenne, sur tout l'ensemble
du réseau, atteignant 18,000 francs, c'est-à-dire le double
de la recette du réseau algérien en 1880, et le double aussi
de la recette du réseau des chemins de fer de l'État, en
France (voir page 18), le Trésor aura encore à payer annuellement
8 millions d'insuffisance ;
6° Ce n'est, enfin, que lorsque la recette
dépassera 20,000 francs par kilomètre sur tout l'ensemble,
que l'État n'aura plus à payer ; mais il ne pourra certes
pas espérer grand remboursement avant que la recette atteigne au
moins 25,000 francs à 30,000 francs de moyenne générale.
Ainsi, le réseau à voie large, tel qu'on le poursuit actuellement
(La charge actuelle de l'État pour les lignes
déjà concédées, sont bien plus lourdes, toutes
proportions gardées, puisque nous n'avons calculé la garantie
du capital qu'à 4 fr. 85 c., tandis que plusieurs lignes ont une
garantie de 6 pour 100 ) devrait absolument fournir, à
bref délai, une recette moyenne de 20,000 francs sur tout l'ensemble,
sous peine d'être une charge vraiment effrayante.
On peut voir sur le tableau, pour chaque recette, combien sont importantes
les économies réalisées par la voie étroite,
sans qu'il soit utile d'insister davantage.
En résumé, les pertes énormes de la voie de 1m,45
ne prennent fin que lorsque la recette dépasse 20,000 francs, et
la grande ligne d'Alger à Oran ne fait pas 13,000 francs par kilomètre
(voir
tableau), tandis que celles de la voie
de 1m,10, beaucoup moindres dès les premières années,
s'éteignent avec une recette de 14,000 francs ; et, sur un réseau
de 6,000 kilomètres, la voie de 1m,10 économise à
l'État une annuité, supérieure à 27 millions
pour toute recette inférieure à 8,500 francs, économie
annuelle qui ne s'abaisse jamais au-dessous de 21 à 22 millions,
quel que soit le chiffre de la recette, même pour les plus gros
trafics ; - et nous avons vu (observation importante, p. 54) que dans
bien des cas la voie étroite permettra de réaliser, sur
la voie large, des économies bien autrement importantes encore.
L'abaissement des tarifs et l'augmentation de la vitesse.
1° Tarifs.
- Nous venons de voir que les recettes équilibrent les charges
totales garanties, lorsqu'elles atteignent pour l'ensemble du réseau
une moyenne kilométrique de :
---1° 14,500 francs sur la voie de 1 m,10 ;
--- 2° 20,000 francs sur la voie de 1m,45.
La voie étroite permet donc, sans léser aucun intérêt
ni rompre l'équilibre financier du réseau, c'est-à-dire
sans compromettre son extension graduelle, de donner à l'Algérie
tous les avantages que procure un abaissement sérieux des tarifs,
lorsque la recette atteindra 14,500 francs par kilomètre ; tandis
que la voie de Im,45 ne permettra de le faire, dans les mêmes conditions,
que lorsque la recette moyenne dépassera 20,000 francs.
Si l'on se rappelle maintenant (voir page 47), d'une part, qu'en 1880,
la recette moyenne du réseau n'atteignait que 9,400 francs ; et
si, d'autre part, on se reporte à l'examen du trafic probable contenu
pages 75 et suivantes, on sera frappé de l'immense supériorité
d'un réseau à voie étroite, pour favoriser le développement
de notre grande colonie.
2° Vitesse
des trains. -
Nous avons vu précédemment, d'une part, (voir
tableau), que la vitesse moyenne des trains (arrêts compris),
ne dépassait pas, sur le réseau algérien à
voie large de Im,45, 23, 8 km/h à l'heure en 1880, et que le train
marchant le plus vite (ligne d'Alger à Oran), ne dépassait
pas 30 kilomètres à l'heure ; d'autre part,(chapitre
"exploitation"), que la voie de 1m,10 pouvait, tout
aussi bien que la voie de 1m,45, fournir une vitesse de 35 à 40
kilomètres; mais que la différente
entre la vitesse possible et la vitesse pratique, est impérieusement
commandée par les exigences du côté commercial et
financier de la question.
Or, toutes les dépenses d'un réseau à voie de 1 m
,10 étant couvertes par une recette kilométrique moyenne
de 14,500 francs, du jour où ce produit sera atteint, on pourra
faire des trains spéciaux pour les voyageurs, trains directs même
pour les grandes distances, qui pourront se rapprocher de plus en plus
et suivant les lignes de la vitesse possible de 35 à 40 kilomètres.
Tandis qu'on ne pourrait le faire, avec la voie de 1m 45 avant d'avoir
atteint la recette moyenne de 20,000 francs par kilomètre, qui
semble plus que problématique comme moyenne générale
sur tout l'ensemble du réseau, ainsi que nous allons le voir ci-après
dans l'examen du trafic probable, , chapitre suivant..
|