Les
voies ferrées de pénétration sahariennes
hors Algérie
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Eléments de bibliographie.
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vers 2ème partie : les pénétrantes de Djelfa,Touggourt, et djebel Onk. soit 266 ko | vers 4è partie: le transsaharien. |
I/ La pénétrante du Djerid: Sfax-Gafsa-Tozeur A/ Les étapes de la construction
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de l'axe principal Sfax-Tozeur Le prolongement saharien de Gafsa à Nefta avait
été souhaité par les autorités militaires
françaises pour mieux surveiller les habitants des oasis si proches
de la frontière algérienne. En fait la voie ne dépassa
pas l'oasis de Tozeur, riche en palmiers Deglet Nour dont les dattes
sont exportables en Europe, même si les Anglais préféraient
les dattes d'Irak, alors premier producteur mondial de ce fruit. ·
des embranchements Le tracé de 9km vers Moularès
n'a exigé que deux ponts métalliques sur les oueds Zellès
et Tabeditt. La compagnie de Mdilla ouvre sa voie en 1913.
B/
Description de la ligne
La voie redescend alors vers Gafsa par une rampe plus douce, 10mm, que les trains doivent gravir chargés. La voie passe au sud de la vieille ville et de la palmeraie de Gafsa ; elle traverse l'oued Baïech, au lit démesuré et presque toujours à sec.
Les paysages les plus pittoresques sont ceux de l'embranchement
minier de Métlaoui à Redeyef. La voie suit les gorges
de Seldja dominées par des escarpements calcaires verticaux vraiment
spectaculaires. Là où les transports routiers ont maintenant
pris le dessus, le paysage revêt des allures de Far-West avec
des petites gares qui attendent des trains de voyageurs qui ne s'arrêtent
presque plus.
C/
L'exploitation : trafics et rôles Les gisements ont des couches épaisses de 0,5
à 5 mètres, avec une bonne teneur en phosphate tricalcique
(60 à 70%). Ils se trouvent en bordure de dômes crétacés.
La Tunisie leur doit d'avoir été le premier producteur
mondial de phosphate vers 1925/1930. En années pleines les "
trains-cargos " transportaient alors entre 2 et 2,5 millions de
tonnes. Ces convois interminables de 80 wagons chargés de 18
tonnes chacun, transportaient 1500 tonnes ; à comparer avec les
150 tonnes du Blida-Djelfa, ou les15 000 du train de Mauritanie. Pour
grimper la rampe de 10mm, à la sortie de Gafsa, on rajoutait
en queue de train une locomotive de renfort. Ailleurs la locomotive
de tête suffisait. Il est sûr que les administrateurs ont toujours privilégié le tonnage, et non la vitesse. Néanmoins la naissance, entre les deux guerres, d'un flux de touristes attirés par cet exotisme d'accès facile, plus près de la côte que les oasis d'Algérie notamment, a poussé à l'amélioration des performances du service voyageurs. Comme en Algérie les trains de voyageurs ont été remplacés par des autorails deux fois plus rapides. En été 1939 la société avait acheté 4 autorails Brissonneau & Lotz. Mais ils ne sont entrés en service qu'en 1946 ! La guerre les avait bloqués à Creil ; et en 1945, sur le bateau qui les transportait en Tunisie ils ont été endommagés, sur le pont du navire, par une tempête d'une exceptionnelle violence. Lors des essais, en 1946, l'un de ces autorails avait atteint la vitesse, record pour ce type de voie, de 132km/h.
Après 1950 toutes les locomotives à vapeur furent remplacées par des Diesel Alsthom appelées " BB Gafsa " avant de devenir, plus anonymement BB de type Standard. Quelle situation en 2006 ?
II/ La pénétrante du Maroc oriental:Oujda, Bou Arfa - A/
Les étapes de la construction D'Oujda à Bou Arfa, il y a 305km, mais la CMO n'eut à poser que 289km de rails car sa voie se branche sur celle de Fès à Beni Oukil, à 16km à l'ouest d'Oujda. Restait à trouver un port d'exportation commode. On avait au début pensé à Port-Say, où un Français, le lieutenant de vaisseau Say avait fait construire à ses frais deux petites jetées à l'est de l'embouchure de la Moulouya entre 1900 et 1906. Mais le projet de transformer ce tout petit port de pêche en port en eaux profondes fut abandonné, d'autant plus volontiers que ce port s'ensablait. En 1930 il était complètement ensablé. Jusqu'en 1934 le seul port utilisable fut Oran. En 1934 la liaison à voie normale avec les ports marocains de l'Atlantique est enfin achevée ; mais ces ports sont vraiment trop éloignés. La bonne solution n'intervint qu'en mars 1936, quand fut ouverte la voie ferrée vers le port algérien de Nemours (Ghazaouet). Elle supposait une bonne entente entre les deux pays ; ce qui allait de soi dans le cadre de l'Empire français, mais pas dans celui des relations entre deux états souverains dotés de régimes politiques opposés. A cette voie principale il faut ajouter deux embranchements qui desservent les carreaux de deux gisements : celui d'anthracite de Djerada, où le chemin de fer double un téléphérique de 22km qui arrivait à la gare de Guenfouda, et celui de manganèse de Bou Arfa plus au sud.
Le 20 mai 1837, Bugeaud alors commandant des troupes
de l' Oranie, signe la calamiteuse Convention (on dit aussi le traité)
de la Tafna par laquelle il augmente beaucoup les pouvoirs d'Abd el
Kader, y compris le pouvoir de nous nuire.
La ligne des CMO continue encore 67km vers le sud, puis contourne le djebel Bou Arfa. Mais un court embranchement de 5km dessert le carreau des mines.
Au sud de Bou Arfa on entre dans le désert. La photo satellitaire le montre bien. Les lignes noires soulignent le tracé des pistes, et les pointillés rouges le tracé de la voie ferrée. Au sud de Bou Arfa la voie ferrée est maintenant
abandonnée. Elle n'était d'ailleurs pas la continuation
de la pénétrante marocaine, mais le début du chemin
de fer transsaharien qui ne fut jamais terminé, mais qui atteignit
tout de même Colomb-Béchar en Algérie.
Les locomotives à vapeur des années 1930 sont remplacées par des Diesel Baldwin américaines. En effet les accords d'Algésiras de 1906, signés par 13 pays dont les EU avaient décidé l'internationalisation économique du Maroc. Même après l'établissement de son protectorat la France ne pouvait protéger ses intérêts par des droits de douane. Les services voyageurs ont toujours une place très marginale. Ils étaient assurés, dans les années 1940 par des autorails De Dietrich. En 1941 il y avait un service de bout en bout, hebdomadaire ! Quelle situation en 2006 ? III/ La pénétrante mauritanienne : Port-Étienne - Fort Gouraud A/
Les étapes de la construction On attendit ainsi jusqu'en 1952. Cette année là, 7 ans après la fin de la guerre, un groupe franco-anglo-canadien crée la Miferma (Société des mines de fer de Mauritanie). Les Français y détiennent 51% du capital et pilotent ce projet concernant une de leurs colonies d'AOF. Le passage à travers le Sahara espagnol étant encore moins envisageable qu'avant l'arrivée de Franco au pouvoir, il va falloir contourner. Il n'est pas inutile de savoir que la Miferma a été nationalisée en 1974, puis transformée en société d'économie mixte ouverte aux capitaux privés en 1978. Son nouveau sigle est celui de SNIM (Société Nationale Industrielle et Minière). La décision de construire la voie est prise le
21 mars 1960. Les travaux commencent le premier avril dans une Mauritanie
devenue République autonome de la Communauté franco-africaine.
Quand la pose est achevée en mars 1963 la Mauritanie est alors
une République Islamique indépendante. La construction de ces 650km de voies posées en plein désert a été très rapide, grâce à l'expérience acquise avec les études préparatoires et avec la pose des 91 premiers kilomètres du Transsaharien, au début des années 1940. Les ingénieurs avaient inventorié trois difficultés : la falaise de Choum, juste à l'angle droit de la frontière, des dunes fixes et une zone de barkhanes (petites dunes en croissant) très mobiles, au nord de Port Etienne (aujourd'hui Nouâdhibou).
En réalité le risque d'ensablement a
été réduit, mais pas supprimé. La voie est
dans la zone de l'alizé du nord-est qui pousse le sable 12 mois
sur 12. Il n'y a qu'un seul véritable ouvrage d'art : le tunnel
de 1893m percé sous la falaise de Choum et rendu nécessaire
par l'impossibilité d'écorner légèrement
le territoire espagnol. Des centres d'entretien légers sont disposés
tous les 150km. Leur personnel comportant 60 personnes, de véritables
villages se sont édifiés autour de chacun d'eux, dans
cette région très peu peuplée et de tradition nomade.
A Port Etienne (Nouâdhibou) le port minéralier en eau profonde
de Cansado a été creusé à l'abri de la longue
langue de terre du Râs Nouâdhibou (ex Cap Blanc). Les bateaux
peuvent être chargés quel que soit l'état de la
mer. Il y eut peu d'obstacles à surmonter lors de la construction ; mais il en reste un qui gêne en permanence l'exploitation : c'est l'ensablement. Bien sûr il y a d'abord le risque d'ensablement des rails. La parade est le " wagon-soc ", une sorte de chasse-sable poussé par une locomotive à 15 km/h. C'est efficace, mais à refaire après chaque vent de sable. D'autre part le sable projeté par le vent, même faible, érode les rails. Une parade temporaire consiste à permuter les deux rails gauche et droit qui, vu la régularité de l'alizé, ne sont usés que d'un seul côté. Cette opération ne peut être tenté qu'une fois : ensuite il faut changer les deux rails. La lutte contre le sable est, paraît-il, la préoccupation la plus constante et la plus absorbante du Service de la voie. C'est un travail de Pénélope, ou de Sisyphe, jamais terminé et toujours à reprendre.
Le trafic minier est un trafic lourd. Le tout premier
train commercial, celui du 19 avril 1963, comportait 135 wagons de minerai
(10 000 tonnes de minerai pour 14 000 tonnes de poids total), était
long de 1750m et était remorqué par une " triplette
" de trois locomotives associées. Le parcours dura 17 heures
à 38km/h de moyenne. La gestion de la ligne avait prévu
deux trains quotidiens pour une capacité annuelle totale de 6
millions de tonnes.
Aux trains minéraliers sont accrochés, dès le premier jour, d'autres wagons ; des citernes, et des wagons plats, mais pas de voiture pour voyageurs. Au contraire des wagons tombereaux, les wagons citernes descendent vides et remontent pleins, soit d'eau potable pour les gens , soit de produits pétroliers pour les machines. Sur les wagons plats on peut placer un peu de tout, nomades et animaux compris. Pour ces derniers il y a des clients et des resquilleurs , dans les deux sens . Très vite des voyageurs clandestins ont trouvé
place dans ou sur les wagons tombereaux ; ils y sont tolérés,
ainsi que leurs bagages. Cette voie minière typiquement coloniale par son inspiration, entre un gisement et un port, assure sinon le bonheur des Mauritaniens, du moins l'essentiel des ressources en devises de la République Islamique née durant la période des travaux. Elle a débloqué la " Montagne de Fer " de la Kédia (plateau) d'Idjil et fournit certaines années jusqu'à 85% des devises entrées au pays. Cet apport considérable a permis à ses dirigeants de quitter la zone franc en 1973, et même l'UEMOA ( Union Economique et Monétaire de l'Afrique de l'Ouest), pour gérer seuls leur matelas de devises. Sa nouvelle monnaie, l'Ouguiya, n'avait plus besoin de la caution de la France. La mine de fer et le chemin de fer associé ont fourni, à ce pays peuplé de moins de 3 millions d'habitants, ses revenus les plus importants. Cette voie est aussi un fournisseur d'emplois, et notamment d'emplois qualifiés ; Son rôle d'agence de formation professionnelle destinée à des gens ne parlant que le Hassania et quelques mots d'arabe parfois, est l'une de ses réussites . Dès 1973 certains trains ne circulaient qu'avec du personnel mauritanien. C'est aussi une infrastructure fragile, voire un enjeu stratégique, en période troublée, comme de 1976 à 1978. Elle a été menacée par le Polisario après que la Mauritanie eut annexé le Tiris (partie sud de l'ex Sahara espagnol) avec Dakhla (ex Villa Cisneros). En 1976 le Polisario attaque Zouérat. En 1976 et 1977 il prend en otages des employés français (libérés en fin d'année). En 1978 il sabote la voie en mars et en juillet Moktar Ould Daddah est renversé par un coup d' Etat. Son successeur s'entend avec le Polisario et abandonne le Tiris (qui est alors pris par le Maroc).Le trafic peut reprendre normalement après de longues périodes de suspension. Cette voie s'est enfin révélée comme un " vecteur de vie "en ravitaillant en eau la ville de Zouérat née en plein désert., et tous les villages apparus sur le trajet. Cet indéniable succès prouve la faisabilité technique du Transsaharien. Mais il ne prouve absolument pas que son exploitation eût été rentable, ni même durable. Ce projet était adapté au cadre de l'Empire français. La balkanisation de l'Afrique qui a accompagné la décolonisation des années 1954-1962 l'aurait fait disparaître aussi vite qu'il a tué la portion du Méditerranée-Niger posée entre Bou Arfa et Abadla dans les années 1940.
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